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jeanne lemay

  • Godelieve de la Rosa-Degrelle

    14 avril 1938 -  14 avril 2023

     

    Godelieve de la Rosa Degrelle.jpeg

     

    Nous venons d’apprendre avec une profonde tristesse le décès de Godelieve de la Rosa, quatrième fille de Léon Degrelle et Marie-Paule Lemay.

    C’est précisément quatre-vingt-cinq ans après sa naissance que s’est éteinte celle qui reçut de son Papa le beau prénom qui « veut dire en flamand, petite amie de Dieu » (Léon Degrelle, in Duchesse de Valence, p. 357 ; ce blog au 4 juin 2019).

     

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    Au temps de la Drève de Lorraine : l’aînée Chantal, le petit Léon-Marie et sa tendre sœur Godelieve (photo du haut) ; photo du bas : la petite Godelieve, avec sa Maman et son petit frère Léon-Marie.

     

    Traversant les avanies de l’épuration qui la séparèrent de sa famille criminellement persécutée, elle fut confiée, dans un premier temps à son oncle Henri Cornet (époux de Madeleine, la sœur de Léon Degrelle, ce blog au 20 mars 2020), avant de rejoindre avec ses sœurs Chantal, Anne, Marie-Christine et son frère Léon-Marie, sa Bonne-Maman Jeanne Lemay. Celle-ci les emmènera dans le sûr refuge de sa propriété de Dordogne, leur assurant ainsi des études « normales » chez les Ursulines de Périgueux tout d’abord, puis chez les Sœurs de Saint-Joseph d’Annecy, ainsi qu’une éducation tout orientée sur une totale défiance envers leur père ainsi que sur son nécessaire éloignement (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

     

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    Godelieve au « Chaubier », la maison de Bonne-Maman Jeanne, à Eyliac.

    Après sa libération en 1950, la Maman rejoindra enfin ses enfants dans le petit village d’Eyliac. Godelieve et ses sœurs l’accompagneront à Poitiers où elles recevront les cours de l’internat du Sacré-Cœur pendant trois ans. Godelieve suivra ensuite sa vocation de puéricultrice dont elle obtint le diplôme en 1956.

     

    C’est avec son frère Léon-Marie que son Papa parvint à prendre tout d’abord contact, à l’été 1957. Le jeune homme rejoignit aussitôt son père, mais fut malheureusement victime d’un accident de la circulation à Séville quelques mois plus tard, le 22 février 1958 (ce blog au 5 novembre 2022).

    Nous savons que Marie-Paule Lemay envoya alors sa fille Anne à Constantina afin d’accélérer une procédure de divorce (ce blog au 13 mars 2023). Sa sœur Godelieve devait rapidement la suivre, mais uniquement mue, quant à elle, par l’avide impatience de retrouver un père qu’elle n’avait plus vu depuis quelque treize ans. C’est lors des fêtes de Pâques 1958 qu’elle put enfin le rejoindre, décidant –tout comme le feront ses sœurs Anne et Marie-Christine– de rester auprès de son père et de faire définitivement sa vie en Espagne.

     

    Les trois sœurs y découvriront rapidement l’amour en rencontrant chacune l’homme de sa vie.

     

    Mariage Godelieve 09.01.1960.jpg

    Godelieve fut la première des filles de Léon Degrelle à se marier en Espagne : ce fut le samedi 9 janvier 1960, avec Antonio de la Rosa ; la cérémonie religieuse se tint dans l’église paroissiale de Constantina, dans une relative discrétion par rapport aux séismes médiatiques que provoquèrent les mariages d’Anne et Marie-Christine (ce blog aux 28 mai 2016 et 20 décembre 2022), bien qu’à la soirée, un bal mémorable ait rassemblé tout le village !

     

    Pour Godelieve, ce fut Antonio de la Rosa, un agent commercial de Murcie, qu’elle épousera le 9 janvier 1960, à Constantina. L’un de ses témoins fut le major Georges Jacobs, le premier Commandeur de la Légion Wallonie, qui avait rejoint son chef politique et dernier successeur à la tête des « Bourguignons », dès sa libération des geôles belges.

     

    LD Bourse Belga.jpegProbablement la photo de son enfance que Godelieve a préférée : elle la montre avec son frère Léon-Marie accompagner leur père sur son char de parade à la Bourse de Bruxelles (l'aînée, Chantal, les rejoindra peu après ; voir photos suivantes). Le Commandeur de la Légion apparaît dans la gloire de ses décorations, lors du défilé célébrant, le 1er avril 1944, la percée victorieuse de Tcherkassy. Selon son fils José Antonio de la Rosa-Degrelle, Godelieve la fit encadrer et ne la quitta jamais. C'est désormais lui qui s'en enorgueillit (ce blog au 15 décembre 2020).

     

    Godelieve eut trois enfants dont nous connaissons l’aîné, José Antonio, pour ses courageuses interventions à la télévision belge, défendant avec brio et bon sens son grand-père lors d’émissions destinées à culpabiliser Les Enfants de la Collaboration (ce blog aux 15 décembre 2020 et 9 janvier 2021).

     

    Défilé 44 Chantal+Léon-Marie+Godelieve.JPG

    Défilé 44 Chantal+Léon-Marie+Godelieve2.JPG

     

    Qu’il reçoive ici le témoignage de notre profonde sympathie. C’est de tout cœur que nous lui envoyons, ainsi qu’à toute sa famille, nos condoléances sincèrement émues.

     

    (Documentation © Jacques de Schutter)

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

     

    V. Les lacunes historiques d’Anne…

     

     

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    Léon Degrelle a tout fait pour retrouver ses enfants, pas seulement matériellement en les accueillant en Espagne où ils firent leur vie, sauf Léon-Marie victime d’un accident mortel après quelques mois et Chantal qui était déjà mariée en France, mais affectueusement surtout. De la part d’Anne, cette affection fut-elle réciproque, spontanée et sincère ? Oui, nous affirme-t-elle avec assurance. Et nous n’avons aucune raison de ne pas la croire. Mais l’édition de cette « espèce de journal à destination de mes enfants et de mes petits-enfants » (p. 169) est-elle bien sans arrière-pensée ? Ses enfants pourraient-ils vraiment y trouver un portrait authentique de « Degrelle, L’homme qui changea [le] destin » de leur mère et grand-mère ?

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgDepuis que nous avons commencé la présentation du livre de mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, nous n’avons pu que souligner la carence et le biaisement continuels de l’information (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

    Destiné surtout –affirme l’auteur– à mieux faire connaître à sa famille la vie, la pensée, l’idéal de leur grand-père et arrière-grand-père (« Je leur ai tant parlé de leur aïeul qu’ils veulent maintenant en savoir davantage », p. 165), ce livre ne pouvait passer sous silence la première moitié de la vie de Léon Degrelle. Encore qu’il ne dise pratiquement rien de l’enfance, des années d’université (un mot sur le journal L’Avant-Garde, un autre sur Mgr Picard et les Cristeros mexicains, p. 87)… Sur Rex, rien non plus, à part l’intérêt pour la politique sociale nationale-socialiste (p. 109, sans expliquer qu’en évoquant le régime hitlérien, la presse rexiste ne faisait alors que remplir sa mission d’information ni que le Führer y fut éreinté, pratiquement jusqu’à la capitulation de la Belgique) ou la politique de neutralité, « une clairvoyance [de la part de Léon Degrelle, qu’Anne estime] semblable à celle de Charles Maurras, un de ses grands amis »… que son père n’a –malheureusement– jamais rencontré ! (p. 110).

     

    Même si elle a la Belgique en horreur (« Je dois reconnaître que le coup de foudre n’était pas seulement pour [mon père], mais pour l’Espagne que j’aimais déjà autant sinon plus que la France et surtout que la Belgique que je haïssais depuis tant d’années pour tout le mal qu’elle fit à ma famille », p. 73), Anne se devait d’en expliquer l’originalité à ses enfants pour qu’ils comprennent mieux l’action de leur grand-père aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure de Rex que pour le recrutement des Légionnaires du Front de l’Est. Mais là aussi, on nage dans l’imprécision et l’ignorance : « Nous savons que la Belgique se divise en deux régions, la Wallonie et la Flandre. Des cultures différentes, des langues différentes, des spécificités différentes. En Wallonie, on parle français, en Flandre le flamand, le néerlandais ainsi que l’allemand. » (p. 133). Outre que le flamand, sauf à le considérer comme un patois, est la même langue que le néerlandais effectivement parlé en Flandre, l’allemand n’est, quant à lui, parlé que dans les cantons de l’est, à la frontière allemande, c’est-à-dire enclavés en Wallonie.

     

    Anne semble également ignorer les origines françaises de son papa (une fois, p. 23, elle le présentera pourtant comme « belgo-français » : voir plus loin). Toujours est-il que, dans un texte écrit en 1949 expressément pour ses jeunes enfants dont il était séparé depuis plus d’un lustre (l’aînée, Chantal, avait quinze ans ; Anne, treize ; Godelieve, onze ; Léon-Marie, dix et Marie-Christine, cinq) et qu’Anne doit nécessairement connaître, son père ne manque pas de détailler : « Edouard Degrelle [le grand-père d’Anne] était né à Solre-le-Château, ville française, puisque l’Ardenne est coupée par la frontière belgo-française, ligne arbitraire, souvent modifiée, région pleine de simplicité et de noblesse. Elle était originaire de Gonrieux et pendant deux cents ans, avait porté le nom de cette terre. Les le Grêle de Gonrieux avaient cette devise qui fait croire qu’ils n’étaient pas costauds, mais qu’ils étaient bien décidés à vivre : Grêle est, mais croîtra ! Les Degrelle de Solre-le-Château habitaient depuis plusieurs générations une grande maison à pignons, blanche et vaste. Deux cent quatre-vingt huit Degrelle y étaient nés. Les familles étaient nombreuses, un Livre de Raison remontant à 1589 en fait foi ». (Léon Degrelle, Mon Combat, s.l., s.d., p. 20). Usmard Legros, le premier biographe de Léon Degrelle précise que 1589 est en fait l’année de naissance, à Sains-du-Nord (Avesnois), du « plus lointain ancêtre connu, Martin de Grelle » (Un homme… un chef. Léon Degrelle, 1937, p. 24).

    Degrelle Solre-le-Château.jpgMonument funéraire de la famille Degrelle dans le cimetière de Solre-le-Château (nord de la France). Cette concession à perpétuité fut élevée par Constantin-Joseph Degrelle (1784-1869), l’arrière-grand-père de Léon.

