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  • Hélène Cornette, la maîtresse cachée de Léon Degrelle ? [1]

     

    Sous le manteau du Caudillo [6]

     

     

    Bajo el manto.pngPour documenter la relation qui s'établira entre Hélène Cornette et Léon Degrelle, nous disposons essentiellement de la documentation publiée par José Luis Rodríguez Jiménez et reçue du fils d'Hélène (des dédicaces de livres de Léon Degrelle, des photos prises à La Carlina et son témoignage) ainsi que du livre de Gemma Aguilera, Agent 447 dont la traduction espagnole de 2013 mit la puce à l'oreille de Rodríguez (ce blog au 15 mars 2025).

     

    L'auteur du recueil de ragots Bajo el manto del Caudillo rapporte la dédicace de son livre de poèmes L'Ombre des soirs, que Léon Degrelle offrit à Hélène Cornette, datée de 1953. Nous pensons qu'il s'agit bien là de la date de leur première rencontre. Cette quarantaine de pages de poésies avaient été composées à l'Hôpital Mola avant d'être publiées en 1952. Et l'hommage que Léon Degrelle y appose est tout à fait semblable à ceux qu'il rédige habituellement pour le visiteur occasionnel qui suscite sa sympathie : chaleureux et empressé. « A ma chère et belle amie Hélène Rendueles, avec l'affectueux souvenir de L. Degrelle » (p. 235).

     

     

     

    Ombre Soirs.jpeg

     

    Page de garde du livre. S'il n'est pas le premier ouvrage de Léon Degrelle à avoir été publié après la guerre (ce sera La Cohue de 1940, édité en 1949), L'Ombre des Soirs est la première œuvre à avoir été écrite pendant la convalescence du blessé à l'Hôpital Mola et daté « Saint-Sébastien, juillet 1945 » (p. 45).

     

    Le recueil est composé de trois cycles de poèmes : Les Vies Brèves ; Beauté, o ma béatitude et Je devrais. Cette luxueuse édition sur papier vergé, limitée à 675 exemplaires, est censée avoir été réalisée par le maître-imprimeur Jean Pons à Paris (en réalité Juan Pons Sastre, chef des ateliers d'impression artisanale Imprenta Becerra à Lora del Rio) pour les éditions A la Feuille de Chêne (allusion à la distinction ajoutée à la Croix de Chevalier de la Croix de Fer de Léon Degrelle par Adolf Hitler, le 27 août 1944 : ce blog au 24 janvier 2023) : « L'impression, commencée le 19 Mars 1952, a été terminée le 11 Avril de la même année. » (p. 47).

     

     

    Nous noterons qu'à cette occasion, la visiteuse renseigna à son hôte le nom de la mère de son mari, –Rendueles–, selon le faux passeport de celui-ci (sur son propre faux passeport, Hélène Cornette portait le nom du second mari de sa mère, Stoffel : voir Gemma Aguilera, p. 129). Elle n'a donc pas donné son propre nom –Cornette–, ni celui de son faux passeport, mais s'est présentée à Léon Degrelle comme l'épouse de Pedro Rendueles. Loin d'une relation intime, nous en sommes donc bien au tout début de leurs rapports, sans doute encore méfiants.

     

    Mais les relations vont rapidement s'intensifier, même si on n'est pas obligé de suivre Rodríguez dans ses supputations salaces : « Léon offrit également à Hélène un exemplaire de La Campagne de Russie, avec une dédicace plus longue qui, bien qu'il omît le mot amour, n'éviterait pas les soupçons de Pedro Urraca : Pour toi, chère Hélène, dont le prénom poétique et fameux a mû et inspiré tant de glorieux guerriers. En souvenir de temps grandioses qui ont ajouté quelque chose au patrimoine de gloire, de grandeur et de beauté des Hommes ; pour te dire l'admiration, l'attachement et l'affection qu'éprouve pour toi [Léon Degrelle] » (p. 235).

     

    On le voit, pour l'historien des conjectures, apparemment hermétique aux évocations poético-mythologiques provoquées par le seul prénom d'Hélène et étranger également aux compliments galants qu'elles permettent, une telle dédicace ne peut qu'exprimer la passion d'un amour adultère.

     

    Il n'en reste pas moins qu'à partir de ce moment les visites se renouvelèrent régulièrement : « Quant à Hélène Cornette, il existe des photographies d'elle à La Carlina, prises en juillet et septembre 1954 et en juillet et août 1955, ce qui veut dire qu'elle passa là plusieurs semaines pendant ces étés. Et cela se répéterait car les printemps se passaient entre Bruxelles et Madrid comme l'indique la lettre de Pilar Primo de Rivera à Hélène, le 19 janvier 1956 : Nous te verrons certainement par ici lors de ta visite de printemps”. » (p. 245).

     

    Les dates avancées par Rodríguez ne correspondent déjà pas tout à fait avec l'illustration qu'il publie d'une enveloppe Kodak contenant le développement du film d'un séjour d'Hélène à La Carlina qui s'avère légèrement antérieur puisqu'elle est datée du 15 juin 1954. En légende, Rodríguez explique que ces clichés constituaient le cadeau d'Hélène à Léon Degrelle pour son quarante-huitième anniversaire (p. 245). Nous corrigerons cependant encore notre fin limier car il ne s'est apparemment pas rendu compte que l'écriture de la date est de Léon Degrelle lui-même et pas d'Hélène Cornette.

