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jose luis jerez riesco

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

     

    V. Les lacunes historiques d’Anne…

     

     

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    Léon Degrelle a tout fait pour retrouver ses enfants, pas seulement matériellement en les accueillant en Espagne où ils firent leur vie, sauf Léon-Marie victime d’un accident mortel après quelques mois et Chantal qui était déjà mariée en France, mais affectueusement surtout. De la part d’Anne, cette affection fut-elle réciproque, spontanée et sincère ? Oui, nous affirme-t-elle avec assurance. Et nous n’avons aucune raison de ne pas la croire. Mais l’édition de cette « espèce de journal à destination de mes enfants et de mes petits-enfants » (p. 169) est-elle bien sans arrière-pensée ? Ses enfants pourraient-ils vraiment y trouver un portrait authentique de « Degrelle, L’homme qui changea [le] destin » de leur mère et grand-mère ?

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgDepuis que nous avons commencé la présentation du livre de mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, nous n’avons pu que souligner la carence et le biaisement continuels de l’information (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

    Destiné surtout –affirme l’auteur– à mieux faire connaître à sa famille la vie, la pensée, l’idéal de leur grand-père et arrière-grand-père (« Je leur ai tant parlé de leur aïeul qu’ils veulent maintenant en savoir davantage », p. 165), ce livre ne pouvait passer sous silence la première moitié de la vie de Léon Degrelle. Encore qu’il ne dise pratiquement rien de l’enfance, des années d’université (un mot sur le journal L’Avant-Garde, un autre sur Mgr Picard et les Cristeros mexicains, p. 87)… Sur Rex, rien non plus, à part l’intérêt pour la politique sociale nationale-socialiste (p. 109, sans expliquer qu’en évoquant le régime hitlérien, la presse rexiste ne faisait alors que remplir sa mission d’information ni que le Führer y fut éreinté, pratiquement jusqu’à la capitulation de la Belgique) ou la politique de neutralité, « une clairvoyance [de la part de Léon Degrelle, qu’Anne estime] semblable à celle de Charles Maurras, un de ses grands amis »… que son père n’a –malheureusement– jamais rencontré ! (p. 110).

     

    Même si elle a la Belgique en horreur (« Je dois reconnaître que le coup de foudre n’était pas seulement pour [mon père], mais pour l’Espagne que j’aimais déjà autant sinon plus que la France et surtout que la Belgique que je haïssais depuis tant d’années pour tout le mal qu’elle fit à ma famille », p. 73), Anne se devait d’en expliquer l’originalité à ses enfants pour qu’ils comprennent mieux l’action de leur grand-père aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure de Rex que pour le recrutement des Légionnaires du Front de l’Est. Mais là aussi, on nage dans l’imprécision et l’ignorance : « Nous savons que la Belgique se divise en deux régions, la Wallonie et la Flandre. Des cultures différentes, des langues différentes, des spécificités différentes. En Wallonie, on parle français, en Flandre le flamand, le néerlandais ainsi que l’allemand. » (p. 133). Outre que le flamand, sauf à le considérer comme un patois, est la même langue que le néerlandais effectivement parlé en Flandre, l’allemand n’est, quant à lui, parlé que dans les cantons de l’est, à la frontière allemande, c’est-à-dire enclavés en Wallonie.

     

    Anne semble également ignorer les origines françaises de son papa (une fois, p. 23, elle le présentera pourtant comme « belgo-français » : voir plus loin). Toujours est-il que, dans un texte écrit en 1949 expressément pour ses jeunes enfants dont il était séparé depuis plus d’un lustre (l’aînée, Chantal, avait quinze ans ; Anne, treize ; Godelieve, onze ; Léon-Marie, dix et Marie-Christine, cinq) et qu’Anne doit nécessairement connaître, son père ne manque pas de détailler : « Edouard Degrelle [le grand-père d’Anne] était né à Solre-le-Château, ville française, puisque l’Ardenne est coupée par la frontière belgo-française, ligne arbitraire, souvent modifiée, région pleine de simplicité et de noblesse. Elle était originaire de Gonrieux et pendant deux cents ans, avait porté le nom de cette terre. Les le Grêle de Gonrieux avaient cette devise qui fait croire qu’ils n’étaient pas costauds, mais qu’ils étaient bien décidés à vivre : Grêle est, mais croîtra ! Les Degrelle de Solre-le-Château habitaient depuis plusieurs générations une grande maison à pignons, blanche et vaste. Deux cent quatre-vingt huit Degrelle y étaient nés. Les familles étaient nombreuses, un Livre de Raison remontant à 1589 en fait foi ». (Léon Degrelle, Mon Combat, s.l., s.d., p. 20). Usmard Legros, le premier biographe de Léon Degrelle précise que 1589 est en fait l’année de naissance, à Sains-du-Nord (Avesnois), du « plus lointain ancêtre connu, Martin de Grelle » (Un homme… un chef. Léon Degrelle, 1937, p. 24).

    Degrelle Solre-le-Château.jpgMonument funéraire de la famille Degrelle dans le cimetière de Solre-le-Château (nord de la France). Cette concession à perpétuité fut élevée par Constantin-Joseph Degrelle (1784-1869), l’arrière-grand-père de Léon.

    « Mon père était d’origine wallonne. Il était né dans un beau village des Ardennes appelé Bouillon. Sa langue maternelle était le français. Et les zones aux nombreux conflits sociaux, régions minières et industrielles, étaient en terre flamande. » (p. 100) Sauf que les zones industrielles minières –à part un site dans le Limbourg flamand– se trouvent toutes en région wallonne, dans les provinces de Liège et du Hainaut, fiefs de la gauche socialiste et communiste avant de devenir terreau rexiste (c’est pourquoi l’hommage à la Légion Wallonie célébrant le succès de la percée de Tcherkassy, le 1er avril 1944, débuta à Charleroi : ce blog au 7 mars 2022).

     

    Quand Anne se mêle de l’histoire politique de son père, ce n’est pas mieux, incapable, par exemple, de situer correctement les relations de la famille Lemay avec son père :

    « Toute la famille de ma mère, à cette première époque de sa vie politique, le soutenait inconditionnellement. Elle partageait avec des milliers de personnes (âgées et jeunes, aisées ou pauvres) cette foi en un homme honnête décidé à lutter pour leurs droits. […] Mon père, un homme de principes et catholique jusqu’à la moelle, amoureux de sa Belgique natale, vit en Hitler un créateur d’hommes, un chef qui avait sorti son pays aux millions de chômeurs de la misère économique et lui avait rendu l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier “Heil Hitler”. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (p. 18).

    Sans doute parce que sa famille maternelle lui aura répété mille fois cette histoire, Anne Degrelle-Lemay se crut autorisée à revenir plus précisément sur les circonstances de la rupture de sa famille maternelle avec Léon Degrelle, les rendant du coup encore plus invraisemblables.

    C’est ainsi qu’Anne situe cette rupture des Lemay avec son père à l’époque des retentissants « Six Jours de Rex » : ils furent organisés du 19 au 24 janvier 1937 au Palais des Sports de Bruxelles et accueillaient chaque jour quelque quinze mille personnes payant chacune au moins 5 francs pour écouter Léon Degrelle :

    « Mais ce que mon père ne m’a pas dit alors et que je n’ai appris que bien des années plus tard de la bouche de ma grand-mère maternelle, c’est qu’à la fin du sixième jour, il commenta le succès de la politique hitlérienne en faisant de son chef un exemple à suivre et en exprimant ouvertement son admiration naissante pour lui. Il termina le meeting par un “Heil Hitler !” qui déclencha une polémique sauvage dans le monde politique –mais aussi citoyen– de l’époque. Mon grand-père maternel et toute la famille Lemay, jusqu’alors admirateurs de son combat aux racines profondément chrétiennes, commencèrent à l’écouter avec un certain scepticisme. » (p. 92).

     

    Pays réel 1937.01.21.JPG

    Reportage du Pays réel, le 21 janvier 1937.

     

    Plus loin, Anne confirmera les limites strictement patriotiques du soutien des Lemay, qui furent alors inexorablement atteintes (mais il ne s’agit plus du meeting « du sixième jour », c’est même le tout premier) : « C’est au cours du premier meeting qu’il commença à commenter les résultats de ce chef de l’Etat allemand. Déjà, il ne dissimulait pas son affinité avec lui aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure que son aversion naissante qui finirait rapidement par devenir le but principal de son combat : Staline et son communisme. A partir du moment où il commença à adhérer tacitement [sic !] aux projets d’une future lutte européenne contre l’URSS emmenée par l’armée allemande –qui avait envahi son propre pays–, ses meetings se limitèrent à faire du recrutement. Dans la famille Lemay –celle de ma mère– cela provoqua un rejet total et certainement aussi dans de nombreuses autres familles qui ne pouvaient même pas imaginer laisser leurs fils aller se battre coude à coude avec l’envahisseur de leur pays, aussi noble que soit le but commun. » (p. 142).

    Tout le monde sait que le discours de Léon Degrelle se terminant par la profession de foi en l’avenir national-socialiste de l’Europe nouvelle fut prononcé le 5 janvier 1941 et non en 1937 à l’occasion des « Six Jours de Rex » : les différents thèmes traités dans les cinq discours prévus à cette occasion (le samedi était réservé à un « gala artistique ») ne pouvaient en aucun cas se clore (ni commencer !) par le salut à celui qui, à ce moment, était occupé à redresser l’Allemagne :

    - Les scandales et la révolte des citoyens
    - Rex reconstruira l’Etat
    - Justice sociale – Paix flamande
    - La jeunesse – Les valeurs morales – L’Eglise
    - Au-delà des partis : la Patrie !

     

    Pays réel 1937.01.25.JPG

    Reportage du Pays réel, le 25 janvier 1937. La photo montre Léon Degrelle et son épouse Marie-Paule, née Lemay, assistant au gala artistique de Rex, le samedi 23 janvier, organisé dans la salle de concert de la Société royale de la Grande Harmonie, peu avant sa démolition laissant place à l’actuelle place de l’Albertine, face aux bâtiments de la nouvelle Bibliothèque Royale.

     

    Si donc, après-guerre, Belle-Maman Lemay a raconté à Anne que c’est dès 1937 que son mari et sa famille prirent leurs distances avec Léon Degrelle à cause de sa proximité soudainement affichée avec l’horrible Hitler, ce ne peut s’expliquer que par leur volonté de se montrer, après-guerre et par grégarisme opportuniste, le plus antihitlérien possible.

    C’est ainsi qu’Anne rapporte la rupture des Lemay en assénant les contresens les plus invraisemblables à propos des raisons de l’engagement de son père aux côtés de l’Allemagne nationale-socialiste : « Mon père […] vit en Hitler […] un chef qui avait […] rendu à son pays l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier Heil Hitler. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (pp.17-18) Comme si Léon Degrelle avait non seulement accepté, mais cautionné à l’avance l’invasion de son pays par le Troisième Reich !

    Plus loin, Anne enfonce encore ce clou inepte pour souligner l'entêtement coupable de son père : « Je crois sincèrement qu’à cette époque déjà [août 1944], ma mère ne partageait plus les idéaux de son mari belgo-français qui combattait aux ordres d’un chef dont le seul but était de se rendre maître de l’Europe. » (p. 23).

    Anne ne peut pourtant pas ignorer les explications fournies par son père dans le document écrit en 1949 dont nous venons de parler. On y lit : « La Collaboration signifiait pour Léon Degrelle l’épanouissement de son pays dans une Europe unie et réconciliée. Il se ralliait à une politique de collaboration européenne non pas par sympathie pour l’homme Hitler et parce qu’il était allemand, mais dans la mesure où il était devenu européen et où il synchronisait toute la symphonie européenne pour en faire un chant plein de grandeur et d’harmonie. » (Mon Combat, p. 209). Prouvant qu’il ne s’agit pas d’explications a posteriori, il cite également quelques écrits de l’époque, publiés dans Le Pays réel, entre autres, celui-ci : « La rupture des carcans européens, l’organisation de l’Europe en une entité cohérente, va ramener le vieux Leo Belgicus à ses destinées nationales. Dans l’Europe d’Hitler, nous allons être une incomparable jetée de l’Europe centrale vers la mer du Nord et les Océans ; un confluent fabuleux des richesses du Continent et des autres mondes. » (Le Pays réel, 20 avril 1941).



    Pays réel 1941 08 09.pngEst-ce involontairement qu’Anne se fait tout de même l’écho des véritables raisons de l’engagement des milliers de Belges qui prêtèrent un serment de fidélité à Adolf Hitler dans la guerre contre le bolchevisme ? « J’ai expliqué les raisons pour lesquelles ils partirent pour le front de l’est : avant tout, pour recouvrer des droits pour leur pays, pour le représenter avec honneur et, en définitive, pour lutter pour l’Europe. » (p. 142).

    Mais les Lemay constituant désormais sa famille de prédilection, elle est bien obligée de leur donner raison en approuvant leur condamnation anticipative (et patriotique !) de la participation des rexistes et autres partisans de l’Europe nouvelle à la croisade antibolchevique aux côtés des Allemands ayant envahi la Belgique !

    Mais cela ne serait-il justement pas le tout premier chef d’accusation qui valut la condamnation à mort par contumace de Léon Degrelle par le Conseil de Guerre de Bruxelles, le 27 décembre 1944 ? A savoir « Avoir porté les armes contre la Belgique et ses alliés » ? Sauf qu’il fallut quand même attendre un arrêté-loi pris à Londres le 17 décembre 1942, pour déclarer les soviétiques alliés de la Belgique, c’est-à-dire près d’un an et demi après l’entrée en action de la Légion Wallonie et Léon Degrelle, et neuf mois après l’arrivée du second contingent emmené par John Hagemans (ce blog au 26 août 2022) !…

    [Ici, nous ne résistons pas à l’opportunité de vous présenter un petit intermède qui serait comique s'il n'était malséant, offert par le clown Proprof de l’Université de Liège, l’inénarrable Besace (ce blog au 30 juin 2016) qui avait déjà minimisé les atrocités de l’épuration en parlant d’excès aux limites acceptables et des pistolets-mitrailleurs de la Résistance qui partaient tout seuls (ce blog au 8 novembre 2019). Ici, il s’étouffe à l’idée qu’on puisse ne pas trouver judicieuses ces lois rétroactives et nous propose donc son « regard particulier » sur le sujet : « Les arguties juridiques invoquées par les combattants de l’Est quant au caractère rétroactif de la législation qui leur était appliquée parce qu’une circulaire interprétative étendait à l’URSS la notion d’ “allié” de fait, ne tenaient guère devant une évidente réalité : endosser le feldgrau quelques mois après l’invasion [en fait, quinze mois quand même, soit le quart de la durée de toute la guerre !] était un péché contre l’esprit bien plus que contre un article du Code pénal. » Il suffisait d'y penser ! Et de promulguer cet ajout dogmatique au Décalogue ! (Francis Ballace, “Collaboration et répression en Wallonie : un regard particulier ?”, in Collaboration, répression, un passé qui résiste, Sous la direction de J. Gotovitch & Ch. Kesteloot, p. 53).]