    « Mon père était d’origine wallonne. Il était né dans un beau village des Ardennes appelé Bouillon. Sa langue maternelle était le français. Et les zones aux nombreux conflits sociaux, régions minières et industrielles, étaient en terre flamande. » (p. 100) Sauf que les zones industrielles minières –à part un site dans le Limbourg flamand– se trouvent toutes en région wallonne, dans les provinces de Liège et du Hainaut, fiefs de la gauche socialiste et communiste avant de devenir terreau rexiste (c’est pourquoi l’hommage à la Légion Wallonie célébrant le succès de la percée de Tcherkassy, le 1er avril 1944, débuta à Charleroi : ce blog au 7 mars 2022).

     

    Quand Anne se mêle de l’histoire politique de son père, ce n’est pas mieux, incapable, par exemple, de situer correctement les relations de la famille Lemay avec son père :

    « Toute la famille de ma mère, à cette première époque de sa vie politique, le soutenait inconditionnellement. Elle partageait avec des milliers de personnes (âgées et jeunes, aisées ou pauvres) cette foi en un homme honnête décidé à lutter pour leurs droits. […] Mon père, un homme de principes et catholique jusqu’à la moelle, amoureux de sa Belgique natale, vit en Hitler un créateur d’hommes, un chef qui avait sorti son pays aux millions de chômeurs de la misère économique et lui avait rendu l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier “Heil Hitler”. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (p. 18).

    Sans doute parce que sa famille maternelle lui aura répété mille fois cette histoire, Anne Degrelle-Lemay se crut autorisée à revenir plus précisément sur les circonstances de la rupture de sa famille maternelle avec Léon Degrelle, les rendant du coup encore plus invraisemblables.

    C’est ainsi qu’Anne situe cette rupture des Lemay avec son père à l’époque des retentissants « Six Jours de Rex » : ils furent organisés du 19 au 24 janvier 1937 au Palais des Sports de Bruxelles et accueillaient chaque jour quelque quinze mille personnes payant chacune au moins 5 francs pour écouter Léon Degrelle :

    « Mais ce que mon père ne m’a pas dit alors et que je n’ai appris que bien des années plus tard de la bouche de ma grand-mère maternelle, c’est qu’à la fin du sixième jour, il commenta le succès de la politique hitlérienne en faisant de son chef un exemple à suivre et en exprimant ouvertement son admiration naissante pour lui. Il termina le meeting par un “Heil Hitler !” qui déclencha une polémique sauvage dans le monde politique –mais aussi citoyen– de l’époque. Mon grand-père maternel et toute la famille Lemay, jusqu’alors admirateurs de son combat aux racines profondément chrétiennes, commencèrent à l’écouter avec un certain scepticisme. » (p. 92).

     

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    Reportage du Pays réel, le 21 janvier 1937.

     

    Plus loin, Anne confirmera les limites strictement patriotiques du soutien des Lemay, qui furent alors inexorablement atteintes (mais il ne s’agit plus du meeting « du sixième jour », c’est même le tout premier) : « C’est au cours du premier meeting qu’il commença à commenter les résultats de ce chef de l’Etat allemand. Déjà, il ne dissimulait pas son affinité avec lui aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure que son aversion naissante qui finirait rapidement par devenir le but principal de son combat : Staline et son communisme. A partir du moment où il commença à adhérer tacitement [sic !] aux projets d’une future lutte européenne contre l’URSS emmenée par l’armée allemande –qui avait envahi son propre pays–, ses meetings se limitèrent à faire du recrutement. Dans la famille Lemay –celle de ma mère– cela provoqua un rejet total et certainement aussi dans de nombreuses autres familles qui ne pouvaient même pas imaginer laisser leurs fils aller se battre coude à coude avec l’envahisseur de leur pays, aussi noble que soit le but commun. » (p. 142).

    Tout le monde sait que le discours de Léon Degrelle se terminant par la profession de foi en l’avenir national-socialiste de l’Europe nouvelle fut prononcé le 5 janvier 1941 et non en 1937 à l’occasion des « Six Jours de Rex » : les différents thèmes traités dans les cinq discours prévus à cette occasion (le samedi était réservé à un « gala artistique ») ne pouvaient en aucun cas se clore (ni commencer !) par le salut à celui qui, à ce moment, était occupé à redresser l’Allemagne :

    - Les scandales et la révolte des citoyens
    - Rex reconstruira l’Etat
    - Justice sociale – Paix flamande
    - La jeunesse – Les valeurs morales – L’Eglise
    - Au-delà des partis : la Patrie !

     

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    Reportage du Pays réel, le 25 janvier 1937. La photo montre Léon Degrelle et son épouse Marie-Paule, née Lemay, assistant au gala artistique de Rex, le samedi 23 janvier, organisé dans la salle de concert de la Société royale de la Grande Harmonie, peu avant sa démolition laissant place à l’actuelle place de l’Albertine, face aux bâtiments de la nouvelle Bibliothèque Royale.

     

    Si donc, après-guerre, Belle-Maman Lemay a raconté à Anne que c’est dès 1937 que son mari et sa famille prirent leurs distances avec Léon Degrelle à cause de sa proximité soudainement affichée avec l’horrible Hitler, ce ne peut s’expliquer que par leur volonté de se montrer, après-guerre et par grégarisme opportuniste, le plus antihitlérien possible.

    C’est ainsi qu’Anne rapporte la rupture des Lemay en assénant les contresens les plus invraisemblables à propos des raisons de l’engagement de son père aux côtés de l’Allemagne nationale-socialiste : « Mon père […] vit en Hitler […] un chef qui avait […] rendu à son pays l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier Heil Hitler. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (pp.17-18) Comme si Léon Degrelle avait non seulement accepté, mais cautionné à l’avance l’invasion de son pays par le Troisième Reich !

    Plus loin, Anne enfonce encore ce clou inepte pour souligner l'entêtement coupable de son père : « Je crois sincèrement qu’à cette époque déjà [août 1944], ma mère ne partageait plus les idéaux de son mari belgo-français qui combattait aux ordres d’un chef dont le seul but était de se rendre maître de l’Europe. » (p. 23).

    Anne ne peut pourtant pas ignorer les explications fournies par son père dans le document écrit en 1949 dont nous venons de parler. On y lit : « La Collaboration signifiait pour Léon Degrelle l’épanouissement de son pays dans une Europe unie et réconciliée. Il se ralliait à une politique de collaboration européenne non pas par sympathie pour l’homme Hitler et parce qu’il était allemand, mais dans la mesure où il était devenu européen et où il synchronisait toute la symphonie européenne pour en faire un chant plein de grandeur et d’harmonie. » (Mon Combat, p. 209). Prouvant qu’il ne s’agit pas d’explications a posteriori, il cite également quelques écrits de l’époque, publiés dans Le Pays réel, entre autres, celui-ci : « La rupture des carcans européens, l’organisation de l’Europe en une entité cohérente, va ramener le vieux Leo Belgicus à ses destinées nationales. Dans l’Europe d’Hitler, nous allons être une incomparable jetée de l’Europe centrale vers la mer du Nord et les Océans ; un confluent fabuleux des richesses du Continent et des autres mondes. » (Le Pays réel, 20 avril 1941).



    Pays réel 1941 08 09.pngEst-ce involontairement qu’Anne se fait tout de même l’écho des véritables raisons de l’engagement des milliers de Belges qui prêtèrent un serment de fidélité à Adolf Hitler dans la guerre contre le bolchevisme ? « J’ai expliqué les raisons pour lesquelles ils partirent pour le front de l’est : avant tout, pour recouvrer des droits pour leur pays, pour le représenter avec honneur et, en définitive, pour lutter pour l’Europe. » (p. 142).

    Mais les Lemay constituant désormais sa famille de prédilection, elle est bien obligée de leur donner raison en approuvant leur condamnation anticipative (et patriotique !) de la participation des rexistes et autres partisans de l’Europe nouvelle à la croisade antibolchevique aux côtés des Allemands ayant envahi la Belgique !

    Mais cela ne serait-il justement pas le tout premier chef d’accusation qui valut la condamnation à mort par contumace de Léon Degrelle par le Conseil de Guerre de Bruxelles, le 27 décembre 1944 ? A savoir « Avoir porté les armes contre la Belgique et ses alliés » ? Sauf qu’il fallut quand même attendre un arrêté-loi pris à Londres le 17 décembre 1942, pour déclarer les soviétiques alliés de la Belgique, c’est-à-dire près d’un an et demi après l’entrée en action de la Légion Wallonie et Léon Degrelle, et neuf mois après l’arrivée du second contingent emmené par John Hagemans (ce blog au 26 août 2022) !…

    [Ici, nous ne résistons pas à l’opportunité de vous présenter un petit intermède qui serait comique s'il n'était malséant, offert par le clown Proprof de l’Université de Liège, l’inénarrable Besace (ce blog au 30 juin 2016) qui avait déjà minimisé les atrocités de l’épuration en parlant d’excès aux limites acceptables et des pistolets-mitrailleurs de la Résistance qui partaient tout seuls (ce blog au 8 novembre 2019). Ici, il s’étouffe à l’idée qu’on puisse ne pas trouver judicieuses ces lois rétroactives et nous propose donc son « regard particulier » sur le sujet : « Les arguties juridiques invoquées par les combattants de l’Est quant au caractère rétroactif de la législation qui leur était appliquée parce qu’une circulaire interprétative étendait à l’URSS la notion d’ “allié” de fait, ne tenaient guère devant une évidente réalité : endosser le feldgrau quelques mois après l’invasion [en fait, quinze mois quand même, soit le quart de la durée de toute la guerre !] était un péché contre l’esprit bien plus que contre un article du Code pénal. » Il suffisait d'y penser ! Et de promulguer cet ajout dogmatique au Décalogue ! (Francis Ballace, “Collaboration et répression en Wallonie : un regard particulier ?”, in Collaboration, répression, un passé qui résiste, Sous la direction de J. Gotovitch & Ch. Kesteloot, p. 53).]

    Malheureusement pour Anne Degrelle-Lemay, nous savons que le patriotisme de sa famille privilégiée fut pour le moins à géométrie variable, notamment par la lettre de Léon Degrelle à l’avocat des Lemay, Jean Thévenet (20 mars 1954) ; le seul Lemay a y être traité positivement est d’ailleurs son beau-père Marcel Lemay, l’époux de Belle-Maman, décédé à l’orée de la guerre et qu’il y appelle son « ami charmant ». On y apprend, entre autres, que Belle-Maman Lemay ne trouvait apparemment pas inconvenant de s’afficher au bras de son gendre « incivique », jusqu’au moins… 1944 et que le fils aîné, Marc Lemay, apporta la bénédiction de sa famille aux volontaires du premier contingent de la Légion Wallonie en partance pour le front de l’Est, le 8 août 1941 ! (ce blog au 20 décembre 2022).