     

     

    Pochette Kodak 1.jpeg

     

    Cette pochette contenant des photographies développées par Kodak est archivée de la main de Léon Degrelle : « Anniversaire 15 Juin 1954 » : il a sélectionné certaines photos pour lui et rend les autres à son amie Hélène Cornette en souvenir de la journée de son 48e anniversaire passée ensemble à La Carlina.

     

    Commentaires de Rodríguez : « Enveloppe du développement à Madrid de quelques photographies prises à La Carlina, au nom de Mme Rendueles (utilisant le second nom de son mari, prenant soin de ne pas laisser de trace des endroits où elle passe), avec une note indiquant Anniversaire 15 juin 1954 (date du 48e anniversaire de Degrelle). Elles étaient un cadeau pour lui. »

     

    Cette note manuscrite –de la main de Léon Degrelle– manifeste qu'il s'agit plutôt d'un cadeau réciproque.

     

     

    Ce qui veut dire que si cette enveloppe avec cette référence s'est retrouvée parmi les documents d'Hélène, c'est que Léon Degrelle lui en a fait cadeau en retour, voulant partager avec elle les souvenirs de joie, de soleil et de baignades, de ce jour de juin tout spécial qu'il ne manque pas de rappeler sur la pochette Kodak.

     

    La preuve en est que la plupart des photos fournies par Jean-Marie Urraca, le fils d'Hélène, à Rodríguez ont aussi été retrouvées dans les papiers de Léon Degrelle. Il ne manque que celles où figure Hélène, probablement rendues en souvenir par le jubilaire ou écartées plus tard par Jeanne, la sourcilleuse et exclusive épouse aimante de Léon Degrelle...

     

    Parmi elles probablement, les deux clichés où Hélène Cornette apparaît en maillot de bain (p. 236 –nous en avons repris un détail : ce blog au 1er septembre 2024–, et p. 247 où l'on voit également Léon Degrelle nager dans la petite piscine aux rochers) ainsi que celui de la première couverture : c'est là le seul vrai scoop de Rodríguez car c'est bien la toute première fois qu'est publiée une photo coquine de Léon Degrelle en maillot de bain, tapotant les fesses d'une statue de naïade !... Il s'agit d'un marbre du sulpteur florentin Guglielmo Pugi (1850-1915), connu pour ses diverses Vénus accroupie.

     

    Peut-être qu'appartiennent aussi à cette série de photos Kodak, celle de la grande piscine (p. 243), celle où Léon Degrelle lit dans le patio à côté de la grande jarre armoriée (p. 233) ainsi que celle où il pose dans les champs, avec La Carlina en arrière-plan (p. 240) : ces deux derniers clichés ont de toute évidence été pris le même jour car l'hôte de la finca porte en effet les mêmes vêtements. Les deux dernières photos publiées par Rodríguez ne proviennent certainement pas de cette série : l'une présente le fils d'Hélène, Jean-Marie Urraca, à cheval (p. 249), mais il est arrivé plus tard à La Carlina, en 1956 ; et l'autre est prise au cimetière de Constantina, montrant la tombe de Léon-Marie (p. 260, ce blog au 1er septembre 2024), mais le fils unique de Léon Degrelle mourut à Séville le 22 février 1958.

     

     

     

    LD Naïade.jpg

     

    La photo de couverture de Bajo el manto del Caudillo montre pour la toute première fois un Léon Degrelle en maillot de bain, assis sur le bord de la grande piscine de La Carlina. Il semble vouloir tapoter gaillardement le popotin de la statue d'une baigneuse qui en couronne le sommet (Nu accroupi, de Guglielmo Pugi) : une photo toute privée marquant la complicité entre le (la) photographe et le photographié. La scène amusait d'autant plus les protagonistes que plusieurs clichés en furent pris : celui du livre de José Luis Rodríguez Jiménez appartient aux papiers d'Hélène Cornette.

     

    En voici un second, légèrement différent (inclinaison opposée de la tête, main gauche sur la fesse de la nymphe dénudée, main droite plus en avant sur le socle de la statue) sorti des archives de Léon Degrelle (Documentation © Jacques de Schutter). Il établit bien notre hypothèse d'un partage des souvenirs immortalisés sur la pellicule de cette journée du 15 juin 1954.

     

     

    À la fin de cette même année 1954, parut la seconde édition d'Almas Ardiendo (la première, au tirage limité sur papier vergé, avait été réalisée en 1952, en même temps que L'Ombre des Soirs, par le maître-imprimeur Juan Pons, à Lora del Rio, voir ce blog au 24 janvier 2024). C'est cette nouvelle édition, au format de poche et tirée à plusieurs milliers d'exemplaires vendus une quarantaine de pesetas pièce, qui fut dédicacée à Hélène Cornette.

     

    « À toi, chère et belle Hélène, alma ardiendo ! car Dieu sait la force et la pureté du feu qui brûle en toi. Avec l'admiration et le souvenir plein d'affection de L. Degrelle. En exil, le 15 Décembre 1954. » (p. 238)

     

    À nouveau, une dédicace flatteuse dont l'auteur des Âmes qui brûlent est coutumier, identifiant ici la dédicataire au titre du livre et lui délivrant ainsi le certificat d'idéal qui doit nécessairement animer celle qui est devenue une amie. Il s'agit d'ailleurs de la dernière dédicace qui nous soit communiquée par Rodríguez, qui ne manque pas d'y reconnaître de quasi-déclarations d'amour.