    Malheureusement pour Anne Degrelle-Lemay, nous savons que le patriotisme de sa famille privilégiée fut pour le moins à géométrie variable, notamment par la lettre de Léon Degrelle à l’avocat des Lemay, Jean Thévenet (20 mars 1954) ; le seul Lemay a y être traité positivement est d’ailleurs son beau-père Marcel Lemay, l’époux de Belle-Maman, décédé à l’orée de la guerre et qu’il y appelle son « ami charmant ». On y apprend, entre autres, que Belle-Maman Lemay ne trouvait apparemment pas inconvenant de s’afficher au bras de son gendre « incivique », jusqu’au moins… 1944 et que le fils aîné, Marc Lemay, apporta la bénédiction de sa famille aux volontaires du premier contingent de la Légion Wallonie en partance pour le front de l’Est, le 8 août 1941 ! (ce blog au 20 décembre 2022).

     

    Départ 8 août Gare Nord.jpeg

    L’aîné des fils Lemay ne fut pas seul à venir saluer, le 8 août 1941, à la Gare du Nord de Bruxelles, le départ des nouveaux Croisés pour leur combat sacrificiel contre la menace bolchevique sur l’Europe.

     

    Nous verrons ailleurs (quand nous parlerons de Jeanne Degrelle-Brevet) que Léon Degrelle pouvait parfois s’agacer des lacunes historiques de sa fille. Aussi pourrions-nous nous réjouir que tout ce qui concerne la vie militaire de son père soit directement tiré de ses propres livres. Mais nous allons vite déchanter.

    Les livres de son père lui sont bien sûr l’occasion de célébrer son courage et sa valeur militaire : « Il ne pouvait passer inaperçu. Il s’attira rapidement le respect non seulement de ses hommes, mais aussi des autorités allemandes qui surent voir en lui un soldat courageux, un grand stratège emmenant ses hommes avec courage et intelligence à des victoires et des conquêtes de villes et de régions d’importance capitale sur la route vers Moscou. Des victoires qui lui valurent une ascension fulgurante dans la hiérarchie et les décorations militaires. Les pages de son livre uniquement consacrées aux combats, aux misères, aux tragédies, aux souffrances atroces, je ne vais pas les mettre dans ces mémoires. Ce que je veux souligner, c’est le courage de ce soldat qui parvint à être un des commandants militaires les plus admirés par ses hommes et par les plus hautes autorités allemandes. Elles le respectaient. Il pouvait leur parler d’égal à égal. […] Les décorations étincelant sur son uniforme d’officier rendaient justice à ses progressions régulières dans le commandement militaire. […] J’avais seulement sept ans. Bien qu’on nous tînt, nous les enfants, à l’écart de ces événements, nous savions que nous avions un père qui était un HEROS pour notre entourage. Et quand nous avions l’occasion de le voir entre des meetings et des réunions, l’affection qu’il nous prodiguait compensait les longues absences que nous devions subir. Je possède toujours des photos attachantes de ces rencontres éphémères, dont une, en particulier, sur l’escalier de notre maison de la Drève de Lorraine » (pp. 146 et 148).

     

    LD Drève Anne+Léon-M.+God..jpgEst-ce une des photos dont parle Anne ? En permission après la bataille de Tcherkassy et sa réception par le Führer lui octroyant la croix de Chevalier de la Croix de Fer, Léon Degrelle pose sur les marches de sa villa de la Drève de Lorraine avec Anne, Léon-Marie et Godelieve (février 1944).

    Mais ce que saluera surtout Anne Degrelle-Lemay tout au long de ses citations, c’est le talent littéraire de son père :

    « On devrait étudier le livre de mon père, “La Campagne de Russie”, dans les facultés d’Histoire, sinon de Lettres, car c’est une page de l’histoire de l’Europe et, qui plus est, magnifiquement écrite. Ce n’est pas Victor Hugo, mais c’est un grand auteur. […] “La Campagne de Russie”, cette grande épopée écrite en un français magnifique et traduite en de nombreuses langues, ne cessera jamais d’apparaître dans mes commentaires sur la personnalité de mon père, qui n’était pas seulement un simple soldat, mais un être humain aux profondes racines chrétiennes. […] C’est sur le front du Dnieper que commença l’immense odyssée de cette guerre cruelle, qu’il a magnifiquement racontée dans son livre “La Campagne de Russie”. Je reconnais que la lecture de ce livre ne m’attirait pas dans l’absolu, mais je l’ai terminé fascinée, stupéfaite non pas tant par l’aventure de ces hommes, mais pas la beauté des descriptions de chaque recoin, de chaque village, de chaque rivière, de chaque bois de cet immense et merveilleux pays qu’est la Russie. Ces six cents pages reflètent une lutte acharnée, traversant les régions et les localités aux noms imprononçables pour moi. […] Maintenant que je me suis attelée à la tâche d’entrer dans les pages de ce livre, je me sens difficilement capable de pouvoir refléter le sentiment qui m’envahit et l’admiration pour cet écrivain capable de transmettre de manière magistrale l’état d’âme de ces milliers d’hommes dont il était devenu responsable. […] Le Donetz, le Dnieper, le Caucase, l’Ukraine n’ont plus de secrets pour moi. Cette envie qui m’a prise d’écrire pour partager quelque chose de mes souvenirs m’a amenée à plonger dans la lecture de sa fameuse “Campagne de Russie”. Elle m’a passionnée, émerveillée ; elle m’a fait pleurer… ou sourire car, au milieu de tant de malheurs, ce génie de la plume trouve toujours le mot juste, la pointe sarcastique qui vous éloigne pour une seconde du récit dramatique et si souvent sanglant. […] Chaque description, comme sortie de la palette d’un peintre, parlait avec une sensibilité quasi hors de propos au milieu de cet enfer, de paysages enneigés, de bois dont les branches couvertes de givre brillaient à la lumière du soleil couchant. Des pages d’une beauté absolue : un baume pour le cœur et l’esprit. […] En lisant entre les lignes, je ressens l’angoisse spirituelle qui l’étreignait, lui si croyant, face à tant d’horreur et de morts. Mais “La Campagne de Russie” demeure l’épopée de sa vie qui attire le plus ses adeptes. Alors que pour moi, c’est elle qui a causé le plus de traumatismes dans ma vie. » (pp. 141 et 144-146).

     

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    « Le livre peut-être le plus connu en Espagne parmi ses œuvres spirituelles est “Les âmes qui brûlent”, avec une introduction et la traduction de Don Gregorio Marañón, édité dans les années 50. » (p. 166). Première édition d’Almas Ardiendo (jusqu’à aujourd’hui, il y en eut plus d’une douzaine !) aux éditions La Hoja de Roble (« La Feuille de Chêne », avec une aquarelle de la célèbre peintre naïve espagnole María Antonia Dans, 1922-1988) fondées à Lora del Rio par Léon Degrelle en 1954. Ci-dessous, l’édition soignée proposée par le président de l’Asociación Cultural Amigos de Léon Degrelle, José Luis Jerez Riesco, en 2009. Dans des « Paragraphes préliminaires », il propose une méditation sur Les âmes qui brûlent/Les âmes ardentes, inspirée par les Pères de l’Eglise, les philosophes grecs et romains ainsi que la réflexion spirituelle de José Antonio ; il donne aussi de précieux renseignements sur les premières éditions de cet ouvrage, aussi bien en français qu’en espagnol. Actuellement épuisée, cette édition peut se télécharger (malheureusement sans les Préliminaires de José Luis Jerez Riesco ni le Prologue de Gregorio Marañon).

    Almas ardiendo3.jpg

     

    « Je ne veux cependant pas terminer mon histoire sans consacrer quelques pages au Léon Degrelle poète, philosophe et écrivain, car ce sont les aspects de sa vie que j’ai le plus admirés. Doté d’une grande sensibilité, il a abordé magistralement des thèmes aussi délicats que l’amour, la beauté, la célébration de sa terre natale qui a abouti à “La Chanson ardennaise”. Il n’a jamais perdu la foi en Dieu. Elle le poussa à écrire “Je te bénis ô belle mort”, des poèmes inspirés par l’œuvre de Sainte Thérèse d’Avila. Je les ai gardés longtemps sur ma table de nuit. […] Je conserve dans ma bibliothèque un espace spécial pour diverses brochures, soigneusement éditées, de vers et de réflexions qui montrent un homme profondément spirituel. L’une d’elles est intitulée “Aux mauvais jours” et fut écrite à l’hôpital de Saint-Sébastien en 1945… Une vraie relique. Chaque fois que je la lis, une immense tristesse m’envahit. Dans son long exil, ce qui l’a sauvé, ce fut l’intense vie intellectuelle qui ne l’abandonna jamais. […] Sa plume fut ce qui le sauva mentalement durant son long enfermement dans un sous-sol obscur et, plus tard, lorsqu’il commença à aller mieux, chez notre chère Clarita. C’est chez elle qu’il trouva la paix nécessaire pour continuer à écrire, entre autres, sa “Campagne de Russie”. Il ne répondit jamais à mes questions : que faisais-tu ? de quoi vivais-tu ? Tout ce que je sais, c’est qu’il n’arrêta jamais d’écrire, de la poésie, de l’histoire, tous ces livres magnifiques qui remplirent sa vie en exil. » (p. 166).

    Remarquons au passage que jusqu’à la dernière page de ses mémoires, Anne Degrelle-Lemay aura été incapable de trousser le moindre compliment (ici, sur le précieux don poétique de son père) sans l’assortir de remarques fielleuses sur l’origine de son argent !...

    Mais ces considérations paraîtront bien anodines face aux remises en question d’événements historiques rapportés dans les livres autobiographiques du Commandeur de la Légion Wallonie !

    Rappelons-nous qu’Anne n’a pas hésité pas à traiter son père de « raconteur de carabistouilles » (traduction élégante de « narrador embaucador », termes désignant un narrateur filou, trompeur, escroc, p. 93 ; ce blog au 23 octobre 2022). Elle va maintenant lui attribuer une nouvelle calembredaine… Ou, plutôt, elle va avaliser la thèse des hyènes de l’histoire sur la relation unique développée par Adolf Hitler envers Léon Degrelle. Et ce, à propos de la fameuse phrase « Si j’avais un fils, je voudrais qu’il fût comme vous. » (ce blog aux 12 mai 2016, 21 juin et 20 juillet 2018).

    « Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (p. 154).

     

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    Pour Anne Degrelle-Lemay, l’insigne proximité manifestée par Adolf Hitler envers son père, Léon Degrelle, ne relèverait que d’une fiction romanesque que sa sagacité « cartésienne » serait parvenue à détecter !...

     

    Le regard d’Anne et le sourire de son père tels qu’ici rapportés ne sont pas un regard de confiance et un sourire de bienveillance. Non, le scepticisme qu’aurait ainsi, comme toujours, brandi Anne face aux affirmations de son père rend au contraire son regard dubitatif, sinon incrédule, tandis que le sourire avec lequel aurait répondu son père manifesterait une connivence avec sa fille, tellement « cartésienne » qu’il en reconnaîtrait ainsi sa lucide perspicacité ! Certes, elle ajoute « peut-être que c’était vrai », mais dans ce contexte, comme elle l’a dit ailleurs, cela ne se pourrait que si l’on acceptait de « prendre des vessies pour des lanternes » (p. 93 ; en espagnol : « comulgar con ruedas de molino », communier avec des meules de moulin [à la place d’hosties] !).

    Mais qu’en est-il en réalité ?

    Le récit de la célèbre phrase que le Führer adressa au fils qu’il se choisit est très précisément extrait –nous dit Anne Degrelle-Lemay– de La Campagne de Russie de Léon Degrelle (et présenté d’emblée comme un récit « romanesque » ; nous citons le texte tel que donné par Anne et expliquerons ensuite nos soulignages) :

    « Dans son livre “La Campagne de Russie” [Anne donne le titre en français], il raconte, comme dans un roman, l’aventure de sa rencontre avec Hitler : “17 février. Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. Nous étions sauvés. Nous avions gagné. Le lendemain, notre immense colonne était en marche depuis quelques heures, protégée par les blindés du général Hube. Un petit avion décrivait des cercles au-dessus de nous et finit par atterrir près de nous. C’était un appareil de reconnaissance envoyé par Hitler. Il était à ma recherche. Aussitôt, mes soldats me hissèrent dans l’avionnette. Je traversai, en quatre heures de vol, le sud puis tout l’ouest de la Russie. A la nuit tombée, j’atterrissais à l’aéroport du G.Q.G. Mais dans quel état ! L’uniforme en lambeaux, déchiqueté par tant de corps à corps. Himmler me donna une chemise propre et fit en sorte qu’on arrange ce qu’il restait de mon uniforme. En échange, je laissai dans sa belle salle de bain d’énormes poux furieusement anthropophages. Puis il m’emmena dans sa voiture verte, à une heure du matin jusqu’au lieu de rendez-vous avec le Führer. Je vois encore Hitler s’avancer vers moi, me serrer contre lui et… me remettre le Collier de la Ritterkreuz qui était alors –il ne faut pas l’oublier– la décoration la plus élevée de l’Armée allemande. Il me prit les mains entre les siennes et me dit simplement : “Je me suis fait tant de soucis pour vous !” Je me retrouvais là, près de Hitler, dans sa cabane rustique, devant une cheminée où quelques bûches crépitaient. En quittant son bureau, nous nous réunîmes avec quelques maréchaux dans un salon voisin pour fêter avec une bouteille de champagne –lui qui n’aimait pas les boissons alcoolisées– la victoire de Tcherkassy.”

    Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (pp. 153-154).

    Campaña de Rusia.JPGLe problème est que le texte fourni par Anne Degrelle-Lemay n’est en rien extrait de La Campagne de Russie, ni de la version espagnole La Campaña de Rusia qui en est la traduction fidèle. D’où vient-il ? Et pourquoi remplace-t-il la version donnée dans l’œuvre originale, « cette grande épopée écrite en un français magnifique » quasiment digne de Victor Hugo (voir ci-avant) ? Voilà qui jette quand même un sérieux doute sur la sincérité de l’appréciation du talent littéraire de son père exprimée par Anne…

    Le texte choisi n’est en effet aucunement littérairement travaillé par son auteur : il s’agit de la retranscription des interviews données par Léon Degrelle à Jean-Michel Charlier, que celui-ci a publiées en 1985 dans Léon Degrelle : persiste et signe (éditions Jean Picollec ; nous citons le texte français d’après ce livre). Le texte cité par Anne se trouve aux pages 331-332 (pp. 313-314 de l’édition espagnole Léon Degrelle firma y rubrica, Ediciones Dyrsa, 1986).