     

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    L’aîné des fils Lemay ne fut pas seul à venir saluer, le 8 août 1941, à la Gare du Nord de Bruxelles, le départ des nouveaux Croisés pour leur combat sacrificiel contre la menace bolchevique sur l’Europe.

     

    Nous verrons ailleurs (quand nous parlerons de Jeanne Degrelle-Brevet) que Léon Degrelle pouvait parfois s’agacer des lacunes historiques de sa fille. Aussi pourrions-nous nous réjouir que tout ce qui concerne la vie militaire de son père soit directement tiré de ses propres livres. Mais nous allons vite déchanter.

    Les livres de son père lui sont bien sûr l’occasion de célébrer son courage et sa valeur militaire : « Il ne pouvait passer inaperçu. Il s’attira rapidement le respect non seulement de ses hommes, mais aussi des autorités allemandes qui surent voir en lui un soldat courageux, un grand stratège emmenant ses hommes avec courage et intelligence à des victoires et des conquêtes de villes et de régions d’importance capitale sur la route vers Moscou. Des victoires qui lui valurent une ascension fulgurante dans la hiérarchie et les décorations militaires. Les pages de son livre uniquement consacrées aux combats, aux misères, aux tragédies, aux souffrances atroces, je ne vais pas les mettre dans ces mémoires. Ce que je veux souligner, c’est le courage de ce soldat qui parvint à être un des commandants militaires les plus admirés par ses hommes et par les plus hautes autorités allemandes. Elles le respectaient. Il pouvait leur parler d’égal à égal. […] Les décorations étincelant sur son uniforme d’officier rendaient justice à ses progressions régulières dans le commandement militaire. […] J’avais seulement sept ans. Bien qu’on nous tînt, nous les enfants, à l’écart de ces événements, nous savions que nous avions un père qui était un HEROS pour notre entourage. Et quand nous avions l’occasion de le voir entre des meetings et des réunions, l’affection qu’il nous prodiguait compensait les longues absences que nous devions subir. Je possède toujours des photos attachantes de ces rencontres éphémères, dont une, en particulier, sur l’escalier de notre maison de la Drève de Lorraine » (pp. 146 et 148).

     

    LD Drève Anne+Léon-M.+God..jpgEst-ce une des photos dont parle Anne ? En permission après la bataille de Tcherkassy et sa réception par le Führer lui octroyant la croix de Chevalier de la Croix de Fer, Léon Degrelle pose sur les marches de sa villa de la Drève de Lorraine avec Anne, Léon-Marie et Godelieve (février 1944).

    Mais ce que saluera surtout Anne Degrelle-Lemay tout au long de ses citations, c’est le talent littéraire de son père :

    « On devrait étudier le livre de mon père, “La Campagne de Russie”, dans les facultés d’Histoire, sinon de Lettres, car c’est une page de l’histoire de l’Europe et, qui plus est, magnifiquement écrite. Ce n’est pas Victor Hugo, mais c’est un grand auteur. […] “La Campagne de Russie”, cette grande épopée écrite en un français magnifique et traduite en de nombreuses langues, ne cessera jamais d’apparaître dans mes commentaires sur la personnalité de mon père, qui n’était pas seulement un simple soldat, mais un être humain aux profondes racines chrétiennes. […] C’est sur le front du Dnieper que commença l’immense odyssée de cette guerre cruelle, qu’il a magnifiquement racontée dans son livre “La Campagne de Russie”. Je reconnais que la lecture de ce livre ne m’attirait pas dans l’absolu, mais je l’ai terminé fascinée, stupéfaite non pas tant par l’aventure de ces hommes, mais pas la beauté des descriptions de chaque recoin, de chaque village, de chaque rivière, de chaque bois de cet immense et merveilleux pays qu’est la Russie. Ces six cents pages reflètent une lutte acharnée, traversant les régions et les localités aux noms imprononçables pour moi. […] Maintenant que je me suis attelée à la tâche d’entrer dans les pages de ce livre, je me sens difficilement capable de pouvoir refléter le sentiment qui m’envahit et l’admiration pour cet écrivain capable de transmettre de manière magistrale l’état d’âme de ces milliers d’hommes dont il était devenu responsable. […] Le Donetz, le Dnieper, le Caucase, l’Ukraine n’ont plus de secrets pour moi. Cette envie qui m’a prise d’écrire pour partager quelque chose de mes souvenirs m’a amenée à plonger dans la lecture de sa fameuse “Campagne de Russie”. Elle m’a passionnée, émerveillée ; elle m’a fait pleurer… ou sourire car, au milieu de tant de malheurs, ce génie de la plume trouve toujours le mot juste, la pointe sarcastique qui vous éloigne pour une seconde du récit dramatique et si souvent sanglant. […] Chaque description, comme sortie de la palette d’un peintre, parlait avec une sensibilité quasi hors de propos au milieu de cet enfer, de paysages enneigés, de bois dont les branches couvertes de givre brillaient à la lumière du soleil couchant. Des pages d’une beauté absolue : un baume pour le cœur et l’esprit. […] En lisant entre les lignes, je ressens l’angoisse spirituelle qui l’étreignait, lui si croyant, face à tant d’horreur et de morts. Mais “La Campagne de Russie” demeure l’épopée de sa vie qui attire le plus ses adeptes. Alors que pour moi, c’est elle qui a causé le plus de traumatismes dans ma vie. » (pp. 141 et 144-146).

     

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    « Le livre peut-être le plus connu en Espagne parmi ses œuvres spirituelles est “Les âmes qui brûlent”, avec une introduction et la traduction de Don Gregorio Marañón, édité dans les années 50. » (p. 166). Première édition d’Almas Ardiendo (jusqu’à aujourd’hui, il y en eut plus d’une douzaine !) aux éditions La Hoja de Roble (« La Feuille de Chêne », avec une aquarelle de la célèbre peintre naïve espagnole María Antonia Dans, 1922-1988) fondées à Lora del Rio par Léon Degrelle en 1954. Ci-dessous, l’édition soignée proposée par le président de l’Asociación Cultural Amigos de Léon Degrelle, José Luis Jerez Riesco, en 2009. Dans des « Paragraphes préliminaires », il propose une méditation sur Les âmes qui brûlent/Les âmes ardentes, inspirée par les Pères de l’Eglise, les philosophes grecs et romains ainsi que la réflexion spirituelle de José Antonio ; il donne aussi de précieux renseignements sur les premières éditions de cet ouvrage, aussi bien en français qu’en espagnol. Actuellement épuisée, cette édition peut se télécharger (malheureusement sans les Préliminaires de José Luis Jerez Riesco ni le Prologue de Gregorio Marañon).

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    « Je ne veux cependant pas terminer mon histoire sans consacrer quelques pages au Léon Degrelle poète, philosophe et écrivain, car ce sont les aspects de sa vie que j’ai le plus admirés. Doté d’une grande sensibilité, il a abordé magistralement des thèmes aussi délicats que l’amour, la beauté, la célébration de sa terre natale qui a abouti à “La Chanson ardennaise”. Il n’a jamais perdu la foi en Dieu. Elle le poussa à écrire “Je te bénis ô belle mort”, des poèmes inspirés par l’œuvre de Sainte Thérèse d’Avila. Je les ai gardés longtemps sur ma table de nuit. […] Je conserve dans ma bibliothèque un espace spécial pour diverses brochures, soigneusement éditées, de vers et de réflexions qui montrent un homme profondément spirituel. L’une d’elles est intitulée “Aux mauvais jours” et fut écrite à l’hôpital de Saint-Sébastien en 1945… Une vraie relique. Chaque fois que je la lis, une immense tristesse m’envahit. Dans son long exil, ce qui l’a sauvé, ce fut l’intense vie intellectuelle qui ne l’abandonna jamais. […] Sa plume fut ce qui le sauva mentalement durant son long enfermement dans un sous-sol obscur et, plus tard, lorsqu’il commença à aller mieux, chez notre chère Clarita. C’est chez elle qu’il trouva la paix nécessaire pour continuer à écrire, entre autres, sa “Campagne de Russie”. Il ne répondit jamais à mes questions : que faisais-tu ? de quoi vivais-tu ? Tout ce que je sais, c’est qu’il n’arrêta jamais d’écrire, de la poésie, de l’histoire, tous ces livres magnifiques qui remplirent sa vie en exil. » (p. 166).

    Remarquons au passage que jusqu’à la dernière page de ses mémoires, Anne Degrelle-Lemay aura été incapable de trousser le moindre compliment (ici, sur le précieux don poétique de son père) sans l’assortir de remarques fielleuses sur l’origine de son argent !...

    Mais ces considérations paraîtront bien anodines face aux remises en question d’événements historiques rapportés dans les livres autobiographiques du Commandeur de la Légion Wallonie !

    Rappelons-nous qu’Anne n’a pas hésité pas à traiter son père de « raconteur de carabistouilles » (traduction élégante de « narrador embaucador », termes désignant un narrateur filou, trompeur, escroc, p. 93 ; ce blog au 23 octobre 2022). Elle va maintenant lui attribuer une nouvelle calembredaine… Ou, plutôt, elle va avaliser la thèse des hyènes de l’histoire sur la relation unique développée par Adolf Hitler envers Léon Degrelle. Et ce, à propos de la fameuse phrase « Si j’avais un fils, je voudrais qu’il fût comme vous. » (ce blog aux 12 mai 2016, 21 juin et 20 juillet 2018).

    « Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (p. 154).

     

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    Pour Anne Degrelle-Lemay, l’insigne proximité manifestée par Adolf Hitler envers son père, Léon Degrelle, ne relèverait que d’une fiction romanesque que sa sagacité « cartésienne » serait parvenue à détecter !...

     

    Le regard d’Anne et le sourire de son père tels qu’ici rapportés ne sont pas un regard de confiance et un sourire de bienveillance. Non, le scepticisme qu’aurait ainsi, comme toujours, brandi Anne face aux affirmations de son père rend au contraire son regard dubitatif, sinon incrédule, tandis que le sourire avec lequel aurait répondu son père manifesterait une connivence avec sa fille, tellement « cartésienne » qu’il en reconnaîtrait ainsi sa lucide perspicacité ! Certes, elle ajoute « peut-être que c’était vrai », mais dans ce contexte, comme elle l’a dit ailleurs, cela ne se pourrait que si l’on acceptait de « prendre des vessies pour des lanternes » (p. 93 ; en espagnol : « comulgar con ruedas de molino », communier avec des meules de moulin [à la place d’hosties] !).