     

    Nous ignorons bien sûr tout de la nature précise des relations entretenues par Hélène Cornette et son hôte puisque nous n'avons appris son existence que par ce livre. Aussi nous semble-t-il avant tout important de nous attacher aux textes authentiques qu'il nous fournit plutôt qu'aux interprétations de leur découvreur trop tenté, nous semble-t-il, d'y projeter ses propres lubies...

     

     

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    Il semble que la fonction première de la Vénus au bain de la grande piscine de La Carlina soit de recevoir de gentilles tapettes sur les fesses ! Derrière Léon Degrelle, un porche ouvre sur le panorama de Constantina. Ironiquement sans doute en l'occurrence, les azulejos qui le décorent chantent les vers de Federico García Lorca « Aire de Roma Andaluza le doraba la cabeza » (« Un air de Rome andalouse lui dorait la tête », Chant funèbre pour [le matador] Ignacio Sánchez Mejías) !...

    À noter surtout que la scénette où d'autres personnes semblent présentes ne peut certes plus évoquer quelque connivence coupable entre Léon et son photographe (pour autant que ce fût bien Hélène qui photographiait Léon en maillot de bain).

    (Documentation © Jacques de Schutter)

     

     

     

    Concernant justement les dédicaces, observons qu'il n'y en a que trois : la première (pour L'Ombre des Soirs) est on ne peut plus anodine, ne permettant aucunement de déduire quelque intimité entre l'auteur et la dédicataire. Les deux autres, au contraire, manifestent clairement une plus grande proximité entre les deux personnes. Mais au lieu d'y voir une manifestation d' « imprudence » (pour Almas Ardiendo) ou un aveu de relations coupables (pour La Campagne de Russie) devant inévitablement déboucher sur « les soupçons de Pedro Urraca », le mari d'Hélène, nous n'y voyons qu'artifices littéraires d'auteur cherchant à impliquer personnellement la dédicataire dans l’œuvre qu'il lui offre.

     

    Ainsi de la geste héroïque des Légionnaires wallons sur le Front de l'Est, La Campagne de Russie : Léon Degrelle se sert du prénom d'Hélène pour renvoyer à cette autre geste héroïque que fut la guerre de Troie et, en même temps, justifier l'affection qu'il lui porte.

     

    Ainsi de l'ouvrage célébrant les porteurs d'idéal, Almas ardiendo : Léon Degrelle affirme que Dieu a voulu qu'Hélène soit aussi une âme qui brûle.

     

    Remarquons enfin la conclusion de ces deux dernières dédicaces où nous retrouvons les mêmes mots : « te dire l'admiration, l'attachement et l'affection qu'éprouve pour toi [signature] » et «  Avec l'admiration et le souvenir plein d'affection de L. Degrelle ». La reprise des mêmes termes cordiaux dans la dédicace montre assez qu'ils appartiennent au registre de l'hommage certes tout personnel, mais pas à l'expression camouflée de sentiments où ne manquerait que « le mot amour » !

     

    On voit que Rodríguez fait tout son possible pour déduire des hommages à Hélène que signe Léon Degrelle dans les livres qu'il lui offre, des relations extra-conjugales. Mais, comme on le constate, rien dans les dédicaces à son amie ne nous oriente résolument dans cette direction, à moins d'adopter les a priori de Rodríguez et de solliciter les textes avec insistance !

     

    Mais, à part les trois autographes de 1953-1954, possède-t-on d'autres documents ? L' « historien » nous indique qu' « En ce qui concerne Hélène Cornette, on dispose de photographies d'elle à La Carlina prises en juillet et septembre 1954 et en juillet et août 1955, ce qui prouve qu'elle a passé là plusieurs semaines pendant ces étés. » (p. 245). Au passage, nous remarquerons qu'il n'y a en tout et pour tout que quatre visites vraiment documentées. L'auteur insinue néanmoins, en s'appuyant sur une lettre de la sœur de José Antonio à son amie espérant sa visite au printemps 1956, qu'Hélène aurait pu en profiter pour se rendre chez Léon. Nous verrons plus loin que c'est plutôt à l'été 1956 qu'elle fit le voyage, mais pour une tout autre raison qu'une visite à Pilar Primo de Rivera.

     

    Parmi toutes les photos dont nous parle Rodríguez, une seule semble avoir été dédicacée à Hélène. Mais elle n'est pas reprise dans son ouvrage ; nous la trouverons dans un article de trois pages que Gemma Aguilera a publié le 12 mars 2013 dans El Temps, hebdomadaire politico-culturel de gauche en catalan, intitulé Le charme dangereux du nazi Léon Degrelle.

     

     

     

    El Temps 12.03.2013 LD Hélène+Gemma.png

     

    Selon la journaliste Gemma Aguilera (en bas à droite, photo couleurs) que l'on serait tenté de croire sur parole tant ses reportages reçoivent d'honneurs (notamment un prix de la ville de Barcelone en 2007), « Léon Degrelle et Hélène Cornette, l'épouse de Pedro Urraca Rendueles, étaient amants. » Comment le sait-elle ? En donne-t-elle la preuve ? Non, elle reprend simplement « une rumeur déjà fort répandue », mais qu'elle n'établit par aucune référence.

