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françois genoud

  • Le livre qui tombe comme un cheveu dans la soupe de la bien-pensance !

     

     

    L'homme qui tomba du ciel.

    Les années espagnoles de Léon Degrelle, 1945-1994

     

    Un dézingage en douceur de Jonathan Littell

     

    LD Govaerts Couv..jpegNous avons dit (ce blog au 2 septembre 2025) que nos critiques de l'ouvrage de Bert Govaerts concernaient ses commentaires personnels sur des questions ou des faits étrangers aux archives inédites auxquelles il a eu accès. Mais son analyse d'autres documents n'en est pas pour autant dénuée d'intérêt. Ainsi de ses observations sur La Campagne de Russie et surtout sur les prétentions pseudo-scientifiques du maniaco-détraqué Jonathan Littell (voir ce blog au 8 février 2018).

     

    Sans doute sont-elles pour lui l'occasion de régler (gentiment) son compte au répugnant scatologue qui prétend, dans son opuscule Le sec et l'humide, élucider la langue utilisée par Léon Degrelle dans La Campagne de Russie, assurant y retrouver « la structure mentale de la personnalité fasciste » telle que délirée par une espèce de psychanalyste erratique, Klaus Theweleit. Alors qu'en réalité, l'auteur des Bienveillantes –« Bad Sex in Fiction Award 2009 » récompensant la pire scène de sexe dans un roman–, n'a fait que projeter sur Léon Degrelle ses obsessions sexuelles déviantes afin de présenter une justification sans le moindre fondement à la scatologie nauséabonde de sa littérature.

     

    Ce tour de passe-passe n'a pas échappé à Bert Govaerts qui lui consacre un Appendix 2 où il excipe –avec humour– de son incompétence en la matière pour ne pas aborder le prétentieux et abscons domaine psychiatrico-linguistique du romancier songe-creux : « Les avis divergent quant à la valeur de cet essai, qui fait appel à des concepts comme la reterritorialisation et la déterritorialisation, issus du vocabulaire de penseurs français compliqués comme Gilles Deleuze et Félix Guattari ainsi que de la théorie du fascisme de l'Allemand Klaus Theweleit. » (p. 235).

     

     

    Theweleit.pngL'espèce de manuel d'étude pratique de la « structure mentale fasciste » et de méthodologie de son langage, par Klaus Theweleit, qu'utilisa prétendument Littell pour sa dissertation degrellienne n'existait alors qu'en allemand (Männerphantasien, 1977) et en anglais (Male Fantasies, 1987). Il a été traduit depuis en français (2016) avec un titre en mot-valise (Fantasmâlgories) comme les affectionnent les « penseurs » pour qui aucun vocabulaire existant n'est jamais satisfaisant. Ce charabia aurait-il impressionné Govaerts ? « Le texte de Littell fait en tout cas impression par son grand sérieux, qui contraste fortement avec le manque de rigueur dans les données historiques encadrant son essai. » (p. 235). Une manière plaisante de mettre en doute la confiance à accorder au psychanalyste alors qu'on sait ne pas pouvoir croire l'historien et que Littell n'est manifestement ni l'un ni l'autre... Ici, l'édition de 2020.

     

     

    Govaerts n'en pense effectivement pas moins. Ainsi éclaire-t-il la projection des fantasmes de Littell sur Léon Degrelle à propos de l'absence de Juifs dans La Campagne de Russie : « La Shoah est [la] préoccupation la plus importante [de Littell]. » Et donc cette absence ne peut pas être normale ; « Il s'agit d'une tactique, pense Littell. Après les procès de Nuremberg, parler de l'extermination des Juifs n'est plus sans danger. Mais pareille explication ne peut évidemment pas satisfaire quelqu'un qui cite de grands penseurs français. Il doit donc y avoir une raison ontologique : dans la tête de Degrelle, la Shoah est tout simplement accomplie, le monde est Judenrein [purifié des Juifs]. Pourquoi encore y revenir alors ? » (sur cette question, voir ce blog au 19 septembre 2024).

