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léon-marie degrelle

  • Sous le manteau du Caudillo [1]

     

    Léon Degrelle en Espagne : du tourisme sexuel ?

     

    La 41e Correspondance du Cercle des Amis de Léon Degrelle nous avait mis en garde à propos de la publication d'un nouvel ouvrage apparemment consacré à Léon Degrelle (une photographie inédite prise à La Carlina dans les années cinquante en fait la couverture), Bajo el manto del Caudillo (« Sous le manteau du Caudillo [Franco] », par un certain José Luis Rodríguez Jiménez : « Internet nous apprend que l'auteur est un professeur d'université, spécialiste de l'extrême-droite et des fascismes ?! Sans doute du même type que ceux que nous subissons en France ou en Belgique, tels les Balace, Colignon, Milza, [...] Tout un programme ! » (ce blog au 6 juillet 2024).

     

    En plein dans le mille ! Nous avions en effet déjà été prévenus par un article à sensation du quotidien espagnol en ligne El Mundo, le 22 mars dernier, annonçant le bouquin : Léon Degrelle : les cinq femmes (dont une duchesse) du nazi que Franco protégeait !

     

    Présentant ces prétendues révélations historiques, –évidemment orientées, c'est-à-dire politiquement correctes !–, le journaleux de service en faisait d'emblée un résumé digne des dénonciations #MeToo : « Marié et père de cinq enfants, le leader du mouvement fasciste belge, condamné à mort dans son pays après la Seconde Guerre mondiale, se souciait peu que sa femme soit condamnée à cinq ans de prison pour collaboration. Il a trouvé dans l'Espagne de Franco un refuge paisible, où il eut l'occasion de faire fortune et d'entretenir des relations avec quatre autres femmes, parmi lesquelles, la duchesse de Valence et la phalangiste, membre de la Section féminine, Clara Stauffer Loewe. [...] Et ce n'est pas un hasard si les autres femmes avec lesquelles il a eu des relations avaient des moyens économiques confortables. »

     

     

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    Du journal en ligne El Mundo, le 22 mars 2024 :

    « Catholique, excellent orateur, décoré par Hitler lorsqu'il mit son parti, Rex, au service des nazis, et condamné à mort par contumace en tant que traître à sa patrie, il vécut heureux en Espagne, protégé et étroitement surveillé par la police du régime. C'est grâce au contrôle permanent dont il a fait l'objet qu'il a été possible de suivre bon nombre de ses déplacements depuis son atterrissage spectaculaire le 8 mai 1945 sur la plage de La Concha à San Sebastián jusqu'à sa mort à Malaga, en 1994.

    Dans Sous le manteau du Caudillo (Alianza), l'historien José Luis Rodríguez Jiménez a reconstitué son séjour en Espagne, les différentes résidences qu'il a eues (certaines luxueuses, comme le domaine La Carlina, à la périphérie du village sévillan de Constantina) et les (au moins) cinq femmes avec lesquelles il a partagé quelques périodes de sa vie trépidante. »

     

    Précisons, s'il le fallait encore, qu'Adolf Hitler remit personnellement les plus hautes décorations militaires allemandes à Léon Degrelle, non parce que ce dernier lui aurait offert le mouvement Rex, mais pour sa conduite héroïque au front de l'Est (ce blog, entre autres, au 21 juin 2018). Quant à sa condamnation à mort, elle fut prononcée par un tribunal belge d' « épuration » appliquant des lois arbitraires avec effet rétroactif (ce blog aux 24 janvier 2023 et 10 avril 2024).

    Sur le crash de son avion à San Sebastián, voir ce blog aux 20 mai 2016 et 18 juin 2020 ; et sur la merveilleuse propriété de La Carlina, le 23 octobre 2022.

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    Parmi ces femmes aux revenus « confortables » figura apparemment quelqu'une dont jamais personne n'avait entendu parler jusqu'ici, Hélène Cornette. Voici, reprenant les informations de l'auteur du bouquin, ce que nous en dit El Mundo : « Au début des années 1950, alors qu'elle a 44 ans et lui 46, Degrelle rencontre la Parisienne Hélène Cornette, collaboratrice du IIIe Reich, condamnée par contumace en 1948 à cinq ans de prison, à 100 000 francs d'amende et à la confiscation, au profit de l’État, de ses biens présents et futurs. Mariée depuis les années 1930 au policier Pedro Urraca, elle partage avec Degrelle un passé similaire, avec le souvenir de la Seconde Guerre mondiale, leurs expériences de vaincus et de condamnés et les liens avec la Belgique, et ils partagent le diagnostic politique du danger posé par l'URSS. Leur idylle, bien que saisonnière, durera plusieurs années, au cours desquelles elle se rend régulièrement dans la propriété La Carlina.

    Cependant, soit elle décida que cette relation avait déjà été trop loin pour une étrangère, bien que disposant d'un passeport espagnol, exilée et qui voulait conserver les avantages de sa vie conjugale, soit il avait déjà entamé une relation, avec une autre femme, fille d'un antiquaire, ce qui n'a plu ni à ses filles, ni à Clarita, ni à Hélène”. »

     

     

     

    Bajo Cornette centrée.jpegLe fils d'Hélène Cornette, Jean-Louis, a confié à José Luis Rodríguez Jiménez cette photo de sa mère prise dans les jardins de La Carlina, la propriété andalouse de Léon Degrelle.

    L' « historien » illustre, en bas de page, ses qualités cancanières par ce récit pseudo-biographique où se distinguent surtout ses interprétations gratuites :

     

    Bajo Cornette coupée.jpeg

    « Le travail de Degrelle ne devait pas être trop fatigant car il ne cessait de développer ses relations sociales par des voyages à Madrid où une chambre lui était réservée dans la maison de Clara Stauffer, et d'écrire. Et comme il se sentait en sécurité et qu'en plus, il était imprudent et mégalomane, il décida, en 1952, de publier en espagnol Les Âmes qui brûlent, Notes sur la paix, la guerre et l'exil. Ce livre démontre que Degrelle avait cessé de craindre la justice belge et était impatient de se faire entendre afin qu'on reparle de lui comme dans les années trente. » (p. 236).

     

     

     

    Mis en appétit par ces détails pour le moins piquants, comment ne pas se précipiter sur ce livre qui s'annonce fort croustillant ? Croustillant, et certainement fondé sur une documentation rigoureusement vérifiée puisque l'auteur, José Luis Rodríguez Jiménez, se targue d'être Docteur en Géographie et Histoire, de disposer d'un diplôme en Défense nationale délivré par l'université de l'Armée et d'enseigner l'histoire contemporaine et l'histoire du terrorisme à l'Université Roi Juan Carlos ! Ce bouquin, nous prévient-il en effet dans la note de présentation en quatrième de couverture, « propose le résultat de décennies d'investigation » (« décadas » au pluriel, donc au moins deux fois dix ans !)...

     

    Nous avons déjà relevé, dans notre première évocation de l'ouvrage (ce blog au 6 juillet 2024), que l'Universidad Rey Juan Carlos s'était jusqu'ici surtout illustrée par la délivrance de diplômes de complaisance. Par exemple, ceux dont s'enorgueillissaient la ministre de la Santé, le président du Parti populaire et la présidente de la région de Madrid. Mais Wikipédia en rajoute des couches, dénonçant les diplômes de criminologie achetés par plus de deux cents « étudiants » policiers et révélant aussi la démission obligée du recteur de ladite université dont la thèse de doctorat n'était qu'un plagiat !

     

    C'est donc en digne collaborateur de cette université bidon, que le Prof. Rodríguez prétend « suivre les traces » de Léon Degrelle dans son pays, en rappelant l'origine de sa thèse de doctorat sur l'extrême-droite espagnole : la célébration à Madrid du centenaire de la naissance d'Adolf Hitler (voir à ce propos ce blog au 15 mars 2024).

     

    Le lecteur ressort quand même assez consterné des précisions détaillées par le pseudo-historien dans son Introducción sur cet événement : non seulement il orthographie fautivement le nom d'Ewald Althans (« Althaus », y compris dans l'index), le chef des jeunes de la Deutsche Freiheitsbewegung du Général Otto Remer, mais il fait de l'époux néerlandais (né dans l'île de Java, appartenant alors aux Indes néerlandaises) de la néerlandaise Florentine Heubel, Meinoud Rost van Tonningen, chef du Mouvement national-socialiste néerlandais et président de la Banque des Pays-Bas, un... « leader nazi danois » (p. 13) !...

     

    Voilà qui promet ! D'autant que le peu scrupuleux codicologue n'arrêtera pas d'appeler, dans son étude prétendument historique, Léon-Marie, le fils unique de Léon Degrelle (ce blog au 26 février 2016),... « Jean-Marie » ! Et ce, aux pages 256 (trois fois), 260 (deux fois), 386 (deux fois) et dans l'index, p. 411. Le pire (ou le plus marrant), c'est que le Rodríguez ose donner aux autres des leçons de rigueur onomastique : « le personnel administratif qui a rempli ces documents s'est trompé en transcrivant différents noms de famille ou a confondu noms et prénoms » (p. 127) ; « la mort du fils de Degrelle [était annoncée dans la presse étrangère] avec toutes sortes d'erreurs (le fils apparaissait avec des noms différents [...] » (p. 257) !!!

     

     

    Bajo Tombe Jean. Marie 2.jpeg

    Le malheureux Léon-Marie non seulement a perdu la vie précocement, à peine âgé de dix-huit ans, mais il perd aussi aujourd'hui son nom, par l'incompétence d'un prétentieux professeur d'université espagnol, clone (presque aussi pénible, mais, plus jeune, il a donc encore de l'avenir !) de notre pontifiant Francis Balace (ce blog, entre autres, au 6 juillet ou au 8 novembre 2019) !

     

    Dans le texte qu'on peut lire sous la photo, Rodríguez reprend la version invraisemblable d'Anne [Degrelle] Lemay) : « Apparemment, la mère n'en voulut pas à son ex-mari de la perte de son fils et résolut d'envoyer sa fille Anne pour le consoler » (p. 260).

     

    Sur la stratégie de Marie-Paule Lemay pour obtenir ses papiers de divorce, nous renvoyons à notre article du 13 mars 2023. On y trouvera également clairement exprimé son sentiment sur la mort de son fils, dans une lettre virulente à sa belle-sœur Marie, religieuse au couvent des Visitandines, à Paliseul, non loin de Bouillon : « Je l'accuse [Léon Degrelle] de m'avoir pris mon enfant et lui impute la responsabilité totale de sa mort ». Cette incrimination définitive est pourtant citée dans Degrelle en el exilio, de José Luis Jerez Riesco, dont Rodríguez se sert abondamment, notamment p. 379.

     

     

    Mais revenons aux aventures de Léon Degrelle, Don Juan exilé qui, caché sous le manteau du chef de l’État espagnol, aurait passé ses vacances forcées à séduire les plus riches beautés hispaniques, de la Duchesse de Valence à la fille du propriétaire des célèbres bières Mahou, en passant par... la femme française d'un fonctionnaire de police espagnol. Déjà, on s'interroge sur le casting : Léon Degrelle courait-il vraiment après les sous de cette désargentée ? On vient de lire en effet qu'elle était ruinée et n'avait à partager avec son prétendu amant que ses souvenirs de persécution et sa crainte des Soviets...

     

    En parcourant le bouquin, nous nous rendrons vite compte que le « cas Léon Degrelle » est assez mince et est loin de pouvoir occuper ses 400 pages. Pour se donner de la consistance, le propos a dû s'élargir : le sous-titre évoquera donc les « nazis, fascistes et collaborateurs » ayant trouvé refuge « dans l'Espagne franquiste », Léon Degrelle n'étant plus qu'une sorte de détail de l'histoire (si on ose dire !), son « personnage servant de fil rouge à cet essai » (note de couverture), car son histoire « nous permet de connaître les mécanismes de protection des nazis réfugiés chez nous, c'est-à-dire l'intervention des autorités, mais aussi des personnes qui, faisant partie du régime ou non, ont pris des décisions au niveau individuel en faveur des demandeurs d'asile auxquels les unissaient des liens idéologiques et personnels » (p. 16).

     

    Quel embrouillamini pour ne jamais dégager aucun « mécanisme de protection », mais des rencontres et des amitiés engendrant réactions, prises de position, initiatives au cas par cas... Encore eût-il été intéressant, voire indispensable, que le prof de cette université, tout de même abracadabrante, ait défini plus clairement ce qu'il entend par « nazis réfugiés chez nous » car son corpus d'étude englobe également sans sourciller aussi bien le général français Raoul Salan, partisan de l'Algérie française, l'archiduc Otto de Habsbourg, héritier de l'Empire austro-hongrois, ou Juan Perón, président d'Argentine... Dame ! Il fallait bien remplir le bouquin...

     

     

    Les ragots qui font les certitudes d'un « prof d'unif »

     

    C'est que le but de l'ouvrage serait finalement d'apporter sa contribution –dérisoire en définitive– à l'entreprise sans fin de démonisation absolue du national-socialisme : « De plus, l’œuvre écrite de Degrelle et ses déclarations aux médias internationaux ont joué et continuent de jouer un rôle important dans la spécialisation du néonazisme dans la négation de l'extermination de groupes de populations par le régime nazi et ses alliés, afin d'exonérer de leurs responsabilités ceux qui la planifièrent et l'exécutèrent. C'est pour cela que dans ce livre qui est le fruit de décennies d'investigation sur ce thème général, j'ai principalement suivi ses traces. » (p. 16).

     

    Malheureusement, la méthodologie développée par le docte académicien pendant ses décadas de recherche, n'est pas non plus très assurée, laissant errer ses observations dans l'imprécision, l'incertitude, le flou, ouvrant la porte aux supputations gratuites. Nous n'avons que parcouru tout ce qui ne nous paraissait pas concerner directement Léon Degrelle. Suffisamment tout de même pour nous faire une opinion ! Des exemples ?

     

    « Dans ces conditions, il paraissait logique [pour les Alliés] de penser que l'Espagne serait très probablement le pays européen où les nazis s'étaient déjà organisés, ou allaient le faire, pour transformer le territoire en base d'opérations [nazies] car c'était là que cherchaient refuge les cadres dirigeants du nazisme alors que sonnait l'heure de l'effondrement du Troisième Reich » (p. 107).

     

    « Néanmoins, au cours de l'année 1946, les recherches des Alliés permirent la découverte d'importantes quantités d'argent cachées en d'autres endroits [que l'ambassade d'Allemagne en Espagne] par des diplomates et autres agents allemands, peut-être à des fins personnelles bien qu'à cette époque, on pouvait supposer qu'il s'agissait d'une réserve secrète constituée à des fins politiques. » (p. 108).

     

    « Étant donné qu'on n'a pas trouvé de documents dans lesquels Franco prendrait position à ce sujet [la protection de réfugiés du Reich] ou donnerait des ordres concernant une personne en particulier, on peut supposer qu'il communiquait ses décisions verbalement, principalement à son cousin, le général Francisco Franco Salgado-Araujo, chef de la Secrétairerie militaire et personnelle du chef de l’État, qui les transmettait aux ministres des Affaires étrangères Lequerica et Artajo, et appliquait les différentes recommandations en faveur des réfugiés. » (p. 123).

     

     

    Lequerica PR 1939.04.11.png

    José Félix de Lequerica (1890-1963), phalangiste de la première heure, fut ambassadeur d'Espagne en France de 1939 à 1944 (photo de la présentation de ses lettres de créance dans Le Pays réel du 4 novembre 1939). Devenu ministre des Affaires étrangères en août 1944, il « arrache au Caudillo l'autorisation de recevoir en Espagne [les ministres français] Pierre Laval et [...] Abel Bonnard » (Olivier Mathieu, Abel Bonnard, une aventure inachevée, Postface de Léon Degrelle, Avalon, 1988, p. 326). Nous ignorons si Lequerica intervint auprès de Franco pour le cas de Léon Degrelle, mais, choqué du sort qui fut réservé à Pierre Laval livré aux Français et après qu'il eut empêché l'extradition d'Abel Bonnard, il ne fut sans doute pas contre le maintien sur le sol espagnol du condamné à mort belge dont il avait efficacement aidé la libération des prisons françaises en 1940 et qu'il avait alors rencontré à Vichy (voir ci-après).