     

    Sa traduction de la dédicace de Léon Degrelle n'est pas mieux inspirée : « Du plus haut de l'éloquence –musicale– chère Hélène, en pensant affectueusement à toi. La Carlina, 1954. » Non seulement elle omet la signature Juan, mais elle rate la métaphore de la lyre inspirée par la ferronnerie du balcon : cette lyre n'appartient pas à la musique, mais, comme le souligne Léon Degrelle, à l'éloquence, celle par exemple d'un autre Jean, le Chrysostome (« Bouche d'or ») que l'office byzantin de sa fête célèbre comme « la lyre éloquente [...] qui fait retentir par toute la terre les dogmes du salut ». Éloquence ressortissant, plus certainement aussi, à ses propres talents d'orateur, conférencier apprécié de Constantina. Léon Degrelle y avait d'ailleurs déjà fait allusion auprès de Jean-Louis, le fils d'Hélène Cornette, qui a conté l'anecdote à Rodríguez : « la maison avait, sur la terrasse principale, un petit balcon en fer forgé d'où l'on dominait la route d'accès à La Carlina ; et Léon disait que cet endroit était parfait pour haranguer le peuple ! » (pp. 248-249).

     

     

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    À gauche, le balcon de la terrasse dominant le grand jardin en surplomb de la route menant au Leo Belgicus du portail d'entrée de La Carlina ; à droite, la vue aérienne de La Carlina permet de situer tous ces éléments : le balcon à la lyre d'éloquence est signalé par un cadre rouge ; la Vénus accroupie, par un cadre jaune. (Documentation © Jacques de Schutter)

     

    Dans son article, Gemma Aguilera n'a pas plus de chance en commentant la photo d'un dîner d'une petite trentaine de personnes autour d'une longue table dans un restaurant de Constantina (les autres clients dînent ou prennent un verre à d'autres petites tables de la taverne) : « Banquet de noces d'une des filles de Degrelle, avec de nombreux voisins de Constantina. » Seules Godelieve (en 1960) et Anne (en 1961) se marièrent à Constantina et, comme nous le verrons, jamais Hélène n'assistera aux noces. Il s'agit certes ici d'un petit banquet, mais ne concernant en rien les filles de Léon Degrelle (seul Jean-Louis Urraca pourrait préciser les circonstances de ce repas).

     

    La photo montre à l'avant-plan la famille d'Hélène Cornette : de gauche à droite, probablement son fils Jean-Louis Urraca, un inconnu qui semble le chevalier servant de la grand-mère Jeanne Compveut assise à côté de sa fille Hélène la couvant du regard. Suivent deux personnes en l'honneur de qui le repas est peut-être offert puisqu'elles se trouvent au centre de la tablée. Ce n'est que deux places plus loin qu'on reconnaît Léon Degrelle, loin donc de sa maîtresse de prétendue notoriété publique.

     

    Ci-dessous, des fragments des deux premières pages de l'article Le charme dangereux du nazi Léon Degrelle, paru dans El Temps, le 12 mars 2013.

       

    El Temps 12.03.2013 a1.png   El Temps 12.03.2013 b2.png

     

     

    La photo montre Léon Degrelle, en pantalon de golf et chaussettes blanches à la Tintin, accoudé à un balcon au sommet d'un promontoire. La dédicace, à nouveau, semble bien innocente : « Du haut de la lyre de l'éloquence, chère Hélène, en pensant affectueusement à toi, Juan, La Carlina, 1954. »

     

     

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    (Documentation © Jacques de Schutter)

     

    Un Rodríguez s'empresserait peut-être d'utiliser cette photo pour étayer sa thèse des relations amoureuses, en relevant le mot « affectueusement », combien plus personnel qu'un formel « cordialement » (mais présent dans toutes les dédicaces), et surtout la signature « Juan » qui ne pourrait, évidemment, que renvoyer à Don Juan, le séducteur impénitent de la gent féminine !

     

    Mais une telle référence serait-elle vraiment opportune ? Ne relèverait-elle pas plutôt de la muflerie la plus crasse, ravalant son éventuelle amante au rang de vulgaire numéro à enregistrer dans son interminable catalogue de conquêtes ?

     

    Ce serait oublier surtout que depuis qu'il put se réfugier dans la propriété de l'ami du ministre du Travail José Antonio Girón, Léon Degrelle s'est justement fait connaître comme « Don Juan de Majalimar ». C'est sous ce nom en effet qu'il commença à donner ses conférences historiques à succès et même à les publier, comme le rapporte d'ailleurs l'auteur de Bajo el manto del Caudillo : « Degrelle, passionné d'histoire locale, commença à écrire dans les bulletins municipaux et à donner des conférences dans les cinémas et les théâtres des villages voisins, où il mélangeait son mauvais espagnol au français, et il fit traduire en espagnol au moins un des textes de ses conférences. Il s'agit d'une brochure assez curieuse car Lora del Río, il y a 2000 ans, éditée sans date à 120 exemplaires numérotés [...] est signée par Juan de Majalimar » (p. 231). Plus tard, si le nom changea en fonction du déménagement de l'intéressé, le prénom Juan, lui, demeura inchangé : « Le 5 juillet [1956], [l'organe du parti socialiste espagnol en France] El Socialista, dans son édition de Toulouse, a fait état de trois conférences données par Degrelle les 3, 7 et 10 décembre 1955, à 19h30, au cinéma Cervantès de Constantina [...]. On indiquait également que le nom de Degrelle n'apparaissait pas dans le programme et que les conférences seraient données par la haute personnalité que nous connaissons tous sous le nom de Don Juan de la Carlinga [sic, pour Carlina]. » (p. 251).

     

     

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    (Documentation © Jacques de Schutter)

     

     

    Mais pourquoi « Juan » ? Simplement parce que depuis 1950, Léon Degrelle possède un permis de travail au nom de Don Juan Sanchis Dupré, journaliste correspondant de l'hebdomadaire phalangiste d'information politique et sociale Afan (L'Effort).