     

    Prudemment, Govaerts préfère ne pas s'interroger sur la pertinence de pareil jugement et veut se limiter à ce que Littell « écrit à propos des années espagnoles ». Et la première chose qu'il épingle est évidemment la question de l'argent : « Comment, en effet, Degrelle a-t-il financé son château en Espagne » que le pseudo-psychanalyste place dans la banlieue de Málaga alors qu'il en « est éloigné de plus de 200 kilomètres ». Mais le plus important, c'est le retour inattendu du mantra imaginé par la Besace pollueuse de l'Histoire (ce blog au 2 septembre 2025) : « [Littell] affirme sans sourciller : Les historiens ont démontré qu'au début de son exil, il vivait du butin de razzias rexistes meurtrières sur les bijouteries de Bruxelles, effectuées juste avant la Libération”. Il aurait été plus correct d'indiquer qu'un seul historien a suggéré cela, incidemment, sur base de preuves pour le moins insuffisantes. » (p. 235).

     

     

    Carlina construction.jpg

    Le chantier de construction de La Carlina entrepris en 1952 ne s'acheva pas avant 1959. On voit ici la fin des travaux du monumental porche d'entrée au Leo Belgicus (ce blog au 17 octobre 2018). Les colonnes romaines à droite sur la photo, surmontées de bustes de marbre blanc (il y en a cinq au total) proviendraient du site d'Italica, la ville romaine proche de Séville ; quelques énormes jarres à vin de terre cuite attendent sur le chantier de pouvoir rythmer le mur d'enceinte de la propriété (on en comptera une bonne trentaine). À l'avant-plan, se trouvent probablement Yvonne Leroy ainsi qu'une personne (espagnole ?) non identifiée.

     

     

    Le reste des informations fournies par Littell sur l'exil espagnol sont de la même eau frelatée : « Par la suite, [Littell] perd complètement la boussole » :

    - à propos de prétendus contrats de construction « pour plusieurs bases de l'OTAN en Espagne » parfaitement étrangers à Léon Degrelle et qu'il « n'a jamais été question de confier à un entrepreneur amateur incapable de construire des maisons de vacances de qualité » (p. 236), moque Govaerts à propos du «village social » que Léon Degrelle voulait construire à Constantina : les maisons s'écroulèrent lors d'un violent orage à cause de la mauvaise qualité des matériaux de construction choisis par l'architecte (ce blog au 23 octobre 2022) ;

    - à propos des considérations de Littell sur la vie de « prince déchu [de Degrelle], berçant ses regrets dans les bras des belles filles et un luxe ostentatoire, sous le soleil radieux de la péninsule », Govaerts ironise laconiquement : « De même, au sujet du reste des années espagnoles de Degrelle, Littell brosse un tableau kitsch qui ne correspond pas vraiment aux faits qui nous sont connus. » (p. 236 ; ce blog au 22 octobre 2019) ;

    - à propos de la photo de Léon Degrelle après son opération de l'estomac en 1948 présentée par Littell comme « la savante mise en scène de son héroïsme viril et fatigué », Govaerts observera qu'il s'agit bien d' « une illustration du caractère superficiel de son enquête historique », surtout qu'elle s'alimente chez le complice de Balace, Eddy De Bruyne : « Littel n'accorde pas de crédit à l'image car il a lu chez l'historien de la Légion Wallonie, Eddy de Bruyne, que Degrelle n'a jamais subi de graves blessures au Front de l'Est. » Il s'agirait donc d'une photo prise « sur son lit d'hôpital à San Sebastián, après l'atterrissage en catastrophe du Heinkel ». En effet, Littell soutient que le blessé a « le bras droit fracturé [...] retenu par une attelle ». Commentaire de Govaerts : « Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas voir la moindre trace d'attelle, mais, de plus, nous savons par les données médicales qu'à San Sebastián, c'est son bras gauche que Degrelle avait cassé. » (p. 237). Inutile de dire que les observations de Bert Govaerts concernant cette photo vont dans le droit sens des informations de notre blog le 25 mai dernier.

     

     

    Littell LD opéré.jpeg

    La photo du délire ! Voici le prétentieux et incompréhensible galimatias pseudo-scientifique de Littell grâce auquel il prétend enfermer sa victime dans de foireuses explications psychanalytiques (tout en la traitant d'imposteur) : « Il importe, pour apprécier à leur juste mesure les images déployées au long de cette analyse, de tenir compte de la distinction entre la nécessité inconsciente du fasciste de structurer et de renforcer son Moi extériorisé, et sa volonté consciente de bâtir et de projeter son image. Il faut aussi reconnaître que les deux niveaux, sans cesse, se superposent ou s'entremêlent, ce qui génère de nombreux plans d'interférence voire d'ambiguïtés. Prenons cette photo : comment faut-il la lire ? Comme le moment d'effondrement du Moi-carapace de Degrelle, où l'informe s'écoule par les fissures de son corps crevé, à peine retenu par les bandages ? Ou comme la savante mise en scène de son héroïsme viril et fatigué ? [... ] Y a-t-il même, ici, une cicatrice sous les pansements ? » (Jonathan Littell, Le sec et l'humide, p. 107).