     

     

    « Il semble donc raisonnable de penser qu'à partir de son poste de chef de l'Office central de la Sécurité du Reich et chef de la SS et avec un service de renseignement à ses ordres, Himmler a continué [de 1942 à 1944] de donner des ordres pour préparer des filières d'évasion. » (p. 137).

     

    « On pourrait imaginer que Carlos Fuldner était entré en contact avec l'ambassadeur d'Argentine à Madrid et qu'il reçut son aide pour la création d'une filière d'évasion pour les nazis car le groupe de colonels argentins à l'origine du putsch militaire, et surtout Perón déjà président, considérait leur persécution comme injuste, de même qu'était jugé historiquement anormal le fait de créer un tribunal international pour juger les principaux dirigeants du Troisième Reich. » (p. 145).

     

    « Il est fort possible qu'on ait fait disparaître des archives espagnoles, il y a déjà de nombreuses années, les documents relatifs à la fuite de nazis. » (p. 147).

     

    « A propos du trésor des Oustachis, des fleuves d'encre ont coulé, mais il est permis de supposer [...] que certains biens ont été cachés au Vatican » (p. 150).

     

    « Il semblerait que l'argent [nécessaire à l'ouverture du restaurant Horcher à Madrid] aurait été procuré par le bureau d'espionnage des SS afin de servir de point de rencontres sociales pour les Allemands de Madrid et de lieu de coordination pour les agents de l'espionnage » (p. 158).

     

    « Même s'il n'y a pas de documents pour le prouver, le Haut État-Major [de l'armée espagnole] a dû autoriser le séjour en Espagne d'un personnage beaucoup plus remarquable et connu que Darquier de Pellepoix : Karl Bömelburg, le chef de la Gestapo en France et, comme tel, responsable de nombreux crimes, y compris de la déportation de juifs dans les camps d'extermination. Il est difficile d'imaginer que le Haut État-Major ait ignoré sa présence sur le sol espagnol et, dans son cas, l'absence de documentation constitue en effet la preuve d'un travail bien fait » (p. 201).

     

     

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    « Néanmoins, certains promoteurs de la légende Skorzeny ont affirmé qu'à la fin des années quarante, il serait arrivé en Argentine par la voie italienne, et que là, il prit contact avec d'autres réfugiés allemands, comme le pilote de chasse Hans-Ulrich Rudel et l'ingénieur en aéronautique et pilote d'essai Kurt Tank, travaillant tous deux comme conseillers de Perón. Après une série d'aventures amoureuses avec plusieurs femmes d'influence – y compris Eva Perón –, Skorzeny retraversa l'océan pour s'installer en Espagne. Ce qui est certain, c'est que les autorités espagnoles ont gardées secrètes les circonstances de son arrivée dans le pays. » (p. 214).

     

     

     

    Peron à Gil 1965.jpeg     Peron+Isabel Gil.jpeg

     

    Si Juan Domingo Perón figure dans ce livre sur les « fascistes [...] dans l'Espagne franquiste », c'est que le président argentin fut –péché capital !– un « admirateur du nazisme » (p. 132).

    En voici une photographie dédicacée à Georges Gilsoul (1922-1997) qui prit cette autre photo du couple en exil (copies de mauvaise qualité extraites des bulletins ronéotypés Gil raconte envoyés à compte d'auteur, à travers toute l'Europe).

     

    Georges Gilsoul s'engagea in extremis (le 2 juillet 1944 !) dans la Division SS Wallonie, recruté par Léon Degrelle en personne dans l'usine de Leipzig où il effectuait son Service du Travail Obligatoire. Envoyé sur le front de Poméranie où il participa aux féroces combats d'Altdamm et de l'Oder, il échappa encore aux pelotons d'exécution de l'épuration. Il devint après la guerre un des meilleurs propagandistes et diffuseurs des écrits degrelliens interdits de vente en Belgique (quelque 900 Degrelle m'a dit, autant de Lettres à mon Cardinal, solde des Cohue de 1940 et Campagne de Russie sauvés du pilon...).

     

    josé luis rodríguez jiménez,la carlina,duchesse de valence,clara stauffer,hélène cornette,jean-louis urraca,léon-marie degrelle,ewald althans,otto remer,meinoud rost van tonningen,anne lemay,franco,lequerica,pierre laval,abel bonnard,olivier mathieu,pierre daye,otto skorzeny,georges gilsoul,juan perón,muñoz grandes,rené lust,légio azul,serrano suñer,fernández cuesta,marie-christine degrelleInconnu des « encyclopédistes » à la De Bruyne, Georges Gilsoul, dit Gil ou « le bipède motorisé », a été immortalisé par Saint-Loup dans Les Nostalgiques (p. 103 sv., 190, 218, 249 sv.) et salué avec effusion par Robert Poulet (Eloge d'un Frelon) dans l'hebdomadaire Rivarol (1er novembre 1985). Quand il venait en Espagne rendre compte à son chef Léon Degrelle, Gil se permit –à au moins cinq reprises– de visiter l'ex (et futur) président d'Argentine, pays où il résida pendant plusieurs années après la guerre et où naquit sa fille (ci-dessus une photo de Gil à La Carlina, publiée dans Tintin mon copain, p. 113).

     

    Grand amateur de ragots, le spécialiste des dessous de l'Espagne franquiste, fait non seulement d'Otto Skorzeny l'amant d'Evita Perón, mais d'un milliardaire allemand proche des services secrets nazis, le responsable des succès électoraux des péronistes (54 % en 1946, 67 % en 1967) et non leur programme de redressement économique et de justice sociale. L'action présidentielle de Juan Perón se réduirait finalement à faire de son pays « la destination préférée des nazis, fascistes et collaborateurs en fuite [...], en ce compris Hitler, Goebbels et quelques-uns de leurs fidèles, dans les derniers jours de la guerre » !... (p. 137).

     

    On aura compris que de tels renseignements s'alimentent, comme tout le livre, de n'importe quel racontar. Ainsi du domicile madrilène du fondateur du justicialisme : « Par la suite, grâce à un cadeau de plusieurs amis –c'est du moins ce qu'on raconte– Perón, protégé par la Garde Civile, résidait en tant que propriétaire, dans le quartier de Puerta de Hierro, d'un cinquième étage à trois niveaux, avec sa secrétaire devenue son épouse, connue sous le petit nom d'Isabelita, c'est-à-dire Isabel Martínez de Perón, et plusieurs chiens. » (p. 351).

     

     

     

    Ragots degrelliens

     

    On ne sera pas étonné, en lisant les pages consacrées à Léon Degrelle, de constater de semblables approximations, interprétations malveillantes, affirmations gratuites, ragots... Un florilège.

     

     

    josé luis rodríguez jiménez,la carlina,duchesse de valence,clara stauffer,hélène cornette,jean-louis urraca,léon-marie degrelle,ewald althans,otto remer,meinoud rost van tonningen,anne lemay,franco,lequerica,pierre laval,abel bonnard,olivier mathieu,pierre daye,otto skorzeny,georges gilsoul,juan perón,muñoz grandes,rené lust,légio azul,serrano suñer,fernández cuesta,marie-christine degrelleLes nouveaux mariés Degrelle en promenade à Tournai.

     

     

    « [Léon Degrelle] s'était marié avec une femme française, de famille très riche, et le couple faisait habituellement ses courses à Paris » (p. 60).

     

    « Degrelle se sentit flatté par la place que le Führer lui avait faite dans son agenda [mais] pour l'opinion publique belge, Rex était devenu une succursale du nazisme » (p. 60).

     

    « Ce qui est intéressant [dans le résultat des élections de 1937 Van Zeeland contre Degrelle], c'est que cet événement inattendu du tous contre un laissa une trace profonde chez le leader rexiste et permet d'expliquer sa dérive pronazie » (p. 61).

     

    « A partir de janvier 1940, [...] Degrelle allait recourir de plus en plus aux théories du complot pour expliquer ce qui était en train de se passer » (p.63).

     

    « une série d'extrémistes de droite fascisés et fanatiques du Troisième Reich, parmi lesquels José Finat qu'il a dû connaître en Espagne et, par la suite, visiter quand il fut ambassadeur à Berlin » (p. 67).

     

    « Degrelle élargit le cercle de ses amitiés espagnoles au cours de l'hiver 1938, [...] de nouvelles amitiés qui pourraient se montrer disposées à l'aider dans le futur » (p.77).

     

    « Je ne dispose pas d'éléments concrets sur la relation entre [Léon Degrelle et Clarita Stauffer] à cette époque, mais [...] il ne fait pas de doute qu'ils avaient à tout le moins établi une solide relation d'amitié » (p. 83).

     

    « Il est évident que [dans La Campagne de Russie,] Degrelle passe sous silence de nombreuses choses qu'il a dû voir et entendre » (p. 94).

     

    « Le plus probable est que [Léon Degrelle] dut faire face aux frais [de La Carlina] grâce au soutien économique de certaines amitiés ou que ces mêmes amitiés le recommandèrent pour qu'il obtienne sans caution un emprunt bancaire à taux réduit » (p. 232).

     

    Mais faut-il s'embarrasser de vérifications rigoureuses à propos de Léon Degrelle, alors qu'il importe surtout de le salir en s'inscrivant docilement dans la tradition de l'histoire correcte, telle que doit désormais l'enseigner l'université ?

     

    Le Cercle des Amis de Léon Degrelle l'avait immédiatement subodoré : Rodríguez s'inscrit effectivement dans la ligne des Balace, Colignon et autres magouilleurs de l'Histoire.

     

    Tel donc le clownesque « Prof » Francis Balace à la déloyauté arrogante chevillée au corps, il faut inlassablement répéter que Léon Degrelle est un menteur et un mythomane : « Il n'est pas un historien sérieux qui puisse accorder la moindre créance à la mauvaise foi continuelle de Léon Degrelle et de son hypertrophie du moi » (ce blog au 30 juin 2016). Ce qu'exécute donc scrupuleusement Rodríguez puisqu'il est « historien » diplômé !

     

    Aussi s'en donne-t-il à cœur joie, concurrençant même Balace dans ses litanies de vaines invectives : « un personnage égocentrique et souvent menteur » (p.57) ; « malgré son narcissisme» (p.66) ; « fidèle à lui-même, Degrelle n'a pas manqué d'exagérer » (p. 76) ; « Bien qu'il soit certain que Degrelle exagère » (p. 96) ; « Degrelle était un égocentrique qui mentait, manipulait et exagérait » (p. 173) ; « c'était un imprudent mégalomane » (p. 216),...

     

     

    Léon Degrelle s'inventerait des amis

     

    Pour établir ses contre-vérités, Rodríguez n'hésite pas à recourir à l'argument d'autorité pour discréditer les assertions de Léon Degrelle qui lui paraissent d'évidence incroyables et relevant donc de la folie des grandeurs ! Ainsi veut-il ruiner le rapport du tout premier interrogatoire du nouveau patient de l'Hôpital Mola par le commissaire de la police secrète de San Sebastián (Cuerpo General de Policia) à l'intention de la Direction Générale de la Sécurité à Madrid :

     

    « Blessé et mal en point, mais fidèle à lui-même, Degrelle n'a pas manqué d'exagérer un peu devant le commissaire de San Sebastián qui ajouta les propos suivants à son rapport : Il dit qu'il s'est battu pour notre Guerre de Libération, en lui envoyant les meilleurs de ses hommes. Qu'il est un ami du Généralissime Franco, de M. Lequerica et du Général Muñoz Grandes, mais qu'il ne veut absolument pas les déranger puisque lui-même et ses compagnons sont venus délibérément en Espagne pour se livrer, en tant que soldats allemands, aux Autorités afin d'être internés”. » (p. 76).

     

    Quoi ! Léon Degrelle ose prétendre être « l'ami » de personnalités parmi les plus éminentes de l’État espagnol ? Quel mégalomaniaque !...

     

    Ses décadas de recherches n'ont manifestement pas permis à l'universitaire soldé d'apprendre que Léon Degrelle –qui visita en hôte d'honneur, du 2 au 14 février 1939, les principaux lieux de combats des troupes nationalistes (Madrid, Tolède, Barcelone,...)– fut longuement reçu par le Général Franco en personne dans son quartier général de Saragosse, le 9 février 1939. Franco connaissait en effet Rex et Léon Degrelle depuis longtemps, ainsi qu'il le manifesta à l'envoyé spécial du Pays réel, René Lust, en 1936. Il faut préciser que Léon Degrelle entretenait également, depuis 1933, des relations suivies avec José Antonio Primo de Rivera, le chef de la Phalange, qui lui signa la toute première carte de membre de la Phalange de l'étranger (ce blog au 31 mars 2021).

     

     

     

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    Le Général Franco, lui confiant son portrait dédicacé pour le quotidien rexiste, déclara à René Lust, envoyé spécial du Pays réel : « Vous direz à votre chef, Léon Degrelle, que je suis très sensible à cette visite. J'aurais voulu le recevoir lui-même et lui dire mon admiration. Je connais bien le mouvement rexiste ; est-il besoin de vous dire qu'il a toute ma sympathie ? Je suis sûr que Rex gagnera sa bataille comme nous gagnerons la nôtre, car le rexisme est une mystique et la foi force la victoire. » (Le Pays réel, 23 septembre 1936).

     

     

    Le docteur ès carabistouilles, ignore évidemment aussi que José Félix de Lequerica, ambassadeur d'Espagne en France, fit la connaissance de Léon Degrelle, déporté par le gouvernement belge dans le camp de concentration français du Vernet (ce blog aux 30 avril 2017 et 28 septembre 2022), immédiatement après sa libération et sa prise en charge par Pierre Daye qui avait remué ciel et terre pour le retrouver. S'arrêtant à Vichy, sur le chemin du retour le 24 juillet 1940, Pierre Daye présenta Léon Degrelle à son ami Lequerica qui l'avait accompagné auprès de Franco en avril 1938. Ils dînèrent tous ensemble à l'Hôtel des Ambassadeurs abritant le corps diplomatique accrédité auprès du Maréchal Pétain. Léon Degrelle put non seulement le remercier chaleureusement pour son intervention ayant grandement facilité la mission libératrice de Pierre Daye, mais également attirer son attention sur la présence de nombreux autres Belges innocents dans les geôles françaises (dont l'écrivain Paul Colin, directeur du Nouveau Journal), afin de hâter leur libération (Le Soir, 30 juillet 1940). Les deux hommes se revirent encore en juillet 1944 à Paris où ils dînèrent à l'Hôtel Claridge.

     

     

     

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    Après l'annonce de son rappel en Espagne par le Caudillo, le Général Agustín Muñoz Grandes est reçu, le 13 décembre 1942, par Adolf Hitler à la « Tanière du Loup », le Quartier Général de l'armée allemande sur le Front de l'Est. Le Führer vient d'ajouter les Feuilles de Chêne à la Croix de Chevalier de la Croix de Fer du général espagnol, faisant de lui le second des huit récipiendaires non-Allemands de cette prestigieuse distinction, avec Léon Degrelle qui en sera l'ultime bénéficiaire.

     

     

    Quant au Général Agustín Muñoz Grandes, comment Léon Degrelle ne l'aurait-il pas connu puisqu'il fut le commandeur de la Division Azul des Volontaires espagnols au Front de l'Est jusqu'en décembre 1942. Avant de rentrer à Madrid, rappelé par Franco, il fut l'un des rares étrangers, avec Léon Degrelle, à recevoir des mains d'Adolf Hitler, en son Quartier Général de Rastenburg le 13 décembre 1942, la Croix de Chevalier de la Croix de Fer avec Feuilles de Chêne.