    Mais qu’en est-il en réalité ?

    Le récit de la célèbre phrase que le Führer adressa au fils qu’il se choisit est très précisément extrait –nous dit Anne Degrelle-Lemay– de La Campagne de Russie de Léon Degrelle (et présenté d’emblée comme un récit « romanesque » ; nous citons le texte tel que donné par Anne et expliquerons ensuite nos soulignages) :

    « Dans son livre “La Campagne de Russie” [Anne donne le titre en français], il raconte, comme dans un roman, l’aventure de sa rencontre avec Hitler : “17 février. Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. Nous étions sauvés. Nous avions gagné. Le lendemain, notre immense colonne était en marche depuis quelques heures, protégée par les blindés du général Hube. Un petit avion décrivait des cercles au-dessus de nous et finit par atterrir près de nous. C’était un appareil de reconnaissance envoyé par Hitler. Il était à ma recherche. Aussitôt, mes soldats me hissèrent dans l’avionnette. Je traversai, en quatre heures de vol, le sud puis tout l’ouest de la Russie. A la nuit tombée, j’atterrissais à l’aéroport du G.Q.G. Mais dans quel état ! L’uniforme en lambeaux, déchiqueté par tant de corps à corps. Himmler me donna une chemise propre et fit en sorte qu’on arrange ce qu’il restait de mon uniforme. En échange, je laissai dans sa belle salle de bain d’énormes poux furieusement anthropophages. Puis il m’emmena dans sa voiture verte, à une heure du matin jusqu’au lieu de rendez-vous avec le Führer. Je vois encore Hitler s’avancer vers moi, me serrer contre lui et… me remettre le Collier de la Ritterkreuz qui était alors –il ne faut pas l’oublier– la décoration la plus élevée de l’Armée allemande. Il me prit les mains entre les siennes et me dit simplement : “Je me suis fait tant de soucis pour vous !” Je me retrouvais là, près de Hitler, dans sa cabane rustique, devant une cheminée où quelques bûches crépitaient. En quittant son bureau, nous nous réunîmes avec quelques maréchaux dans un salon voisin pour fêter avec une bouteille de champagne –lui qui n’aimait pas les boissons alcoolisées– la victoire de Tcherkassy.”

    Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (pp. 153-154).

    Campaña de Rusia.JPGLe problème est que le texte fourni par Anne Degrelle-Lemay n’est en rien extrait de La Campagne de Russie, ni de la version espagnole La Campaña de Rusia qui en est la traduction fidèle. D’où vient-il ? Et pourquoi remplace-t-il la version donnée dans l’œuvre originale, « cette grande épopée écrite en un français magnifique » quasiment digne de Victor Hugo (voir ci-avant) ? Voilà qui jette quand même un sérieux doute sur la sincérité de l’appréciation du talent littéraire de son père exprimée par Anne…

    Le texte choisi n’est en effet aucunement littérairement travaillé par son auteur : il s’agit de la retranscription des interviews données par Léon Degrelle à Jean-Michel Charlier, que celui-ci a publiées en 1985 dans Léon Degrelle : persiste et signe (éditions Jean Picollec ; nous citons le texte français d’après ce livre). Le texte cité par Anne se trouve aux pages 331-332 (pp. 313-314 de l’édition espagnole Léon Degrelle firma y rubrica, Ediciones Dyrsa, 1986).

    Mieux, –ou plutôt pire !–, Anne Degrelle-Lemay s’est permise de corriger des expressions et de réécrire des tournures ou des passages entiers : c’est ce que nous avons souligné dans notre citation de son livre, comme si c’était la version corrigée par ses soins qui, en réalité, méritait les éloges !

    Firma y rubrica.jpeg
    C’est ainsi, par exemple, qu’elle corrige en « petit avion », « avion-cigogne », traduction du surnom donné à cet avion de reconnaissance construit pas l’ingénieur Gerhard Fieseler et dont le train d’atterrissage surélevé lui valut d’être appelé Storch (cigogne). Elle change aussi « chars » en « blindés », « champ d’aviation » en « aéroport » ou « quelques centaines de gros poux russes » en « énormes poux »… Elle ajoute des phrases inutiles (« Nous avions gagné ») et se permet aussi de réécrire tout le passage relatif à la réception au champagne que Léon Degrelle avait écrit de la sorte ; « Sortant de son bureau, je m’étais à peine attablé dans un salon voisin avec ses maréchaux qu’il [Adolf Hitler] avait surgi une bouteille de champagne au bout de chaque bras, nous les apportant pour festoyer, lui qui détestait les boissons alcoolisées ! » (La Campagne de Russie, p. 336).

    Malheureusement, la seule chose qu’elle ne change pas, c’est l’erreur de transcription qui se trouve tout au début de la citation : « Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. »

    Lisyanka n’est pas une rivière, mais une ville (qui donne d’ailleurs son titre à un chapitre de La Campagne de Russie : pp. 314-322 ; pp. 149-153 de l’édition espagnole). C’est Jean-Michel Charlier qui commet l’erreur en retranscrivant les paroles de Léon Degrelle qui avait sans doute parlé de « la rivière de Lisyanka ». Dans La Campagne de Russie, il explique d’ailleurs que le moment-clé de la percée de Tcherkassy fut le passage de la rivière traversant cette ville : « Nous nous dépêtrâmes dans la neige épaisse et descendîmes le long de la route. Nous finîmes par atteindre, au cœur de Lysjanka, la rivière, très large, gonflée, ourlée de crêtes de glace. » (p. 322). Cette rivière, c’est le Gniloï-Tikitch.

    Mais là, bien sûr, n’est pas le plus important. La scène que rapporte Anne représente la rencontre qu’Adolf Hitler a voulue en faisant chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front le 20 février 1944. Or ce n’est pas à cette occasion que le Führer a prononcé la fameuse phrase où il se reconnaissait un fils spirituel en Léon Degrelle. C’est six mois plus tard, le 27 août 1944, comme il le souligne justement dans ses entretiens avec Jean-Michel Charlier, source privilégiée d’Anne, mais qu’elle ignore ici : « Hitler, en m’étreignant la main dans ses deux mains, pensait-il qu’au-delà de ses forces qui s’épuisaient, à force de travail, j’étais là, jeune lion ? Six mois plus tard, il me dirait la phrase célèbre : Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous ! Dès février 1944, il avait décidé que je porterais l’étendard de l’Europe nouvelle en Occident. Il me faisait recevoir officiellement à Paris. » (Persiste et signe, p. 337 ; p. 319 de l’édition espagnole).

    Et cette nouvelle rencontre –à nouveau voulue par Adolf Hitler en faisant encore chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front– est également parfaitement documentée dans La Campagne de Russie (pp. 377-381 ; pp. 180-183 de l’édition espagnole) : « Hitler avait repris une vigueur nouvelle. […] Il me décora. Puis il me guida vers une petite table ronde. […] Son œil brillait de bonne humeur. Il se lança avec passion dans un débat sur l’avenir du socialisme. Son visage, admirablement soigné, frémissait. Ses mains fines et parfaites avaient des gestes élémentaires mais ardents, compagnes vivantes de l’orateur. […] Au moment du départ, comme s’il eût voulu graver à jamais dans mon cœur un souvenir plus personnel, Hitler revint me prendre la main dans ses deux mains : “Si j’avais un fils, me dit-il lentement, affectueusement, je voudrais qu’il fût comme vous…” »

    Cette reconnaissance d’un étranger à l’insigne proximité spirituelle s’exprima à peine un mois après la tentative d’assassinat perpétrée, le 20 juillet 1944, par des officiers allemands félons…

    Alors, d’où vient la mise en doute par Anne de la phrase d’Adolf Hitler ? Et, pour mieux l’étayer, pourquoi avoir placé tout le récit de la rencontre de son père avec le Führer (sans être capable de choisir la bonne date !) dans la fiction d’un roman qu’elle se permet de réécrire ?

     

    Vermeire Charleroi 01.04-horz.jpg

    « Le lieutenant Jean Vermeire donne le ton. Lui, porte une veste de général privée d’insignes et une culotte de cheval mauve que, de Frédéric II à Keitel, nul ne découvrit jamais dans l’armée allemande. » (Saint-Loup, Les SS de la Toison d’Or, Presses de la Cité, p. 81).

    « Un petit détail amusant, c’est que lors d’un de nos premiers rassemblements au camp de Regenwurmlager, le major Bode avait dit, à bien haute voix, en voyant Vermeire pour la première fois : Was ist den das für ein Operetten Offizier ! Et c’est certes la raison pour laquelle Vermeire ne manquait plus jamais la moindre occasion pour critiquer le major Bode. » (Fernand Kaisergruber, commentaire dactylographié sur le livre de Jean Mabire, Légion Wallonie, Au front de l’est, 1941-1944, Presses de la Cité).

     

    Outre que nous avons vu l’irrésistible propension d’Anne Degrelle-Lemay à semer partout les graines morbides de sa méfiance et de ses soupçons, une origine de la remise en cause particulière de la phrase historique du Führer pourrait bien être le SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire. Son incommensurable orgueil fut en effet cruellement blessé, non seulement par le refus constant de Léon Degrelle de le reconnaître officiellement comme son « bras droit » (« J’en ai déjà un, ça me suffit ! » plaisantait-il, mi-moqueur, mi-agacé), mais aussi par celui de son épouse Jeanne Degrelle-Brevet de lui confier les drapeaux de la Légion, après le décès du Commandeur (ce blog au 17 janvier 2016).

    C’est en effet à partir de la disparition de son Chef que Jean Vermeire entreprit d’écorner sa « légende », notamment en remettant en question la réalité de la fameuse phrase (ce blog au 21 juin 2018).