     

     

     

    Des commentaires pertinents sur La Campagne de Russie

     

    Littell a prétendu appliquer la « méthodologie » de Theweleit au texte degrellien qui devrait structurer le réel entre le sec et l'humide, « le dur et le mou », « le raide et le flasque », « le doux et le visqueux, et ainsi de suite » : « Contre tout ce qui coule, [Degrelle] doit évidemment ériger tout ce qui bande » (p. 35). Et de citer des passages de La Campagne de Russie où il est question de tours, de clochers, de beffrois –le ferme monde fasciste–, face à d'autres où il est question de boue, de vase, de fange visqueuse –le spongieux monde bolchevique... Une fantaisie qui en apprend davantage sur les obsessions malsaines du prétendu analyste, mais rien sur le supposé décortiqué !

     

    Autrement intéressantes sont les questions que se pose Bert Govaerts à propos des mémoires militaires de Léon Degrelle ! Même s'il commence par chicaner de manière étrange sur leur qualité historique : « Ma Campagne de Russie aurait été un titre plus correct [...]. Tout est raconté à partir de son expérience individuelle. » Comme si ce n'était justement pas le propre de tous mémoires ? Son précédent ouvrage, Feldpost, eût-il aussi dû s'intituler Mes lettres du front ? Et que signifient les pseudo-justifications, tout à fait hors de propos, de ce jugement péremptoire : « car Degrelle ne tente pas de reconstituer le combat sur le front de l'est comme un épisode militaro-historique. Il ne rend même pas justice à l'histoire de sa propre Légion wallonne » (p. 47) ? Comprenne qui pourra...

     

    Car Govaerts s'interroge de manière très judicieuse sur la genèse du récit degrellien : « La question demeure de savoir comment il a pu écrire entre août et décembre 1945, dans sa chambre d'hôpital à San Sebastián, ce livre avec ses milliers de détails souvent subtils sur les situations de combat, les paysages et les conditions météorologiques, avec leurs datations précises, comme s'ils se trouvaient comme de petits drapeaux sur une carte militaire. » Du coup, ces mémoires présenteraient tout de même un véritable intérêt militaro-historique ?... car « selon le rapport du gouverneur de Guipúzcoa, il n'y avait aucune journal de campagne dans son bagage [...]. Ce qui n'est pas tout à fait exact. Un petit agenda avait également assez bien survécu au bain de mer dans une des poches de l'uniforme de Léon Degrelle. » (p. 50).

     

    C'est peut-être bien la trace d'un premier outil manuscrit de La Campagne de Russie que Bert Govaerts a détectée : « Il s'y trouve de très courtes notes du front pour une partie de l'année 1944. La plus remarquable date du 26 décembre 1944. Degrelle note qu'il a terminé le toilettage d'un manuscrit pour un livre sur les Wallons au Front de l'Est. Il le confie le même jour à quelqu'un qui rentre à Bruxelles. Il avait donc déjà écrit une partie de son récit, au milieu des combats. » (p. 51).

     

     

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    De nombreuses pages de l'agenda de Léon Degrelle ont été reproduites par Wim Dannau dans sa série de treize volumes Ainsi parla Léon Degrelle (Byblos, 1972-1976). Mais il s'agit bien de notes de 1943, et non de 1944, car cette année-là, c'est en Belgique que Léon Degrelle fêtera Noël, dans les Ardennes, au cours de l'Offensive Von Rundstedt (La Campagne de Russie, p. 382). Il n'était néanmoins plus question pour un Légionnaire de rentrer alors en permission à Bruxelles occupée par les Alliés.