     

    On a vu que Léon Degrelle partageait les idéaux de la Phalange –si proche de Rex– dont Muñoz Grandes avait été le ministre-secrétaire général avant de s'engager dans la croisade antibolchevique. C'est donc avec joie qu'il accueillit dans sa Division Wallonie, au moment des derniers combats de Poméranie, partie des Légionnaires espagnols ayant refusé de quitter le front après la dissolution de leur division d'infanterie décidée par Franco en mars 1944 (Ángel González Pinilla, La Legión clandestina, Españoles en la Wehrmacht y las Waffen-SS 1944-1945, p. 136). Muñoz Grandes lui gardera une fidèle reconnaissance pour avoir contribué à préserver ses hommes d'une funeste dispersion dans les diverses unités de la Wehrmacht et de la Waffen-SS.

     

     

     

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    Des Bourguignons de la Division SS-Wallonien fraternisent avec leurs nouveaux camarades espagnols ayant choisi de poursuivre la croisade antibolchevique à leurs côtés. « Combien d'Espagnols rejoignirent la Division wallonne ? Comme tout ce qui concerne la participation espagnole durant les derniers mois de la guerre, les chiffres varient significativement selon les sources. [...] Un autre calcul de la composition de la compagnie espagnole vient du SS-Ustuf Albert Steiver, chef de la 1. Kompanie du I Bataillon du SS Freiwilligen-Grenadier-Regiment 70, qui l'estime à deux cent quarante espagnols divisés en trois groupes en provenance de Berlin [...], plus un autre de cent vingt en provenance de Vienne. » (Ángel González Pinilla, La Legión clandestina, Españoles en la Wehrmacht y las Waffen-SS 1944-1945, p. 141).

     

     

    Le tout premier témoignage que nous possédons de l'atterrissage en catastrophe de l'avion de Léon Degrelle sur la plage de San Sebastián est celui d'un habitant proche du rivage, réveillé en sursaut et accouru en pyjama : « La mer s'engouffrait dans la cabine engloutie et nous arrivait à la moitié du corps. Sur la plage, devant les chalets et les auberges, quelques gardes civils faisaient de grands gestes. Presque tout le monde était blessé. Les blessures apparemment les plus graves de Degrelle semblaient venir des brûlures causées par l'explosion. Il se plaignait beaucoup de l'épaule. La première chose que demanda Degrelle fut de savoir s'il était en Espagne et quand on lui répondit que oui, il baragouina qu'il était un ami de Muñoz Grandes. » (témoignage de Jesús Jiménez, in Félix Elejalde Aldama, La Aviación en Guipuzcoa (1908-1996), p. 125).

     

    Pourquoi ne fut-il pas immédiatement question là de Franco et de Lequerica, connus tout aussi bien de Léon Degrelle, si pas mieux que Muñoz Grandes ? S'adressant à un civil espagnol, le blessé a-t-il pensé qu'invoquer le Caudillo lui-même aurait suscité l'incrédulité ? Que le nom de Lequerica, un ambassadeur à l'étranger, était inconnu et n'aurait produit aucune impression ? Alors que, portant l'uniforme allemand, il ne pouvait qu'éveiller l'intérêt et attirer la sympathie en invoquant le nom vénéré du Commandeur des Espagnols combattant sous l'uniforme allemand ?... Quelques jours plus tard, soigné à l'Hôpital militaire Général Mola de San Sebastián et interrogé par un fonctionnaire de l’État espagnol, Léon Degrelle joua cartes sur tables et donna les noms de tous ceux dont il pouvait légitimement penser se prévaloir de l'amitié. Mais c'est aujourd'hui, quatre-vingts ans plus tard, qu'il suscite l'incrédulité et le sarcasme de prétendus historiens balayant de la main les faits historiques qui les dérangent...

     

     

     

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    Si la presse belge multiplie les fausses informations destinées à entretenir la pression sur le gouvernement pour obtenir l'extradition de son plus célèbre condamné à mort (ici, en première page du quotidien socialiste Le Peuple, le 22 juin 1947), force est de constater que les noms cités sont bien choisis : Ramón Serrano Suñer (1901-2003), ministre de l'Intérieur et beau-frère de Franco, de la même génération, des mêmes goûts culturels et artistiques, des mêmes aspirations spirituelles et politiques que Léon Degrelle, lia des liens de profonde amitié avec le chef de Rex dès leur première rencontre, le 7 février 1939. Il lui fut d'une aide précieuse et constante après-guerre.

     

    Raimundo Fernández Cuesta (1896-1992), ministre de l'Agriculture, un peu plus âgé, également rencontré lors du voyage de 1939, phalangiste convaincu, resta aussi toujours fidèle à Léon Degrelle (il figurera ainsi, tout comme Serrano Suñer, parmi les invités de marque au mariage de Marie-Christine Degrelle, le 9 octobre 1969).

     

    Agustín Muñoz Grandes (1896-1970) manifesta toujours son soutien et sa sympathie à son frère d'armes condamné à mort dans son pays par une justice expéditive. Leurs relations, sans avoir de caractère particulièrement intime, furent néanmoins toujours sincèrement chaleureuses. En témoigne ce télégramme du 7 avril 1961, envoyé à Léon Degrelle en réponse à ses inquiétudes concernant sa santé : le Capitaine Général du Haut Etat-Major de l'armée espagnole venait de subir une intervention chirurgicale délicate (ulcère gastro-duodénal) : « A l'occasion de mon retour à la vie officielle, je tiens à vous remercier de l'intérêt que vous portez à mon état de santé. Je me porte très bien. Avec mes salutations les plus cordiales. Muñoz Grandes »

     

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    À suivre

     

  • In memoriam Chantal Degrelle

    13 février 1934 – 5 novembre 2022

     

    Ce n’est qu’aujourd’hui que nous apprenons avec une profonde tristesse le décès de Chantal Degrelle, la fille aînée de Léon Degrelle, survenu à Paris, le 5 novembre dernier, à 88 ans, pratiquement le même âge que son cher Papa.

    Née au domicile de ses parents, à Kessel-Lo, dans la banlieue de Louvain, Chantal ne bénéficia pas d’une enfance particulièrement heureuse, victime, à peine âgée de plus de deux ans, d’un grave accident domestique que tous crurent mortel.

     

    L’Accident

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    La presse rexiste se fit régulièrement l'écho de l'évolution de l'état de la petite Chantal Degrelle. Ici, les nouvelles données par Le Pays réel, les 28 juillet, 10 et 22 octobre, 13 et 14 décembre 1936...

     

    Hospitalisée en urgence absolue, elle devra recevoir des soins cliniques pendant plusieurs années, à Bruxelles, mais aussi à Paris où elle sera opérée à plusieurs reprises par le spécialiste européen de l’endoscopie broncho-œsophagienne, le Dr André Soulas, qui s’en souviendra encore dans ses ouvrages de technique endoscopique et ses cours de « perfectionnement théorique et pratique de broncho-œsophagologie » à l’Université de Paris, jusqu’au début même des années 50.

    Léon Degrelle, père exilé en Espagne, a rappelé à sa fille, dans une lettre émouvante de décembre 1974 (ce blog au 22 octobre 2019), les tourments que son état alarmant lui procura :

    « Toi ! ma petite Chantal chérie, si tendrement aimée, si douloureusement, pendant tant d’années ! Il n’y a pas un jour où je ne pense à toi, où je ne me souviens de ton long calvaire, qui fut aussi le nôtre, et si cruel, à ta petite maman et à moi. Je me vois encore, à 2 heures du matin, tout seul dans la nuit, sous la petite fenêtre, éclairée par une veilleuse, de la chambre où on te soignait à la clinique de Bruxelles, récitant désespérément mon chapelet pour que tu survives. Sache, Chérie, que maintenant encore, chaque nuit, absolument chaque nuit, je prie pour toi avant de m’endormir. J’ai mes petites habitudes, tout mon rouleau de prières que je récite jusqu’au moment même où je m’endors ; mes dernières pensées, chaque soir, pour Dieu et pour vous ; c’est ainsi ; et au fond, toute ma nature fut toujours ainsi, intensément humaine, puissante, dionysiaque, mais aussi profondément mystique.

     

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    Pendant ces années où la mort te guettait, au moment même où j’étais au sommet de ma puissance et de mes possibilités de domination, ton frêle petit corps blessé était toute ma palpitation intérieure. Tu m’accompagnais sur toutes les routes. Chaque instant où je pouvais m’arracher à mon immense labeur, c’était pour courir à pied, le soir, prier la Vierge de Hal ; c’était pour faire un aller et retour, nuit et jour, Bruxelles-Pyrénées, Pyrénées-Bruxelles, supplier la Vierge de Lourdes de te sauver. Et à Paris (que de courses de Bruxelles à Paris !) quand, en essayant de t’ouvrir à nouveau la voie de l’œsophage, on te creva la poumon, que des bulles d’air jaillissaient partout sous ta peau, que tu étais perdue, je me vois encore, ne pouvant plus rien attendre des hommes, me jeter sur la route de Lisieux : 154 kilomètres (si je ne me trompe pas) à pied, 154 km, flanqué de deux flics parisiens qui, au bout de 50 km, abandonnèrent, dans un champ de pommes de terre où je m’étais affalé pour reprendre un peu de forces !

    Jamais, je n’aurais pu croire qu’un corps humain pourrait avoir assez d’énergie pour faire 154 kilomètres ainsi, sans une heure dans un lit. Quand trois jours après, je réapparus de Lisieux, je te vois encore, sauvée, t’intéressant plus à mes jambes (je n’étais plus capable de faire un pas dans ta petite chambre de la clinique parisienne), qu’à ton propre sort ! Tu étais si gentille ! Tu as toujours été si gentille ! Et c’est une grande souffrance, dans mon exil, après avoir été si tendrement unis, unis par un tel calvaire, de ne pouvoir jamais t’avoir un instant contre mon cœur… » (Léon Degrelle, lettre à sa fille Chantal, le 29 décembre 1974).

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    Embrasée par la gloire militaire de son Papa

     

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    Profitant de sa longue permission accordée après le succès de la percée de l'encerclement de Tcherkassy, Léon Degrelle emmena sa fille Chantal et son fils Léon-Marie sur la côte belge, plus précisément à Coxyde où il visita une garnison allemande du Mur de l’Atlantique. On voit ici la petite famille au bord de la plage : Chantal, 10 ans, debout sur le parapet de béton à côté de son Papa, regarde l’agitation de la mer ; derrière elle, encapuchonné, Léon-Marie, 5 ans, préférerait sans doute jouer dans le sable… (voir ce blog au 13 octobre 2021 ; photo colorisée par le Cercle des Amis de Léon Degrelle pour la couverture de sa 37e Correspondance privée, septembre 2021).

     

    Un peu plus d’une semaine avant ce week-end pascal, c’était le triomphe de la Légion Wallonie, célébré par une prise d’armes à Charleroi d’abord, puis, à Bruxelles, par un défilé historique sur les boulevards du centre. Léon Degrelle saluant, de son véhicule de commandement blindé, ses troupes follement fêtées par une population communiant avec ferveur à leur héroïsme et à leur gloire (ce blog aux 15 décembre 2020, 15 et 26 janvier 2021, 7 mars 2022).

     

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    Arrivée place de la Bourse peu après Godelieve et Léon-Marie, Chantal est hissée sur le char de son Papa qui l’accueille dans ses bras. Les enfants du Commandeur de la Légion sont fleuris à l’instar de tous les Bourguignons défilant dans l’allégresse de la victoire. Et Chantal, comme son frère et sa sœur, sont rapidement gagnés par l’euphorie générale, stimulés par la prestance des Légionnaires et les vivats de la foule en liesse.

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    Mais les Bourguignons rejoignent bientôt le Front de l’Est. Cette fois, tout à fait au nord, en Estonie. Là aussi, le Papa aimant n’oublie pas ses enfants et, le 12 août 1944, leur écrit d’affectueuses lettres (voir aussi ce blog au 15 décembre 2020).

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    Au front, le 12 Août 1944.


    Ma chère grande Chantalinette,

    Est-ce qu’on a déjà écrit à Papa ? J’attends avec impatience !

    Je suis tout au bout du Front, à 2000 kilomètres de Bruxelles ! Devant nous, c’est les Bolchevistes, au fond de grandes sapinières et de marais. Il y a des millions de mouches très méchantes. Et aussi des sales grosses puces, toutes rouges.

    A droite, c’est la mer, très belle, au pied de grandes falaises, hautes de 100 mètres ! Nous sommes tout en haut. On ne doit pas trop approcher du bord, parce que ça croule ! Mais c’est magnifique, tout bleu, avec des presqu’îles vertes.

    Il y a des petits pois et des carottes. Mais les tomates sont encore toutes petites et toutes vertes, et les pommes sont dures comme des cailloux.

    Et dire que chez nous, il doit y avoir de magnifiques pêches, bien juteuses et de bonnes groseilles. Pauvre papa, il n’a pas de chance, il n’est jamais là au bon moment ! Mais quand vous mangez des pêches, il faut dire : « une pour papa ! » et mordre dedans à ma place. Comme cela, j’en aurai un peu quand même !

    J’écris mal, car je dois tout le temps secouer ma tête à cause de ces satanées mouches qui tournent ou qui mordent tout le temps !

    Et comment va ma grande Chantal ? Elle est toujours très gentille ? Elle ne bouscule pas les petits ? Et les points en classe ? Est-ce que Mademoiselle est contente ?

     

    MP Lemay+Léon Marie+Chantal.jpgLéon-Marie est sur les genoux de sa Maman à qui Chantal, assise sur le petit parc, donne le bras.

     

    Il faut tout me raconter. Et Godelieve ? Et Léon-Marie ? Et, surtout, la belle petite sœur ? Elle est jolie, hein ? Je suis bien triste de ne l’avoir vue que pendant une heure… Est-ce qu’on lui a fait un beau baptême ? Est-ce qu’elle parle déjà ? Il ne faut pas encore lui apprendre à aller en bicyclette : c’est trop tôt !

    C’est pourtant si bon de foncer en bicyclette, n’est-ce pas ma belle grande Chantal ? A la fin, on est toute mouillée, avec deux joues gonflées comme des grosses pommes rouges !

    Et la balançoire ? Est-ce qu’on s’y dispute encore ?

    Se couche-t-on tôt, le soir, maintenant ? Oui ?

    Moi, je me couche à 9h parce qu’on ne peut pas faire de lumière. Mais à 4h du matin, je suis déjà réveillé par le soleil. Dans ces pays-ci, le soleil se lève beaucoup plus tôt qu’en Belgique, mais il commence à faire noir à 9 heures déjà.

    Quand je reviendrai, je regarderai tous les cahiers ! Attention ! Il faut beaucoup de « Bien » et des « Très bien ».

    Au revoir, ma petite Chantalinette chérie ! Vous irez près de Godelieve, de Léon-Marie et de Marie-Christine et vous leur donnerez à chacun trois gros baisers en disant : « C’est de la part de papa » ! Papa en envoie de loin toute une charrette à sa grande fille si gentille.

    Papa

     

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    Les vœux de Léon Degrelle à sa fille Chantal pour Noël 1945 :

     

    Ma grande Chantal !

     

    Ton papa voudrait tellement être tout près de toi, sa grande fille ! Dis, quelle vie, la nôtre ! Tu le connais à peine, ton pauvre papa ! Il te retrouvait en revenant du Front, mais pour si peu de temps ! Tu étais chaque fois plus sage. Tu lui faisais tant de bien, tu lui rendais tant de courage quand tu lui donnais dix baisers, vingt baisers, en le serrant fort !

    Maintenant, il est loin de toi, ton petit papa, Chantalinette, mais il se souvient avec tant de tendresse de sa grande Chantal !

    Il faut que tu sois le modèle de toute la famille ! Un jour, les gens seront moins méchants et on se reverra tous. Tu reviendras te jeter dans mes bras. Je pleurerai peut-être, parce que je serai tellement heureux…

    C’est triste, tu sais, d’être un papa et d’être tout seul…

    Tous les jours, dis, ma petite Chantalinette, pense à ton papa… Parle-moi, de là-bas… Sois gentille, pieuse, courageuse, pour que je sois toujours content de ma grande fille. Car je regarderai dans tes yeux quand je te reverrai, et, tu le sais bien, j’y vois tout ! Je verrai que tu es restée ma Chantalinette, toujours plus sage, plus vaillante, une vraie fille de soldat.