    Mieux, –ou plutôt pire !–, Anne Degrelle-Lemay s’est permise de corriger des expressions et de réécrire des tournures ou des passages entiers : c’est ce que nous avons souligné dans notre citation de son livre, comme si c’était la version corrigée par ses soins qui, en réalité, méritait les éloges !

    Firma y rubrica.jpeg
    C’est ainsi, par exemple, qu’elle corrige en « petit avion », « avion-cigogne », traduction du surnom donné à cet avion de reconnaissance construit pas l’ingénieur Gerhard Fieseler et dont le train d’atterrissage surélevé lui valut d’être appelé Storch (cigogne). Elle change aussi « chars » en « blindés », « champ d’aviation » en « aéroport » ou « quelques centaines de gros poux russes » en « énormes poux »… Elle ajoute des phrases inutiles (« Nous avions gagné ») et se permet aussi de réécrire tout le passage relatif à la réception au champagne que Léon Degrelle avait écrit de la sorte ; « Sortant de son bureau, je m’étais à peine attablé dans un salon voisin avec ses maréchaux qu’il [Adolf Hitler] avait surgi une bouteille de champagne au bout de chaque bras, nous les apportant pour festoyer, lui qui détestait les boissons alcoolisées ! » (La Campagne de Russie, p. 336).

    Malheureusement, la seule chose qu’elle ne change pas, c’est l’erreur de transcription qui se trouve tout au début de la citation : « Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. »

    Lisyanka n’est pas une rivière, mais une ville (qui donne d’ailleurs son titre à un chapitre de La Campagne de Russie : pp. 314-322 ; pp. 149-153 de l’édition espagnole). C’est Jean-Michel Charlier qui commet l’erreur en retranscrivant les paroles de Léon Degrelle qui avait sans doute parlé de « la rivière de Lisyanka ». Dans La Campagne de Russie, il explique d’ailleurs que le moment-clé de la percée de Tcherkassy fut le passage de la rivière traversant cette ville : « Nous nous dépêtrâmes dans la neige épaisse et descendîmes le long de la route. Nous finîmes par atteindre, au cœur de Lysjanka, la rivière, très large, gonflée, ourlée de crêtes de glace. » (p. 322). Cette rivière, c’est le Gniloï-Tikitch.

    Mais là, bien sûr, n’est pas le plus important. La scène que rapporte Anne représente la rencontre qu’Adolf Hitler a voulue en faisant chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front le 20 février 1944. Or ce n’est pas à cette occasion que le Führer a prononcé la fameuse phrase où il se reconnaissait un fils spirituel en Léon Degrelle. C’est six mois plus tard, le 27 août 1944, comme il le souligne justement dans ses entretiens avec Jean-Michel Charlier, source privilégiée d’Anne, mais qu’elle ignore ici : « Hitler, en m’étreignant la main dans ses deux mains, pensait-il qu’au-delà de ses forces qui s’épuisaient, à force de travail, j’étais là, jeune lion ? Six mois plus tard, il me dirait la phrase célèbre : Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous ! Dès février 1944, il avait décidé que je porterais l’étendard de l’Europe nouvelle en Occident. Il me faisait recevoir officiellement à Paris. » (Persiste et signe, p. 337 ; p. 319 de l’édition espagnole).

    Et cette nouvelle rencontre –à nouveau voulue par Adolf Hitler en faisant encore chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front– est également parfaitement documentée dans La Campagne de Russie (pp. 377-381 ; pp. 180-183 de l’édition espagnole) : « Hitler avait repris une vigueur nouvelle. […] Il me décora. Puis il me guida vers une petite table ronde. […] Son œil brillait de bonne humeur. Il se lança avec passion dans un débat sur l’avenir du socialisme. Son visage, admirablement soigné, frémissait. Ses mains fines et parfaites avaient des gestes élémentaires mais ardents, compagnes vivantes de l’orateur. […] Au moment du départ, comme s’il eût voulu graver à jamais dans mon cœur un souvenir plus personnel, Hitler revint me prendre la main dans ses deux mains : “Si j’avais un fils, me dit-il lentement, affectueusement, je voudrais qu’il fût comme vous…” »

    Cette reconnaissance d’un étranger à l’insigne proximité spirituelle s’exprima à peine un mois après la tentative d’assassinat perpétrée, le 20 juillet 1944, par des officiers allemands félons…

    Alors, d’où vient la mise en doute par Anne de la phrase d’Adolf Hitler ? Et, pour mieux l’étayer, pourquoi avoir placé tout le récit de la rencontre de son père avec le Führer (sans être capable de choisir la bonne date !) dans la fiction d’un roman qu’elle se permet de réécrire ?

     

    Vermeire Charleroi 01.04-horz.jpg

    « Le lieutenant Jean Vermeire donne le ton. Lui, porte une veste de général privée d’insignes et une culotte de cheval mauve que, de Frédéric II à Keitel, nul ne découvrit jamais dans l’armée allemande. » (Saint-Loup, Les SS de la Toison d’Or, Presses de la Cité, p. 81).

    « Un petit détail amusant, c’est que lors d’un de nos premiers rassemblements au camp de Regenwurmlager, le major Bode avait dit, à bien haute voix, en voyant Vermeire pour la première fois : Was ist den das für ein Operetten Offizier ! Et c’est certes la raison pour laquelle Vermeire ne manquait plus jamais la moindre occasion pour critiquer le major Bode. » (Fernand Kaisergruber, commentaire dactylographié sur le livre de Jean Mabire, Légion Wallonie, Au front de l’est, 1941-1944, Presses de la Cité).

     

    Outre que nous avons vu l’irrésistible propension d’Anne Degrelle-Lemay à semer partout les graines morbides de sa méfiance et de ses soupçons, une origine de la remise en cause particulière de la phrase historique du Führer pourrait bien être le SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire. Son incommensurable orgueil fut en effet cruellement blessé, non seulement par le refus constant de Léon Degrelle de le reconnaître officiellement comme son « bras droit » (« J’en ai déjà un, ça me suffit ! » plaisantait-il, mi-moqueur, mi-agacé), mais aussi par celui de son épouse Jeanne Degrelle-Brevet de lui confier les drapeaux de la Légion, après le décès du Commandeur (ce blog au 17 janvier 2016).

    C’est en effet à partir de la disparition de son Chef que Jean Vermeire entreprit d’écorner sa « légende », notamment en remettant en question la réalité de la fameuse phrase (ce blog au 21 juin 2018).

    En 2008, en participant au documentaire de Philippe Dutilleul, Léon Degrelle ou la Führer de vivre, il échafauda l’impossibilité mentale pour Adolf Hitler d’avoir même imaginé prononcer pareille phrase à l’adresse d’un étranger. Comme si cet officier par usurpation (nous nous expliquerons plus tard sur ce terme), qui n’a jamais pu même voir le Führer autrement qu’en image, avait quelque compétence historique ou psychologique l’autorisant à se mettre à sa place…

    « Il voulait avoir un fils ? Le fils d’un Belge ? C’est pas des phrases à répéter !... Ça ne tient pas debout ! Ça m’a toujours heurté… Et on reprend cette phrase… on reprend cette phrase… tout le temps… tout le temps…

    Hitler s’est avancé vers Degrelle et il lui a dit textuellement : “Ich habe mich grosse Sorge gemacht”, “Je me suis fait des grands soucis”. [Il exhibe un papier] Voilà ! Et ça, moi, j’ai reçu ce texte, après, par Gille. Après, parler du fils d’Hitler… C’était un affront à tous les jeunes de l’Allemagne ! Il y avait d’autres héros tout de même !... Donc il n’a pas dit ça ! Ce n’est pas possible ! C’est… c’est… c’est égoïstement inventer l’histoire qui obligeait toute l’Allemagne… Et nous alors ? Qu’est-ce qu’on devient là-dedans ???... Mais je lui ai demandé plusieurs fois : je dis, mais… “Ohhhhh…, il m’a dit, ben… oh là là… j’ai été reçu comme un fils.” Voilà, je dis, la légende ! »

     

    Vermeire papier Gilles.JPGDans le film de Philippe Dutilleul, comme preuve que jamais Adolf Hitler n’aurait pu dire à Léon Degrelle que s’il avait un fils, il aimerait qu’il soit comme lui, Jean Vermeire présente sa source en agitant une grande feuille blanche devant la caméra (capture d’écran du film-documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre donnant « la parole aux derniers témoins directs et proches de Léon Degrelle »).

    Mais la caméra prend bien soin de ne pas filmer son contenu en gros plan. Il s’agirait pourtant d’un document intéressant, prétendument écrit par le Generalleutnant Herbert Otto Gille, commandeur de la 5. SS-Panzerdivision Wiking, affirmant qu’à la réception à laquelle il fut convié avec Léon Degrelle à la Wolfschanze du Führer, ce dernier n’aurait fait qu’exprimer son inquiétude sur le sort des Wallons. Nous le croyons bien volontiers, car le général Gille fut convié au Quartier Général de Hitler avec les principaux Commandeurs ayant assuré le succès de la percée de Tcherkassy. Ce qui veut dire qu’il parle de la rencontre du 20 février 1944 et non de celle du 27 août, qu’il ne fait donc que confirmer ce que Léon Degrelle a toujours dit (notamment dans La Campagne de Russie, p. 328) et qu’il nous aurait vivement intéressé de connaître l'intégralité de ce compte rendu. Pour sa part, Léon Degrelle a écrit : « le Führer s’était avancé vers moi, m’avait pris la main droite dans ses deux mains et l’étreignait avec affection. […] je ne sentais que ses deux mains qui pressaient la mienne, je n’entendais que sa voix, un peu rauque, qui m’accueillait, me répétait : “Vous m’avez donné tant d’inquiétude !..” ». Le scoop de Vermeire n’est donc qu’un mensonge (mais le personnage en est coutumier !). On se demande d’ailleurs s’il a effectivement rencontré le général Gille pour lui commander un procès-verbal des propos d’Adolf Hitler à Léon Degrelle ! Surtout que, pour des raisons de simple chronologie, il ne pouvait de toute évidence concerner la phrase qui « heurte » tant Vermeire et lui servir à convaincre Léon Degrelle d’affabulation… On regrettera donc qu’il n’ait pas harcelé plutôt le général Felix Steiner qui était, lui, bien présent le 27 août (c’est lui qui est sur la photo que nous publions plus avant entre Adolf Hitler et Léon Degrelle) !

    Ci-dessous, une photo officielle des commandeurs qui furent reçus par le Führer, le 20 février 1944 : de gauche à droite, Herbert Otto Gille, Theo-Helmut Lieb et Léon Degrelle, reçus à Berlin par le chef de la presse du Reich, le Dr Otto Dietrich.

     

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    « Ça ne tient pas debout » ? Et les préoccupations constantes d’Adolf Hitler vis-à-vis de Léon Degrelle depuis leur première rencontre du 26 septembre 1936 jusques et y compris les derniers moments dans le Führerbunker (tous les détails sur ce blog au 21 juin 2018) tiennent-elles debout ?

    « Il y avait d’autres héros tout de même » ? D’innombrables, en effet ! Mais y en eut-il un seul autre que Léon Degrelle –qu’il soit Allemand ou Volontaire étranger – que le Führer fît rechercher sur le front par son avion personnel pour le recevoir personnellement, –et ce, à deux reprises !–, lui remettre les plus hautes décorations militaires et s’entretenir particulièrement avec lui ? Et où serait l’affront aux jeunes de l’Allemagne (surtout de la Waffen SS, composée par ailleurs à plus de 70% de camarades non-Allemands) quand l’élite du commandement militaire allemand de la Wehrmacht avait cherché à assassiner son chef suprême en pleine guerre ?...

    Nous ne commenterons pas davantage cette indécente prétention de Vermeire de faire la leçon (post mortem !) à son Chef, d’oser l’accuser d’égoïsme, de se mettre outrageusement dans la peau d’Adolf Hitler et des jeunes soldats allemands et de se plaindre péniblement qu’on ne fasse pas davantage cas de lui et, accessoirement, des autres Bourguignons : nous avons eu l’occasion de dire ce que nous en pensions sur ce blog le 21 juin 2018. Mais nous laisserons à un autre Volontaire wallon, du Second contingent du 10 mars 1942, Raymond Van Leeuw, le soin de dire ce qu’il faut définitivement penser de celui qui bâtit toute se carrière militaire sur le mensonge de son grade !

    Raymond Van Leeuw fut, lui, le véritable homme de confiance de Léon Degrelle dont il organisa le secrétariat lorsqu’il le rejoignit en Espagne : nous citerons des extraits de lettres qu’il envoya à Anne Degrelle ainsi qu’à son mari Servando Balaguer : il nous faudra en effet à nouveau parler du rôle néfaste de Vermeire à l’occasion de la disparition du Commandeur de la Légion Wallonie et dont sa fille ne souffle mot (voir la dernière partie de notre présentation de son livre L’homme qui changea mon destin).

    Le travail de sape concernant la relation entre Adolf Hitler et Léon Degrelle mené avec opiniâtreté par Jean Vermeire après 1994 est intéressant à suivre car il permet d’établir un parallélisme assez précis avec ce qu’on peut lire chez Anne Degrelle-Lemay.

    Pieterjan Verstraete.jpegC’est ainsi qu’il amena l’historien flamand Pieter Jan Verstraete à écrire dans sa biographie de Léon Degrelle : « Que Hitler, à l’occasion de cette troisième rencontre [le 27 août 1944] avec le vaniteux Degrelle, ait dit : “Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous”, cela s’est avéré, des années plus tard, n’être qu’une invention. Selon son ami intime Vermeire, le Führer aurait simplement dit qu’il s’était fait de “grandes inquiétudes” sur le sort de Degrelle et des siens sur le front. » (Le beau Léon. Léon Degrelle, Aspekt, 2010, p. 121).

    Remarquons que pour donner du poids à son scoop, Vermeire s’est présenté comme un « intime » de Léon Degrelle, et même comme son « ami » (mon Dieu, est-il encore besoin d'ennemis avec de pareils amis ?) ! C’est également en termes semblables qu’Anne nous le présente : « Jean Vermeire qui était un de ses grands confidents » (p. 140).

    Notons aussi en quoi consiste la correction de l’histoire que Vermeire offre à Verstraete : ce n’est pas « Si j’avais un fils… » que le Führer aurait dit à Léon Degrelle ; il aurait seulement fait part de ses « grandes inquiétudes ». Du coup, lorsque l’historien flamand, pour raconter la rencontre précédente, celle du 20 février 1944, s’en remet à ce que le Commandeur de la Wallonie a écrit dans La Campagne de Russie, il publie le texte en prenant soin –tout comme Anne– de supprimer le passage où Adolf Hitler fait part de son inquiétude à Léon Degrelle : pour justifier l’intervention de Vermeire, ce détail doit en effet disparaître puisque le créateur de fake news le situe… six mois plus tard !!!