    Bert Govaerts s'est laissé trompé par le commentaire farfelu de Wim Dannau qui prétend : « il s'agit d'un carnet de 1943 que Degrelle a adapté à 1944 un certain temps » (vol. 11, p. 161). Mais c'est bien à la date du 26 décembre (1943) que Bert Govaerts a identifié la première trace de La Campagne de Russie, où l'on peut lire : « Travaillé toute la journée à faire la toilette de mon livre Au front Russe, avec les Wallons que Georges Gravey emportera demain matin à Bruxelles. » C'est sans doute ici le premier titre de son livre que nous découvrons, en même temps qu'est identifié le « quelqu'un » qui sauvera le précieux texte en le ramenant en Belgique. Ce Georges Gravey ne nous est pas autrement connu. Le patronyme Gravey est, pour ainsi dire, inconnu en Belgique (l'acteur belge naturalisé français Fernand Gravey utilisait un pseudonyme et s'appelait en réalité Mertens) : pourrait-il s'agir d'un légionnaire français ayant rejoint la Wallonie ? « nous avions, dans notre Brigade, une centaine de volontaires français » précise Léon Degrelle dans La Campagne de Russie (p. 213).

    L'agenda de Léon Degrelle emporté par l'indélicat Wim Dannau aurait finalement échoué aux États-Unis, dans des archives d'histoire de la Seconde Guerre mondiale...

     

     

    Il serait néanmoins imprudent d'affirmer que toutes les notes de cet agenda servirent d'aide-mémoire pour La Campagne de Russie, car si son premier état, intitulé Au front Russe, avec les Wallons et s'arrêtant à la fin de 1943, voit sa correction achevée au 26 décembre. on n'y retrouve, par exemple, pas (malgré que Bert Govaerts estime que Léon Degrelle privilégie « son expérience individuelle ») l'importante promotion datée du 22 décembre : « Suis proposé pour Croix Allemande en or »...

     

    Il y avait certes encore beaucoup à raconter pour achever finalement le récit jusqu'au 8 mai 1945. Car, ainsi que Feldpost rapportait son expérience du front jusqu'en 1942, Au front Russe, avec les Wallons racontait ses aventures jusqu'en 1943, personne ne pouvant alors prévoir jusqu'à quand la guerre allait encore continuer. L'aventure tourna cependant court et il s'agissait maintenant d'en terminer le récit, d'où le titre définitif La Campagne de Russie, 1941-1945.

     

     

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    De même d'ailleurs qu'à propos du rôle qu'a pu jouer Feldpost ainsi que le suggère Bert Govaerts : « Il est possible que ses amis phalangistes l'aient aidé en lui fournissant encore plus de de matériel documentaire. Par exemple avec son propre livre Feldpost, comportant les notes qu'il avait prises quotidiennement au front entre septembre 1941 et février 1942 et qui fut publié en janvier 1944. Une fois arrivé dans son refuge de Madrid, du matériel complémentaire lui sera fourni. Les courriers rexistes sont apparus très tôt en Espagne. » (p. 51). Pareille étude documentaire serait autrement intéressante que les élucubrations de Littell...

     

    Mais Bert Govaerts s'intéresse également à la réception du livre ou plutôt à son... interdiction ! Il faut savoir que « Publier en Belgique était impossible pour Degrelle. Le tristement célèbre article 123 sexies du code pénal y veillait : tout condamné pour avoir porté atteinte aux institutions de l'État recevait comme peine complémentaire une interdiction de publication à perpétuité (le terme technique était déchéance) » (p. 46). Et c'est donc en France –« où pareille interdiction de publication n'existait pas pour les collaborateurs condamnés »– que fut officiellement édité La Campagne de Russie, à l'été 1949.

     

    Voilà qui était insupportable aux donneurs de leçons démocratiques du Parti communiste. Une campagne orchestrée par l'ancien ministre Fernand Demany, dévot idolâtre de Staline, par ailleurs grand résistant (mais, bien entendu, seulement après la rupture du pacte germano-soviétique en juin 1941 !) en tant que secrétaire général du Front de l'Indépendance et député communiste de Charleroi, enjoignit le gouvernement belge d'intervenir auprès du gouvernement français pour faire interdire le livre.

     

     

     

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    Le Drapeau rouge du 14 novembre 1949 magnifie le tribut passionnel de Fernand Demany au camarade Staline pour son 70e anniversaire ; en dessous, les éditions des 10 et 23 septembre 1949 réclamant la censure de La Campagne de Russie. L'intolérant sectaire s'était déjà illustré dans ses diatribes exaltées contre Hergé lors du lancement de l'hebdomadaire Tintin en 1947.