    Tu sais encore bien comment je suis ? Dis ? C’est bien vrai ? Car si tu m’oubliais, je crois que je tomberais mort, tellement je serais malheureux !

    Chaque matin, tu me diras : « Bonjour, Papa ! » Je te répondrai de loin : « Bonjour, Chantalinette ! »

    Chaque soir, tu me diras : « Bonsoir, Papa ! ». Je te répondrai : « Bonsoir, ma grande Chantal ».

    Je fais, comme avant, une petite Croix sur ton front. Je suis ton petit

    Papa

     

    Joyeux

    Noël !

    – 1945 –

     

     

    La vie d’après-guerre

     

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    Léon Degrelle accueille dans sa propriété de La Carlina, sa fille Chantal, maman déjà d’une petite Corinne, et son mari Roland Autenheimer.

     

    Ce n’est malheureusement qu’à la suite du décès de son petit frère Léon-Marie, le 22 février 1958 (ce blog aux 26 février 2016 et 5 novembre 2022), que Chantal put retrouver son père, à la fin du mois de juillet. Entretemps, sa vie avait déjà pris un nouveau tournant en France, par son mariage, deux ans plus tôt, avec Roland Autenheimer et la naissance d’une petite fille (Chantal sera l’heureuse maman de deux filles, Corinne et Sophie).

     

    LD+Corinne+Chantal.jpg« Et tes filles ? Quel problème, les filles ! Quel est le père, quelle est la mère qui y comprennent quelque chose ? Y comprennent-elles quelque chose elles-mêmes ? Un garçon, ce n’est pas simple déjà. Mais cela a, tout de même, quelque chose de plus robustement élémentaire. La fille, ça a la vibration, les mille feux, mais aussi le va-et-vient dansant du papillon. Ce sont des nerfs. Ce sont mille désirs secrets. Et les mille semi-mensonges à elles-mêmes et aux autres, d’êtres qui ne veulent pas se reconnaître faibles, mais qui, en certains aspects, les plus mystérieux, le sont.

    Corinne, 16 ans ! Je voudrais regarder au fond de ses yeux, essayer de savoir ce qui s’y passe. Mais ça l’embêterait sans doute. Ou au moins, ça la gênerait. Personne n’aime être observé, ni même s’analyser. On aime mieux flotter dans le vague. Au fond, seul le temps impose l’analyse à laquelle, naturellement, on se refuse parce qu’elle pourrait encombrer. Expliquer, essayer de diriger, et surtout donner des leçons, ne sert à rien. Chacun entend bien tout savoir sur son cas, en tout cas beaucoup mieux que les autres ! » (Lettre de Léon Degrelle à sa fille Chantal, le 29 décembre 1974).

     

    LD+Corinne.jpg

     

    La vie de Chantal ne fut jamais marquée par les préoccupations politiques, accaparée qu’elle fut toujours par l’éducation de ses filles dans l’amour du bien et du beau. Sa vie fut essentiellement faite de service, voire de sacrifice. Elle sera en effet confrontée à un divorce difficile qu’elle affronta sans haine ni méchanceté et aux tracas incessants pour subvenir seule aux besoins de la famille.

     

    La lettre que son père lui écrivit à la fin de l’année 1974 ne fait aucun doute sur l’admiration sincère que lui inspirait « l’épanouissement apostolique de [l’] existence » de Chantal (ce blog au 22 octobre 2019). Et c’est bien en sa fille Chantal qu’il reconnaît non seulement la gardienne de son héritage, mais la championne de son idéal (nous soulignons) :

    « La plus noble évasion, celle, en tout cas, qui console de tout, c’est Dieu. J’ai du bonheur à savoir que ta vie en est imprégnée. Tu sais, à la vérité, ce fut mon vrai grand idéal. J’eusse voulu n’être que cela. Cela m’intéressait beaucoup plus que la politique. Je ne sais si tu as le petit bouquin Les Âmes qui brûlent où j’évoque tout cela. Tu es la seule à prolonger ce qui fut mon grand rêve. […] Alors, ma grande Chérie, si tu as dépassé le barrage artificiel de la fausse joie criarde d’un monde qui n’est qu’une brillante poussière compressée qui, tôt ou tard, se décomposera, tu as atteint l’essentiel. La seule chose qui ne ment pas, qui ne déçoit jamais, c’est la grande paix intérieure, c’est la vocation secrète qui surpasse tout. »

     

    Chantal+Jeanne Belgique 1996.jpgRespectant les volontés de son père, Chantal se trouva toujours aux côtés de son épouse Jeanne.

     

    Ce n’est qu’après le décès de son Papa qu’elle se préoccupa de l’héritage politique que celui-ci laissait. Elle multiplia alors les rencontres avec ceux qui l’avaient le mieux connu –épouse, famille, amis– ainsi que les réunions avec les Bourguignons qui lui furent toujours fidèles.

     

    Chantal se considéra sans faux-fuyant comme l’héritière de droit de l’idéal spirituel et social de son Papa et, ne se mêlant en rien aux polémiques que certains suscitèrent et entretinrent, elle fit en sorte de tenir toujours haut le drapeau de l’honneur et de la fidélité.

     

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    Réunion de Bourguignons du Dernier Carré, à Namur, en 1996 : au centre, se donnant le bras, on reconnaît l’épouse du Chef, Jeanne Degrelle, sa sœur Louise-Marie Massart et sa fille Chantal Degrelle.

     

    Nous ne citerons ici que deux brèves déclarations de Chantal Degrelle.

     

    La première se voulait modeste encouragement aux membres du Cercle des Amis de Léon Degrelle, mais sa lecture n’a certainement pu que stimuler tous ses adhérents à poursuivre leur combat de justice et de vérité.

     

    Chantal Degrelle.jpgChers Amis,

    J’ai été très touchée de votre grande admiration envers mon père Léon Degrelle. Vos revues sont toujours très belles et instructives sur ce passé « terrible » et grandiose à la fois !

    Je vais avoir 83 ans, mais resterai jusqu’à la fin de ma vie dans le souvenir de mon père qui fut un grand Homme politique, fidèle, courageux, écrivain remarquable et… un sacré caractère !...

    Je conserverai précieusement toutes vos documentations et je les transmettrai.

    Merci encore de tout cœur pour votre attachement, votre respect, votre grande admiration envers mon père Léon Degrelle.

    Bien respectueusement,

    Chantal Degrelle

     

    Dédicace LD à Chantal.jpg

     

    La seconde déclaration est celle qui fut demandée à Chantal Degrelle par Philippe Dutilleul pour introduire son documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre (2009 ; on dirait ce mauvais titre choisi pour justifier la sentence hugolienne « Le calembour est la fiente de l'esprit »).

     

    Emmenée sur les marches de la Bourse de Bruxelles où elle avait accompagné son père présidant, le 1er avril 1944, au défilé des Bourguignons vainqueurs, Chantal tint, dans sa fraîche spontanéité, un discours qui ne pouvait que heurter le « politiquement correct » d’un film destiné à la télévision d’État, chargée depuis d’insinuer que les héros wallons du Front de l'Est n’étaient finalement que des criminels de guerre (ce blog aux 30 novembre 2019, 23 février 2020, 7 juin 2021 et 11 mars 2022).

     

    Pourtant, ce sont bien les commentaires de Chantal Degrelle qui reflètent la seule vérité historique !

     

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    « C’était le 1er avril 1944. J’étais dans le char, à côté de Papa, avec mon frère et ma sœur. Et il y avait une foule considérable, qui arrivait en courant de tous les côtés. Moi, j’étais émerveillée, j’avais à peine 10 ans. Mon Dieu… Je revois encore tout ça… Ces milliers de gens qui accouraient de partout ! Et des acclamations ! Et Papa était rayonnant de bonheur, hein ! Le visage illuminé… Il faut aussi dire que c’était le sommet de la gloire de mon père, hein, cette année-là. C’était absolument la gloire, c’était le… Il était grandiose !

    Voilà le souvenir que je garde de Papa.

    Et malheureusement, cinq mois après, les chars anglo-américains allaient défiler exactement par le même trajet… Voilà… C’est l’Histoire. On ne peut pas changer le cours de l’Histoire hein ? C’est comme ça ! »

    (Capture d'écran de la diffusion du film Léon Degrelle ou la Führer de vivre, le 5 mars 2009).

     

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    Nous remercions vivement la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter pour nous avoir donné libre accès à sa documentation iconographique.

  • Godelieve de la Rosa-Degrelle

    14 avril 1938 -  14 avril 2023

     

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    Nous venons d’apprendre avec une profonde tristesse le décès de Godelieve de la Rosa, quatrième fille de Léon Degrelle et Marie-Paule Lemay.

    C’est précisément quatre-vingt-cinq ans après sa naissance que s’est éteinte celle qui reçut de son Papa le beau prénom qui « veut dire en flamand, petite amie de Dieu » (Léon Degrelle, in Duchesse de Valence, p. 357 ; ce blog au 4 juin 2019).

     

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    Au temps de la Drève de Lorraine : l’aînée Chantal, le petit Léon-Marie et sa tendre sœur Godelieve (photo du haut) ; photo du bas : la petite Godelieve, avec sa Maman et son petit frère Léon-Marie.

     

    Traversant les avanies de l’épuration qui la séparèrent de sa famille criminellement persécutée, elle fut confiée, dans un premier temps à son oncle Henri Cornet (époux de Madeleine, la sœur de Léon Degrelle, ce blog au 20 mars 2020), avant de rejoindre avec ses sœurs Chantal, Anne, Marie-Christine et son frère Léon-Marie, sa Bonne-Maman Jeanne Lemay. Celle-ci les emmènera dans le sûr refuge de sa propriété de Dordogne, leur assurant ainsi des études « normales » chez les Ursulines de Périgueux tout d’abord, puis chez les Sœurs de Saint-Joseph d’Annecy, ainsi qu’une éducation tout orientée sur une totale défiance envers leur père ainsi que sur son nécessaire éloignement (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

     

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    Godelieve au « Chaubier », la maison de Bonne-Maman Jeanne, à Eyliac.

    Après sa libération en 1950, la Maman rejoindra enfin ses enfants dans le petit village d’Eyliac. Godelieve et ses sœurs l’accompagneront à Poitiers où elles recevront les cours de l’internat du Sacré-Cœur pendant trois ans. Godelieve suivra ensuite sa vocation de puéricultrice dont elle obtint le diplôme en 1956.

     

    C’est avec son frère Léon-Marie que son Papa parvint à prendre tout d’abord contact, à l’été 1957. Le jeune homme rejoignit aussitôt son père, mais fut malheureusement victime d’un accident de la circulation à Séville quelques mois plus tard, le 22 février 1958 (ce blog au 5 novembre 2022).

    Nous savons que Marie-Paule Lemay envoya alors sa fille Anne à Constantina afin d’accélérer une procédure de divorce (ce blog au 13 mars 2023). Sa sœur Godelieve devait rapidement la suivre, mais uniquement mue, quant à elle, par l’avide impatience de retrouver un père qu’elle n’avait plus vu depuis quelque treize ans. C’est lors des fêtes de Pâques 1958 qu’elle put enfin le rejoindre, décidant –tout comme le feront ses sœurs Anne et Marie-Christine– de rester auprès de son père et de faire définitivement sa vie en Espagne.

     

    Les trois sœurs y découvriront rapidement l’amour en rencontrant chacune l’homme de sa vie.

     

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    Godelieve fut la première des filles de Léon Degrelle à se marier en Espagne : ce fut le samedi 9 janvier 1960, avec Antonio de la Rosa ; la cérémonie religieuse se tint dans l’église paroissiale de Constantina, dans une relative discrétion par rapport aux séismes médiatiques que provoquèrent les mariages d’Anne et Marie-Christine (ce blog aux 28 mai 2016 et 20 décembre 2022), bien qu’à la soirée, un bal mémorable ait rassemblé tout le village !

     

    Pour Godelieve, ce fut Antonio de la Rosa, un agent commercial de Murcie, qu’elle épousera le 9 janvier 1960, à Constantina. L’un de ses témoins fut le major Georges Jacobs, le premier Commandeur de la Légion Wallonie, qui avait rejoint son chef politique et dernier successeur à la tête des « Bourguignons », dès sa libération des geôles belges.

     

    LD Bourse Belga.jpegProbablement la photo de son enfance que Godelieve a préférée : elle la montre avec son frère Léon-Marie accompagner leur père sur son char de parade à la Bourse de Bruxelles (l'aînée, Chantal, les rejoindra peu après ; voir photos suivantes). Le Commandeur de la Légion apparaît dans la gloire de ses décorations, lors du défilé célébrant, le 1er avril 1944, la percée victorieuse de Tcherkassy. Selon son fils José Antonio de la Rosa-Degrelle, Godelieve la fit encadrer et ne la quitta jamais. C'est désormais lui qui s'en enorgueillit (ce blog au 15 décembre 2020).

     

    Godelieve eut trois enfants dont nous connaissons l’aîné, José Antonio, pour ses courageuses interventions à la télévision belge, défendant avec brio et bon sens son grand-père lors d’émissions destinées à culpabiliser Les Enfants de la Collaboration (ce blog aux 15 décembre 2020 et 9 janvier 2021).

     

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    Défilé 44 Chantal+Léon-Marie+Godelieve2.JPG

     

    Qu’il reçoive ici le témoignage de notre profonde sympathie. C’est de tout cœur que nous lui envoyons, ainsi qu’à toute sa famille, nos condoléances sincèrement émues.

     

    (Documentation © Jacques de Schutter)

     

  • Les mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay

    VI. Des « histoires » aux allures de méchantes

    carabistouilles !

     

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    « J’ai commencé à connaître beaucoup de facettes de la personnalité de mon père. Je suis devenue son principal inquisiteur. Mes interrogatoires étaient constants. […] C’était un incroyable raconteur de carabistouilles […]. Mes questions délicates, pleines de pièges involontaires, fruits de mon esprit cartésien, lui posèrent plus d’un problème » (p. 93).

     

    2.Anne Degrelle Couverture.jpgMalgré son titre Degrelle, l’homme qui changea mon destin, les mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, comme nous l’avons constaté (ce blog depuis le 23 octobre 2022), ne nous apprennent pas grand-chose sur la vie d’exil de Léon Degrelle en Espagne. Et nous doutons que, malgré leurs demandes pressantes, la curiosité des arrière-petits-enfants du fils qu’Adolf Hitler se fût choisi pourra s’en satisfaire. Surtout si leur source d’informations privilégiée n’est que leur grand-mère : « Ils me demandent souvent : “Grand-mère, comment vont tes mémoires ?” Je leur ai tellement parlé de leur bisaïeul, qu’ils veulent en savoir plus. Les conversations surgissent sans crier gare dans n’importe quelle réunion familiale, avec des questions et parfois des discussions passionnantes. La troisième génération s’intéresse et veut en savoir davantage. […] Je suis particulièrement fière en voyant leur curiosité pour se rapprocher de cet arrière-grand-père qu’ils ne connaissent que par ses livres et les histoires que leur raconte leur grand-mère. » (p. 165).

    N’oublions pas que le titre de son livre, L’homme qui changea mon destin, s’articule autour de deux personnages : l’homme Léon Degrelle, présenté comme le principal acteur (c’est lui qui agit sur le destin de l’autre) et Anne Degrelle-Lemay qui va raconter cet homme si important qu’il « changea [son] destin ».

    Mais au bout du compte, c’est plutôt le second personnage qui tire la couverture à lui comme elle le laisse entendre à la fin de ses mémoires : « cette biographie n’est pas la mienne en tant que telle, mais plutôt celle d’une fille d’un politique, un poète, un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai essayé de juger, toujours selon mes critères propres. » (p. 141). C’est donc bien d’elle qu’il s’agit principalement, surtout lorsqu’elle parle de son père, ou plutôt lorsqu’elle le juge, uniquement « selon [ses] critères propres », non autrement précisés.

    Relisons donc son livre dans la perspective autobiographique : comment se raconte-t-elle ? comment présente-t-elle ses relations avec sa famille et ses proches ?...