     

    C'est le phalangiste Victor de la Serna, responsable de la section « Presse » au Ministère du Travail et par ailleurs rédacteur en chef d'Afan qui signe obligeamment ce permis de travail d'autant plus original que l'hebdomadaire en question avait cessé de paraître depuis une dizaine d'années (son dernier numéro sortit en décembre 1940, après trois ans et demi d'existence).

     

    Victor de la Serna (1896-1958), qui avait également été directeur du quotidien pro-allemand Informaciones pendant la guerre, était un ami d'Otto Skorzeny (il fut témoin de son mariage avec la néerlandaise Ilse Lüthje à Madrid en mars 1954) et de Clara Stauffer (ce blog au 3 janvier 2023). Il noua des liens d'amité avec Léon Degrelle lorsqu'il fut question de l'aider à rejoindre Pierre Daye en Argentine en 1948 (ce blog au 4 mai 2016) et lui procura alors passeport, carnet d'ancien combattant ainsi que ce permis de travail.

     

     

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    Victor de la Serna, premier à gauche, est reçu, le 20 janvier 1943, dans les salons du chef de la Presse du Reich, le Dr Otto Dietrich (au centre, en uniforme de général de l'Algemeine SS), où trône le buste d'Adolf Hitler par Bernhard Bleeker (1881-1968 ; fasciné par son modèle, le sculpteur munichois en réalisa plus de vingt différents jusqu'à la fin de la guerre) ; à sa gauche, le rédacteur en chef du quotidien Arriba et à sa droite, le vice-secrétaire à l'Education populaire. Cette délégation de la presse espagnole en visite officielle auprès de ses homologues allemands était conduite par José Luis Arrese, le ministre du mouvement national FET de la JONS (qui n'apparaît pas sur la photo).

     

     

    Mais si ni les dédicaces des livres offerts, ni celle de la seule photo signée à avoir été dévoilée, célébrant l'orateur Degrelle, ne peuvent accréditer incontestablement les relations amoureuses entre le mari délaissé de Marie-Paule Lemay et l'épouse émancipée de Pedro Urraca, sur quoi peuvent alors se baser, et la journaliste, et le prof d'unif, pour établir leur scoop sur la vie sentimentale à rebondissements de Léon Degrelle ?

     

    Il reste encore le témoignage du fils d'Hélène Cornette, Jean-Louis Urraca, qu'ont rencontré nos deux bonimenteurs romanesques. Mais à nouveau, nous verrons comment la Barbara Cartland catalane et l'inspecteur Clouseau castillan ferraillent pour rendre leur histoire la plus croustillante possible...

     

     

    À suivre

     

     

  • Hélène Cornette, l'amie inconnue de Léon Degrelle

     

    Sous le manteau du Caudillo [5]

     

     

    Bajo el manto.pngDepuis sa publication, nous avons passé pas mal de temps à démonter les carabistouilles présentées comme des faits historiques par le singulier prof d'unif José Luis Rodríguez Jiménez dans son bouquin Bajo el manto del Caudillo Sous le manteau du Caudillo », ce blog à partir du 1er septembre 2024).

     

    Venons-en finalement à la seule information inédite –et encore, pas tout à fait : voir ci-après !– qu'il nous présente, à savoir l'existence d'Hélène Cornette, l'épouse d'un agent secret espagnol sur la tête duquel Léon Degrelle aurait planté d'autres petites cornes.

     

    Mais qui est cette femme dont le nom évocateur ne fut, à notre connaissance, jamais prononcé par qui que ce soit dans l'entourage de Léon Degrelle ?

     

    Hélène Cornette (1908-1999) est une Française qui épousa à Paris, le 13 octobre 1930, Pedro Urraca Rendueles (1904-1989), policier espagnol. Leur fils unique, Jean-Louis, naquit le 27 juillet 1936, très tôt rejeté par son père : « Durant ces mois [de 1939-40], Hélène faisait des allers-retours à Sèvres pour voir sa mère, Jeanne, et son fils Jean-Louis qui vivait quasi en permanence avec sa grand-mère. Son père a toujours voulu éloigner son fils de lui et de sa femme, ou plutôt il n'a jamais voulu de lui. » (p. 25). Le détail du rejet du père est important car il expliquera la présence de l'adolescent chez Léon Degrelle.

     

     

    Gemma Catalan.jpegCe policier doit toute sa (relative) notoriété à son action d'agent secret en France où il parvint à arrêter l'ancien président de la Généralité de Catalogne, Lluis Companys. Celui-ci, lors d'un coup d’État en avril 1934, avait proclamé la république catalane et, après la victoire des nationalistes en 1939, s'était réfugié en France. Livré par Pedro Urraca à la justice espagnole, il fut condamné pour haute trahison et passé par les armes.

     

    Pour en savoir davantage sur ce policier et sa famille et leur rapport avec Léon Degrelle, nous ne nous référerons pas au seul Rodríguez, car ce n'est évidemment pas lui qui a découvert cette relation inédite.

     

    La journaliste catalane Gemma Aguilera a consacré, il y a une douzaine d'années, une biographie à ce policier, Agent 447, L'home que va detenir el president Companys L'Agent 447, l'homme qui a arrêté le président Companys », en catalan en 2011 ; en espagnol en 2013). Dans ce livre, l'apparition de Léon Degrelle relève plutôt de l'anecdote, ce qui la fit sans doute passer inaperçue dans la sphère degrellienne.