    Anne Degrelle-Lemay pense sans doute faire la même chose en citant le récit de la réunion du 20 février 1944 qu’elle place, sans le dire, au 27 août 1944 afin d’établir que la seule chose exprimée par Adolf Hitler ce jour-là fut, comme le prétend Vermeire, son inquiétude et non pas sa confidence toute personnelle.

    « Mais peut-être que c’était vrai… » Le coup de pied de l’âne, qui ne veut pas dire son nom !...

    Jean Vermeire ne publia jamais rien, mais, dès qu’il se rendit compte, après la disparition de Léon Degrelle, qu’il ne réaliserait jamais son objectif de s’emparer des drapeaux de compagnie dessinés par John Hagemans pour la Légion (ce blog au 17 janvier 2016), il s’efforça d’influencer négativement ceux qui pensaient pouvoir recourir à ses « souvenirs » et à sa compétence comme à une source fiable de première main.

    En ce qui concerne Anne Degrelle-Lemay, cela alla même plus loin puisqu’elle s’en remit à lui pour la dispersion des cendres, s’en servit pour contester les dernières volontés testamentaires de son père et l’appuya dans l’affaire des drapeaux : nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre dernier examen des mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay.

     

    Vermeire urne Führer de vivre.JPG

    L’ancien SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire n’hésita pas à exhiber l’urne funéraire vide de Léon Degrelle devant la caméra de Philippe Dutilleul pour son documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre en affirmant mensongèrement avoir respecté les dernières volontés du défunt (ce blog aux 17 janvier 2016 et 31 mars 2019). Il refusa toujours de rendre cette relique à l’épouse de son Chef, Jeanne Degrelle-Brevet.

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    I. La Carlina

     

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    Vue aérienne de La Carlina.

     

    Nous avons annoncé, il n’y a guère, la parution d’un petit livre en espagnol intitulé Degrelle, l’homme qui changea mon destin, écrit par Anne Degrelle-Lemay, une des filles du fondateur de Rex, dernier Commandeur de la Légion Wallonie (ce blog au 29 juin 2022).

    Ecrite en deux parties s’articulant autour des retrouvailles de la jeune femme surprotégée par la famille de sa maman avec son père forcé à l’exil, cette chronique intitule amèrement ces périodes marquées par une adversité quasi constante « Une vie effilochée » et « Les raccommodages du destin ».

    Dans la mesure où nous recevions pour la toute première fois le témoignage d'un enfant de Léon Degrelle –Anne– ayant longtemps partagé sa vie d’exil à Constantina et Madrid (Chantal a toujours vécu et vit encore en France ; Léon-Marie est malheureusement décédé en 1958 –ce blog au 26 février 2016–, et Marie-Christine en 2006 ; pouvons-nous espérer que Godelieve –84 ans aujourd'hui– ait tenu un journal qui soit un jour rendu public ?), nous nous attendions à un « coup de tonnerre » historique, nous révélant des pans inédits de la biographie du dernier Commandeur de la Légion Wallonie, ayant vécu les cinquante dernières années pleines de rebondissements de sa vie chevaleresque en Espagne.

    Force nous est néanmoins de constater qu’il n’en est quasiment rien et que c’est le récit entier d’Anne Degrelle-Lemay qui nous apparaît effiloché

     

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    Construction de La Carlina, la villa andalouse de Léon Degrelle.

     

    Ce ne sont évidemment pas des révélations sur les combats rexistes ni sur la guerre au Front de l’Est que nous attendions de la petite fille née en 1936 et qui n’avait que neuf ans quand son père put s’échapper miraculeusement de l’apocalypse de 1945 (le rappel de ces années de la vie de Léon Degrelle ne consiste d’ailleurs qu’en citations –bien lacunaires– de ses livres que tout le monde intéressé a lus).

    Du moins nous attendions-nous à du nouveau sur sa vie d’exil si peu documentée et si riche en péripéties et rebondissements des plus étonnants (voir notamment ce blog au 28 mai 2016) : les quarante-neuf années de l’exil devraient intéresser tout autant les degrelliens –de même que les historiens du fascisme, de l’Europe ou de la Seconde Guerre mondiale– que les trente-neuf ans de la vie publique relativement mieux connue de Léon Degrelle.

    C’est sur la villa de son père à Constantina qu’elle s’épanchera le plus, mais sans donner les détails que nous aurions attendus (par exemple, la vie sociale et familiale à Constantina, l’origine des relations avec les militaires américains, l’originalité de ses conceptions architecturales ou les avancées scientifiques permises par ses fouilles archéologiques : ce blog, notamment, aux 17 octobre 2018 et 31 mars 2021).

     

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    La Carlina, telle que la connut Anne à la fin des années 50.

     

    À notre grande surprise malheureusement, –sans que nous puissions nous l’expliquer–, elle ne manque jamais d’exprimer des soupçons sur l’origine (pourtant parfaitement légale) des fonds nécessaires à la construction de La Carlina, ce qu’elle n’eût pourtant pas dû méconnaître si elle n’avait privilégié, sinon les ragots malveillants, du moins les fantasmagories de son imagination trop fertile : il faut, pour son esprit –quoi qu’elle prétende– plus romanesque que cartésien, que cette villa soit l’aboutissement de manœuvres secrètes et mystérieuses au sein du puissant réseau de relations haut placées de son père.

    Anne indiquera néanmoins la véritable raison de la conception et de la réalisation de la merveilleuse villa Carlina : elle était « un véritable palais pour recevoir sa femme et ses enfants » (p. 68). « Je voulais que vous puissiez vivre dans un monde d’art et de beauté, que chaque recoin de cette terrasse soit une surprise pour la vue et pour le cœur », lui a clairement fait savoir son père (p. 79). Mais là aussi, elle ne peut s’empêcher de mettre en doute la sincérité de ces paroles : « Quelques semaines après le départ [de mon frère Léon-Marie], nous avons commencé à recevoir de magnifiques lettres nous racontant les merveilles de Séville, de Constantina, le village de la Sierra sévillane où mon père s’était construit (avec quel argent ?) une authentique demeure préparée –comme lui-même le prétendait– pour recevoir toute sa famille » (p. 62) !

    Ces soupçons qu’elle exprime de manière récurrente révèlent à tout le moins un manque évident de confiance envers un père si célèbre et tant honni, tellement adulé et pourtant persécuté, n’aimant que le beau et le bon et accusé des pires monstruosités, mais se sortant miraculeusement des pires situations : « Nous vivions-là dans un monde irréel, où trop de questions ne trouvaient que difficilement des réponses » (p. 79). « Comment un homme exilé, sans ressources apparentes, a-t-il pu financer cette merveille ? Il avait des amis influents, parmi lesquels deux architectes. […] Les amis financiers sont un autre thème que je ne veux pas aborder pour le moment » (p. 68).

     

    5.Carlina Tour 60.jpg

    « Une tour de quatre niveaux dominait tout l’édifice. Trois des étages correspondaient à une chambre à coucher disposant d’un salon et d’une salle de bain. Quand je revins en Espagne, j’occupai définitivement l’appartement du deuxième étage, et mon père celui du troisième. » (p. 68)

     

    C’est d’autant plus regrettable qu’Anne en rajoute dans la suspicion : « pour que je n’aie pas de soupçons sur l’origine de ce train de vie, il m’emmena en voiture dans le pays basque, plus précisément à Bilbao. […] La raison du voyage était un rendez-vous avec des industriels des hauts-fourneaux de Biscaye, de bons amis à lui. Et surtout, il fallait que je puisse le voir, lui, en tant qu’homme d’affaires leur parlant à tu et à toi, travaillant comme n’importe quel homme pour financer la vie luxueuse qu’il voulait offrir à sa famille. Un politique, un écrivain, soudainement transformé en homme d’affaires ? » (p. 72). « Mon père me parlait d’affaires auxquelles il était partie prenante, non pas en tant qu’associé au capital (il ne disposait d’aucunes liquidités), mais comme personne d’influence dans les milieux du pouvoir de l’époque, accompagnant ces hommes d’affaires heureux d’avoir l’aide de ce magicien de la parole. Il voyageait à Bilbao (je l’ai personnellement accompagné pendant mon premier séjour en Espagne), pénétrant dans le monde de l’industrie métallurgique. » (p. 95)

    L’activité d’ « influenceur » avant la lettre de Léon Degrelle laisse visiblement sceptique sa fille pour qui il ne semble guère normal, voire moral, de tirer quelque avantage de relations éminentes et qui s’imagine devoir découvrir d’obscurs secrets : « Quand il me laissa à la gare d’Irun, mon cœur saignait, mais mon esprit (toujours cartésien) commençait à se poser de nombreuses questions. J’essayais de donner un sens à des faits où je ne voyais rien de clair. Je savais qu’il me faudrait bien plus approfondir ce qu’était la personnalité de cet homme si cultivé, attachant et séducteur » (p. 72). « Je n’ai jamais su clairement comment La Carlina avait été financée. Quand je le lui demandais, il tournait autour du pot et je n’en savais pas plus. C’est-à-dire que je n’ai jamais pu faire la lumière sur cette affaire. Jongleries, ingéniosité, aides miraculeuses… “Et voilà le résultat” concluait-il sans sourciller. » (p. 86)

     

    6.Carlina jardins 60.jpg

    « La propriété s’appelait La Carlina, comportant une terrasse avec deux piscines, des mosaïques romaines achetées chez des antiquaires de Séville (la plus grande partie provenait de la ville d’Italica [ancienne cité romaine fondée par Scipion l’Africain], des colonnes de marbre, des fontaines dans tous les coins, des endroits où s’asseoir pour lire… » (p 68).

     

    De quelques-unes de ces relations –et ce ne sont pas les mêmes !–, elle se félicite pourtant d’avoir pu bénéficier : « Au cours de ces années, 1958 à 1962, je crois que mon père m’a présentée à tout Madrid. Et j’étais enchantée de l’accompagner. […] Les comtes de Mayalde, par exemple, lui vouaient une affection particulière. Ce fut le comte, Don José Finat, qui le sauva de l’hôpital militaire de San Sebastian après son atterrissage forcé […]. C’est à cette époque que j’ai également connu la famille de Serrano Suñer. Mon père m’avait raconté son parcours politique en tant que ministre des Affaires étrangères de son beau-frère Francisco Franco. […] Mais la personne la plus excentrique que j’ai connue alors fut la Duchesse de Valence. Elle occupait un petit palais à Avila, rempli d’antiquités, d’œuvres d’art et d’une collection de plats en céramique des XVIIe et XVIIIe siècles » (p. 89).

     

    7.Carlina bureau.jpg

    « A l’intérieur, il y avait un salon énorme avec une cheminée ainsi que la table de travail de mon père qui me rappelait son bureau de la Drève de Lorraine à Bruxelles et qui communiquait avec une de mes pièces préférées, la bibliothèque. » (p. 68).

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    Le salon et la cheminée monumentale ; à l’avant-plan, un coin du bureau de Léon Degrelle qu’on voit sur la photo précédente. L’inscription de la cheminée est extraite de Révolution des âmes : « Un petit peu de feu dans quelque coin du monde et tous les miracles de grandeur restent possibles. »

     

    Pour Anne Degrelle-Lemay, il est certain que les activités de son père relèvent d’obscures manigances dont l’issue heureuse ne pouvait dépendre que du réseau secret de ses relations insignes : « Les difficultés financières qu’il subit dans sa vie politique passionnante, il dut les affronter également dans sa vie de bâtisseur de Constantina. Dans ce village magnifique où s’engagea ma vie espagnole, je commençais à connaître beaucoup de facettes de la personnalité de mon père. Et je devins son principal inquisiteur. Mes “interrogatoires” étaient permanents. Je voulais comprendre la façon dont il était arrivé à la situation privilégiée où il se trouvait. Comme je l’ai déjà dit, c’était un incroyable raconteur de carabistouilles aussi bien dans sa vie politique précédente que dans sa vie actuelle. Mes questions délicates, pleines de pièges involontaires, fruits de mon esprit “cartésien”, lui posaient bien des problèmes. Il me répondait avec sincérité ou avec cette fantaisie magnifique qui vous font prendre des vessies pour des lanternes. La foi soulève les montagnes, mais jusqu’à un certain point. Je ne savais pas quoi penser. […] L’ “architecte-bâtisseur” improvisé connaît des problèmes économiques importants. […] La solution ? Faire appel aux amis puissants. C’était une époque de sa vie –et de la mienne– qu’il m’est douloureux de rappeler. Il avait des amis inconditionnels qui l’aidèrent depuis le premier jour où il foula le sol espagnol. » (p. 93).

    Voilà un portrait qui ne manquera certainement pas de faire plaisir aux historiens appointés du CEGESOMA et aux logomacheurs à la Balace et à la De Bruyne, véritables raconteurs de carabistouilles quant à eux (pour le CEGESOMA, voir ce blog aux 18 mars et 11 octobre 2016, 30 novembre 2019, 22 octobre 2020 ou 11 mars 2022 ; pour Balace, aux 30 juin 2016, 23 mars 2017, 6 juillet ou 8 novembre 2019 ; pour De Bruyne, quinze articles, du 23 mars 2017 au 5 mars 2018) ! D’autant qu’elle avait déjà laissé sous-entendre la possible mégalomanie de son père, en donnant alors un exemple précis qui n’en était finalement pas un ! « Mon père nous racontait aussi que tous les matins, avant le petit-déjeuner, ils priaient tous ensemble et puis bavardaient en latin. J’avais vraiment du mal à le croire. Mon père était comme ça. Il nous racontait parfois des choses incroyables. Mais le latin, oui, il le possédait et il entra au collège des jésuites considéré comme un élève doué. » (p. 30 ; l’anecdote est également racontée dans Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle : persiste et signe : « Avais-je à peine suivi pendant quelques mois les cours d’humanité gréco-latines, mon père avait prétendu me parler à table en latin et me faire répondre en latin », p. 32). Mais, comme nous le verrons dans la quatrième partie de notre présentation de son livre, Anne Degrelle-Lemay osera aller bien plus loin encore dans la mise en doute des récits de son père...