    En 2008, en participant au documentaire de Philippe Dutilleul, Léon Degrelle ou la Führer de vivre, il échafauda l’impossibilité mentale pour Adolf Hitler d’avoir même imaginé prononcer pareille phrase à l’adresse d’un étranger. Comme si cet officier par usurpation (nous nous expliquerons plus tard sur ce terme), qui n’a jamais pu même voir le Führer autrement qu’en image, avait quelque compétence historique ou psychologique l’autorisant à se mettre à sa place…

    « Il voulait avoir un fils ? Le fils d’un Belge ? C’est pas des phrases à répéter !... Ça ne tient pas debout ! Ça m’a toujours heurté… Et on reprend cette phrase… on reprend cette phrase… tout le temps… tout le temps…

    Hitler s’est avancé vers Degrelle et il lui a dit textuellement : “Ich habe mich grosse Sorge gemacht”, “Je me suis fait des grands soucis”. [Il exhibe un papier] Voilà ! Et ça, moi, j’ai reçu ce texte, après, par Gille. Après, parler du fils d’Hitler… C’était un affront à tous les jeunes de l’Allemagne ! Il y avait d’autres héros tout de même !... Donc il n’a pas dit ça ! Ce n’est pas possible ! C’est… c’est… c’est égoïstement inventer l’histoire qui obligeait toute l’Allemagne… Et nous alors ? Qu’est-ce qu’on devient là-dedans ???... Mais je lui ai demandé plusieurs fois : je dis, mais… “Ohhhhh…, il m’a dit, ben… oh là là… j’ai été reçu comme un fils.” Voilà, je dis, la légende ! »

     

    Vermeire papier Gilles.JPGDans le film de Philippe Dutilleul, comme preuve que jamais Adolf Hitler n’aurait pu dire à Léon Degrelle que s’il avait un fils, il aimerait qu’il soit comme lui, Jean Vermeire présente sa source en agitant une grande feuille blanche devant la caméra (capture d’écran du film-documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre donnant « la parole aux derniers témoins directs et proches de Léon Degrelle »).

    Mais la caméra prend bien soin de ne pas filmer son contenu en gros plan. Il s’agirait pourtant d’un document intéressant, prétendument écrit par le Generalleutnant Herbert Otto Gille, commandeur de la 5. SS-Panzerdivision Wiking, affirmant qu’à la réception à laquelle il fut convié avec Léon Degrelle à la Wolfschanze du Führer, ce dernier n’aurait fait qu’exprimer son inquiétude sur le sort des Wallons. Nous le croyons bien volontiers, car le général Gille fut convié au Quartier Général de Hitler avec les principaux Commandeurs ayant assuré le succès de la percée de Tcherkassy. Ce qui veut dire qu’il parle de la rencontre du 20 février 1944 et non de celle du 27 août, qu’il ne fait donc que confirmer ce que Léon Degrelle a toujours dit (notamment dans La Campagne de Russie, p. 328) et qu’il nous aurait vivement intéressé de connaître l'intégralité de ce compte rendu. Pour sa part, Léon Degrelle a écrit : « le Führer s’était avancé vers moi, m’avait pris la main droite dans ses deux mains et l’étreignait avec affection. […] je ne sentais que ses deux mains qui pressaient la mienne, je n’entendais que sa voix, un peu rauque, qui m’accueillait, me répétait : “Vous m’avez donné tant d’inquiétude !..” ». Le scoop de Vermeire n’est donc qu’un mensonge (mais le personnage en est coutumier !). On se demande d’ailleurs s’il a effectivement rencontré le général Gille pour lui commander un procès-verbal des propos d’Adolf Hitler à Léon Degrelle ! Surtout que, pour des raisons de simple chronologie, il ne pouvait de toute évidence concerner la phrase qui « heurte » tant Vermeire et lui servir à convaincre Léon Degrelle d’affabulation… On regrettera donc qu’il n’ait pas harcelé plutôt le général Felix Steiner qui était, lui, bien présent le 27 août (c’est lui qui est sur la photo que nous publions plus avant entre Adolf Hitler et Léon Degrelle) !

    Ci-dessous, une photo officielle des commandeurs qui furent reçus par le Führer, le 20 février 1944 : de gauche à droite, Herbert Otto Gille, Theo-Helmut Lieb et Léon Degrelle, reçus à Berlin par le chef de la presse du Reich, le Dr Otto Dietrich.

     

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    « Ça ne tient pas debout » ? Et les préoccupations constantes d’Adolf Hitler vis-à-vis de Léon Degrelle depuis leur première rencontre du 26 septembre 1936 jusques et y compris les derniers moments dans le Führerbunker (tous les détails sur ce blog au 21 juin 2018) tiennent-elles debout ?

    « Il y avait d’autres héros tout de même » ? D’innombrables, en effet ! Mais y en eut-il un seul autre que Léon Degrelle –qu’il soit Allemand ou Volontaire étranger – que le Führer fît rechercher sur le front par son avion personnel pour le recevoir personnellement, –et ce, à deux reprises !–, lui remettre les plus hautes décorations militaires et s’entretenir particulièrement avec lui ? Et où serait l’affront aux jeunes de l’Allemagne (surtout de la Waffen SS, composée par ailleurs à plus de 70% de camarades non-Allemands) quand l’élite du commandement militaire allemand de la Wehrmacht avait cherché à assassiner son chef suprême en pleine guerre ?...

    Nous ne commenterons pas davantage cette indécente prétention de Vermeire de faire la leçon (post mortem !) à son Chef, d’oser l’accuser d’égoïsme, de se mettre outrageusement dans la peau d’Adolf Hitler et des jeunes soldats allemands et de se plaindre péniblement qu’on ne fasse pas davantage cas de lui et, accessoirement, des autres Bourguignons : nous avons eu l’occasion de dire ce que nous en pensions sur ce blog le 21 juin 2018. Mais nous laisserons à un autre Volontaire wallon, du Second contingent du 10 mars 1942, Raymond Van Leeuw, le soin de dire ce qu’il faut définitivement penser de celui qui bâtit toute se carrière militaire sur le mensonge de son grade !

    Raymond Van Leeuw fut, lui, le véritable homme de confiance de Léon Degrelle dont il organisa le secrétariat lorsqu’il le rejoignit en Espagne : nous citerons des extraits de lettres qu’il envoya à Anne Degrelle ainsi qu’à son mari Servando Balaguer : il nous faudra en effet à nouveau parler du rôle néfaste de Vermeire à l’occasion de la disparition du Commandeur de la Légion Wallonie et dont sa fille ne souffle mot (voir la dernière partie de notre présentation de son livre L’homme qui changea mon destin).

    Le travail de sape concernant la relation entre Adolf Hitler et Léon Degrelle mené avec opiniâtreté par Jean Vermeire après 1994 est intéressant à suivre car il permet d’établir un parallélisme assez précis avec ce qu’on peut lire chez Anne Degrelle-Lemay.

    Pieterjan Verstraete.jpegC’est ainsi qu’il amena l’historien flamand Pieter Jan Verstraete à écrire dans sa biographie de Léon Degrelle : « Que Hitler, à l’occasion de cette troisième rencontre [le 27 août 1944] avec le vaniteux Degrelle, ait dit : “Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous”, cela s’est avéré, des années plus tard, n’être qu’une invention. Selon son ami intime Vermeire, le Führer aurait simplement dit qu’il s’était fait de “grandes inquiétudes” sur le sort de Degrelle et des siens sur le front. » (Le beau Léon. Léon Degrelle, Aspekt, 2010, p. 121).

    Remarquons que pour donner du poids à son scoop, Vermeire s’est présenté comme un « intime » de Léon Degrelle, et même comme son « ami » (mon Dieu, est-il encore besoin d'ennemis avec de pareils amis ?) ! C’est également en termes semblables qu’Anne nous le présente : « Jean Vermeire qui était un de ses grands confidents » (p. 140).

    Notons aussi en quoi consiste la correction de l’histoire que Vermeire offre à Verstraete : ce n’est pas « Si j’avais un fils… » que le Führer aurait dit à Léon Degrelle ; il aurait seulement fait part de ses « grandes inquiétudes ». Du coup, lorsque l’historien flamand, pour raconter la rencontre précédente, celle du 20 février 1944, s’en remet à ce que le Commandeur de la Wallonie a écrit dans La Campagne de Russie, il publie le texte en prenant soin –tout comme Anne– de supprimer le passage où Adolf Hitler fait part de son inquiétude à Léon Degrelle : pour justifier l’intervention de Vermeire, ce détail doit en effet disparaître puisque le créateur de fake news le situe… six mois plus tard !!!

    Anne Degrelle-Lemay pense sans doute faire la même chose en citant le récit de la réunion du 20 février 1944 qu’elle place, sans le dire, au 27 août 1944 afin d’établir que la seule chose exprimée par Adolf Hitler ce jour-là fut, comme le prétend Vermeire, son inquiétude et non pas sa confidence toute personnelle.

    « Mais peut-être que c’était vrai… » Le coup de pied de l’âne, qui ne veut pas dire son nom !...

    Jean Vermeire ne publia jamais rien, mais, dès qu’il se rendit compte, après la disparition de Léon Degrelle, qu’il ne réaliserait jamais son objectif de s’emparer des drapeaux de compagnie dessinés par John Hagemans pour la Légion (ce blog au 17 janvier 2016), il s’efforça d’influencer négativement ceux qui pensaient pouvoir recourir à ses « souvenirs » et à sa compétence comme à une source fiable de première main.

    En ce qui concerne Anne Degrelle-Lemay, cela alla même plus loin puisqu’elle s’en remit à lui pour la dispersion des cendres, s’en servit pour contester les dernières volontés testamentaires de son père et l’appuya dans l’affaire des drapeaux : nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre dernier examen des mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay.

     

    Vermeire urne Führer de vivre.JPG

    L’ancien SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire n’hésita pas à exhiber l’urne funéraire vide de Léon Degrelle devant la caméra de Philippe Dutilleul pour son documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre en affirmant mensongèrement avoir respecté les dernières volontés du défunt (ce blog aux 17 janvier 2016 et 31 mars 2019). Il refusa toujours de rendre cette relique à l’épouse de son Chef, Jeanne Degrelle-Brevet.

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    II. Anne Degrelle ou Anne Lemay ?

     

    Anne + LD 1958.jpg

    Une des toutes premières photos, probablement prise dans un bar de Constantina, d’Anne Degrelle avec son père chez qui elle est arrivée en juillet 1958. Léon Degrelle porte une cravate et un brassard noirs en signe de deuil pour son fils Léon-Marie, mort dans un accident de la circulation, le 22 février précédent.

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgNous avons terminé la première partie de notre présentation des mémoires d’Anne Degrelle-Lemay (ce blog au 23 octobre 2020) par l’attitude surprenante de son père à son égard : « Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

     

    Doutes qui se manifestèrent dès le tout premier contact : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. Nous étions deux personnes qui se cherchaient, qui se regardaient, qui enlevaient des barrières. Nous faisions connaissance, mais toujours avec méfiance en ce qui me concerne ; et lui, il se rendait compte que j’avais encore du mal à l’inclure dans ma vie. » (p. 67).