     

    L'auteur y dresse ce portrait assez extravagant de Léon Degrelle : « Hélène surprend son mari avec cette proposition : confier Jean-Louis aux mains d'un bon ami à elle afin qu'il le corrige comme il le mérite et qu'il l'oriente vers la carrière militaire. Il s'agit de Léon Degrelle, ex-officier de la Waffen SS condamné à mort pour crimes de guerre et alors protégé par le régime de Franco ; Hélène l'a connu à Madrid en 1946 par des amis communs. Il vit confortablement installé dans un grand domaine, La Carlina, où il s'est fait construire un manoir et quelques résidences annexes qu'il a lui-même conçues. [...] Cet homme, qui mesure 2,03 mètres et est maigre comme un clou, se présente à Jean-Louis comme un héros de guerre, bien qu'il lui ait caché que peu de jours avant la chute de l'Allemagne, il avait déjà abandonné le champ de bataille et s'était enfui loin de la progression du front allié. » (pp. 143-144 de l'édition espagnole).

     

     

     

    Affiche jugement LD Fr+Nl.png   Affiche jugement LD.jpg

     

    Léon Degrelle, « condamné à mort pour crimes de guerre » ? C'est ce qu'il se colporte gratuitement depuis toujours. Rien de plus normal qu'un criminel de guerre soit condamné à mort ! Sauf que Léon Degrelle ne l'a jamais été. Ni criminel de guerre, ni condamné de ce chef, comme le montre le placard affiché le 30 janvier 1945 sur la Grand-Place de Bruxelles : il n'y est aucunement question de quelque crime ou violence à l'égard de civils, de prisonniers ou de blessés, constitutifs de crimes de guerre selon les conventions de Genève.

     

    Léon Degrelle, un homme « qui mesure 2,03 mètres et est maigre comme un clou » ? Même le géant Otto Skorzeny, qui faisait une quinzaine de centimètres de plus que Léon Degrelle, ne mesurait « que » 1,93m (l'avis de recherche lancé par les Alliés en 1945 renseigne une taille de 6 feet 4 inches : ci-dessous à droite). Si Léon Degrelle apparaît beaucoup plus maigre qu'à l'habitude sur la photo prise dans la finca de Majalimar en 1950 en compagnie d'Otto Skorzeny (voir aussi ce blog au 3 décembre 2024), c'est qu'il avait subi, quelque temps auparavant, une grave opération de l'estomac (voir ci-après). D'après le passeport fourni par Alain Delon (ce blog au 19 août 2024), Léon Degrelle mesurait 1,78m.

     

    Sur la protection de Franco, voir ce blog au 31 mars 2021 ; sur l'évasion de Norvège à bord du Heinkel d'Albert Speer, voir ce blog aux 18 juin 2020 et 19 septembre 2024).

     

    LD Skorzeny Carlina.jpg   Wanted Skorzeny 1.jpeg

     

     

     

     

    C'est donc ce bouquin qui permit à Rodríguez d'apprendre que l'épouse du policier qui traqua l'éphémère président de Catalogne, devint une amie du nazi Degrelle. Si le peu scrupuleux historien reconnaît quand même sa dette dans ses Références archivistiques [!], le nom de la journaliste –pourtant bien marquée à gauche aussi– n'apparaît jamais dans l'Index onomastique, ni son livre dans la Bibliographie...

     

    Rodríguez portera évidemment sur ces personnes compromises dans la collaboration franco-allemande et avec le régime franquiste un regard fort négatif, –ce qui n'étonnera personne–, mais qu'il assortira de sa touche personnelle et habituelle : le flou (la mère d'Hélène est peut-être coupable de vol) et la généralisation abusive (le pillage est une habitude chez certains Français et Espagnols) qui font les bons ragots.

     

    Les jeunes gens, Hélène et Pedro, « s'étaient connus trois ans avant [leur mariage] à Biarritz, dans le sud-ouest de la France, pendant les vacances de leurs parents respectifs » (p. 23). Hélène Cornette était la fille d'un premier mariage de sa mère, Jeanne Compveut (Rodríguez qui, on le sait depuis notre premier article –ce blog au 1er septembre 2024–, est un spécialiste de l'onomastique, nous explique qu' « à cette époque, les Français ne portaient que le nom du père » !), qui s'était remariée avec un veuf dont l'entreprise d'accessoires de mode avait fait faillite. Le détail est important pour la mauvaise réputation de la famille car, suite à cette faillite, les ateliers du mari avaient été transformés en appartements, dont l'un était loué à une artiste-peintre juive. Celle-ci aurait été dénoncée par Jeanne et dévalisée grâce à son gendre Pedro Urraca : « Peu après le début de l'Occupation, et avec la complicité de sa fille et de son gendre, Jeanne Compveut se servit de l'ascendance juive de Sachs et de ses amitiés de gauche pour la dénoncer à la police allemande, pénétrer dans son appartement qu'elle louait rue de l'Université et le réserver à son propre usage, après en avoir retiré le mobilier de l'artiste-peintre et, peut-être, avoir volé une partie des objets de valeur que cette dernière n'avait pas pu emporter. La pratique du pillage des biens des personnes en fuite était une habitude chez une partie des Français et du personnel allemand dans la France occupée. C'était la même chose pendant et après la guerre espagnole. Ceci fut la première, mais non la dernière action de pillage commise par Jeanne Compveut et son gendre sur des personnes craignant pour leur vie. Urraca créa un groupe –ou du moins en fit partie– destiné à spolier les familles juives qui tentaient de fuir la persécution nazie. » (p. 27).