     

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    « Quand nous avons quitté le vol Madrid Séville, j’eus le souffle coupé. Pas seulement à cause de la chaleur qui, déjà au mois de mai, cognait fort, mais par le parfum ensorcelant du jasmin et des fleurs d’oranger qui envahissait tout. […] Cette impression si forte d’avoir atteint une terre promise, un endroit que même dans mes plus beaux rêves je n’aurais pu imaginer, devenait réalité : des palmiers, je ne voyais plus que des palmiers… » (p. 67)

     

    Que la propre fille de Léon Degrelle saute ainsi à pieds joints dans leur délire de la mythomanie permettant de caricaturer péjorativement et à bon compte le fabuleux destin de son père, voilà qui devra leur sembler inespéré ! Et pourtant n’est-ce pas tellement regrettable et irresponsable ? Car il n’est rien de secret ou de mystérieux dans les affaires entrepreneuriales de Léon Degrelle. Il suffit d’ailleurs de lire le seul ouvrage consacré à son exil (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio. 1945-1994, Wandervögel) pour se rendre compte que l’exilé essaya de gagner sa vie comme tout le monde en fondant diverses sociétés qui connurent l’existence de toute société commerciale : succès, prospérité, difficultés, faillites, disparition. Avec d’ailleurs parfois, au final, la ruine financière totale de leur propriétaire…

    « Il séjourna dans la province de Séville, au domaine Majalimar, propriété de l’Entreprise Majalca S.A., dont étaient actionnaires les frères Garcia Gascón, originaires de la région de Béjar, dans la province de Salamanque. Le domaine Majalimar (Vallée du Paradis) fut l’endroit où il fut accueilli et caché de 1949 à 1954. C’est là qu’il conçut l’idée d’écrire une œuvre colossale consistant à raconter l’histoire des dernières années à travers de grands portraits : “J’ai connu Hitler”, “J’ai connu Mussolini”, “J’ai connu Franco”, “J’ai connu Churchill”, “J’ai connu Pétain”, “J’ai connu Laval” [ndlr : ce projet devint Le Siècle de Hitler, dont six volumes ont vu le jour jusqu’à présent : ce blog aux 25 janvier 2016 et 26 mai 2022]…

     

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    « Je me souviens particulièrement d’une de ces fontaines mélodieuses où l’on pouvait lire l’inscription en petites mosaïques bleues sur le fond blanc du muret scintillant sous la vasque d’eau : “Angulus ridet”. Aujourd’hui encore, je l’entends me dire en français : “Ce petit coin me sourit”. » (p. 79).

    Cette sentence tirée des Odes d’Horace (« Ce coin me sourit plus que tout autre », Livre II, Ode 4) agrémentait une magnifique fontaine intégrant une authentique mosaïque romaine : à gauche, on voit s’y amuser Anne et sa mère en 1961. Près de quarante ans plus tard (1998), à droite, la fontaine dont la mosaïque a été vandalisée, existait encore à l’état de ruine, avant que les religieuses hiéronymites ne la restaurent avec l’ensemble du domaine (ce blog aux 28 mai 2016 et 17 octobre 2018).

     

    Il vécut là plusieurs années, isolé de presque tout le monde, perdu dans ce désert de la Sierra Morena, à vingt kilomètres du village le plus proche où il pouvait se servir d’un unique téléphone à manivelle pour effectuer ses premières opérations et transactions commerciales lui assurant la subsistance. Par la suite, il participa à la création d’une industrie métallurgique non loin du Guadalquivir. Il effectua aussi d’excellentes opérations sur le coton en Australie. Plus tard, en 1952, il se convertit en entrepreneur pour fournir un toit à une cinquantaine de familles d’une base nord-américaine.

     

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    « Et l’aventure commença –car ce fut bien une aventure !– avec tous les ingrédients de la réussite comme de formidables échecs qui le conduisirent à la banqueroute : une douzaine de villas, toutes différentes : l’une d’elles était même une tour peinte en rouge grenat qui était la première habitation que l’on voyait en arrivant à Constantina par la route de Lora del Río. Ces villas, que les gens du village appelaient les “maisons des Américains” avaient été construites pour abriter les familles des officiers américains qui travaillaient à la Base de Constantina, à cette époque où Franco commençait à communiquer avec le monde capitaliste et à travailler avec lui. […] C’était une époque très joyeuse pour La Carlina. Nous organisions des fêtes de bienvenue pour ces amis yankees et je remplissais à nouveau mon rôle d’hôtesse, profitant de l’occasion pour améliorer mon anglais et recevoir des cadeaux : robes, parfums, boîtes de produits de Revlon : ces dames riches savaient comment plaire à une fille de vingt-trois ans. » (p. 86). Ces photos ne montrent pas la construction des « maisons américaines », mais celles du  village social sur les pentes du terrain face à La Carlina (voir en fin d’article).

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    Léon supportait sa vie d’exilé avec la plus grande dignité, grâce aux travaux qu’il parvenait à obtenir. Il ne se souciait pas de l’argent. La seule chose qui l’intéressait était d’avoir quelques œuvres d’art lui rappelant que, de tout temps, la passion pour la beauté a toujours emporté les hommes. […] A cette époque, il acheta à un ami la propriété d’une petite vigne appelée “La Carlina”, non loin du centre de Constantina, située sur une hauteur dominant le village, au nord-est. Il acheta cette vigne pour vingt-huit mille six cents pesetas. […] Le nom de Carlina vient d’une plante à la racine oblongue, aux feuilles pointues et épineuses et aux fleurs jaunâtres, plus connue sous le nom de chondrille ou, en termes de botanique, Angelica Carlina [carline acaule]. Professionnellement, il travaillait comme directeur de la société de promotion urbaine “Immeubles Andalous SA”. Il s’occupait de la construction d’un ensemble de bâtiments dans les environs immédiats du vignoble. Ce village s’organisait des deux côtés d’un axe central conçu pour être l’artère principale. Il s’agissait de constructions modestes respectant le cadre et le milieu de la région, édifiée selon les normes de l’architecture populaire de l’endroit, embellissant le paysage et respectant la nature. Le complexe était dominé par une villa de plus grandes dimensions dans la partie la plus élevée du site, qui comportait une tour circulaire pouvant servir de vigie aux maisons des alentours. […] Une fois la construction achevée, les logements furent loués aux ouvriers et au personnel militaire de l’armée nord-américaine affectés à la base voisine de surveillance aérienne, construite en application des accords de 1953 conclus entre l’Espagne et les Etats-Unis sur le site du Cerro Negrillo. Elle comportait un radar de suivi pour le contrôle de la navigation aérienne du détroit de Gibraltar et de la zone sud de la péninsule ibérique.

     

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    La Tour rouge grenat, telle qu’elle existe encore aujourd’hui, non loin de La Carlina.

     

    L’idée que Léon Degrelle nourrissait pour cette urbanisation était d’aménager de manière artistique le milieu rural en avant-garde pionnière du tourisme intérieur. Destinée à des vacanciers à la recherche éventuelle d’une alternative aux loisirs de masse sur les plages du littoral, cette initiative voulait revitaliser les villages qui ne pouvaient bénéficier des plans touristiques consacrés aux plages ensoleillées alors qu’ils regorgent de trésors environnementaux, d’endroits bucoliques et de paysages naturels à l’incomparable beauté. C’est ainsi qu’il pensait que les marines nord-américains de la base amphibie de Rota, dans la province de Cadiz, pourraient sans doute être intéressés par ces installations de type bungalow situées sur les contreforts méridionaux de la Sierra Morena, à seulement 80 kilomètres de Séville.

    Les archives de l’administration de Constantina conservent, en tout, treize dossiers présentés par Léon J. Ramirez Reina, représentant l’entreprise “Immeubles Andalous SA”. Ils concernent la construction des villas touristiques des environs du Château blanc et du Château rouge. Trois datent de 1958, huit de 1959, une de 1960 et une encore de 1962, la dernière année de sa domiciliation dans cette ville. » (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio. 1945-1994, pp. 191-195).

     

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    « Constantina est un village important de la campagne sévillane, très riche, avec des fermes dédiées à l’agriculture et à l’élevage appartenant à de grands propriétaires terriens. C’est un beau village andalou, de petites maisons blanches et de rues étroites pour se protéger du soleil, avec des balcons et des patios pleins de fleurs. » (p. 69).

     

    Léon Degrelle, néanmoins, a bien dû se rendre compte de la méfiance de sa fille à son égard. Et sans doute l’ambiguïté de leur relation où l’équivoque le disputait au scepticisme a-t-elle fini par en altérer la qualité, le papa ne pouvant que se lasser face à l’inutilité des explications qu’il devait répéter vainement à sa fille ne voulant entendre que les réponses qu’elle exigeait… « J’étais sa fille. Il m’aimait. Il recherchait mon approbation en tout. Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

    Anne Degrelle-Lemay n’en démordra d’ailleurs jamais : « Parmi toutes les amitiés influentes [que mon père] noua alors dans le monde de la politique, le destin voulut que son ami, Girón de Velasco, ministre de Franco, l’emmenât en Andalousie et l’épaulât dans de nouveaux projets professionnels… Il ne répondait jamais à mes questions : “Que faisais-tu ?”; “De quoi vivais-tu ?” […] Mais sa vie d’exilé en Espagne fut toujours un mystère pour moi et pour ma famille. » (p. 166).

    Peut-être Léon Degrelle pensa-t-il aussi à sa fille Anne lorsqu’il répondit à la question de Jean-Michel Charlier « D’où tirez-vous vos ressources en Espagne ? » :

    « – […] J’ai fait la démonstration qu’à l’encontre de tant de politiciens rapaces et inutiles, je pouvais, lorsque j’étais éloigné de la politique, être un heureux créateur de richesses. J’ai surtout pu édifier ou rassembler de la beauté. C’est elle qui m’a toujours passionné, par-dessus tout. L’argent, finalement, je m’en fiche. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il serve à créer ou à trouver du beau […]. Eh bien ! je voudrais voir ceux qui m’ont si souvent sali, je voudrais les voir face à un exil aussi dur que le mien, sans un sou au départ, souffrant encore de mes blessures, traqué de toutes parts, devant mener une vie impossible, obligé de filer sans cesse d’un refuge à l’autre, je voudrais les voir créer par leur seul effort ce que j’ai créé, dans un pays étranger, à force d’exprimer le jus de mes méninges et de travailler. » (Léon Degrelle : persiste et signe, p. 396)

     

    Nous examinerons dans le prochain chapitre de notre recension comment Anne Degrelle/Anne Lemay présente sa relation aux Degrelle et aux Lemay, les deux familles étant pour elle, quoi qu’elle prétende, à des antipodes parfaitement antagonistes…

     

     

    La ruine du village social

     

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    Plan primitif des maisonnettes du village social imaginé par Léon Degrelle (approuvé par les autorités communales de Constantina). Construit en face de La Carlina, ce village devait répondre non seulement aux impératifs économiques de ses habitants, mais également à leurs besoins sociaux ou esthétiques par l’organisation des logements en escalier, mais décalés de façon à respecter la vie privée et dans un cadre traditionnel offrant de l’espace pour les loisirs (toits-terrasses, jardins, espaces communs…). Des conceptions inspirées à Léon Degrelle par la Weltanschauung nationale-socialiste à la base des cités ouvrières du Reich allemand : « Le plan de construction de milliers de maisons populaires avait lui aussi réclamé une vaste mobilisation. Hitler avait vu beau, intime et grand. [...] La majorité des maisons imaginées par lui furent bâties à un étage, isolées dans un jardinet. Les enfants pourraient y courir, la femme y cueillir quelques salades ou des cerises, l'homme y lire son journal en paix pour se détendre après son labeur. Ces maisons unifamiliales étaient construites, elles aussi, selon le style de chaque région, si différent et si charmant en Allemagne. Lorsqu'il fallait se résoudre à créer des complexes importants, Hitler veillait à ce qu'ils fussent toujours aérés et embellis par de vastes jardins où les enfants pourraient s'ébattre sans danger. Tous ces logements avaient été agencés de telle façon que fussent respectées les normes d'hygiène qui avaient fait presque toujours défaut dans les logis ouvriers. » (Léon Degrelle, Hitler unificateur de l'Allemagne, L'Homme Libre, 2006, p. 77).

     

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    « Les plus graves problèmes apparurent quand il entreprit un projet qui mûrissait dans son esprit créatif depuis quelques années : construire des logements sociaux en escalier épousant la pente d’un terrain de sa propriété. Les plans réalisés par un de ses amis architecte étaient magnifiques. Mais l’ “entrepreneur” amateur ne sut pas s’entourer de professionnels expérimentés.

     

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    Bon de commande signé par Léon José de Ramirez Reina pour les 84 logements sociaux à construire près de La Carlina par l’architecte Alfonso Gómez de la Lastra.

     

    Les problèmes surgirent dès le début. Le principal fut l’eau. On dut forer plusieurs puits avant d’en creuser enfin un au débit suffisant. […] Mais il fallait encore affronter une autre difficulté majeure : la qualité de la terre, du terrain sur lequel ces maisons devaient se construire. Les charges de dynamite pulvérisaient des tonnes de roches. J’assistais à ce boucan infernal en me demandant comment pourrait s’édifier sur ce sol hostile un complexe urbain en soi déjà risqué. Mon père disparaissait des semaines entières à la recherche du financement. […] Une nuit d’orage et de pluies torrentielles, un bruit assourdissant me réveilla, me rappelant les bombardements de l’Allemagne. Toutes les maisons à moitié construites, dont la plupart n’avaient pas encore de toit, s’étaient effondrées. Plus tard, nous avons su la véritable cause de cet effondrement : c’était la mauvaise qualité des matériaux de construction, en particulier du ciment. De quoi désespérer en pensant à la cimenterie de ma famille maternelle, une des plus importantes de Belgique, à Tournai, jolie ville où, dans mes dernières années de baccalauréat, je passais tous mes week-ends dans la maison de mon oncle Michel. Ces belles maisons n’étaient qu’un château de cartes qui s’envolèrent à la première tempête d’automne. » (p. 96).

    « Mon scepticisme concernant le financement de la construction de ces maisons luxueuses n’a fait que croître…  […] Entre-temps, mon père allait et venait, cherchant de l’aide auprès de quelque ami pouvant lui porter secours » (p. 95).

     

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    (La documentation iconographique de cet article provient du CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter).

     

    À suivre

  • Cercle des Amis de Léon Degrelle


    36e Correspondance privée – Avril 2021

     

    La dernière livraison de la Correspondance réservée aux membres du Cercle des Amis de Léon Degrelle nous est parvenue au début de la semaine dernière. Et, comme d’habitude, elle nous a réservé son lot d’informations originales et même souvent surprenantes (mais nous réserverons la meilleure, car méritant à elle seule une communication particulière, à notre prochaine publication).