    Et Léon Degrelle avait sans doute bien raison de soupçonner l’hostilité plus subtile que la famille Lemay instilla dans l’esprit de ses enfants. C’est Anne qui l’explique encore, à l’occasion d’une affirmation semblable d’apparent détachement des Lemay à son encontre : « Je ne puis qu’affirmer que je n’ai entendu de la bouche de ma grand-mère ou de n’importe lequel de mes oncles la moindre parole négative sur mon père. On ne parlait tout simplement pas de lui et, plus incroyable encore, nous ne posions pas de questions non plus sur lui. C'était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. » (p. 42).

    Mais ce n’est pas du détachement ou de l'insensibilité, c’est de l’anxiété mêlée de suspicion, comme le reconnaît d’ailleurs Anne un peu plus loin : « Je lui expliquais que je ne pouvais relever ni estime ni aversion de la part de la famille Lemay. À peine de l’indifférence apparente, mais aussi de la peur, de la crainte d’avoir à répondre à des questions embarrassantes de notre part » (p. 93).

    Mais tout cela est-il bien vrai ? Anne nous laisse quand même entendre que les propos des Lemay sur Léon Degrelle n’étaient finalement pas si équivoques que cela, comme elle l'admet dans le récit de sa première rencontre avec son père : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. » (p. 67). Elle le confirme encore dans le compte rendu de ses conversations à La Carlina : « C’est là que j’ai appris de vive voix ce qu’avait été la vie de cet être mystérieux et redoutable qu’on m’avait décrit durant toute mon enfance. » (p. 128).

    Pourquoi, d’ailleurs, la famille Lemay aurait-elle sinon utilisé toutes les ressources de la damnatio memoriae à l’encontre de leur parent par alliance, à savoir le silence, la calomnie et l’iconoclasme : « C’était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. De sa vie et de ses erreurs politiques, de sa “responsabilité” dans le malheur de tant de gens, on ne parlait jamais. À la maison, il n’y avait aucune photo qui pouvait nous le rappeler. On en avait même découpé quelques jolies, comme celle où nous étions avec lui, ma sœur Chantal et moi, et que je lui ai montrée des années plus tard. “Ils m’ont guillotiné !” me dit-il, plaisantant toujours avec les choses les plus tristes… » (p. 42). Cette iconoclastie se voulait d’ailleurs systématique : « Malgré les soins attentifs de la famille Lemay pour découper les photos sur lesquelles apparaissait mon père, j’ai quand même pu l’apercevoir sur certaines d’entre elles. » (p. 66).

     

    Photo coupée Chantal+Anne.jpeg

    Anne publie dans son livre (p. 43) une photo où elle figure avec sa sœur Chantal (à gauche) : la famille Lemay a pris soin d’enlever la tête de Léon Degrelle (on en voit toutefois la main gauche autour de la taille d’Anne), en déchirant la photo à la main et non aux ciseaux, comme en témoigne les bords arrachés autour de la tête des enfants.

     

    L’éducation ainsi reçue par Anne a laissé de telles traces évidentes que son père perçoit les réticences de sa fille dès le premier abord : lorsqu’elle débarque à Séville qui l’enivre de son atmosphère lumineuse et paradisiaque, Léon Degrelle n’est pas dupe : « Mon père était également déconcerté, pas à cause des palmiers ni du parfum des jasmins, mais par ma réaction. » (p. 67). Elle précise en effet que sa première attitude en rencontrant son père fut celle de la méfiance : « À ce moment, il fallait encore que de nombreux doutes disparaissent pour que j’aie totalement confiance en lui. » (p. 67). Et cette confiance est-elle possible puisque son frère les avait quittées, sa mère et elle, pour rejoindre « le responsable de tous [leurs] malheurs », –chose dont elle ne veut même pas « essayer de comprendre les raisons » (p. 61) ? Son attitude, en découvrant son père, n’a pu que trahir pareils sentiments embarrassés.

    C’est que « jamais mon père ne renonça à nous retrouver, à récupérer ses enfants ». Alors que, toujours, la famille Lemay fut résolue à l’en empêcher : « La famille de ma mère, comme d’authentiques garants de notre sécurité, essayait de nous emmener d’un endroit à l’autre, d’un collège à l’autre, s’efforçant d’égarer ces pseudo-détectives qui essayaient de nous localiser et de nous suivre à la trace, toujours à l’affût. » (p. 61).


    Le récit de l’enfance d’après-guerre d’Anne donne plusieurs exemples de ces parties dramatiques de cache-cache dans la Dordogne de son oncle Manu qui l’y recueille, et jusqu’au collège où il l’a mise en pension dans les Alpes : « De notre séjour à Annecy, demeurent quelques témoignages photographiques : Chantal, Godelieve et moi, portant l’uniforme du collège, sur la balustrade en fer forgé d’un pont près du lac.

    Lac Annecy Chantal God Anne.jpeg

     

    Mais qui a pris cette photo ? […] Notre père dont on nous cachait tout afin de nous protéger (mais on ne nous l’a expliqué que bien après) ? Des années plus tard, en regardant cette photo, mon esprit de détective a commencé à assembler les pièces du puzzle et j’eus la certitude que les auteurs de ce reportage clandestin n’avaient pu qu’être les limiers de mon père. Cinq enfants ne disparaissent pas sans laisser de trace. Leur recherche ne pouvait cesser avant d’avoir porté ses fruits, dix ans plus tard. Je m’imagine l’angoisse de ma grand-mère et de mes oncles devant effacer tout indice et rester en alerte permanente pour empêcher qu’ils puissent atteindre leur objectif et nous emmener chez lui. » (p. 37).

    « Mais nous demeurions cachés. C’était vraiment la volonté de la famille de ma mère de nous mettre à l’abri des agents de mon père. Ma famille maternelle craignait qu’il nous kidnappe. Le Puy-Haut était l’endroit idéal. Mais depuis l’Espagne, mon père n’abandonnait pas et je le comprends aujourd’hui… Un jour, mon oncle Manu arriva à la maison hors d’haleine après avoir monté en courant la côte du Puy-Haut. Il nous demanda de nous cacher et, surtout, de ne pas aller sur la terrasse. Une voiture immatriculée en Espagne venait d’arriver au Chaubier (sa maison ainsi que la nôtre pendant trois ans). Mon oncle était parvenu à les semer, je ne sais pas encore comment, mais on n’a plus entendu parler de ces détectives espagnols… provisoirement. » (p. 42).

     

    On le voit, si les Lemay ne disent pas crûment de mal de leur beau-fils, beau-frère ou mari, ils se conduisent envers lui comme envers un pestiféré ou un malfaiteur. Anne y insiste d’ailleurs : « Durant toute notre vie, [ma mère] avait lutté pour nous tenir à l’écart de son influence, de l’incertitude d’une vie dont elle a toujours voulu nous tenir éloignés » (p. 72) ; « Ce n’est qu’un exemple du souci permanent avec lequel [ma grand-mère et mon oncle] vivaient pour nous protéger de tout danger » (p. 42) !

     

    MP+Chantal+Anne+Léon-M+God.jpg

    Dans le parc de la Drève de Lorraine, Marie-Paule Degrelle-Lemay et ses enfants, (de g. à dr.) Chantal, Anne, Léon-Marie et Godelieve : « Je me souviens de ma mère, apparemment heureuse, mais je me rendais compte qu’elle souffrait. D’abord, à cause de l’accident de Chantal, et, plus imperceptiblement (les enfants sentent ces choses), à cause de la vie tellement particulière qu’elle supportait suite aux dérives politiques de son mari. » (p. 15).

     

    Aussi doit-t-elle changer de nom dès son arrivée chez son oncle en Dordogne : « il fallait effacer définitivement ce nom et le remplacer par celui de notre mère. Ce fut le début de cette vie aux origines fictives, à l’enfance réinventée, aux drames qu’il fallait abandonner en un endroit caché et lointain de notre mémoire. Attention à ne jamais parler de cette courte vie antérieure, de cette famille, celle de mon père, qu’il ne fallait pas même nommer et de laquelle, pour notre sécurité, on réussit à nous séparer pour toujours. » (p. 32). « Cette vie a fini par me plaire. J’ai arrêté de me considérer comme un drôle d’oiseau. Je portais un faux nom. Personne ne le savait. Du coup, ma vie d’avant avait cessé d’être un fardeau. » (p. 34).

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Anne vécut écartelée entre les deux familles, sans se rendre compte, apparemment, qu’on lui imposait un état de recluse sous prétexte d’empêcher son père de le lui imposer (« Ma famille maternelle avait peur qu’il nous kidnappe », p. 42)…

    C’est ainsi qu’après avoir refusé de comprendre pourquoi Léon-Marie, son frère adoré avait rejoint « le responsable de tous [leurs] malheurs […] cette personne dont le nom seul était tabou », elle, qui se considérait comme « celle qui était la plus opposée à tout ce qu’il représentait dans [leur] vie », dut néanmoins, sur les instances de sa mère, accepter de rejoindre son père après la mort accidentelle de Léon-Marie : « La douleur fut atroce. Je me souviens seulement de ma mère que nous étions incapables de consoler et chez qui nous ne pouvions qu’ajouter de la douleur à la douleur. […] La force de ma mère m’impressionnait chaque jour davantage. Toutes ses pensées allaient vers mon père. Elle imaginait à quel point cet homme devait être brisé. Dans son cœur, il n’y avait pas de place pour la rancune. Son mariage était brisé, mais aujourd’hui, c’étaient des parents unis dans la tragédie. […] De sorte qu’un jour, alors que je revenais du travail à la maison, cette mère détruite me dit : “Je veux que tu ailles en Espagne consoler ton père.” » (pp. 61-64).

     

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    La tombe de Léon-Marie, premier des enfants de Léon Degrelle à avoir rejoint leur père en Espagne : quelques mois à peine après son arrivée, il fut victime d’un accident de moto à Séville, le samedi 22 février 1958. Ses funérailles furent célébrées le lendemain à Constantina ; il repose dans le cimetière municipal (ce blog au 26 février 2016).