     

     

     

    Gemma Espagnol.jpegL'édition catalane du livre de Gemma Aguilera (ci-avant) affiche le portrait de Pedro Urraca en couverture puisque c'est à lui qu'est consacrée cette biographie. Mais la traduction espagnole produit la photographie d'une foule anonyme : il s'agit de personnes regardant le cortège funèbre d'un anarchiste mort dans l'assaut d'une caserne à Barcelone en 1936 : le président de la Généralité de Catalogne, Lluís Companys, est le civil de droite (avec une pochette blanche). Vengeance posthume ourdie par la biographe de Pedro Urraca ? Sa victime lui vole en tout cas la vedette en couverture de sa propre biographie...

     

     

    « L'année 1948 commença très mal pour Urraca et sa famille. Lui-même, son épouse et sa belle-mère avaient été jugés par contumace et la Cour d'Appel de Paris avait rendu son jugement le 5 janvier, condamnant Pedro Urraca à mort pour intelligence avec l'ennemi dans la persécution de Français et lui confisquant tous ses biens. Hélène Cornette fut condamnée à cinq ans de prison, une amende de 100.000 francs, la confiscation de ses biens présents et à venir au bénéfice de la nation et l'indignité nationale, ce qui impliquait la perte de la nationalité, pour commission d'actes nuisibles à la défense nationale, en ce compris l'aide à son époux dans la collaboration avec l'ennemi et sa participation au réseau de persécution d'Espagnols et de Français. [La mère d'Hélène,] Jeanne Compveut [...] fut condamnée pour commission d'actes nuisibles à la défense nationale à deux années de prison, une amende de 100.000 francs et l'indignité nationale. Comme elle ne paya pas son amende, ses deux maisons en France [...] furent confisquées. » (p. 234).

     

    Voilà donc de bien peu recommandables personnages qui seraient entrés dans la vie d'un Léon Degrelle qui, pour avoir subi des préjudices semblables (mais sans avoir jamais été soupçonné d'avoir dépouillé qui que ce soit), ne s'en effarouchera certes pas. Selon Rodríguez, ils sont de toute façon à mettre dans le même sac, même si la Belgique ne pouvait représenter pour Hélène Cornette la même chose que pour Léon Degrelle et que les opinions géopolitiques que lui prête Rodríguez relèvent d'une évidente spéculation : « Ils partageaient un passé semblable, avec le souvenir de la Seconde Guerre mondiale, leurs expériences de vaincus et de condamnés, ainsi que les liens avec la Belgique. Ils partageaient aussi le diagnostic politique sur le danger que représentait l'Union soviétique. » (p. 235).

     

    Mais comment se sont-ils rencontrés ?

     

    Rodríguez va en faire le récit assorti de ses habituelles insinuations malveillantes (notamment quant à l'endroit où Hélène et sa famille auraient caché le produit de leurs brigandages) : « Pendant ces années [d'après-guerre], aussi bien le policier que sa famille conservèrent l'immunité diplomatique et leurs passeports aux fausses identités afin de voyager dans différents pays, y compris peut-être celui où ils avaient déposé une partie de leurs biens d'origine suspecte. Ils se rendraient également à Madrid. Ce sera surtout le cas d'Hélène qui alternait des séjours de plusieurs semaines une ou plusieurs fois par an, parfois seule avec son fils, et d'autres fois avec sa mère pour visiter ou recevoir leurs amis. C'est à cette époque qu'elle connut Pilar Primo de Rivera et Clarita Stauffer et il est fort probable que ce fut cette dernière qui présenta Hélène à Degrelle, entre lesquels se serait développée une histoire d'amour. » (p. 235). Gemma Aguilera n'est guère mieux inspirée en précisant que c'est « Léon Degrelle, ex-officier des Waffen SS condamné à mort pour crimes de guerre et alors protégé par le régime de Franco qu'Hélène connut à Madrid en 1946 grâce à des amis communs. » (p. 143)

     

    Cela nous semble pratiquement impossible car après son évasion de l'Hôpital Mola, le 21 août 1946, Léon Degrelle vécut, grâce au Cuñadisimo Ramón Serrano Suñer (ce blog au 5 août 2023), en sécurité mais strictement enfermé pendant plus d'un an dans une chambre de bonnes, Calle Goya à Madrid, chez un couple de vieux retraités ignorant son identité et ne parlant pas le français. « Le Chef de Rex [...] n'en sortit jamais une fois pendant les mois qu'il y passa. Il ne reçut aucune visite. C'était la claustration totale, car ainsi seulement sa sécurité était assurée. » (Mon Combat, p. 251).

     

     

     

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    Depuis sa disparition de l'Hôpital Mola de San Sebastián, la presse voit Léon Degrelle n'importe où : qui dans une meule de foin au pays basque (AFP, 23 août 1946), qui sur un bateau argentin (Daily Telegraph, 26 août 1946), qui en Irlande (La Libre Belgique, 6 septembre 1946), en Equateur (Le Monde, 21 septembre 1946), ou au Brésil (AFP, 18 novembre 1946)...

    Reprenant une « information » du Daily Telegraph, le quotidien flamand De Nieuwe Standaard publie une caricature de Léon Degrelle en route vers (ou revenant de) « Beunos Ayres » par le célèbre dessinateur flamand Marc Sleen (auteur de la populaire série Les Aventures de Néron et Cie, publiée dans les quotidiens belges catholiques de gauche Het Volk et La Cité). À gauche, « Le Daily Telegraph communique que, selon un rapport de Madrid, Léon Degrelle se trouve à bord du navire espagnol Monta Ayala de 2.955 tonnes affrété pour Buenos-Aires. Le navire a quitté Bilbao jeudi, jour où fut communiquée la disparition de Degrelle. » (De Nieuwe Standaard, 27 août 1946) ; à droite, l'illustration de Marc Sleen dans De Nieuwe Standaard, le 28 août 1946.