    La page de couverture s’orne, cette fois, d’un beau portrait colorisé de l’orateur Léon Degrelle dans un meeting en plein air, sans micro : nous sommes dans la petite commune de Daverdisse (Luxembourg belge, à une trentaine de kilomètres de Bouillon), le 21 août 1938. C’est-à-dire un an après le scandale du soutien de l’Eglise institutionnelle de l'hippopotame de Malines (le cardinal Van Roey, voir ce blog au 13 mai 2018) à la coalition, évidemment contre nature, des catholiques, socialistes, libéraux et communistes contre Rex aux élections du 11 avril 1937, suivi de la déconfiture lamentable de leur champion, le « catholique » Premier ministre Paul Van Zeeland, compromis dans le scandale de la cagnotte de la Banque nationale et obligé de démissionner le 25 octobre 1937 (voir ce blog aux 6 mai 2016 et 14 avril 2017). Nous sommes surtout un mois après le congrès triomphal de Rex, ayant rassemblé à Lombeek plus de 60.000 participants, le 10 juillet 1938, et six mois avant l’élection de Léon Degrelle au Parlement, le 2 avril 1939.

    LD Serp.jpgToutes les photographies de Léon Degrelle reproduites dans cette correspondance du Cercle bénéficient de ce traitement colorisé assez convaincant, tel, justement, le fameux cliché du discours enflammé tenu à la tribune du congrès rexiste de Lombeek (qui avait déjà paru tout aussi sémillant sur la pochette du double 33T Léon Degrelle, De Rex au Front de l’Est édité par la SERP de Jean-Marie Le Pen en 1970). Mais il y a aussi ce beau portrait de profil du Chef de Rex.

    Dans son monumental ouvrage sur la Légion Wallonie publié en deux volumes aux éditions Heimdal, André Lienard reproduit des photos signées, censées faire partie d’une série de quatre cartes postales éditées en 1943 « au profit du fond de propagande de Rex ». Ce sont, en fait, des photos d’avant-guerre du Chef de Rex : deux portraits, l’un de face, l’autre de profil; une photo où, vêtu d’une culotte de golf, il enlace sa femme, Marie-Paule, et porte à bras leur première fille, Chantal (voir ce blog au 22 octobre 2019); ainsi qu’une photo où il embrasse sa mère devant la maison familiale de Bouillon (voir ce blog au 15 juin 2020).

    Toutes les cartes portent le même fac-simile d’une signature de Léon Degrelle. Les deux portraits sont revêtus du copyright du studio de photographie « Max », au 14 du boulevard de Waterloo, à Bruxelles.

    André Lienard prétend reproduire l’intégralité de ce « lot de propagande comprenant quatre cartes postales dédicacées représentant Léon Degrelle avant-guerre en tenue civile » à la page 340 de son Légion Wallonie (août 1941-juin 1943), publié en 2015 aux Editions Heimdal.

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    Pour André Lienard, seuls les deux portraits du  haut ont été publiés par le photographe Max pour participer à une série de cartes postales autographiées destinées à la propagande de Rex. Il semble ignorer l’existence de la photo du bas (à gauche, colorisée par le Cercle des Amis de Léon Degrelle) : ne ferait-elle donc pas partie du même ensemble ? Voilà qui paraît assez peu crédible…

    Le problème est que la photo colorisée que le Cercle des Amis de Léon Degrelle reproduit  constitue manifestement un troisième portrait, de profil, appartenant à la même série, ce qui porterait le nombre de cartes postales « de propagande » signées à au moins cinq, car il existe encore une autre photo de Léon Degrelle en culotte de golf avec son épouse et Chantal (portant également toutes deux les mêmes vêtements), prise au même moment que celle reproduite dans l’ouvrage du peu scrupuleux Lienard…


    Décès d’André Lienard

    Il nous faut ici déplorer la disparition de l’auteur de ces deux importants volumes consacrés à la Légion Wallonie publiés aux éditions Heimdal en 2015 et 2019. Un troisième et dernier tome était normalement en préparation. Mais il y a fort à craindre qu’il ne voie désormais jamais le jour…

    Jean-Pierre Pierard André Lienard.jpgAndré Lienard est décédé le 26 mars dernier, à l’âge de 61 ans seulement, dans un hôpital de Charleroi dont il habitait la banlieue. Militaire de carrière, il avait participé, en 1992, à la mission des Casques bleus belges de la FORPRONU (Force de Protection des Nations-Unies) en Yougoslavie. Dès sa mise à la retraite, passionné qu’il était d’histoire militaire, il s’employa à fréquenter assidument les Légionnaires wallons du Front de l’Est dont il acquit progressivement les archives. Une dizaine d’années à peine lui suffirent pour devenir le propriétaire de la collection documentaire la plus étoffée sur la Légion Wallonie. C’est elle qui permit l’exposition remarquable Rex et l’Ordre Nouveau, à l’Abbaye de Stavelot, de novembre 2014 à mars 2015 (voir ce blog au 30 juin 2016) ainsi que l’édition par Heimdal des deux volumes consacrés à la Légion Wallonie (volume 1 : Wallonisches Infanterie-Bataillon 373, août 1941-juin 1943 ; volume 2 : 5. SS-Sturmbrigade « Wallonien », Kampfgruppe Ruelle, 28. SS-Freiwilligen-Grenadier-Division « Wallonien », juin 1943-avril 1945).

     

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    Si l’exposition de Stavelot bénéficiait des notices historiques irréprochables de l’historien Mathieu Simons, méticuleux et intègre, on ne peut malheureusement pas en dire autant des textes publiés chez Heimdal, du seul cru d’André Liénard qui, après l’avoir sollicitée, avait refusé toute relecture par des spécialistes de la Légion Wallonie et de Léon Degrelle. Du coup, non seulement le style, la grammaire et l’orthographe de ces livres sont déplorables, mais leur contenu s’efforce surtout de singer le politiquement correct des sectateurs du CEGESOMA afin, probablement, de prétendre à quelque légitimité d’historien (les commentaires sur Léon Degrelle, tout au long des deux volumes, sont particulièrement affligeants).

    Nous nous contenterons de renvoyer au compte rendu sévère publié par le Dernier Carré dans sa Correspondance n° 99 (décembre 2019), tout en en reprenant la nécessaire conclusion : « Toutes ces critiques ne doivent pourtant pas empêcher d’acquérir ces volumes car leur richesse iconographique absolument exceptionnelle rachète beaucoup. » (69 euros le volume, à commander sur https://www.editions-heimdal.fr/fr/).


    Degrelliana

    De nouvelles éditions d’œuvres de Léon Degrelle en langues étrangères continuent de manifester l’actualité de l’auteur de Révolution des Âmes et l’intérêt constant que lui portent toujours le public, justifiant amplement ces publications.

    Nous avons déjà signalé l’édition italienne de l’indispensable ouvrage Léon Degrelle : Persiste et signe. Interviews recueillies pour la télévision française par Jean-Michel Charlier, sous le titre Parla Degrelle ! (voir ce blog au 2 mars 2021).

    En Espagne, c’est une nouvelle édition de Mon Chemin de Saint-Jacques qui vient de sortir aux éditions Fides : Mi Camino de Santiago, dans une traduction de José Luis Jerez Riesco qui en signe également la préface (16 euros, sur https://edicionesfides.wordpress.com/2021/03/01/mi-camino-de-santiago-de-leon-degrelle/).

    Camino Fides.jpgJosé Luis Jerez Riesco est le président de l’Asociación cultural « Amigos de Léon Degrelle », auteur notamment d’un important Degrelle en el exilio. 1945-1994 (voir ce blog aux 28 mai 2016 et 19 avril 2019).

    On notera avec intérêt que ce livre écrit en 1951, étranger aux préoccupations historiques et politiques de son auteur puisqu’il retrace l’expérience mystique et spirituelle de son pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, compte sans doute –avec la traduction espagnole de Révolution des Âmes (voir ce blog au 31 mars 2021)– parmi les œuvres qui ont connu le plus grand nombre d’éditions dans le monde hispanique, ce qui en dit assez sur la nature essentielle de l’attraction exercée par Léon Degrelle sur la jeunesse européenne : ce n’est pas tant le récit de la vie du héros du Front de l’Est qui est le plus fascinant (et pourtant !), mais ce sont bien les motivations spirituelles et morales qui le fondent, la révolution de l’âme qui a postulé cet engagement vital, irrépressible et définitif.

    José Luis Jerez Riesco fit d’abord paraître ce récit en espagnol, en 1996, aux éditions Barbarroja, de Madrid, avec, en couverture, un dessin original de Léon Degrelle représentant un pèlerin accompagné du texte « C’est l’air, c’est la lumière des sommets qui t’appellent… »

    Il faut souligner que cette traduction est la toute première manifestation de l’existence de ce texte tout d’introspection : les éditions de l’Homme libre n’en publieront l’original français d’après le manuscrit que trois ans plus tard, accompagné –politesse toute naturelle – de la traduction de la préface de José Luis Jerez Riesco. Cette édition est toujours disponible sur https://editions-hommelibre.fr/ au prix de 15 euros.

     

    Camino Barbarroja-horz.jpg

     

    Une seconde édition a vu le jour en 2003, aux éditions Ojeda, de Barcelone ; une troisième (autorisée ?), en Argentine, aux éditions Sieghels, spécialisées dans les publications nationales-socialistes, en 2014 ; une quatrième (pirate ?), au Mexique, disponible à la Libreria Vigente la Derrota Mundial, dans la collection « Editorial prohibida » (on y trouve aussi pas moins de vingt-cinq ouvrages sur le soulèvement des Cristeros)…

     


    Hommage à Léon Degrelle

    Le Cercle des Amis de Léon Degrelle nous apprend également l’existence d’un mouvement et d’une revue nationaliste espagnole, Movimiento Disidente, activement soutenue par la FET y de las JONS (Phalange Espagnole Traditionnaliste et des Comités d’Offensive Nationale-Syndicaliste), qui a rendu hommage au dernier Commandeur de la Légion Wallonie pour le vingt-septième anniversaire de sa mort. Le but de ce mouvement prônant la « révolte immédiate » est de permettre la renaissance et la diffusion des idéaux nationalistes, s’inscrivant dans la ligne de Blas Piñar, l’ancien chef charismatique de Fuerza Nueva, –qui fut longtemps la providence de Léon Degrelle (voir ce blog au 25 mai 2019)– : « pour en finir avec la lâcheté et la peur et pour faire front, vigoureusement, face à ceux qui bafouent l’unité de la patrie ».

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    Sous un titre –Léon Degrelle por mil años– s’inspirant de l’Hitler pour mille ans publié en 1969 aux prestigieuses éditions de La Table Ronde, Carlos Sampedro signe un hommage de sept pages à Léon Degrelle, avec de belles illustrations. Certes, les données biographiques sont quelque peu hésitantes, mais la communion du cœur et de l’esprit compensent largement les quelques approximations historiques. En voici la conclusion :

    « Durant le franquisme, je ne sais s’il s’est impliqué dans des activités politiques, mais après la mort de Franco, quand il les a reprises, il devint un véritable mythe et la référence pour des milliers de jeunes qui attendaient de pouvoir se déplacer à Madrid ou Barcelone pour l’écouter.

    En ce qui concerne son travail d’écrivain, nombreuses sont ses œuvres fondamentales : Mémoires d’un fasciste, Les Âmes qui brûlent ou La Campagne de Russie, entre autres. Des livres capables d’exalter, mais aussi d’émouvoir. Dans le journal de son pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, il nous raconte ce qui fut pour lui un « repas divin » : des tranches de pain dur trempées dans l’eau d’un ruisseau. Voilà l’étoffe dont était fait Léon Degrelle.

    De convictions profondément chrétiennes qu’il transmit à Rex, il évolua durant la guerre à des positions proches du national-socialisme, mais il n’abandonna jamais sa foi. C’est dans cette foi que la mort le surprit, le 31 mars 1994, à l’Hôpital Parque San Antonio de Malaga, sur les rives méditerranéennes qu’il aima toujours.

    Son corps fut incinéré et ses cendres furent dispersées dans son pays natal de Bouillon ainsi que dans les montagnes de l’Obersalzberg, en Bavière. »

    Rappelons que vous pouvez retrouver les endroits précis où ont été répandues les cendres de Léon Degrelle grâce aux données de géolocalisation publiées sur notre blog au 31 mars 2019.

    Les revues Movimiento Disidente ne se vendent pas en kiosque, mais se téléchargent gratuitement sur : https://movimientodisidente.blogspot.com/


    Thomas Ferrier, un « spécialiste des fascismes » ?

    Un enfumeur auquel le Cercle des Amis de Léon Degrelle rive son clou !

    Le Cercle des Amis de Léon Degrelle nous apprend que l’opuscule Fascismes d’Europe de Thomas Ferrier paru en août 2019 dans la collection « Idées » de Synthèse Nationale (148 pages, 23 euros, port compris sur http://lesbouquinsdesynthesenationale.hautetfort.com/) constitue en fait une nouvelle version de Fascisme, fascismes, national-socialisme, de Thomas Stahler, paru en 2004 chez Ars Magna et qui ne comportait que 33 pages. Par la même occasion, il nous apprend que Ferrier effectue une sorte de coming out en abandonnant Stahler et en reprenant son espèce d’opus magnum définitivement à son compte.

    Ferrier Fascismes d'Europe.jpgLa « Note de l’auteur » (de Thomas Ferrier, donc) que Synthèse Nationale publie pour présenter ce produit qu’il reprend déplorablement à son compte se conclut par cette phrase : « On ne saurait comprendre l’Europe d’aujourd’hui sans comprendre les égarements d’hier ».

    Devons-nous comprendre que l’époque merveilleuse que nous vivons s’est heureusement libérée des « égarements d’hier », c’est-à-dire de ces « fascismes d’Europe » qui ont tenté de libérer nos pays des matérialismes du capital apatride et du communisme dogmatique ?

     

    Sans aucun doute, car la première phrase expose déjà la prémisse qui faussera l’analyse : « Le fascisme a été, avec le communisme, le principal phénomène politique du XXe siècle » ! Sauf que ce n’est pas au fascisme qu’il faut associer ou comparer le communisme, mais bien au capitalisme, son éternel complice (et ses avatars politiques : conservatisme pseudo-chrétien ou non, libéralisme ou socialisme francs-maçons et internationalistes, etc. : les mêmes qui s’allièrent contre Rex en 1937, voir ci-avant).