     

    Anne qui, tout au long de ses souvenirs, se présente comme une cartésienne intransigeante, analyse alors cet écartèlement, à partir de l’expérience de son frère : « Qu’est-ce que je faisais soudainement en Espagne ? Ce Léon Degrelle, mon père, n’avait jamais fait partie de ma vie. Je devais apprendre à le connaître, tout en sachant que tous deux, nous devions supporter un terrible malheur : la mort d’un garçon de dix-huit ans. Ma mère m’avait envoyée pour le “consoler” : mais moi aussi, j’étais détruite et pétrie de sentiments mitigés. Je ne voulais pas que des pensées difficiles à écarter me viennent à l’esprit. Je savais que ce père devait souffrir indiciblement de ce nouveau coup du destin. D’un autre côté, il y avait cette fuite de mon frère d’un foyer qui lui avait tout donné, d’une mère et de sœurs qui l’adoraient, vers un père qu’il considérait (je l’ai compris par après car j’ai partagé ces mêmes sentiments) comme un exilé, un homme qui souffrait d’une séparation cruelle de toute sa famille. Il ne s’agissait pas de se détacher de sa famille maternelle mais d’un désir devenu une obsession d’apprendre de vive voix quels avaient été les péchés et les “crimes” de cet homme cherchant désespérément à revoir ses enfants, leur raconter sa version de l’histoire, et se faire pardonner pour le calvaire qu’ils avaient eu à souffrir par “sa” faute. » (p. 66).

    Cet écartèlement est bien présent aussi lors de la toute première rencontre entre le père et la fille –ce qui, comme nous l’avons vu– n’a pas échappé à Léon Degrelle : « Je ne pouvais me défaire de l’image de ma mère, si combattante et d’une noblesse de caractère et de sentiments peu courante, que j’avais laissée à Paris submergée de douleur. Mais je savais ce qu’elle voulait : que je l’aide, lui, à surmonter ce coup tragique, ultime coup du destin à notre famille. » (p. 67).

    Léon-Marie.jpg« [Léon-Marie] avait une tête pleine de rêves ; c’était un grand lecteur, romantique et mélomane jusqu’à la moelle ; il avait aussi une qualité qui nous enchantait tous, son sens de l’humour. Nous passions avec lui des moments de rire incroyables, avec des gags dignes des meilleurs humoristes, mais sans jamais dépasser les bornes car c’était un gentleman, avec cette classe naturelle qu’il avait héritée de sa mère. » (p. 61).

     

    Aussi, dans ses mémoires, si Anne ne manque pas de souligner l’amour qu’elle vouera désormais à ce père retrouvé, cet amour se teintera néanmoins toujours de circonspection : « Suprêmement élégant, portant costume clair et cravate. J’examinais tout. Il était exactement comme je me l’imaginais. Ce fut un coup de foudre (l’amour au premier regard). Voilà ma première impression. […] Son visage grave, au regard profond, aux yeux brillants pleins de larmes. Ce sont eux qui furent responsables du fait que je ne pourrais plus vivre séparé de lui. » (p. 66). « Nos retrouvailles aboutirent à un coup de foudre. Je l’aimais, tout en sachant qu’il me ferait souffrir. » (p. 72). « Les questions que la raison m’inspirait pour que je voie une réalité que je ne voulais pas accepter demeuraient dans un fond caché de mon esprit, prisonnières d’un amour naissant dont j’avais tant besoin. Nous nous aimions, point final. » (p. 80). Elle conclura ainsi dans les dernières pages : « J’ai appris à le juger, à me faire ma propre opinion, plus critique que favorable. […] Ces années de la Seconde Guerre mondiale, depuis le départ en 1941 du premier contingent de la Légion Wallonie jusqu’au désastre final en 1945, ont constitué l’axe central de cette biographie : non la mienne en tant que telle mais en tant que fille d’un politique, d’un poète, d’un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai toujours essayé de juger selon mes propres critères. » (pp. 128 et 141).

     

    Anne+LD Tolède.jpg

    Photo touristique prise à Tolède, lors du premier séjour d’Anne Degrelle auprès de son père (portant toujours le deuil de son fils) : il fera avec elle le voyage de Madrid, visita Tolède, puis remonta vers le pays basque pour la laisser à Irun, dans le train de Paris : « Tout ce qu’il voulait, c’était me faire profiter au maximum de sa présence, emplir ma mémoire de souvenirs merveilleux et me convaincre de la vie magnifique qu’il pouvait nous offrir, à mes sœurs et à moi, si nous voulions revenir chez lui » (p. 72).

     

    La famille Degrelle, quant à elle, non seulement ne bénéficiera pas d’une telle affection spontanée tant elle avait sombré dans l’oubli le plus total, mais, de plus, elle devra endurer davantage que la défiance entretenue envers son père : une quasi-aversion.

    « Et moi ? Avais-je encore quelque souvenir de la maison de mes grands-parents paternels ? Et de Bouillon ? Très vaguement. J’avais beaucoup de tantes car mon père avait quatre sœurs. L’une d’entre elles, l’aînée, se fit religieuse cloîtrée –je pense que c’était de l’Ordre du Carmel […]. De mes tantes et de mes cousins, de mon oncle assassiné, je n’ai pas le moindre souvenir. […] Cependant, ce fut l’une de mes tantes, Louise, la sœur quasi-jumelle de mon père, qui porta la responsabilité de la reprise de contact de mon frère avec son père. J’ai déjà raconté […] cette chasse incessante de la famille Degrelle pour nous emmener en Espagne auprès de mon père, jusqu’à ce qu’à l’insu de ma mère, ils « kidnappèrent » mon frère et l’emmenèrent sans passeport ni papiers, caché dans une voiture, jusqu’à Séville. Nous savons désormais à quelle tragédie aboutirent ces retrouvailles. » (p. 162).

     

    Marie + Louise-Marie Couvent.jpg« Nous avons été voir une fois [la sœur aînée de mon père] et c’est à peine si je me souviens de son visage, mais je me rappelle bien l’affection avec laquelle elle nous embrassa. Je ne sais pas ce qu’elle pensait de son frère Léon. Mère Marie des Abys –c’est ainsi que nous la connaissions– a vécu toute la guerre ainsi que la persécution dont fut victime le reste de sa famille, parents, frères et sœurs, depuis la solitude de son couvent. Je sais qu’elle est morte très âgée et que mon père eut énormément de chagrin lorsqu’il apprit son décès. » (p. 162 ; Marie, sa sœur aînée –30 juillet 1896 - 6 mars 1980– était la marraine de Léon, voir ce blog au 15 juin 2021. Marie était religieuse de l'ordre de la Visitation de Sainte-Marie ; elle est ici au côté de sa sœur, Louise-Marie Massart, dans le parc du monastère des Abys, à Paliseul, non loin de Bouillon).

    « Ghislaine Massart, une nièce de mon père –c’est-à-dire une cousine à nous–, découvrit (je dois saluer ici les talents de détective de ces membres de la famille) l’endroit où travaillait ma mère à Paris […]. Mon frère, qui vivait également à Paris, allait souvent la voir après ses cours. C’est ainsi que ma cousine le retrouva et commença son travail de “réconciliation familiale”… Elle ne réalisait pas le mal qu’elle faisait à la famille Lemay, à ma mère en particulier, à ma grand-mère, qui nous avaient élevés pendant toute notre enfance et notre adolescence, qui nous avaient protégés de la rancune et de la haine de ceux qui nous persécutaient uniquement à cause de notre nom. » (p. 61).

     

    LD+Guilaine Massart.jpgLéon Degrelle dans son refuge de Majalimar, en 1949, en compagnie de sa nièce Ghislaine Massart, la fille de sa sœur Louise-Marie.

     

    « Au mois de juillet 1958, […] de nouvelles figures que je ne connaissais de nulle part débarquèrent tous les jours. Des cousins du côté de mon père, la famille Degrelle, que je n’avais jamais vus de ma vie. Une de mes cousines, Ghislaine Massart, était précisément la responsable de la fuite de mon frère de Paris, qui connut une fin si tragique. […] Et, parmi ces arrivées en bataille, j’eus l’honneur de connaître un autre cousin, fils d’une sœur de mon père, au regard mauvais, que je fuyais et qui essaya de m’embrasser entre deux portes en s’attirant ainsi une baffe magistrale. » (p. 77).


    Mais à nouveau, si Anne n’éprouve qu’antipathie ou indifférence pour sa famille paternelle, c’est à son père qu’elle en impute la responsabilité : n’affiche-t-il pas son désintérêt pour la vie d’après-guerre des Lemay ? Aussi n’hésitera-t-elle pas à manifester à son tour amnésie et insensibilité : « Il savait que la famille Lemay nous avait sauvés de la cruelle vengeance des vainqueurs dont furent victimes tant de familles emprisonnées dans des conditions inhumaines. Parmi elles, sa propre famille : parents, sœurs, nièces adolescentes… Persécution dont nous fûmes protégés mes sœurs, mon frère et moi, mais à laquelle n’échappa pas ma mère. Dans nos conversations, il essayait de ne pas approfondir ce que furent notre enfance, notre vie estudiantine et notre relation inexistante avec la famille Degrelle. Il devait souffrir en voyant que nous n’avions absolument aucun souvenir d’elle. Fracture complète. Vide total. » (p. 86).

    Anne se fera néanmoins violence en s’efforçant de garder le contact avec le côté Degrelle de sa famille, mais son apparente bonne volonté ne pourra se couronner d’aucun succès :

    « Pourtant, j’ai essayé de garder des relations familiales avec tous, en allant les visiter avec mes enfants à Bruxelles, ainsi qu’à Anvers où vivait une de mes tantes mariée avec un Flamand [Suzanne Lamoral]. Ils étaient des plus affectueux, se coupant en quatre pour nous faire plaisir et essayer de rattraper le temps perdu, mais avec le temps, nous nous sommes éloignés et nous ne nous sommes même pas revus quand mon père est mort. » (p. 162 ; de la fratrie de Léon Degrelle, en 1994, seules vivaient encore Suzanne Lamoral et Louise-Marie Massart, toutes deux malades, handicapées –Louise-Marie étant même aveugle– et incapables de faire le voyage d’Espagne).

     

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    Anne Degrelle n’aurait malheureusement quasi plus aucun souvenir précis de ses grands-parents paternels. Rapportant les propos de son père, elle nous dit que sa grand-mère paternelle était « la femme la plus généreuse et douce au monde, incarcérée comme le reste de sa famille dans une cellule nauséabonde, sans pouvoir revoir ni son mari ni lui donner un ultime baiser avant de mourir » (p. 165). Elle est ici avec sa grand-mère, tandis que sa sœur Chantal est avec son grand-père dans le parc de la Drève de Lorraine ; à l’arrière-plan, son père est en conversation avec Victor Matthys.

     

    La conclusion s’impose donc, sans appel : « En cet été de 58, tous ces oncles et cousins débarquèrent les uns après les autres à La Carlina. En me rappelant cela aujourd’hui quelque 60 ans plus tard, je dois reconnaître que je ne les ai jamais considérés comme ma famille. » (p. 162).