     

    3.Pays réel 1936.07.27 Naissance Anne.JPG

    Le Pays réel du 27 juillet 1936 annonce en première page la naissance, deux jours plus tôt, d’Anne, la petite sœur de Chantal Degrelle.

     

    Ce n’est que passé le milieu de son texte qu’Anne Degrelle évoque sa naissance, qui la relie directement au chef de l'Italie fasciste : « [Mon père] me raconta que le jour de ma naissance, il était à Rome et que c’est Mussolini qui lui communiqua l’heureuse nouvelle : le 25 juillet 1936. » (p. 102). Ce qu’elle ne dit pas, c’est que son nom même était un hommage au Duce puisqu’il reprenait celui d’Anna Maria, son dernier enfant, née sept ans auparavant : « J’ai passé avec [Mussolini] une huitaine de jours passionnants, presque familiaux, puisqu’il m’a annoncé lui-même la naissance de ma fille Anne, à qui j’ai donné le prénom de sa dernière fille à lui. » (Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle. Persiste et signe, p. 175).

    Détail curieux : dans une autre interview, à Jacques de Launay, Léon Degrelle se serait trompé sur le jour de la naissance de sa fille en donnant une date plus tardive de deux jours (mais probablement ne s’agit-il que d’une erreur de transcription du journaliste-historien) : « Je l’ai vu [Mussolini] pour la première fois, trois mois après ma victoire électorale du 8 mai 1936, avec 21 sièges de députés, voyons, c’était le jour de la naissance de ma fille Anne, le 27 juillet 1936. » (Jacques de Launay, Histoires secrètes de la Belgique, 1935-1945, p. 198) !

     

    4.Chantal+Anne St-Nicolas 1943.jpg

    Drève de Lorraine, 6 décembre 1943 : les sages petites Chantal et Anne ont reçu leurs cadeaux de Saint-Nicolas. Parmi ceux-ci, un petit magasin d’épicerie a été déposé sur l’imposante malle au décor floral du XVIIe siècle trônant dans le hall d’entrée.

     

    De sa prime enfance à la Drève de Lorraine, Anne ne conserverait que de rares souvenances, mais suffisamment précises pour donner de sa maison une description quasi architecturale (en n’oubliant surtout pas l’indispensable note culpabilisatrice sur la « ruine familiale ») ; « Je me souviens comme si c’était hier que la première chose qu’on voyait en entrant dans la maison, en haut de l’escalier monumental, c’était cette Louve capitoline allaitant deux enfants, Romulus et Remus. Mon père était amoureux de la Rome impériale, passion que j’ai héritée de lui, et innombrables étaient les vestiges et témoignages de cette merveilleuse civilisation qu’on retrouvait à travers toute la maison : livres, vitrines, mosaïques, reproductions de sculptures, etc. L’art était sa passion, à l’égal de la politique qui entraîna plus tard notre ruine, mais je parlerai de cela plus tard. […] à cinq ou six ans, j’avais l’habitude d’aller explorer le reste de la maison : les salons aux meubles du XVIIIe siècle français, la salle à manger que j’examinais quand il allait y avoir un dîner important et je regardais, bouche bée, cette table merveilleusement dressée, ces fauteuils, ces lumières… Et le bureau de mon père ! Un bureau où il se rendait invisible à nos yeux. Je me souviens qu’on ne voyait pas les murs : uniquement des livres et des tapisseries flamandes […]. Je fouillais ces tapisseries en cherchant une ouverture pour entrer car la porte restait fermée… Et alors, je restais à observer ce beau monsieur, élégant, magique… mon père. Et tout à coup, il me voyait, éclatait de rire et me prenait dans ses bras. Pour quelques secondes, il était à nouveau mon père. […] Je n’ai aucun souvenir cependant de fêtes d’anniversaire, de premières communions, de vacances en famille » (p. 15).

     

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    Chantal et Anne s’amusent dans le bureau de leur père : leur petite table à dessin est placée devant la cheminée ; à l’arrière-plan, on distingue un impressionnant globe terrestre du XVIIIe siècle.

    Les moments heureux en famille à la Drève de Lorraine évoqués par Léon Degrelle, alors qu’Anne avait cinq ans, dans le Degrelle m’a dit de la Duchesse de Valence n’eussent-ils pas pu stimuler ses souvenirs ? D’autant plus que sont évoquées à leur appui les mêmes photos que celles dont parle Anne (p. 148, ce blog au 23 janvier 2023) : « Père affectueux, il n’avait jamais manqué, même aux heures les plus tumultueuses de son action, d’être le compagnon de ses enfants. Il jouait avec eux, leur racontait mille histoires amusantes et naïves.

    Papa, t’es un comique ! lui répétait, ravie, sa petite fille Annette.

    Il avait alors trois petites filles en vie, Chantal, Annette, Godelieve (Godelieve veut dire en flamand, petite amie de Dieu) et un garçonnet qui s’appelait Léon-Marie. Libre pendant des heures, chaque jour, Léon Degrelle courait les bois avec eux, durant ce bel été 1941, leur expliquant la vie des animaux et des plantes, leur développant de jolies légendes, ou bien jouait avec eux, plus enfant qu’eux, dans les fleurs ou les foins coupés de sa prairie. Il existe de lui de charmantes photos d’alors. Ses enfants sont blottis près de lui. » (pp.356-357).

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    Les enfants de Léon Degrelle, Annette, Godelieve, Léon-Marie et Chantal, profitent de la permission de leur papa (ici en civil, en avril 1943) pour se blottir près de lui, le temps d’une photo.

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  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    II. Anne Degrelle ou Anne Lemay ?

     

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    Une des toutes premières photos, probablement prise dans un bar de Constantina, d’Anne Degrelle avec son père chez qui elle est arrivée en juillet 1958. Léon Degrelle porte une cravate et un brassard noirs en signe de deuil pour son fils Léon-Marie, mort dans un accident de la circulation, le 22 février précédent.

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgNous avons terminé la première partie de notre présentation des mémoires d’Anne Degrelle-Lemay (ce blog au 23 octobre 2020) par l’attitude surprenante de son père à son égard : « Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

     

    Doutes qui se manifestèrent dès le tout premier contact : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. Nous étions deux personnes qui se cherchaient, qui se regardaient, qui enlevaient des barrières. Nous faisions connaissance, mais toujours avec méfiance en ce qui me concerne ; et lui, il se rendait compte que j’avais encore du mal à l’inclure dans ma vie. » (p. 67).

    Et Léon Degrelle avait sans doute bien raison de soupçonner l’hostilité plus subtile que la famille Lemay instilla dans l’esprit de ses enfants. C’est Anne qui l’explique encore, à l’occasion d’une affirmation semblable d’apparent détachement des Lemay à son encontre : « Je ne puis qu’affirmer que je n’ai entendu de la bouche de ma grand-mère ou de n’importe lequel de mes oncles la moindre parole négative sur mon père. On ne parlait tout simplement pas de lui et, plus incroyable encore, nous ne posions pas de questions non plus sur lui. C'était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. » (p. 42).

    Mais ce n’est pas du détachement ou de l'insensibilité, c’est de l’anxiété mêlée de suspicion, comme le reconnaît d’ailleurs Anne un peu plus loin : « Je lui expliquais que je ne pouvais relever ni estime ni aversion de la part de la famille Lemay. À peine de l’indifférence apparente, mais aussi de la peur, de la crainte d’avoir à répondre à des questions embarrassantes de notre part » (p. 93).

    Mais tout cela est-il bien vrai ? Anne nous laisse quand même entendre que les propos des Lemay sur Léon Degrelle n’étaient finalement pas si équivoques que cela, comme elle l'admet dans le récit de sa première rencontre avec son père : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. » (p. 67). Elle le confirme encore dans le compte rendu de ses conversations à La Carlina : « C’est là que j’ai appris de vive voix ce qu’avait été la vie de cet être mystérieux et redoutable qu’on m’avait décrit durant toute mon enfance. » (p. 128).

    Pourquoi, d’ailleurs, la famille Lemay aurait-elle sinon utilisé toutes les ressources de la damnatio memoriae à l’encontre de leur parent par alliance, à savoir le silence, la calomnie et l’iconoclasme : « C’était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. De sa vie et de ses erreurs politiques, de sa “responsabilité” dans le malheur de tant de gens, on ne parlait jamais. À la maison, il n’y avait aucune photo qui pouvait nous le rappeler. On en avait même découpé quelques jolies, comme celle où nous étions avec lui, ma sœur Chantal et moi, et que je lui ai montrée des années plus tard. “Ils m’ont guillotiné !” me dit-il, plaisantant toujours avec les choses les plus tristes… » (p. 42). Cette iconoclastie se voulait d’ailleurs systématique : « Malgré les soins attentifs de la famille Lemay pour découper les photos sur lesquelles apparaissait mon père, j’ai quand même pu l’apercevoir sur certaines d’entre elles. » (p. 66).

     

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    Anne publie dans son livre (p. 43) une photo où elle figure avec sa sœur Chantal (à gauche) : la famille Lemay a pris soin d’enlever la tête de Léon Degrelle (on en voit toutefois la main gauche autour de la taille d’Anne), en déchirant la photo à la main et non aux ciseaux, comme en témoigne les bords arrachés autour de la tête des enfants.

     

    L’éducation ainsi reçue par Anne a laissé de telles traces évidentes que son père perçoit les réticences de sa fille dès le premier abord : lorsqu’elle débarque à Séville qui l’enivre de son atmosphère lumineuse et paradisiaque, Léon Degrelle n’est pas dupe : « Mon père était également déconcerté, pas à cause des palmiers ni du parfum des jasmins, mais par ma réaction. » (p. 67). Elle précise en effet que sa première attitude en rencontrant son père fut celle de la méfiance : « À ce moment, il fallait encore que de nombreux doutes disparaissent pour que j’aie totalement confiance en lui. » (p. 67). Et cette confiance est-elle possible puisque son frère les avait quittées, sa mère et elle, pour rejoindre « le responsable de tous [leurs] malheurs », –chose dont elle ne veut même pas « essayer de comprendre les raisons » (p. 61) ? Son attitude, en découvrant son père, n’a pu que trahir pareils sentiments embarrassés.

    C’est que « jamais mon père ne renonça à nous retrouver, à récupérer ses enfants ». Alors que, toujours, la famille Lemay fut résolue à l’en empêcher : « La famille de ma mère, comme d’authentiques garants de notre sécurité, essayait de nous emmener d’un endroit à l’autre, d’un collège à l’autre, s’efforçant d’égarer ces pseudo-détectives qui essayaient de nous localiser et de nous suivre à la trace, toujours à l’affût. » (p. 61).


    Le récit de l’enfance d’après-guerre d’Anne donne plusieurs exemples de ces parties dramatiques de cache-cache dans la Dordogne de son oncle Manu qui l’y recueille, et jusqu’au collège où il l’a mise en pension dans les Alpes : « De notre séjour à Annecy, demeurent quelques témoignages photographiques : Chantal, Godelieve et moi, portant l’uniforme du collège, sur la balustrade en fer forgé d’un pont près du lac.

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    Mais qui a pris cette photo ? […] Notre père dont on nous cachait tout afin de nous protéger (mais on ne nous l’a expliqué que bien après) ? Des années plus tard, en regardant cette photo, mon esprit de détective a commencé à assembler les pièces du puzzle et j’eus la certitude que les auteurs de ce reportage clandestin n’avaient pu qu’être les limiers de mon père. Cinq enfants ne disparaissent pas sans laisser de trace. Leur recherche ne pouvait cesser avant d’avoir porté ses fruits, dix ans plus tard. Je m’imagine l’angoisse de ma grand-mère et de mes oncles devant effacer tout indice et rester en alerte permanente pour empêcher qu’ils puissent atteindre leur objectif et nous emmener chez lui. » (p. 37).

    « Mais nous demeurions cachés. C’était vraiment la volonté de la famille de ma mère de nous mettre à l’abri des agents de mon père. Ma famille maternelle craignait qu’il nous kidnappe. Le Puy-Haut était l’endroit idéal. Mais depuis l’Espagne, mon père n’abandonnait pas et je le comprends aujourd’hui… Un jour, mon oncle Manu arriva à la maison hors d’haleine après avoir monté en courant la côte du Puy-Haut. Il nous demanda de nous cacher et, surtout, de ne pas aller sur la terrasse. Une voiture immatriculée en Espagne venait d’arriver au Chaubier (sa maison ainsi que la nôtre pendant trois ans). Mon oncle était parvenu à les semer, je ne sais pas encore comment, mais on n’a plus entendu parler de ces détectives espagnols… provisoirement. » (p. 42).

     

    On le voit, si les Lemay ne disent pas crûment de mal de leur beau-fils, beau-frère ou mari, ils se conduisent envers lui comme envers un pestiféré ou un malfaiteur. Anne y insiste d’ailleurs : « Durant toute notre vie, [ma mère] avait lutté pour nous tenir à l’écart de son influence, de l’incertitude d’une vie dont elle a toujours voulu nous tenir éloignés » (p. 72) ; « Ce n’est qu’un exemple du souci permanent avec lequel [ma grand-mère et mon oncle] vivaient pour nous protéger de tout danger » (p. 42) !

     

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    Dans le parc de la Drève de Lorraine, Marie-Paule Degrelle-Lemay et ses enfants, (de g. à dr.) Chantal, Anne, Léon-Marie et Godelieve : « Je me souviens de ma mère, apparemment heureuse, mais je me rendais compte qu’elle souffrait. D’abord, à cause de l’accident de Chantal, et, plus imperceptiblement (les enfants sentent ces choses), à cause de la vie tellement particulière qu’elle supportait suite aux dérives politiques de son mari. » (p. 15).

     

    Aussi doit-t-elle changer de nom dès son arrivée chez son oncle en Dordogne : « il fallait effacer définitivement ce nom et le remplacer par celui de notre mère. Ce fut le début de cette vie aux origines fictives, à l’enfance réinventée, aux drames qu’il fallait abandonner en un endroit caché et lointain de notre mémoire. Attention à ne jamais parler de cette courte vie antérieure, de cette famille, celle de mon père, qu’il ne fallait pas même nommer et de laquelle, pour notre sécurité, on réussit à nous séparer pour toujours. » (p. 32). « Cette vie a fini par me plaire. J’ai arrêté de me considérer comme un drôle d’oiseau. Je portais un faux nom. Personne ne le savait. Du coup, ma vie d’avant avait cessé d’être un fardeau. » (p. 34).

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Anne vécut écartelée entre les deux familles, sans se rendre compte, apparemment, qu’on lui imposait un état de recluse sous prétexte d’empêcher son père de le lui imposer (« Ma famille maternelle avait peur qu’il nous kidnappe », p. 42)…

    C’est ainsi qu’après avoir refusé de comprendre pourquoi Léon-Marie, son frère adoré avait rejoint « le responsable de tous [leurs] malheurs […] cette personne dont le nom seul était tabou », elle, qui se considérait comme « celle qui était la plus opposée à tout ce qu’il représentait dans [leur] vie », dut néanmoins, sur les instances de sa mère, accepter de rejoindre son père après la mort accidentelle de Léon-Marie : « La douleur fut atroce. Je me souviens seulement de ma mère que nous étions incapables de consoler et chez qui nous ne pouvions qu’ajouter de la douleur à la douleur. […] La force de ma mère m’impressionnait chaque jour davantage. Toutes ses pensées allaient vers mon père. Elle imaginait à quel point cet homme devait être brisé. Dans son cœur, il n’y avait pas de place pour la rancune. Son mariage était brisé, mais aujourd’hui, c’étaient des parents unis dans la tragédie. […] De sorte qu’un jour, alors que je revenais du travail à la maison, cette mère détruite me dit : “Je veux que tu ailles en Espagne consoler ton père.” » (pp. 61-64).

     

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    La tombe de Léon-Marie, premier des enfants de Léon Degrelle à avoir rejoint leur père en Espagne : quelques mois à peine après son arrivée, il fut victime d’un accident de moto à Séville, le samedi 22 février 1958. Ses funérailles furent célébrées le lendemain à Constantina ; il repose dans le cimetière municipal (ce blog au 26 février 2016).