     

     

    C'est Paul Van Zeeland (ce blog au 14 avril 2017), rentré blanchi de Londres et revenu aux affaires, qui était devenu ministre des Affaires étrangères : il ne pouvait refuser à ses anciens alliés d'obtempérer et d'exercer les plus fortes pressions outre-Quiévrain. Alors que « Les Français avaient autorisé précédemment la publication des mémoires de Laval et d'autres figures de Vichy » et qu'ils « avaient également remarqué que la justice belge n'était pas intervenue contre l'hebdomadaire bruxellois Europe Amérique qui avait publié pendant trois semaines une série d'extraits du livre de Degrelle », ils auraient néanmoins, selon Bert Govaerts, pris un arrêté ministériel pour interdire l'ouvrage.

     

    Mais la manœuvre qui allait réussir un an plus tard avec La Cohue de 1940, –les mémoires que les ministres belges de l'époque (Spaak en tête) craignaient trop explosifs–, fit long feu. Aucun arrêté ministériel français ne sanctionna, en fait, le récit de l'épopée degrellienne. Tout au plus peut-on quand même retrouver un arrêté de la préfecture de police de Paris ordonnant l' « Interdiction de l'exposition, de la vente et de l'offre publique de l'ouvrage intitulé La Campagne de Russie 1941-1945 », publié dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris des 6 et 7 novembre 1949 (p. 1332). Mais cette interdiction ne concerna donc que le territoire de la ville de Paris.

       

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    Sans doute ce pis-aller pour les épurateurs de l'Histoire fut-il le résultat de l'action des relais communistes de Demany au Conseil municipal de Paris ? On peut lire en effet dans La Libre Belgique du 25 septembre 1949 : « Il paraît que le Front de l'Indépendance, dont le grand cacique est M. Fernand Demany, député communiste, vient d'adresser au ministre des Affaires étrangères une lettre le priant d'intervenir auprès du gouvernement de la République française pour que la vente de la Campagne de Russie [...] soit interdite en France. [...] M. Demany a enfin écrit au ministre des Communications pour lui demander si son département a pris les dispositions nécessaires pour interdire le transport de la Campagne de Russie en Belgique. [...] Il est vrai que, tout récemment, une cabale de fonctionnaires communistes a pu se déchaîner au ministère français de l'Intérieur contre un hebdomadaire belge qui avait publié [...] des extraits de la Campagne de Russie de Degrelle. Était-ce M. Demany qui avait alerté ses camarades d'Outre-Quiévrain ? La plaisanterie, en tout cas, ne fut pas au goût du Quai d'Orsay qui protesta avec énergie auprès des tyranneaux rouges du ministère de l'Intérieur à Paris. »

     

    À suivre

     

     

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

     

    IV. Des bribes et des morceaux…

     

    1 Anne + Léon Madrid 2.jpg

    Comme elle le précise dans ses mémoires, Anne Degrelle-Lemay n’écoute son père qu’avec un esprit « plus critique que favorable » (p. 128)…

     

    2 Anne Degrelle Couverture.jpgQuand nous avons appris la nouvelle de la publication du petit livre d’Anne Degrelle-Lemay, Degrelle, L’homme qui changea mon destin (ce blog au 29 juin 2022), nous avons réellement cru que nous aurions enfin accès à l’histoire véritable des années d’exil du plus célèbre condamné à mort de Belgique (27 décembre 1944). De celui qui, déchu de la nationalité belge en 1944, vit, par deux fois de son exil heureusement inaccessible à la persécution des « épurateurs » belges, les délais légaux de prescription prolongés expressément pour son seul cas (Lex Degrelliana de 1964, renouvelée en 1974), fut déclaré « étranger indésirable » (1974) et « interdit de séjour » (1984). Et alors que le mausolée de Mussolini ne dérange personne à Predappio, les cendres de Léon Degrelle, dans la foulée de son décès (31 mars 1994) furent immédiatement frappées –fait unique dans l’histoire de la Belgique– d’interdiction d’accès au territoire belge par un arrêté royal spécial pris en urgence par Albert II (18 avril 1994) : en effet, pour les éternels haineux, « la présence sur le territoire belge des restes mortels de Léon Degrelle est incontestablement de nature à provoques des troubles à l’ordre public » (Moniteur belge du 23 avril 1994) !!!