    Et c’est ce que Jeff Davis, le critique du Cercle, nous confirme tout au long d’une dizaine de chapitres, redressant autant de bobards et de contre-vérités (à propos, surtout, d’Adolf Hitler) propagés dans ce libelle. C’est que, en effet, « Ferrier a une fâcheuse tendance à baser sa théorie sur des sources tendancieuses et à procéder à des raccourcis simplistes. »

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    Thomas Ferrier, tel qu’il apparaît dans la vidéo de Daniel Conversano (sur laquelle nous reviendrons plus en détail dans notre prochain article) en tant que « spécialiste des fascismes d’Europe » : une réelle imposture…

     

    On lira avec profit particulièrement le chapitre « Hitler et l’Europe » pour saisir tout le sel de la prestation de Thomas Ferrier invité par un certain Daniel Conversano dans une de ses vidéos en ligne de Vive l’Europe (à visionner sur YouTube : nous y reviendrons longuement dans notre prochain article). Jeff Davis y rappelle opportunément les propos du comte Richard von Coudenhove-Kalergi, véritable prophète du messianisme juif et du métissage obligatoire de l’Europe, pour opposer l’Europe du Führer à la catastrophe d’aujourd’hui.

    Ce comte a donné son nom à une Fondation octroyant tous les deux ans un prix fort recherché à « une personnalité ayant contribué de manière exceptionnelle au processus de construction européenne » (parmi les lauréats : Helmut Kohl, Franz-Josef Strauss, Juan Carlos d’Espagne, Ronald Reagan [!], Angela Merkel, Hermann Van Rompuy, Jean-Claude Juncker,…). Mais ses livres demeurent difficilement accessibles. Le principal, Idéalisme pratique (Editions Paneuropa, 1925), a néanmoins bénéficié, en 2014, d’une traduction française et est accessible en ligne sur www.profusif.eu/wp-content/uploads/2017/05/COUDENHOVE-KALERGI_Idealisme_Pratique_1925.pdf.

     

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    On y retrouvera les sources permettant à Jeff Davis d’affirmer que « Ce n’est pas Hitler qui est responsable de la destruction de l’Europe et de sa submersion actuelle par un raz-de-marée allogène mais la politique cosmopolite belliciste de ses ennemis » :


    « L’humain du lointain futur sera un métis. […] La race du futur, négroïdo-eurasienne, d’apparence semblable à celle de l’Égypte ancienne [???], remplacera la multiplicité des peuples par une multiplicité des personnalités. » (p.18)

    « Les émissaires principaux de la noblesse cérébrale : du capitalisme, du journalisme, de la littérature, qu’elle soit corrompue ou intègre, sont des Juifs. La supériorité de leur esprit les prédestine à devenir l’un des éléments les plus importants de la noblesse du futur. En regardant dans l’histoire du peuple juif, on est éclairé quant à son avance dans le combat pour le leadership de l’humanité. » (p. 41)

    « à peine un siècle après sa libération, ce petit peuple se tient aujourd’hui à la pointe de la science moderne avec Einstein, à la pointe de la musique moderne avec Mahler, à la pointe de la philosophie moderne avec Bergson, à la pointe de la politique moderne avec Trotsky [sic !]. Le judaïsme ne doit la place prééminente qu’il occupe à ce jour qu’à sa seule supériorité spirituelle […] » (p. 43)


    Personalia

    Dans le même ordre d’idées, le Cercle donne des nouvelles des persécutés pour délit d’opinion (ou de blasphème, c’est selon), c’est-à-dire essentiellement pour crime de révisionnisme : qu’ils soient exilés comme Vincent Reynouard ou emprisonnés comme Johan Livernette, écrivain catholique contre-révolutionnaire (auteur de l’éclairante brochure Synthèse du mouvement révolutionnaire mondial : 8 euros sur https://johanlivernette.wordpress.com/) et Hervé Ryssen, entretemps –et provisoirement ?– libéré après plus de sept mois d’incarcération qu’on s’efforça bien de rendre des plus pénibles.

    Et concernant les anciens combattants de la Croisade antibolchevique, les nouvelles ne peuvent qu’être désolantes, nous informant progressivement de leur disparition… Ce que ne manque pas de communiquer le Cercle lorsqu’elles lui parviennent.

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    Iwan Fialka, héros du Front de l’Est

     

    Aujourd’hui, c’est de l’Ukrainien Iwan Fialka qu’il s’agit.

    Il n’a pas vingt ans lorsqu’apprenant la création de la Division SS Galicie, en avril 1943, il s’y enrôle. Il sera l’un des héros de la deuxième bataille de Brody, au nord de l’Ukraine, en juillet 1944 (la première, victorieuse, eut lieu au début de l’opération Barbarossa, en juin 1941). Appartenant à une unité de défense antiaérienne (Flak), Iwan Fialka se distingua en détruisant un char et en abattant deux avions soviétiques. Malgré l’anéantissement de leur Division Galicie, nombreux furent les Ukrainiens à rejoindre l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne (UPA, branche militaire de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, OUN) qui mena jusque dans les années cinquante des opérations de guérilla contre l’Armée Rouge. Iwan Fialka fut capturé par les Russes et ne fut libéré de leurs camps qu’en 1954. Les drapeaux de la Division Galicie ainsi que ceux de l’OUN et de l’UPA honorèrent ses funérailles.

    Terminons cette présentation de la nouvelle Correspondance du Cercle des Amis de Léon Degrelle en saluant les cinq pages de recension des meilleures publications pouvant nous intéresser, qu’elles soient historiques, doctrinales ou littéraires : souvent éditées par des maisons n’ayant pas pignon sur rue, toutes sont néanmoins disponibles sur le site de la boutique du Cercle, transformant celui-ci en référence indispensable pour se constituer la bibliothèque idéale du nationaliste identitaire !

    Ne manquez surtout pas de vous rendre sur www.boutique-nationaliste.com pour y commander vos ouvrages de référence et y régulariser votre nécessaire adhésion (26 ou 33 euros, selon que vous résidiez en France ou non).

    Adresse : Cercle des Amis de LD, BP 92733, 21027 Dijon Cedex, France. lesamisdeleon.degrelle@gmail.com

  • Degrelle – Hergé, même combat ! (4)

    Hergé antinazi ?

    Il y aurait de nombreux éléments démontrant la volonté de Hergé de couper les ponts avec Léon Degrelle et tout ce qu’il représente : le rexisme, le nazisme, la collaboration…

     

    L’affaire de « l’affiche »

    C’est un des prétendus « docteurs es tintineries » qui a brandi l’anecdote comme s’il avait découvert le pot-aux-roses des prétentions degrelliennes : si vous voulez vous farcir les élucubrations qu’il élabore sur la « rupture » entre Hergé et Degrelle à partir des documents de première main dont il a pu disposer, lisez Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, pp. 181 sv. Nous verrons plus loin que le biaisement de l’histoire est une constante chez ce fonctionnaire de la justement universellement décriée Fondation Hergé. Pour le moment, contentons nous de décrypter les faits bruts qui se limitent à une histoire de sous.

     

    En novembre 1932, la Belgique doit renouveler son parlement. Léon Degrelle qui prépare les élections pour le parti catholique (« Rex » n’est pas encore un parti, seulement une maison d’édition relevant de l’Action catholique) rencontre un camarade de l’Université Catholique de Louvain qui avait participé à l’expédition contre l’exposition soviétique de 1928, le baron Adelin van Ypersele de Strihou (dont le neveu Jacques deviendra chef de cabinet des rois Baudouin et Albert II), actif dans le domaine publicitaire (il vient de fonder son agence Vanypeco qui deviendra fameuse après-guerre). Adelin lui aurait vendu (plus tard, il se félicitera d’avoir réalisé là sa toute première opération commerciale) un projet d’affiche de Hergé dont il avait pensé se servir pour l’Union Civique Belge, un mouvement anticommuniste dont il s’occupe. Elle représente « un masque à gaz suggérant une tête de mort, livide, sur fond noir ». Degrelle se montre intéressé, d’autant qu’il connaît « très bien Hergé ».

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    Voici l’affiche que Léon Degrelle donna au Parti Catholique pour les élections législatives de 1932: Hergé souhaitait la retravailler.

     

    Apprenant par hasard cette transaction, Hergé envoie d’urgence une lettre recommandée aux éditions Rex, non pour condamner une utilisation politique à laquelle il serait opposé, mais pour y mettre la seule condition de ne pas l’éditer « sans avoir été revue, achevée et mise au point par moi ». Ce qui ne témoigne d’aucune hostilité envers Léon Degrelle, mais au contraire d’un louable scrupule d’artiste et d’une juste volonté de voir ses droits d’auteur respectés. Pris dans l’urgence des élections, Degrelle ne réagit pas jusqu’au moment où Hergé, vexé, confie l’affaire à son avocat, qui ne proteste auprès des éditions Rex que… huit jours calendrier après les élections ! Degrelle répond immédiatement, par retour de courrier, pour essayer de clarifier la situation : « Nous nous sommes simplement servis d’un projet d’affiche non signé, dont on nous avait fait don » ; la protestation de Hergé est « parvenue trop tard alors que l’exécution du travail était en cours. » Hergé –qui n’a perçu aucune rémunération– résumera la situation comme suit « “M. van Ypersele de Strihou a commis un abus de confiance et c’est contre lui que vous devez vous retourner. Nous, nous nous en lavons les mains” dit M. Degrelle en empochant les bénéfices réalisés par la vente de ces affiches [par les éditions Rex au Parti catholique]. » Finalement (en juin 1933), les éditions Rex verseront une indemnité au Syndicat de la Propriété Artistique, mettant ainsi un terme au litige.

     

    On le voit : pas de quoi prétendre que les ponts sont définitivement coupés entre Hergé et Léon Degrelle, ni surtout d’affirmer qu’il s’agit d’une rupture politique puisqu’il se fût alors agi d’un divorce d’avec le parti catholique (dont Hergé est l’employé via le Vingtième Siècle) ! Il y avait d’ailleurs si peu de rupture politique entre Léon Degrelle et Hergé que, à peine quelques mois plus tard, ce dernier dessinera le titre du « Quotidien rexiste de combat et d’informations » de la maison d’édition Rex devenue mouvement politique : Le Pays réel !

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    Pour revenir encore à cette histoire d’affiche, nous devrons enfin reconnaître, si l’on en croit Numa Sadoul, que Hergé tenait suffisamment à tout ce qui l’avait uni à Léon Degrelle pour conserver en permanence près de lui les reliques de ses relations avec l’auteur de La Guerre scolaire, y compris probablement la fameuse affiche de 1932 : « Une autre nuit, dans l’un des tiroirs privés du secrétariat de Georges, j’ouvris un dossier résumant ses correspondances avec Léon Degrelle et le mouvement fasciste Rex. Il y avait même là un projet d’affiche électorale réalisé par Hergé: un projet assez avancé mais que l’on avait eu la sagesse de renoncer à exécuter. » (Sadoul, p. 15).

     

    Et s’il ne s’agit pas de cette affiche, mais d’un projet plus tardif pour une vraie campagne du mouvement Rex, voilà qui serait encore plus prodigieusement intéressant pour établir les véritables sympathies politiques de celui qui allait rejoindre sans états d’âme l’équipe de ses amis qui devait ressusciter Le Soir.

     

    Rupture Hergé-Degrelle ?

    D’ailleurs, après la guerre, Hergé ne manqua jamais, comme nous l’avons vu, de reconnaître sa dette envers Léon en ce qui concerne l’évolution de sa conception de la BD. Tout comme, nous le verrons plus loin, il rendit un hommage vibrant au courage militaire du Commandeur de la Légion Wallonie.

     

    Aussi coupons immédiatement les ailes au canard de l’aversion hergéenne au rexisme. Tous les biographes ont repris les termes de cette lettre de 1969 à un doctorant de la Sorbonne, Dominique Labesse, où le créateur de Tintin –qui n’est pas, nous l’avons rappelé, sans exprimer sa reconnaissance à Léon Degrelle pour les bandes dessinées envoyées du Mexique– écrit : « Quant à moi, je n’ai jamais “adhéré” ni sentimentalement ni de quelque autre manière au rexisme, que j’ai toujours eu en aversion. »

     

    C’est oublier un peu vite le contexte de cette déclaration faite à un étudiant écrivant une thèse de doctorat sur sa vie et son œuvre (Hergé, étude biographique et littéraire), où l’auteur n’allait tout de même pas se présenter sous les traits on ne peut plus honnis de l’infâme collaborateur. Il suffit d’ailleurs de lire les phrases précédant la profession antirexiste pour se rendre compte que Hergé est en train d’arranger quelque peu l’histoire à son avantage :

    « L’équipe du Soir de guerre dirigé par Raymond de Becker n’était en aucune façon un “groupement rexiste”. De Becker était un antirexiste convaincu, entouré d’antirexistes ou de non-rexistes. Le seul “rexiste” venu au Soir fut le théoricien de ce mouvement, José Streel, précisément au moment de sa rupture avec Le Pays réel, organe du rexisme. Quant à moi… »

     

    En effet, si des liens se détendirent entre Léon Degrelle et l’équipe du Soir et si des ponts furent coupés, ce ne fut jamais qu’après l’incompréhension qui accueillit le fameux discours du 17 janvier 1943 où Léon Degrelle réaffirma la germanité des Wallons (voir ce blog aux 12 mai 2016 et 10 décembre 2017). Hergé n’évoque là qu’une guerre de chapelles, mais prétendre que la rédaction du Soir fût opposée aux thèses rexistes ou, après janvier 1943, eût tourné le dos à l’Ordre nouveau est contraire à la vérité. Rappelons que Raymond de Becker était membre du Conseil politique de Rex, que Jam, le caricaturiste rexiste, dessinait à temps plein pour Le Soir, et que parmi les principaux collaborateurs « rexistes » du quotidien, on pouvait relever Pierre De Ligne, Max Hodeige (ancien journaliste du Pays réel, qui remplaça d’ailleurs à la direction du Soir De Becker après sa démission en 1943) et même Jacques van Melkebeke qui collaborait aussi à l’hebdomadaire rexiste Voilà… (sur la position du Soir pendant la guerre, voir Els De Bens, La Presse quotidienne belge sous la censure allemande (en néerlandais), pp. 333 sv.).

    Légionnaires Palais Sports 17.01-horz.jpg

    C’est le dimanche 17 janvier 1943 que Léon Degrelle prononça son fameux discours où il exalta la « germanité des Wallons ». Il ne faisait en fait que rappeler une thèse qu’il défendait depuis longtemps (notamment lors du discours de départ de la Légion, le 8 août 1941 : voir ce blog aux 10 décembre 2017 et 17 octobre 2018). On voit ici Léon Degrelle à la tribune et une cohorte de Légionnaires faisant son entrée dans le Palais des Sports de Bruxelles, tout auréolés de la gloire de leurs premiers combats (Samara, Gromowaja-Balka, Charkow, Tcherjakov,…).

     

    En fait, l’aversion au rexisme affichée par Hergé ne tient pas tant aux idées, qu’à leur expression dans de grandes manifestations de masse. C’est ce qu’il explique aux journalistes de Humo :

    « – Prendre fait et cause pour une idéologie est à l’opposé de ce que je suis. J’ai vu Degrelle, et les masses qui hurlaient avec enthousiasme. Qu’on ne vienne plus me parler d’idéologie et de grands meneurs de peuples.