     

    Anne qui, tout au long de ses souvenirs, se présente comme une cartésienne intransigeante, analyse alors cet écartèlement, à partir de l’expérience de son frère : « Qu’est-ce que je faisais soudainement en Espagne ? Ce Léon Degrelle, mon père, n’avait jamais fait partie de ma vie. Je devais apprendre à le connaître, tout en sachant que tous deux, nous devions supporter un terrible malheur : la mort d’un garçon de dix-huit ans. Ma mère m’avait envoyée pour le “consoler” : mais moi aussi, j’étais détruite et pétrie de sentiments mitigés. Je ne voulais pas que des pensées difficiles à écarter me viennent à l’esprit. Je savais que ce père devait souffrir indiciblement de ce nouveau coup du destin. D’un autre côté, il y avait cette fuite de mon frère d’un foyer qui lui avait tout donné, d’une mère et de sœurs qui l’adoraient, vers un père qu’il considérait (je l’ai compris par après car j’ai partagé ces mêmes sentiments) comme un exilé, un homme qui souffrait d’une séparation cruelle de toute sa famille. Il ne s’agissait pas de se détacher de sa famille maternelle mais d’un désir devenu une obsession d’apprendre de vive voix quels avaient été les péchés et les “crimes” de cet homme cherchant désespérément à revoir ses enfants, leur raconter sa version de l’histoire, et se faire pardonner pour le calvaire qu’ils avaient eu à souffrir par “sa” faute. » (p. 66).

    Cet écartèlement est bien présent aussi lors de la toute première rencontre entre le père et la fille –ce qui, comme nous l’avons vu– n’a pas échappé à Léon Degrelle : « Je ne pouvais me défaire de l’image de ma mère, si combattante et d’une noblesse de caractère et de sentiments peu courante, que j’avais laissée à Paris submergée de douleur. Mais je savais ce qu’elle voulait : que je l’aide, lui, à surmonter ce coup tragique, ultime coup du destin à notre famille. » (p. 67).

    Léon-Marie.jpg« [Léon-Marie] avait une tête pleine de rêves ; c’était un grand lecteur, romantique et mélomane jusqu’à la moelle ; il avait aussi une qualité qui nous enchantait tous, son sens de l’humour. Nous passions avec lui des moments de rire incroyables, avec des gags dignes des meilleurs humoristes, mais sans jamais dépasser les bornes car c’était un gentleman, avec cette classe naturelle qu’il avait héritée de sa mère. » (p. 61).

     

    Aussi, dans ses mémoires, si Anne ne manque pas de souligner l’amour qu’elle vouera désormais à ce père retrouvé, cet amour se teintera néanmoins toujours de circonspection : « Suprêmement élégant, portant costume clair et cravate. J’examinais tout. Il était exactement comme je me l’imaginais. Ce fut un coup de foudre (l’amour au premier regard). Voilà ma première impression. […] Son visage grave, au regard profond, aux yeux brillants pleins de larmes. Ce sont eux qui furent responsables du fait que je ne pourrais plus vivre séparé de lui. » (p. 66). « Nos retrouvailles aboutirent à un coup de foudre. Je l’aimais, tout en sachant qu’il me ferait souffrir. » (p. 72). « Les questions que la raison m’inspirait pour que je voie une réalité que je ne voulais pas accepter demeuraient dans un fond caché de mon esprit, prisonnières d’un amour naissant dont j’avais tant besoin. Nous nous aimions, point final. » (p. 80). Elle conclura ainsi dans les dernières pages : « J’ai appris à le juger, à me faire ma propre opinion, plus critique que favorable. […] Ces années de la Seconde Guerre mondiale, depuis le départ en 1941 du premier contingent de la Légion Wallonie jusqu’au désastre final en 1945, ont constitué l’axe central de cette biographie : non la mienne en tant que telle mais en tant que fille d’un politique, d’un poète, d’un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai toujours essayé de juger selon mes propres critères. » (pp. 128 et 141).

     

    Anne+LD Tolède.jpg

    Photo touristique prise à Tolède, lors du premier séjour d’Anne Degrelle auprès de son père (portant toujours le deuil de son fils) : il fera avec elle le voyage de Madrid, visita Tolède, puis remonta vers le pays basque pour la laisser à Irun, dans le train de Paris : « Tout ce qu’il voulait, c’était me faire profiter au maximum de sa présence, emplir ma mémoire de souvenirs merveilleux et me convaincre de la vie magnifique qu’il pouvait nous offrir, à mes sœurs et à moi, si nous voulions revenir chez lui » (p. 72).

     

    La famille Degrelle, quant à elle, non seulement ne bénéficiera pas d’une telle affection spontanée tant elle avait sombré dans l’oubli le plus total, mais, de plus, elle devra endurer davantage que la défiance entretenue envers son père : une quasi-aversion.

    « Et moi ? Avais-je encore quelque souvenir de la maison de mes grands-parents paternels ? Et de Bouillon ? Très vaguement. J’avais beaucoup de tantes car mon père avait quatre sœurs. L’une d’entre elles, l’aînée, se fit religieuse cloîtrée –je pense que c’était de l’Ordre du Carmel […]. De mes tantes et de mes cousins, de mon oncle assassiné, je n’ai pas le moindre souvenir. […] Cependant, ce fut l’une de mes tantes, Louise, la sœur quasi-jumelle de mon père, qui porta la responsabilité de la reprise de contact de mon frère avec son père. J’ai déjà raconté […] cette chasse incessante de la famille Degrelle pour nous emmener en Espagne auprès de mon père, jusqu’à ce qu’à l’insu de ma mère, ils « kidnappèrent » mon frère et l’emmenèrent sans passeport ni papiers, caché dans une voiture, jusqu’à Séville. Nous savons désormais à quelle tragédie aboutirent ces retrouvailles. » (p. 162).

     

    Marie + Louise-Marie Couvent.jpg« Nous avons été voir une fois [la sœur aînée de mon père] et c’est à peine si je me souviens de son visage, mais je me rappelle bien l’affection avec laquelle elle nous embrassa. Je ne sais pas ce qu’elle pensait de son frère Léon. Mère Marie des Abys –c’est ainsi que nous la connaissions– a vécu toute la guerre ainsi que la persécution dont fut victime le reste de sa famille, parents, frères et sœurs, depuis la solitude de son couvent. Je sais qu’elle est morte très âgée et que mon père eut énormément de chagrin lorsqu’il apprit son décès. » (p. 162 ; Marie, sa sœur aînée –30 juillet 1896 - 6 mars 1980– était la marraine de Léon, voir ce blog au 15 juin 2021. Marie était religieuse de l'ordre de la Visitation de Sainte-Marie ; elle est ici au côté de sa sœur, Louise-Marie Massart, dans le parc du monastère des Abys, à Paliseul, non loin de Bouillon).

    « Ghislaine Massart, une nièce de mon père –c’est-à-dire une cousine à nous–, découvrit (je dois saluer ici les talents de détective de ces membres de la famille) l’endroit où travaillait ma mère à Paris […]. Mon frère, qui vivait également à Paris, allait souvent la voir après ses cours. C’est ainsi que ma cousine le retrouva et commença son travail de “réconciliation familiale”… Elle ne réalisait pas le mal qu’elle faisait à la famille Lemay, à ma mère en particulier, à ma grand-mère, qui nous avaient élevés pendant toute notre enfance et notre adolescence, qui nous avaient protégés de la rancune et de la haine de ceux qui nous persécutaient uniquement à cause de notre nom. » (p. 61).

     

    LD+Guilaine Massart.jpgLéon Degrelle dans son refuge de Majalimar, en 1949, en compagnie de sa nièce Ghislaine Massart, la fille de sa sœur Louise-Marie.

     

    « Au mois de juillet 1958, […] de nouvelles figures que je ne connaissais de nulle part débarquèrent tous les jours. Des cousins du côté de mon père, la famille Degrelle, que je n’avais jamais vus de ma vie. Une de mes cousines, Ghislaine Massart, était précisément la responsable de la fuite de mon frère de Paris, qui connut une fin si tragique. […] Et, parmi ces arrivées en bataille, j’eus l’honneur de connaître un autre cousin, fils d’une sœur de mon père, au regard mauvais, que je fuyais et qui essaya de m’embrasser entre deux portes en s’attirant ainsi une baffe magistrale. » (p. 77).


    Mais à nouveau, si Anne n’éprouve qu’antipathie ou indifférence pour sa famille paternelle, c’est à son père qu’elle en impute la responsabilité : n’affiche-t-il pas son désintérêt pour la vie d’après-guerre des Lemay ? Aussi n’hésitera-t-elle pas à manifester à son tour amnésie et insensibilité : « Il savait que la famille Lemay nous avait sauvés de la cruelle vengeance des vainqueurs dont furent victimes tant de familles emprisonnées dans des conditions inhumaines. Parmi elles, sa propre famille : parents, sœurs, nièces adolescentes… Persécution dont nous fûmes protégés mes sœurs, mon frère et moi, mais à laquelle n’échappa pas ma mère. Dans nos conversations, il essayait de ne pas approfondir ce que furent notre enfance, notre vie estudiantine et notre relation inexistante avec la famille Degrelle. Il devait souffrir en voyant que nous n’avions absolument aucun souvenir d’elle. Fracture complète. Vide total. » (p. 86).

    Anne se fera néanmoins violence en s’efforçant de garder le contact avec le côté Degrelle de sa famille, mais son apparente bonne volonté ne pourra se couronner d’aucun succès :

    « Pourtant, j’ai essayé de garder des relations familiales avec tous, en allant les visiter avec mes enfants à Bruxelles, ainsi qu’à Anvers où vivait une de mes tantes mariée avec un Flamand [Suzanne Lamoral]. Ils étaient des plus affectueux, se coupant en quatre pour nous faire plaisir et essayer de rattraper le temps perdu, mais avec le temps, nous nous sommes éloignés et nous ne nous sommes même pas revus quand mon père est mort. » (p. 162 ; de la fratrie de Léon Degrelle, en 1994, seules vivaient encore Suzanne Lamoral et Louise-Marie Massart, toutes deux malades, handicapées –Louise-Marie étant même aveugle– et incapables de faire le voyage d’Espagne).

     

    Parents LD+Anne Chantal.jpg

    Anne Degrelle n’aurait malheureusement quasi plus aucun souvenir précis de ses grands-parents paternels. Rapportant les propos de son père, elle nous dit que sa grand-mère paternelle était « la femme la plus généreuse et douce au monde, incarcérée comme le reste de sa famille dans une cellule nauséabonde, sans pouvoir revoir ni son mari ni lui donner un ultime baiser avant de mourir » (p. 165). Elle est ici avec sa grand-mère, tandis que sa sœur Chantal est avec son grand-père dans le parc de la Drève de Lorraine ; à l’arrière-plan, son père est en conversation avec Victor Matthys.

     

    La conclusion s’impose donc, sans appel : « En cet été de 58, tous ces oncles et cousins débarquèrent les uns après les autres à La Carlina. En me rappelant cela aujourd’hui quelque 60 ans plus tard, je dois reconnaître que je ne les ai jamais considérés comme ma famille. » (p. 162).

    Et son corolaire, inévitable, est : « Ma véritable famille fut toujours la famille Lemay. Et ma grand-mère maternelle est irremplaçable dans mon cœur. » (p. 162).

    Aussi le ton est-il tout autre lorsqu’il est question des parents maternels. D’autant plus qu’ils eurent également, semble-t-il, à souffrir après la guerre. Et la cause de cette souffrance est clairement imputée à Léon Degrelle, même si cette cause est tout accidentelle, due au seul mariage de Marie-Paule.

    « Mais nous sommes toujours en 1945, la guerre vient de finir et nous nous retrouvons dans cet orphelinat de l’Assistance publique. Qui est ce couple qui s’approche de nous et nous invite à les suivre avec tant d’amour ? Il s’agissait d’un frère de ma mère et de sa femme. Ma grand-mère maternelle, ma bonne-maman adorée, s’était rendue à Bruxelles et les avait envoyés pour nous sauver. » (p. 28).

    « Ma bonne-maman [Lemay] ne nous abandonnerait jamais malgré qu’à cette époque elle avait déjà 57 ans. Elle était restée veuve durant toute la guerre et ses fils étaient déjà majeurs et indépendants. Elle n’avait plus désormais d’yeux que pour ces cinq enfants “orphelins” à cette époque. » (p. 29).

    « La dernière nuit [avant mon départ en pension à Annecy], –je ne sais si j’étais plus sensible que les autres–, je ne fis rien d’autre que pleurer et ma bonne-maman ne trouva pas d’autre remède que de se coucher avec moi. Elle avait un lit immense avec un édredon en plumes (déjà à cette époque) et un grand feu de cheminée. Je ne sais pas si ce fut une bonne idée de passer cette dernière nuit blottie contre ma bonne-maman –ma mère pendant tant d’années– car il m’en est resté un souvenir si profond et agréable qu’aujourd’hui encore j’en suis émue en me le rappelant. » (p. 34). « Je suis terriblement pratique. Je tiens mes pieds fermement sur terre. Comme je l’ai dit, je vis au présent. Et mon présent, c’était, en premier lieu, ma bonne-maman, ma raison de vivre, et ensuite, le collège. » (p. 45). « J’ai appris à vivre au jour le jour avec cette merveilleuse grand-mère qui, dans sa volonté de nous aider et de nous protéger de cette tragédie qui l’atteignait elle-même, s’était transformée en notre mère. » (p. 46).

    La bonne-maman Lemay occupe ainsi une place toute particulière dans le cœur d’Anne, ayant littéralement remplacé sa mère dans sa prime adolescence et l’ayant surtout « protégée » de son père qui semble même craindre de reconnaître sa responsabilité dans la situation où s’est retrouvée plongée la famille Lemay, qui est la seule que se reconnaît Anne : « Arriva le moment des questions aussi bien de son côté que du mien. Mais il n’osait pas trop creuser, craignant d’apprendre les détails du calvaire qu’avaient vécu ma mère, ma grand-mère, mes oncles maternels et nous autres, ses cinq enfants, qui avons échappé à l’Assistance publique grâce, précisément, à cette femme intelligente, courageuse, merveilleuse : ma grand-mère maternelle. » (p. 85).

     

    Bonne-maman Lemay1.jpeg

    Les portraits que nous avons de la bien-aimée « bonne-maman » d’Anne Degrelle-Lemay sont rares : celui-ci provient de son livre de souvenirs (p. 33). De gauche à droite, au premier plan, Anne, Godelieve, Chantal et Léon-Marie ; à l’arrière-plan, Jeanne Lemay-Caton et, dans ses bras, la petite Marie-Christine. Nous le reproduisons car celui dont nous disposons est justement amputé du visage d’Anne (ci-dessous : Anne est debout à l’arrière-plan) : de gauche à droite, devant la grand-mère Jeanne Lemay, Chantal, Marie-Christine, Léon-Marie et Godelieve.

    Bonne-maman Lemay2.jpg

     

    « La maison ou, plutôt, la ferme, appartenait à mon oncle Manu, le petit frère de ma mère, à peine marié et papa d’une fillette d’à peine un an qui deviendrait l’amie inséparable de ma petite sœur du même âge. Mon oncle était ingénieur agronome et, suivant sa vocation, avait acheté cette ferme […]. Je me souviens de ces années à Eyliac comme comptant parmi les plus heureuses de ma vie. » (pp. 29-30).

     

    « Le Périgord était une région où la Résistance avait été très active pendant toute l’occupation allemande. Quand mon oncle Manu arriva à Eyliac, jeune marié, les paysans et les fermiers des environs ne connaissaient rien du reste de la famille. Ils s’estimaient, s’aidaient pour les travaux des champs ; ils étaient amis. Mais lorsque nous sommes arrivés, ma grand-mère et nous cinq, les bonnes gens de l’endroit commencèrent d’abord à avoir des soupçons, puis à poser des questions et enfin à manifester ouvertement leur haine. […] Mon oncle ne reçut que des insultes et des menaces. […] De nouveau cette haine viscérale contre toute la famille. Uniquement pour être le beau-frère de Léon Degrelle. Je ne pouvais pas passer sous silence cet épisode de la vie de mon oncle qui nous a tant aidés et protégés dans cette étape de notre vie, si difficile pour tous. » (pp. 32-33).