     

    3 Moniteur 18 avril 1994 Cendres LD.jpeg

     

    Cette multiplication des artifices juridiques pour persécuter Léon Degrelle n’est cependant rien face à l’acharnement des autorités politiques et judiciaires belges pour obtenir son extradition –c’est-à-dire l’exécution de sa condamnation à mort– et, accessoirement, pour empoisonner son existence en exil.

     

    Mais des conditions de vie de son père, malheureusement, Anne Degrelle ne souffle pratiquement pas mot. Sauf, nous l’avons vu (ce blog au 23 octobre 2020), pour rendre inutilement suspecte l’origine des fonds nécessaires à son train de vie et à la construction de la Carlina. Elle ne peut pourtant pas avoir ignoré toutes les entreprises de son père pour gagner sa vie. C’est ainsi qu’après avoir été obligé de quitter son domaine de Constantina, il constitua, au fil des ans, diverses sociétés commerciales plus ou moins éphémères et rentables, dont, par exemple, Madrid Europa SA, s’occupant de matériel agricole et industriel ainsi que d’édition. Les statuts en furent déposés en 1963 devant le notaire Blas Piñar, de Madrid, Le directeur de l’entreprise portait désormais le nom de Léon José de Ramírez Reina alors que, parmi les trois actionnaires, se trouvait le beau-frère d’Anne, Antonio de la Rosa, le mari de sa sœur Godelieve…

     

    C’est qu’Anne n’a pas l’air non plus d’être plus précisément au courant d’autres événements capitaux de la vie d’exilé de son père. Concernant, par exemple, les circonstances de son adoption devant mener à l’obtention de la nationalité espagnole dont elle semble mettre en doute la version pourtant avérée donnée par le principal intéressé.

     

    « Dans sa chère Andalousie, tout le monde le regardait comme un monsieur étrange qui parlait un espagnol des plus bizarres, qui était très beau, amusant et familier. A cette époque, il était “Don Juan Sanchís de La Carlina”. Lorsque je suis arrivée en 1958, il disposait déjà de ses papiers officiels espagnols. Je ne suis jamais vraiment parvenue à savoir comment il avait obtenu le nom de famille Ramírez Reina figurant sur sa carte d’identité espagnole. D’après ce qu’il m’a raconté, une dame de Constantina l’avait adopté, lui donnant ainsi son nom. » (p. 130)

     

    4 CI Leon Jose de Ramirez Reina 1-vert.jpg

    De validité limitée, les cartes d’identité espagnoles devaient être remplacées tous les cinq ans : voici celle, obtenue en 1971, de Léon Degrelle, devenu León José de Ramírez Reina. (Documentation © Jacques de Schutter).

    6 Juan Ramirez Filosia2.jpgL’alcalde de Constantina, le Dr Juan Ramírez Filosía, de par ses liens familiaux avec Matilde Ramírez Reina qui adopta Léon Degrelle, deviendra un cousin par alliance du Commandeur de la Légion Wallonie !

     

    À nouveau, du mystère et des soupçons où il n’y en a pas. On a d’ailleurs peine à croire qu’Anne qui a vécu cinq ans à Constantina n’ait jamais, sinon rencontré, du moins entendu parler de Matilde Ramírez Reina, veuve de 72 ans, habitant 13 calle Pozuelo, et qui tint longtemps commerce dans la petite ville. Elle était de la famille de l’alcalde (bourgmestre), le docteur Juan Ramírez Filosía, responsable provincial du Movimiento et ami proche de Léon Degrelle : c’est d’ailleurs dans sa maison que fut dressée la chapelle ardente où fut veillé toute la nuit du 22 au 23 février 1958, jour des funérailles, le corps de Léon-Marie Degrelle (ce blog au 26 février 2016). Matilde Ramírez Reina était également la tante de l’ancien propriétaire de la Carlina, Manuel Amaya. Ce sont ces deux proches, Juan Ramírez Filosía et Manuel Amaya, qui seront les témoins de son acte d’adoption, le 24 décembre 1954. Tous les détails sont dans Degrelle en el exilio (de José Luis Jerez Riesco, aux éditions Wandervögel, 2000, p. 228). Blas Piñar, président du parti nationaliste Fuerza Nueva, explique dans ses mémoires que c’est lui qui, en tant que notaire, assura la légalité de l’acte d’adoption, le 17 septembre 1955 (La pura Verdad, Fuerza Nueva, 2002, p. 307).

     

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