    – Vous avez bien connu Degrelle ?

    – Assez bien. Il passait régulièrement au journal pour faire la réclame de Rex. Un homme ambitieux mais par ailleurs fort sympathique. Ce n’est pas pour autant que j’étais rexiste. Je n’aime pas ces grands mouvements populaires. » (Humo, p. 24).

     

    Quand Hergé déclare « Qu’on ne vienne plus me parler d’idéologie et de grands meneurs de peuples », l’expression « Qu’on ne vienne plus me parler… » traduit sa déception face à ce qui a constitué pour lui des évidences lumineuses et des personnages d’importance. Si, aujourd’hui, il ne faut plus lui en parler c’est qu’il leur avait accordé auparavant, au moment de leur crédit populaire, une totale adhésion… qui n’a pu qu’être déçue par leur échec historique et le mépris qui les entoure désormais. Depuis la défaite de 1945, le rexisme est en effet considéré comme un épouvantail et son tribun Léon Degrelle n’est plus qu’un condamné à mort que toute la presse conspue… Hergé doit donc prendre ses distances. Mais il le fait en gardant toujours de la nuance : si Léon Degrelle était « un homme ambitieux », ce qui est somme toute normal pour un politique, il demeurait « par ailleurs assez amusant », ce qui est sans doute le plus important aux yeux du créateur de Tintin, originellement inspiré par le jeune aventurier avec qui il s’était lié au XXe Siècle

     

    Et s’il « n’aime pas ces grands mouvements populaires »« les masses hurlent avec enthousiasme », cela ressortit aussi à son refus de l’embrigadement qui sera sa ligne de conduite dès après la guerre, comme il l’explique à des journalistes néerlandais : « [A propos d’opinions politiques,] je ne pense absolument rien. Je vis dans ce monde, je connais l’histoire, […] Je suis un homme de bonne volonté et je cherche la vérité, mais je ne l’ai pas encore trouvée. Et si, en tant que dessinateur de bandes dessinées, j’ai jamais émis un point de vue politique, comme dans Tintin au pays des Soviets ou Le Lotus bleu, alors je l’ai fait parce qu’à ce moment-là, j’y croyais. Aujourd’hui, je vois bien que j’ai commis des erreurs. Par orgueil peut-être. Maintenant, il me serait fort difficile de devoir prendre position. J’en sais plus et, ça c’est sûr, je ne me laisserai plus jamais embrigader. » (Elsevier, p. 154-155).

     

    Cette prudence venue de l’expérience, cette sagesse circonspecte, cette philosophie égocentrée, culminera, nous le verrons plus loin, dans Tintin et les Picaros

     

    Mais c’est dès la fin de la guerre qu’enrichi par les pénibles expériences qu’il dut vivre, il adoptera cette position au-dessus de la mêlée. Il déclarera ainsi à son ami le dessinateur Pierre Ickx dans une lettre de 1946 : « Quant à moi, j’appartiens au bord de ceux qui pratiquent leur métier avec le plus de conscience possible, et je salue toutes les victimes de la guerre, à quelque bord qu’elles appartiennent. » (Pierre Assouline, Hergé, p. 203).

     

    Léon Degrelle ne s’exprimera pas autrement lorsqu’il dira : « Nous respectons tous les idéalistes qui offrent leur vie pour leurs idées. Il y eut des héros authentiques à la Brigade londonienne Piron. » (De Rex à Hitler, p. 417) et qu’il répétera dans son ultime message à ses derniers « Bourguignons » : « Dans le monde pourri d’aujourd’hui, seules brillent encore les vertus des héros ! Demain, ce sont eux –et les héros d’en face !– qui, réunis dans la gloire, feront le 21e siècle ! » (voir ce blog au 31 mars 2019).

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    A la fin des années soixante, Léon Degrelle, obligé d’abandonner sa Carlina (voir ce blog au 17 octobre 2018), put se réfugier dans un petit appartement social de la municipalité madrilène, grâce à l’amitié du comte de Mayalde, maire de la capitale. C’est là qu’il reçoit alors, autour d’une simple et revigorante soupe de lentilles, ail et chorizo, son ami Paul Jamin, alias Jam, venu avec son humour ravageur et son inextinguible bonne humeur lui donner des nouvelles du fidèle Hergé et, bien sûr, lui apporter les nouveaux albums de Tintin.

     

    De toute façon, Hergé entretint un contact indirect constant avec Léon via leur grand ami commun Paul Jamin, servant en quelque sorte d’ « agent de liaison ».

     

    29 Guerre scolaire.jpegLe Jam du rexiste Pays réel et de la Brüsseler Zeitung de l’occupant, était devenu l’incontournable Alidor de Pan et, après sa rupture en 1990 d’avec cet hebdomadaire, de Père Ubu : pour les politiciens belges, être croqués par l’ancien « incivique » condamné à mort marquait la concrétisation de leur notoriété politique, surtout si, parmi les « figurants » les encadrant dans ses féroces dessins, figuraient à la fois Léon Degrelle et Tintin ! Des ministres allaient jusqu’à le payer pour cela (« 7000 francs ! », Le Soir, 30 juillet 2010). Le ministre de la Justice de l’époque, Jean Gol (né Golstein), se précipitera d’ailleurs pour préfacer, en 1990, son recueil Touche pas à mon roi ! C’est également grâce à Paul Jamin que Stéphane Steeman entreprit une belle collection « Léon Degrelle », dont un fleuron est certainement l’exemplaire de La Guerre scolaire signé à la fois –véritable incunable !– par Hergé et Léon Degrelle (Tintin mon copain, p. 26).

     

    Mais les relations entre les deux anciens boy-scouts qui avaient fait leurs premières armes au Vingtième Siècle ne se limitaient pas à des signatures de livres pour collectionneurs. Il s’agissait de véritables relations personnelles où les deux amis se tenaient au courant des aléas de leur situation et entretenaient leur attachement fraternel non seulement par des lettres, mais aussi par des cadeaux, des invitations, des recommandations, d’affectueux conseils…

     

    C’est ce qui ressort clairement de ces quelques lettres de Léon Degrelle à Paul Jamin que nous avons retrouvées (nous n’avons évidemment pas accès aux archives privées de Hergé !)…

     

    « Merci aussi au cher Georges de ses quatre bouquins, merveilleux (comme toute la série).

    Dis-lui que je serais très heureux de le voir se détendre ici. Si ça leur plaît, qu’ils viennent faire un séjour ici, s’inspirer dans une atmosphère très naturelle. Sa femme serait dans un très beau site, nous l’aiderions à se retaper à force d’air pur, de bons plats, et d’affection !

    Dis leur que c’est de tout cœur que je les invite, comme vieux amis, en dehors de tout fatras politique. »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 21 septembre 1959).

     

    « J’ai passé deux semaines au lit, avec ma blessure à l’estomac ouverte. Depuis un mois, je vis de jus de citron et de compote de pommes. J’ai maigri de 7 kilos. Bref, je retrouve ma ligne et ne pourrai plus battre Monseigneur sur ce terrain-là si ça continue !

    Mais, en fait, ça paraît cicatrisé et voilà quelques jours que ça ne saigne plus. Je vais retourner pour 15 jours à ma terrasse, si on m’y laisse tranquille.

    Mes affaires en sont toujours au même point. Rien d’arrangé. Et un tas de sales bipèdes acharnés à m’étrangler. Vois un peu si Monsieur Tintin n’a pas besoin d’un beau palais andalou. Il serait à lui à bon compte, et sur-le-champ. »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 28 janvier 1961).

     

    « Je t’envoie, en insistant beaucoup là-dessus, une preuve du talent de l’artiste de Lyon dont je t’avais parlé et que je te demande de recommander à notre bon vieil Hergé (un fuerte abrazo !).

    Tu peux le voir, c’est bien dessiné et c’est drôle. J’avais une pile d’épreuves. J’espère que celle-ci suffira pour décider Hergé, au moins à ce que ce garçon soit convoqué par une huile de la maison. A l’intérieur, tu trouveras la fiche d’identité du “candidat” écrite de ma main.

    Il connaît le métier, a un genre à lui, a un âge recommandable. Décide Hergé à lui faire une offre intéressante. Il me ferait grand plaisir. »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 3 janvier 1967).

     

    « Je te vois toujours à ta soupente du XXe Siècle, faisant des petits culs-de-lampe près d’Hergé. Je revois Georgette et ses petites pantoufles à pompons près du bureau de l’Abbé Wallez. […] On était quand même sacrément heureux, foutant en l’air un monde grotesque, sûrs de gagner ! […] On a fait sauter dans tous les sens des millions de crétins, épouvanté des milliers de salauds, on a fendu l’espace comme de formidables poulains sauvages. Et par-dessus le marché, on apportait aux hommes une formule de vie autrement saine, puissante, joyeuse que les pataugeages d’eunuques que leur ont offerts nos successeurs ! »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 9 avril 1977)

     

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    Mais Paul Jamin n’était pas le seul « agent de liaison » entre Hergé et Léon. Son épouse Germaine Kieckens rendit également visite à son ami Léon dans son exil andalou : « La chère et belle Germaine […] m’apportant le salut ému et les derniers albums de Hergé, son mari ! Quelles retrouvailles ! Pendant quinze jours, tout en lampant joyeusement le vin doré de mes vignes, nous avons revécu les années délurées de notre jeunesse. » (Tintin mon copain, p. 169). Degrelle semble placer cette visite au moment de la tentative de rapt par le Mossad israélien, soit juillet 1961.

     

    A cette époque, Germaine et Hergé étaient séparés depuis un an, bien que l’auteur de Tintin lui rendît tous les lundis une fidèle et affectueuse visite dans sa demeure de Céroux-Mousty. Selon José Luis Jerez Riesco, avocat madrilène, président de l’Asociación Cultural de Amigos de León Degrelle, cette rencontre se situerait plutôt vers 1957, peu avant l’accident de circulation qui coûtera la vie au fils du proscrit (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio, 1945-1994, pp. 244-245).

     

    31 Tél. Germaine.jpgEn tout cas, si on peut croire la confidence de Germaine Kieckens au jeune tintinophile Hervé Springael (auteur, en 1987, d’un Avant Tintin, Dialogue sur Hergé autoédité), selon laquelle Hergé « avait même interdit à Germaine d’assister aux meetings de Léon Degrelle » (anecdote présentée négativement par Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, p. 262), nous savons (voir ci-avant) que cette défense trouve son origine dans sa phobie des manifestations de masse. De toute façon, manifestement, l’interdiction de Hergé –si elle avait jamais concerné la personne de Léon Degrelle !– a bien été levée pour autoriser les voyages chez l’ami exilé en Espagne !

    Mais qu’importe : quoi que prétendent les pseudo-spécialistes du maître de la « ligne claire », Léon Degrelle fait bien partie des amis qui comptent pour Hergé !

     

    A suivre

     

     

  • « 25 ans sans Léon Degrelle »

     

    Commémoration du 31 mars à Valence (Espagne)

     

    A l’occasion du 25e anniversaire de la disparition de Léon Degrelle, Devenir Europeo et l’Association Culturelle des Amis de Léon Degrelle ont organisé, le 6 avril dernier à Valencia une émouvante réunion d’hommage à la mémoire de Léon Degrelle (ce blog au 5 avril 2019).

     

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    Voici les textes des principaux orateurs, au premier rang desquels José Luis Jerez Riesco, fondateur de l’Association, Ramón Bau, ancien secrétaire général du Cercle Espagnol des Amis de l’Europe (CEDADE) ainsi qu’une importante interview d’Eduardo Núñez, actuel président de l’Asociación Cultural Amigos de León Degrelle.

     

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  • L’Espagne n’oublie pas Léon Degrelle

     

    « 25 ans sans Léon Degrelle »

     

    Peut-être ne s’en rend-on pas toujours compte, mais Léon Degrelle a vécu plus de la moitié de sa vie dans l’Espagne catholique et nationaliste du Général Franco, puis dans celle de la dégénérescence post-franquiste.

     

    Il n’empêche qu’après environ cinquante ans de vie tumultueuse, aventureuse, mais également heureuse en terre ibérique du dernier Commandeur de la Légion Wallonie, les meilleurs des Espagnols qui l’ont généreusement accueilli ne l’oublient pas.

     

    C’est ainsi que l’association culturelle Devenir Europeo organise, ce samedi 6 avril à 18h, en son siège de Valence, une conférence à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la disparition de Léon Degrelle.

     

    C’est l’actuel président de l’Association espagnole des Amis de Léon Degrelle, Eduardo Núñez qui prendra la parole à cette occasion.

     

    Rappelons qu’Eduardo Núñez a signé, dans la collection « Nos Héros » de Devenir Europeo, un magnifique opuscule consacré à León Degrelle, en compagnie de José Luis Jerez Riesco, fondateur et premier président de l’Asociación Amigos León Degrelle et auteur de l’ouvrage de référence León Degrelle en el exilio, 1945-1994 (voir ce blog au 28 mai 2016).

     

    Ce petit livre de 56 pages (3 euros) résume tout d’abord, sous la plume d’Eduardo Núñez, la vie aussi bien personnelle que militante de Léon Degrelle, soulignant parfaitement l’éthique qui gouverna toute son existence. José Luis Jerez Riesco s’attache ensuite à éclairer "Le long exil", toujours méconnu des historiens et pourtant presque aussi périlleux que le temps de guerre : Léon Degrelle dut y manifester autant de courage et d’esprit d’initiative qu’au front !...

     

    Voici la traduction de la présentation de cette conférence.

     

    LD Conférence Devenir Europeo.JPG

     

    Présenter la figure de Léon Degrelle est toujours une histoire passionnante.

    Fondateur de REX, mouvement belge révolutionnaire, chrétien et social, Léon Degrelle s’engagea plus tard comme simple soldat pour combattre le communisme et devint général de la Waffen SS, obtenant tous ses grades pour mérite militaire.

    La personnalité de l’homme dont on dit qu’il inspira Hergé dans la création de Tintin et à propos duquel Hitler déclara que s’il avait un fils, il aimerait qu’il fût tel que lui, est protéiforme, présentant de nombreuses facettes parfois peu connues.

    Léon Degrelle mourut à Malaga, après s’être imposé un long exil espagnol, le 31 mars 1994, voilà donc aujourd’hui 25 ans. Et quoi qu’on puisse en dire, certains parvinrent à rendre ses cendres à sa patrie. Cendres qui, souhaitons-le, se transformeront en Phénix afin de permettre la renaissance d’une nouvelle Europe.

     

    Pour assister à cette conférence qui se tiendra à Valence, ce samedi 6 avril à 18h, il suffit de se mettre en contact avec l’association : info@devenireuropeo.com (les publications de Devenir Europeo y seront disponibles).