     

    « La famille de ma mère (des industriels importants en France), malgré qu’elle fut frappée de sanctions financières exorbitantes uniquement pour avoir été de la famille politique de Léon Degrelle, continua de jouir d’une fortune considérable de sorte que, grâce à elle, nous pûmes continuer à fréquenter de bons collèges » (p. 35).

     

    Mariage LD-MP 29.03.1932.jpg

    Photo du mariage de Léon Degrelle avec Marie-Paule Lemay, prise dans le jardin de la propriété des Lemay, à Tournai, le 3 mars 1932, au lendemain des fêtes de Pâques. C’est probablement la seule fois que les deux familles furent réunies pour une fête. « Entre-temps, ma mère vivait le pire cauchemar de sa vie (mais on ne nous avait alors rien raconté), enfermée dans une geôle en Belgique après avoir été condamnée à dix ans de prison pour être la femme de Léon Degrelle. » (p. 29).

     

    « [Marie-Paule Lemay] savait que sa mère et ses frères avaient perdu une fortune en paiement d’ “indemnités de guerre”, confiscation de leurs biens et coups quasi-mortels à la cimenterie de la famille Lemay, tout cela à cause des liens de parenté avec Léon Degrelle. Et en outre, ils durent encore supporter tous les frais de notre éducation et de notre scolarité pendant l’incarcération de ma mère. » (p. 47).

    « J’évoquais simplement des images de foyer, d’amour, de rires de ma petite sœur, de bûches flambant dans la cheminée, de baisers de ma bonne-maman ou de ma tante Lucette (que j’aimais aussi comme une mère, “une de plus”) » (p. 47).

    « Le conseiller familial, –c’était mon oncle Michel (un frère de ma mère) qui, déjà à cette époque, dirigeait nos vies presque comme un père – voulait me garder auprès de lui et me conseiller dans mes études et la voie à suivre. Il vivait avec sa femme, ma tante Pierrette, à Tournai, à seulement 40 km de Lille. C’est lui qui dirigeait l’énorme usine des “Ciments Lemay” fondée par son père, mon grand-père Marcel Lemay, et qui traversa de multiples péripéties pendant la guerre. Brillant ingénieur, il succéda à deux de ses frères (également ingénieurs industriels) qui, pour diverses raisons, finirent l’un au Venezuela, l’autre au Mexique. Bref, mon oncle Michel et son épouse Pierrette me prirent sous leur aile. J’étais la fille qu’ils n’avaient pu avoir. » (p. 54).

    « Un jour, j’ai surpris des conversations entre eux sur leur désir de m’adopter légalement, tout d’abord par amour, et puis aussi pour débarrasser ma mère des frais de mon éducation. » (p. 56).

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    L’oncle Michel, l’aspirant papa d’Anne, a bien décidé de tourner la page degrellienne : rangé désormais dans la bien-pensance, il s’est racheté une réputation politiquement correcte grâce à des fréquentations choisies, s’est offert un rond-point à Tournai en blocs de pierre de ses carrières, –l’inaugurant avec le ministre-président de la Région wallonne, le socialiste Rudy Demotte (à gauche ; Michel Lemay lève le drap à droite ; capture d’écran NoTélé). Il légua une somme relativement symbolique aux filles de feue sa sœur Marie-Paule, avant de laisser l’essentiel de sa fortune à un fonds de mécénat local portant son nom et celui de sa deuxième épouse, Claire Lemay-Poncheau, géré par la Fondation Roi Baudouin. Son faire-part de décès, en 2012, ne signale que de rares amis de l’establishment tournaisien, aucun membre de sa famille, et mentionne les honneurs officiels que son néo-conformisme lui ont valus.

     

    « Mais l’événement le plus triste qui vint ternir mon bonheur, peu de jours après la naissance de ma petite Hélène, fut le décès de ma grand-mère maternelle, pivot et guide de toute mon enfance et adolescence [28 janvier 1970]. Je ne pus être à ses côtés aux moments ultimes de sa vie, car Hélène n’avait que quinze jours et avait besoin de toute mon attention. » (p. 104)

     

    « Ma mère mourut au printemps de 1984 [le 29 janvier !]. […] Je pleurai désespérément. Se mêlaient en moi la peine immense de sa perte et le remords de l’avoir laissée seule en France, ayant choisi de vivre aux côtés de ce père dont elle avait voulu nous éloigner pendant quinze ans. » (p. 118)

     

    « Mon unique famille fut la famille Lemay. Pendant les années les plus cruciales de mon enfance et de ma jeunesse, ma grand-mère et mes oncles ont toujours été à mes côtés. Ma mère, après ses cinq ans de torture carcérale, revint dans nos vies avec des cicatrices impossibles à fermer. Elle fut admirable dans ses efforts pour essayer d’ignorer les souvenirs qui la tourmentaient, soigner les blessures de son corps et de son esprit, et assumer ses responsabilités quant à notre formation humaine et intellectuelle. » (p. 117)

    Anne Degrelle est donc d’abord et avant tout Anne Lemay. En témoigne encore le vif désagrément dont elle nous fait part au moment de son installation dans l’Espagne de son père : « Mais en Espagne, j’étais la fille de Léon et mon nom devait être Degrelle : cela m’a coûté énormément de devoir m’y habituer. » (p. 131).

     

     

    L’essentiel de la documentation iconographique de cet article provient de la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter.

     

     

    À suivre

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    I. La Carlina

     

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    Vue aérienne de La Carlina.

     

    Nous avons annoncé, il n’y a guère, la parution d’un petit livre en espagnol intitulé Degrelle, l’homme qui changea mon destin, écrit par Anne Degrelle-Lemay, une des filles du fondateur de Rex, dernier Commandeur de la Légion Wallonie (ce blog au 29 juin 2022).

    Ecrite en deux parties s’articulant autour des retrouvailles de la jeune femme surprotégée par la famille de sa maman avec son père forcé à l’exil, cette chronique intitule amèrement ces périodes marquées par une adversité quasi constante « Une vie effilochée » et « Les raccommodages du destin ».

    Dans la mesure où nous recevions pour la toute première fois le témoignage d'un enfant de Léon Degrelle –Anne– ayant longtemps partagé sa vie d’exil à Constantina et Madrid (Chantal a toujours vécu et vit encore en France ; Léon-Marie est malheureusement décédé en 1958 –ce blog au 26 février 2016–, et Marie-Christine en 2006 ; pouvons-nous espérer que Godelieve –84 ans aujourd'hui– ait tenu un journal qui soit un jour rendu public ?), nous nous attendions à un « coup de tonnerre » historique, nous révélant des pans inédits de la biographie du dernier Commandeur de la Légion Wallonie, ayant vécu les cinquante dernières années pleines de rebondissements de sa vie chevaleresque en Espagne.

    Force nous est néanmoins de constater qu’il n’en est quasiment rien et que c’est le récit entier d’Anne Degrelle-Lemay qui nous apparaît effiloché

     

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    Construction de La Carlina, la villa andalouse de Léon Degrelle.

     

    Ce ne sont évidemment pas des révélations sur les combats rexistes ni sur la guerre au Front de l’Est que nous attendions de la petite fille née en 1936 et qui n’avait que neuf ans quand son père put s’échapper miraculeusement de l’apocalypse de 1945 (le rappel de ces années de la vie de Léon Degrelle ne consiste d’ailleurs qu’en citations –bien lacunaires– de ses livres que tout le monde intéressé a lus).

    Du moins nous attendions-nous à du nouveau sur sa vie d’exil si peu documentée et si riche en péripéties et rebondissements des plus étonnants (voir notamment ce blog au 28 mai 2016) : les quarante-neuf années de l’exil devraient intéresser tout autant les degrelliens –de même que les historiens du fascisme, de l’Europe ou de la Seconde Guerre mondiale– que les trente-neuf ans de la vie publique relativement mieux connue de Léon Degrelle.

    C’est sur la villa de son père à Constantina qu’elle s’épanchera le plus, mais sans donner les détails que nous aurions attendus (par exemple, la vie sociale et familiale à Constantina, l’origine des relations avec les militaires américains, l’originalité de ses conceptions architecturales ou les avancées scientifiques permises par ses fouilles archéologiques : ce blog, notamment, aux 17 octobre 2018 et 31 mars 2021).

     

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    La Carlina, telle que la connut Anne à la fin des années 50.

     

    À notre grande surprise malheureusement, –sans que nous puissions nous l’expliquer–, elle ne manque jamais d’exprimer des soupçons sur l’origine (pourtant parfaitement légale) des fonds nécessaires à la construction de La Carlina, ce qu’elle n’eût pourtant pas dû méconnaître si elle n’avait privilégié, sinon les ragots malveillants, du moins les fantasmagories de son imagination trop fertile : il faut, pour son esprit –quoi qu’elle prétende– plus romanesque que cartésien, que cette villa soit l’aboutissement de manœuvres secrètes et mystérieuses au sein du puissant réseau de relations haut placées de son père.

    Anne indiquera néanmoins la véritable raison de la conception et de la réalisation de la merveilleuse villa Carlina : elle était « un véritable palais pour recevoir sa femme et ses enfants » (p. 68). « Je voulais que vous puissiez vivre dans un monde d’art et de beauté, que chaque recoin de cette terrasse soit une surprise pour la vue et pour le cœur », lui a clairement fait savoir son père (p. 79). Mais là aussi, elle ne peut s’empêcher de mettre en doute la sincérité de ces paroles : « Quelques semaines après le départ [de mon frère Léon-Marie], nous avons commencé à recevoir de magnifiques lettres nous racontant les merveilles de Séville, de Constantina, le village de la Sierra sévillane où mon père s’était construit (avec quel argent ?) une authentique demeure préparée –comme lui-même le prétendait– pour recevoir toute sa famille » (p. 62) !

    Ces soupçons qu’elle exprime de manière récurrente révèlent à tout le moins un manque évident de confiance envers un père si célèbre et tant honni, tellement adulé et pourtant persécuté, n’aimant que le beau et le bon et accusé des pires monstruosités, mais se sortant miraculeusement des pires situations : « Nous vivions-là dans un monde irréel, où trop de questions ne trouvaient que difficilement des réponses » (p. 79). « Comment un homme exilé, sans ressources apparentes, a-t-il pu financer cette merveille ? Il avait des amis influents, parmi lesquels deux architectes. […] Les amis financiers sont un autre thème que je ne veux pas aborder pour le moment » (p. 68).

     

    5.Carlina Tour 60.jpg

    « Une tour de quatre niveaux dominait tout l’édifice. Trois des étages correspondaient à une chambre à coucher disposant d’un salon et d’une salle de bain. Quand je revins en Espagne, j’occupai définitivement l’appartement du deuxième étage, et mon père celui du troisième. » (p. 68)

     

    C’est d’autant plus regrettable qu’Anne en rajoute dans la suspicion : « pour que je n’aie pas de soupçons sur l’origine de ce train de vie, il m’emmena en voiture dans le pays basque, plus précisément à Bilbao. […] La raison du voyage était un rendez-vous avec des industriels des hauts-fourneaux de Biscaye, de bons amis à lui. Et surtout, il fallait que je puisse le voir, lui, en tant qu’homme d’affaires leur parlant à tu et à toi, travaillant comme n’importe quel homme pour financer la vie luxueuse qu’il voulait offrir à sa famille. Un politique, un écrivain, soudainement transformé en homme d’affaires ? » (p. 72). « Mon père me parlait d’affaires auxquelles il était partie prenante, non pas en tant qu’associé au capital (il ne disposait d’aucunes liquidités), mais comme personne d’influence dans les milieux du pouvoir de l’époque, accompagnant ces hommes d’affaires heureux d’avoir l’aide de ce magicien de la parole. Il voyageait à Bilbao (je l’ai personnellement accompagné pendant mon premier séjour en Espagne), pénétrant dans le monde de l’industrie métallurgique. » (p. 95)

    L’activité d’ « influenceur » avant la lettre de Léon Degrelle laisse visiblement sceptique sa fille pour qui il ne semble guère normal, voire moral, de tirer quelque avantage de relations éminentes et qui s’imagine devoir découvrir d’obscurs secrets : « Quand il me laissa à la gare d’Irun, mon cœur saignait, mais mon esprit (toujours cartésien) commençait à se poser de nombreuses questions. J’essayais de donner un sens à des faits où je ne voyais rien de clair. Je savais qu’il me faudrait bien plus approfondir ce qu’était la personnalité de cet homme si cultivé, attachant et séducteur » (p. 72). « Je n’ai jamais su clairement comment La Carlina avait été financée. Quand je le lui demandais, il tournait autour du pot et je n’en savais pas plus. C’est-à-dire que je n’ai jamais pu faire la lumière sur cette affaire. Jongleries, ingéniosité, aides miraculeuses… “Et voilà le résultat” concluait-il sans sourciller. » (p. 86)

     

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    « La propriété s’appelait La Carlina, comportant une terrasse avec deux piscines, des mosaïques romaines achetées chez des antiquaires de Séville (la plus grande partie provenait de la ville d’Italica [ancienne cité romaine fondée par Scipion l’Africain], des colonnes de marbre, des fontaines dans tous les coins, des endroits où s’asseoir pour lire… » (p 68).

     

    De quelques-unes de ces relations –et ce ne sont pas les mêmes !–, elle se félicite pourtant d’avoir pu bénéficier : « Au cours de ces années, 1958 à 1962, je crois que mon père m’a présentée à tout Madrid. Et j’étais enchantée de l’accompagner. […] Les comtes de Mayalde, par exemple, lui vouaient une affection particulière. Ce fut le comte, Don José Finat, qui le sauva de l’hôpital militaire de San Sebastian après son atterrissage forcé […]. C’est à cette époque que j’ai également connu la famille de Serrano Suñer. Mon père m’avait raconté son parcours politique en tant que ministre des Affaires étrangères de son beau-frère Francisco Franco. […] Mais la personne la plus excentrique que j’ai connue alors fut la Duchesse de Valence. Elle occupait un petit palais à Avila, rempli d’antiquités, d’œuvres d’art et d’une collection de plats en céramique des XVIIe et XVIIIe siècles » (p. 89).

     

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    « A l’intérieur, il y avait un salon énorme avec une cheminée ainsi que la table de travail de mon père qui me rappelait son bureau de la Drève de Lorraine à Bruxelles et qui communiquait avec une de mes pièces préférées, la bibliothèque. » (p. 68).

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    Le salon et la cheminée monumentale ; à l’avant-plan, un coin du bureau de Léon Degrelle qu’on voit sur la photo précédente. L’inscription de la cheminée est extraite de Révolution des âmes : « Un petit peu de feu dans quelque coin du monde et tous les miracles de grandeur restent possibles. »

     

    Pour Anne Degrelle-Lemay, il est certain que les activités de son père relèvent d’obscures manigances dont l’issue heureuse ne pouvait dépendre que du réseau secret de ses relations insignes : « Les difficultés financières qu’il subit dans sa vie politique passionnante, il dut les affronter également dans sa vie de bâtisseur de Constantina. Dans ce village magnifique où s’engagea ma vie espagnole, je commençais à connaître beaucoup de facettes de la personnalité de mon père. Et je devins son principal inquisiteur. Mes “interrogatoires” étaient permanents. Je voulais comprendre la façon dont il était arrivé à la situation privilégiée où il se trouvait. Comme je l’ai déjà dit, c’était un incroyable raconteur de carabistouilles aussi bien dans sa vie politique précédente que dans sa vie actuelle. Mes questions délicates, pleines de pièges involontaires, fruits de mon esprit “cartésien”, lui posaient bien des problèmes. Il me répondait avec sincérité ou avec cette fantaisie magnifique qui vous font prendre des vessies pour des lanternes. La foi soulève les montagnes, mais jusqu’à un certain point. Je ne savais pas quoi penser. […] L’ “architecte-bâtisseur” improvisé connaît des problèmes économiques importants. […] La solution ? Faire appel aux amis puissants. C’était une époque de sa vie –et de la mienne– qu’il m’est douloureux de rappeler. Il avait des amis inconditionnels qui l’aidèrent depuis le premier jour où il foula le sol espagnol. » (p. 93).