    Et son corolaire, inévitable, est : « Ma véritable famille fut toujours la famille Lemay. Et ma grand-mère maternelle est irremplaçable dans mon cœur. » (p. 162).

    Aussi le ton est-il tout autre lorsqu’il est question des parents maternels. D’autant plus qu’ils eurent également, semble-t-il, à souffrir après la guerre. Et la cause de cette souffrance est clairement imputée à Léon Degrelle, même si cette cause est tout accidentelle, due au seul mariage de Marie-Paule.

    « Mais nous sommes toujours en 1945, la guerre vient de finir et nous nous retrouvons dans cet orphelinat de l’Assistance publique. Qui est ce couple qui s’approche de nous et nous invite à les suivre avec tant d’amour ? Il s’agissait d’un frère de ma mère et de sa femme. Ma grand-mère maternelle, ma bonne-maman adorée, s’était rendue à Bruxelles et les avait envoyés pour nous sauver. » (p. 28).

    « Ma bonne-maman [Lemay] ne nous abandonnerait jamais malgré qu’à cette époque elle avait déjà 57 ans. Elle était restée veuve durant toute la guerre et ses fils étaient déjà majeurs et indépendants. Elle n’avait plus désormais d’yeux que pour ces cinq enfants “orphelins” à cette époque. » (p. 29).

    « La dernière nuit [avant mon départ en pension à Annecy], –je ne sais si j’étais plus sensible que les autres–, je ne fis rien d’autre que pleurer et ma bonne-maman ne trouva pas d’autre remède que de se coucher avec moi. Elle avait un lit immense avec un édredon en plumes (déjà à cette époque) et un grand feu de cheminée. Je ne sais pas si ce fut une bonne idée de passer cette dernière nuit blottie contre ma bonne-maman –ma mère pendant tant d’années– car il m’en est resté un souvenir si profond et agréable qu’aujourd’hui encore j’en suis émue en me le rappelant. » (p. 34). « Je suis terriblement pratique. Je tiens mes pieds fermement sur terre. Comme je l’ai dit, je vis au présent. Et mon présent, c’était, en premier lieu, ma bonne-maman, ma raison de vivre, et ensuite, le collège. » (p. 45). « J’ai appris à vivre au jour le jour avec cette merveilleuse grand-mère qui, dans sa volonté de nous aider et de nous protéger de cette tragédie qui l’atteignait elle-même, s’était transformée en notre mère. » (p. 46).

    La bonne-maman Lemay occupe ainsi une place toute particulière dans le cœur d’Anne, ayant littéralement remplacé sa mère dans sa prime adolescence et l’ayant surtout « protégée » de son père qui semble même craindre de reconnaître sa responsabilité dans la situation où s’est retrouvée plongée la famille Lemay, qui est la seule que se reconnaît Anne : « Arriva le moment des questions aussi bien de son côté que du mien. Mais il n’osait pas trop creuser, craignant d’apprendre les détails du calvaire qu’avaient vécu ma mère, ma grand-mère, mes oncles maternels et nous autres, ses cinq enfants, qui avons échappé à l’Assistance publique grâce, précisément, à cette femme intelligente, courageuse, merveilleuse : ma grand-mère maternelle. » (p. 85).

     

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    Les portraits que nous avons de la bien-aimée « bonne-maman » d’Anne Degrelle-Lemay sont rares : celui-ci provient de son livre de souvenirs (p. 33). De gauche à droite, au premier plan, Anne, Godelieve, Chantal et Léon-Marie ; à l’arrière-plan, Jeanne Lemay-Caton et, dans ses bras, la petite Marie-Christine. Nous le reproduisons car celui dont nous disposons est justement amputé du visage d’Anne (ci-dessous : Anne est debout à l’arrière-plan) : de gauche à droite, devant la grand-mère Jeanne Lemay, Chantal, Marie-Christine, Léon-Marie et Godelieve.

    Bonne-maman Lemay2.jpg

     

    « La maison ou, plutôt, la ferme, appartenait à mon oncle Manu, le petit frère de ma mère, à peine marié et papa d’une fillette d’à peine un an qui deviendrait l’amie inséparable de ma petite sœur du même âge. Mon oncle était ingénieur agronome et, suivant sa vocation, avait acheté cette ferme […]. Je me souviens de ces années à Eyliac comme comptant parmi les plus heureuses de ma vie. » (pp. 29-30).

     

    « Le Périgord était une région où la Résistance avait été très active pendant toute l’occupation allemande. Quand mon oncle Manu arriva à Eyliac, jeune marié, les paysans et les fermiers des environs ne connaissaient rien du reste de la famille. Ils s’estimaient, s’aidaient pour les travaux des champs ; ils étaient amis. Mais lorsque nous sommes arrivés, ma grand-mère et nous cinq, les bonnes gens de l’endroit commencèrent d’abord à avoir des soupçons, puis à poser des questions et enfin à manifester ouvertement leur haine. […] Mon oncle ne reçut que des insultes et des menaces. […] De nouveau cette haine viscérale contre toute la famille. Uniquement pour être le beau-frère de Léon Degrelle. Je ne pouvais pas passer sous silence cet épisode de la vie de mon oncle qui nous a tant aidés et protégés dans cette étape de notre vie, si difficile pour tous. » (pp. 32-33).

     

    « La famille de ma mère (des industriels importants en France), malgré qu’elle fut frappée de sanctions financières exorbitantes uniquement pour avoir été de la famille politique de Léon Degrelle, continua de jouir d’une fortune considérable de sorte que, grâce à elle, nous pûmes continuer à fréquenter de bons collèges » (p. 35).

     

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    Photo du mariage de Léon Degrelle avec Marie-Paule Lemay, prise dans le jardin de la propriété des Lemay, à Tournai, le 3 mars 1932, au lendemain des fêtes de Pâques. C’est probablement la seule fois que les deux familles furent réunies pour une fête. « Entre-temps, ma mère vivait le pire cauchemar de sa vie (mais on ne nous avait alors rien raconté), enfermée dans une geôle en Belgique après avoir été condamnée à dix ans de prison pour être la femme de Léon Degrelle. » (p. 29).

     

    « [Marie-Paule Lemay] savait que sa mère et ses frères avaient perdu une fortune en paiement d’ “indemnités de guerre”, confiscation de leurs biens et coups quasi-mortels à la cimenterie de la famille Lemay, tout cela à cause des liens de parenté avec Léon Degrelle. Et en outre, ils durent encore supporter tous les frais de notre éducation et de notre scolarité pendant l’incarcération de ma mère. » (p. 47).

    « J’évoquais simplement des images de foyer, d’amour, de rires de ma petite sœur, de bûches flambant dans la cheminée, de baisers de ma bonne-maman ou de ma tante Lucette (que j’aimais aussi comme une mère, “une de plus”) » (p. 47).

    « Le conseiller familial, –c’était mon oncle Michel (un frère de ma mère) qui, déjà à cette époque, dirigeait nos vies presque comme un père – voulait me garder auprès de lui et me conseiller dans mes études et la voie à suivre. Il vivait avec sa femme, ma tante Pierrette, à Tournai, à seulement 40 km de Lille. C’est lui qui dirigeait l’énorme usine des “Ciments Lemay” fondée par son père, mon grand-père Marcel Lemay, et qui traversa de multiples péripéties pendant la guerre. Brillant ingénieur, il succéda à deux de ses frères (également ingénieurs industriels) qui, pour diverses raisons, finirent l’un au Venezuela, l’autre au Mexique. Bref, mon oncle Michel et son épouse Pierrette me prirent sous leur aile. J’étais la fille qu’ils n’avaient pu avoir. » (p. 54).

    « Un jour, j’ai surpris des conversations entre eux sur leur désir de m’adopter légalement, tout d’abord par amour, et puis aussi pour débarrasser ma mère des frais de mon éducation. » (p. 56).

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    L’oncle Michel, l’aspirant papa d’Anne, a bien décidé de tourner la page degrellienne : rangé désormais dans la bien-pensance, il s’est racheté une réputation politiquement correcte grâce à des fréquentations choisies, s’est offert un rond-point à Tournai en blocs de pierre de ses carrières, –l’inaugurant avec le ministre-président de la Région wallonne, le socialiste Rudy Demotte (à gauche ; Michel Lemay lève le drap à droite ; capture d’écran NoTélé). Il légua une somme relativement symbolique aux filles de feue sa sœur Marie-Paule, avant de laisser l’essentiel de sa fortune à un fonds de mécénat local portant son nom et celui de sa deuxième épouse, Claire Lemay-Poncheau, géré par la Fondation Roi Baudouin. Son faire-part de décès, en 2012, ne signale que de rares amis de l’establishment tournaisien, aucun membre de sa famille, et mentionne les honneurs officiels que son néo-conformisme lui ont valus.

     

    « Mais l’événement le plus triste qui vint ternir mon bonheur, peu de jours après la naissance de ma petite Hélène, fut le décès de ma grand-mère maternelle, pivot et guide de toute mon enfance et adolescence [28 janvier 1970]. Je ne pus être à ses côtés aux moments ultimes de sa vie, car Hélène n’avait que quinze jours et avait besoin de toute mon attention. » (p. 104)

     

    « Ma mère mourut au printemps de 1984 [le 29 janvier !]. […] Je pleurai désespérément. Se mêlaient en moi la peine immense de sa perte et le remords de l’avoir laissée seule en France, ayant choisi de vivre aux côtés de ce père dont elle avait voulu nous éloigner pendant quinze ans. » (p. 118)

     

    « Mon unique famille fut la famille Lemay. Pendant les années les plus cruciales de mon enfance et de ma jeunesse, ma grand-mère et mes oncles ont toujours été à mes côtés. Ma mère, après ses cinq ans de torture carcérale, revint dans nos vies avec des cicatrices impossibles à fermer. Elle fut admirable dans ses efforts pour essayer d’ignorer les souvenirs qui la tourmentaient, soigner les blessures de son corps et de son esprit, et assumer ses responsabilités quant à notre formation humaine et intellectuelle. » (p. 117)

    Anne Degrelle est donc d’abord et avant tout Anne Lemay. En témoigne encore le vif désagrément dont elle nous fait part au moment de son installation dans l’Espagne de son père : « Mais en Espagne, j’étais la fille de Léon et mon nom devait être Degrelle : cela m’a coûté énormément de devoir m’y habituer. » (p. 131).

     

     

    L’essentiel de la documentation iconographique de cet article provient de la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter.

     

     

    À suivre