    Voilà un portrait qui ne manquera certainement pas de faire plaisir aux historiens appointés du CEGESOMA et aux logomacheurs à la Balace et à la De Bruyne, véritables raconteurs de carabistouilles quant à eux (pour le CEGESOMA, voir ce blog aux 18 mars et 11 octobre 2016, 30 novembre 2019, 22 octobre 2020 ou 11 mars 2022 ; pour Balace, aux 30 juin 2016, 23 mars 2017, 6 juillet ou 8 novembre 2019 ; pour De Bruyne, quinze articles, du 23 mars 2017 au 5 mars 2018) ! D’autant qu’elle avait déjà laissé sous-entendre la possible mégalomanie de son père, en donnant alors un exemple précis qui n’en était finalement pas un ! « Mon père nous racontait aussi que tous les matins, avant le petit-déjeuner, ils priaient tous ensemble et puis bavardaient en latin. J’avais vraiment du mal à le croire. Mon père était comme ça. Il nous racontait parfois des choses incroyables. Mais le latin, oui, il le possédait et il entra au collège des jésuites considéré comme un élève doué. » (p. 30 ; l’anecdote est également racontée dans Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle : persiste et signe : « Avais-je à peine suivi pendant quelques mois les cours d’humanité gréco-latines, mon père avait prétendu me parler à table en latin et me faire répondre en latin », p. 32). Mais, comme nous le verrons dans la quatrième partie de notre présentation de son livre, Anne Degrelle-Lemay osera aller bien plus loin encore dans la mise en doute des récits de son père...

     

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    « Quand nous avons quitté le vol Madrid Séville, j’eus le souffle coupé. Pas seulement à cause de la chaleur qui, déjà au mois de mai, cognait fort, mais par le parfum ensorcelant du jasmin et des fleurs d’oranger qui envahissait tout. […] Cette impression si forte d’avoir atteint une terre promise, un endroit que même dans mes plus beaux rêves je n’aurais pu imaginer, devenait réalité : des palmiers, je ne voyais plus que des palmiers… » (p. 67)

     

    Que la propre fille de Léon Degrelle saute ainsi à pieds joints dans leur délire de la mythomanie permettant de caricaturer péjorativement et à bon compte le fabuleux destin de son père, voilà qui devra leur sembler inespéré ! Et pourtant n’est-ce pas tellement regrettable et irresponsable ? Car il n’est rien de secret ou de mystérieux dans les affaires entrepreneuriales de Léon Degrelle. Il suffit d’ailleurs de lire le seul ouvrage consacré à son exil (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio. 1945-1994, Wandervögel) pour se rendre compte que l’exilé essaya de gagner sa vie comme tout le monde en fondant diverses sociétés qui connurent l’existence de toute société commerciale : succès, prospérité, difficultés, faillites, disparition. Avec d’ailleurs parfois, au final, la ruine financière totale de leur propriétaire…

    « Il séjourna dans la province de Séville, au domaine Majalimar, propriété de l’Entreprise Majalca S.A., dont étaient actionnaires les frères Garcia Gascón, originaires de la région de Béjar, dans la province de Salamanque. Le domaine Majalimar (Vallée du Paradis) fut l’endroit où il fut accueilli et caché de 1949 à 1954. C’est là qu’il conçut l’idée d’écrire une œuvre colossale consistant à raconter l’histoire des dernières années à travers de grands portraits : “J’ai connu Hitler”, “J’ai connu Mussolini”, “J’ai connu Franco”, “J’ai connu Churchill”, “J’ai connu Pétain”, “J’ai connu Laval” [ndlr : ce projet devint Le Siècle de Hitler, dont six volumes ont vu le jour jusqu’à présent : ce blog aux 25 janvier 2016 et 26 mai 2022]…

     

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    « Je me souviens particulièrement d’une de ces fontaines mélodieuses où l’on pouvait lire l’inscription en petites mosaïques bleues sur le fond blanc du muret scintillant sous la vasque d’eau : “Angulus ridet”. Aujourd’hui encore, je l’entends me dire en français : “Ce petit coin me sourit”. » (p. 79).

    Cette sentence tirée des Odes d’Horace (« Ce coin me sourit plus que tout autre », Livre II, Ode 4) agrémentait une magnifique fontaine intégrant une authentique mosaïque romaine : à gauche, on voit s’y amuser Anne et sa mère en 1961. Près de quarante ans plus tard (1998), à droite, la fontaine dont la mosaïque a été vandalisée, existait encore à l’état de ruine, avant que les religieuses hiéronymites ne la restaurent avec l’ensemble du domaine (ce blog aux 28 mai 2016 et 17 octobre 2018).

     

    Il vécut là plusieurs années, isolé de presque tout le monde, perdu dans ce désert de la Sierra Morena, à vingt kilomètres du village le plus proche où il pouvait se servir d’un unique téléphone à manivelle pour effectuer ses premières opérations et transactions commerciales lui assurant la subsistance. Par la suite, il participa à la création d’une industrie métallurgique non loin du Guadalquivir. Il effectua aussi d’excellentes opérations sur le coton en Australie. Plus tard, en 1952, il se convertit en entrepreneur pour fournir un toit à une cinquantaine de familles d’une base nord-américaine.

     

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    « Et l’aventure commença –car ce fut bien une aventure !– avec tous les ingrédients de la réussite comme de formidables échecs qui le conduisirent à la banqueroute : une douzaine de villas, toutes différentes : l’une d’elles était même une tour peinte en rouge grenat qui était la première habitation que l’on voyait en arrivant à Constantina par la route de Lora del Río. Ces villas, que les gens du village appelaient les “maisons des Américains” avaient été construites pour abriter les familles des officiers américains qui travaillaient à la Base de Constantina, à cette époque où Franco commençait à communiquer avec le monde capitaliste et à travailler avec lui. […] C’était une époque très joyeuse pour La Carlina. Nous organisions des fêtes de bienvenue pour ces amis yankees et je remplissais à nouveau mon rôle d’hôtesse, profitant de l’occasion pour améliorer mon anglais et recevoir des cadeaux : robes, parfums, boîtes de produits de Revlon : ces dames riches savaient comment plaire à une fille de vingt-trois ans. » (p. 86). Ces photos ne montrent pas la construction des « maisons américaines », mais celles du  village social sur les pentes du terrain face à La Carlina (voir en fin d’article).

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    Léon supportait sa vie d’exilé avec la plus grande dignité, grâce aux travaux qu’il parvenait à obtenir. Il ne se souciait pas de l’argent. La seule chose qui l’intéressait était d’avoir quelques œuvres d’art lui rappelant que, de tout temps, la passion pour la beauté a toujours emporté les hommes. […] A cette époque, il acheta à un ami la propriété d’une petite vigne appelée “La Carlina”, non loin du centre de Constantina, située sur une hauteur dominant le village, au nord-est. Il acheta cette vigne pour vingt-huit mille six cents pesetas. […] Le nom de Carlina vient d’une plante à la racine oblongue, aux feuilles pointues et épineuses et aux fleurs jaunâtres, plus connue sous le nom de chondrille ou, en termes de botanique, Angelica Carlina [carline acaule]. Professionnellement, il travaillait comme directeur de la société de promotion urbaine “Immeubles Andalous SA”. Il s’occupait de la construction d’un ensemble de bâtiments dans les environs immédiats du vignoble. Ce village s’organisait des deux côtés d’un axe central conçu pour être l’artère principale. Il s’agissait de constructions modestes respectant le cadre et le milieu de la région, édifiée selon les normes de l’architecture populaire de l’endroit, embellissant le paysage et respectant la nature. Le complexe était dominé par une villa de plus grandes dimensions dans la partie la plus élevée du site, qui comportait une tour circulaire pouvant servir de vigie aux maisons des alentours. […] Une fois la construction achevée, les logements furent loués aux ouvriers et au personnel militaire de l’armée nord-américaine affectés à la base voisine de surveillance aérienne, construite en application des accords de 1953 conclus entre l’Espagne et les Etats-Unis sur le site du Cerro Negrillo. Elle comportait un radar de suivi pour le contrôle de la navigation aérienne du détroit de Gibraltar et de la zone sud de la péninsule ibérique.

     

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    La Tour rouge grenat, telle qu’elle existe encore aujourd’hui, non loin de La Carlina.

     

    L’idée que Léon Degrelle nourrissait pour cette urbanisation était d’aménager de manière artistique le milieu rural en avant-garde pionnière du tourisme intérieur. Destinée à des vacanciers à la recherche éventuelle d’une alternative aux loisirs de masse sur les plages du littoral, cette initiative voulait revitaliser les villages qui ne pouvaient bénéficier des plans touristiques consacrés aux plages ensoleillées alors qu’ils regorgent de trésors environnementaux, d’endroits bucoliques et de paysages naturels à l’incomparable beauté. C’est ainsi qu’il pensait que les marines nord-américains de la base amphibie de Rota, dans la province de Cadiz, pourraient sans doute être intéressés par ces installations de type bungalow situées sur les contreforts méridionaux de la Sierra Morena, à seulement 80 kilomètres de Séville.

    Les archives de l’administration de Constantina conservent, en tout, treize dossiers présentés par Léon J. Ramirez Reina, représentant l’entreprise “Immeubles Andalous SA”. Ils concernent la construction des villas touristiques des environs du Château blanc et du Château rouge. Trois datent de 1958, huit de 1959, une de 1960 et une encore de 1962, la dernière année de sa domiciliation dans cette ville. » (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio. 1945-1994, pp. 191-195).

     

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    « Constantina est un village important de la campagne sévillane, très riche, avec des fermes dédiées à l’agriculture et à l’élevage appartenant à de grands propriétaires terriens. C’est un beau village andalou, de petites maisons blanches et de rues étroites pour se protéger du soleil, avec des balcons et des patios pleins de fleurs. » (p. 69).

     

    Léon Degrelle, néanmoins, a bien dû se rendre compte de la méfiance de sa fille à son égard. Et sans doute l’ambiguïté de leur relation où l’équivoque le disputait au scepticisme a-t-elle fini par en altérer la qualité, le papa ne pouvant que se lasser face à l’inutilité des explications qu’il devait répéter vainement à sa fille ne voulant entendre que les réponses qu’elle exigeait… « J’étais sa fille. Il m’aimait. Il recherchait mon approbation en tout. Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

    Anne Degrelle-Lemay n’en démordra d’ailleurs jamais : « Parmi toutes les amitiés influentes [que mon père] noua alors dans le monde de la politique, le destin voulut que son ami, Girón de Velasco, ministre de Franco, l’emmenât en Andalousie et l’épaulât dans de nouveaux projets professionnels… Il ne répondait jamais à mes questions : “Que faisais-tu ?”; “De quoi vivais-tu ?” […] Mais sa vie d’exilé en Espagne fut toujours un mystère pour moi et pour ma famille. » (p. 166).

    Peut-être Léon Degrelle pensa-t-il aussi à sa fille Anne lorsqu’il répondit à la question de Jean-Michel Charlier « D’où tirez-vous vos ressources en Espagne ? » :

    « – […] J’ai fait la démonstration qu’à l’encontre de tant de politiciens rapaces et inutiles, je pouvais, lorsque j’étais éloigné de la politique, être un heureux créateur de richesses. J’ai surtout pu édifier ou rassembler de la beauté. C’est elle qui m’a toujours passionné, par-dessus tout. L’argent, finalement, je m’en fiche. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il serve à créer ou à trouver du beau […]. Eh bien ! je voudrais voir ceux qui m’ont si souvent sali, je voudrais les voir face à un exil aussi dur que le mien, sans un sou au départ, souffrant encore de mes blessures, traqué de toutes parts, devant mener une vie impossible, obligé de filer sans cesse d’un refuge à l’autre, je voudrais les voir créer par leur seul effort ce que j’ai créé, dans un pays étranger, à force d’exprimer le jus de mes méninges et de travailler. » (Léon Degrelle : persiste et signe, p. 396)

     

    Nous examinerons dans le prochain chapitre de notre recension comment Anne Degrelle/Anne Lemay présente sa relation aux Degrelle et aux Lemay, les deux familles étant pour elle, quoi qu’elle prétende, à des antipodes parfaitement antagonistes…

     

     

    La ruine du village social

     

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    Plan primitif des maisonnettes du village social imaginé par Léon Degrelle (approuvé par les autorités communales de Constantina). Construit en face de La Carlina, ce village devait répondre non seulement aux impératifs économiques de ses habitants, mais également à leurs besoins sociaux ou esthétiques par l’organisation des logements en escalier, mais décalés de façon à respecter la vie privée et dans un cadre traditionnel offrant de l’espace pour les loisirs (toits-terrasses, jardins, espaces communs…). Des conceptions inspirées à Léon Degrelle par la Weltanschauung nationale-socialiste à la base des cités ouvrières du Reich allemand : « Le plan de construction de milliers de maisons populaires avait lui aussi réclamé une vaste mobilisation. Hitler avait vu beau, intime et grand. [...] La majorité des maisons imaginées par lui furent bâties à un étage, isolées dans un jardinet. Les enfants pourraient y courir, la femme y cueillir quelques salades ou des cerises, l'homme y lire son journal en paix pour se détendre après son labeur. Ces maisons unifamiliales étaient construites, elles aussi, selon le style de chaque région, si différent et si charmant en Allemagne. Lorsqu'il fallait se résoudre à créer des complexes importants, Hitler veillait à ce qu'ils fussent toujours aérés et embellis par de vastes jardins où les enfants pourraient s'ébattre sans danger. Tous ces logements avaient été agencés de telle façon que fussent respectées les normes d'hygiène qui avaient fait presque toujours défaut dans les logis ouvriers. » (Léon Degrelle, Hitler unificateur de l'Allemagne, L'Homme Libre, 2006, p. 77).

     

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    « Les plus graves problèmes apparurent quand il entreprit un projet qui mûrissait dans son esprit créatif depuis quelques années : construire des logements sociaux en escalier épousant la pente d’un terrain de sa propriété. Les plans réalisés par un de ses amis architecte étaient magnifiques. Mais l’ “entrepreneur” amateur ne sut pas s’entourer de professionnels expérimentés.

     

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    Bon de commande signé par Léon José de Ramirez Reina pour les 84 logements sociaux à construire près de La Carlina par l’architecte Alfonso Gómez de la Lastra.

     

    Les problèmes surgirent dès le début. Le principal fut l’eau. On dut forer plusieurs puits avant d’en creuser enfin un au débit suffisant. […] Mais il fallait encore affronter une autre difficulté majeure : la qualité de la terre, du terrain sur lequel ces maisons devaient se construire. Les charges de dynamite pulvérisaient des tonnes de roches. J’assistais à ce boucan infernal en me demandant comment pourrait s’édifier sur ce sol hostile un complexe urbain en soi déjà risqué. Mon père disparaissait des semaines entières à la recherche du financement. […] Une nuit d’orage et de pluies torrentielles, un bruit assourdissant me réveilla, me rappelant les bombardements de l’Allemagne. Toutes les maisons à moitié construites, dont la plupart n’avaient pas encore de toit, s’étaient effondrées. Plus tard, nous avons su la véritable cause de cet effondrement : c’était la mauvaise qualité des matériaux de construction, en particulier du ciment. De quoi désespérer en pensant à la cimenterie de ma famille maternelle, une des plus importantes de Belgique, à Tournai, jolie ville où, dans mes dernières années de baccalauréat, je passais tous mes week-ends dans la maison de mon oncle Michel. Ces belles maisons n’étaient qu’un château de cartes qui s’envolèrent à la première tempête d’automne. » (p. 96).

    « Mon scepticisme concernant le financement de la construction de ces maisons luxueuses n’a fait que croître…  […] Entre-temps, mon père allait et venait, cherchant de l’aide auprès de quelque ami pouvant lui porter secours » (p. 95).

     

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    (La documentation iconographique de cet article provient de la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter).

     

    À suivre