    Les 2 et 10 octobre 1947, La Dernière Heure, reprenant des informations de la presse italienne, révèle que Léon Degrelle serait le chef d'orchestre du Jazzband de l'Hôtel Rivadaria, à San Sebastián (dessin de Marcel Antoine, 1897-1959, chansonnier-dessinateur célèbre avant-guerre pour son personnage de Slache, héros caricatural bruxellois) : le Ministère des Affaires étrangères belge ne manquera pas de diligenter une enquête et son chargé d'affaires à Madrid lui enverra ses conclusions judicieuses : « L'Hôtel Rivadaria n'existe pas. [...] Je suis persuadé que Degrelle ne songerait pas à se produire dans un lieu aussi public qu'un restaurant connu de Saint-Sébastien. »

    DH 1947.10.02 LD chef orchestre.JPG   DH 1947.10.10 LD orchestre Marcel Antoine.JPG

     

     

     

    Ce n'est qu'à la fin de l'année 1947, quand purent s'assouplir ses conditions de vie que Léon Degrelle fit la connaissance de Clara Stauffer, par l'intermédiaire d'amis phalangistes, anciens de la Légion Azul, qui l'aidaient à correspondre avec sa famille de Bruxelles grâce à la valise diplomatique. Très impliquée dans l'aide aux réfugiés allemands pour gagner l'Amérique latine, elle connaît aussi Pierre Daye qui essaie alors de convaincre son ami Léon Degrelle de le rejoindre en Argentine.

     

    Est-ce au même moment qu'une rencontre avec Hélène Cornette eut lieu ? Nous en doutons également car, d'une part, Léon Degrelle envisageant sérieusement de s'installer à Buenos Aires ne développe alors de vie sociale qu'utile et profitable, évitant tout comportement imprudent ou périlleux. D'autre part, depuis mai 1946, Hélène Cornette et toute sa famille (mari, fils, mère) habitent, comme le souligne Gemma Aguilera, un appartement à Bruxelles et, par ailleurs, tout au long de l'année 1947, elle « accompagne son mari dans tous ses voyages en Hollande, au Luxembourg et en Suisse, alors que sa mère et le petit Jean-Louis poursuivent une vie normale dans la capitale. » (p. 128-129).

     

    L'année 1948 est, nous l'avons vu, celle où le couple fut lourdement condamné par la justice française et Pedro Urraca, promu inspecteur de première classe travaille alors au consulat général d'Espagne à Anvers et Bruxelles, chargé de la surveillance du Parti communiste espagnol en exil. Un poste qui le confine dans la sécurité des locaux de l'ambassade.

     

    Quant à Léon Degrelle, 1948 lui fut également une année des plus pénibles : il vit caché à Torremolinos dans un isolement quasi complet et apprend la mort en prison de son père et de son beau-frère Charles Raty. Sa blessure au ventre provoquée par l'explosion d'un obus sur le front du Caucase en 1942 s'infecte à nouveau, provoquant des hémorragies internes qui nécessitent une opération d'urgence. Elle se pratiquera en septembre, suivie d'une longue convalescence où il perdra une trentaine de kilos (une nouvelle opération chirurgicale sera nécessaire en octobre 1950).

     

    Ce n'est qu'au printemps 1949 que, grâce à son ami le ministre du Travail José Antonio Girón, il pourra trouver un logement sûr dans la grande finca sévillane de Majalimar où il demeurera jusqu'en 1954. Il y écrira son grand récit autobiographique Mon Combat (voir ci-avant), le poème Les Îles blanches resté inédit, le roman La Grande Bagarre (ce blog au 26 mai 2016) et Les Âmes qui brûlent, ouvrage, selon son traducteur espagnol, l'éminent académicien Gregorio Marañon, « étincelant comme une flamme, [...] d'une beauté impossible à surpasser », ce blog au 24 janvier 2023). C'est également de Majalimar qu'il se lancera dans ses premières affaires commerciales et industrielles (ce blog au 3 décembre 2024) lui permettant d'acquérir en 1952 un ancien vignoble dans le village de Constantina et d'y construire son vaste domaine de La Carlina où il emménagera définitivement en avril 1954, à la mort du propriétaire de Majalimar, emporté par un cancer de l'estomac.

     

     

     

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    Majalimar Pavillon LD 1949a.jpg

    Au-dessus, l'entrée principale de la finca Majalimar (photographie contemporaine) ; au-dessous, le pavillon où résida Léon Degrelle de 1949 à 1954. Ce vaste domaine agricole de 1200 ha appartenait au plus important industriel lainier de la région de Salamanque, Leandro Cascón Pablos (1883-1954), ami proche du ministre du Travail José Antonio Girón. Le pavillon occupé par Léon Degrelle, construit sur un promontoire dominant la finca, était protégé par une vaste clôture de fer forgé. L'entrée, décorée par des azulejos religieux, exprime le fervent catholicisme du propriétaire qui, tout comme Léon Degrelle (ce blog aux 2 septembre 2023 et 18 octobre 2024), effectuait fréquemment des pèlerinages, notamment en Terre Sainte. La faïence placée à droite de la porte de chêne ouvragé sous le portique d'entrée invoque la Vierge (« Ave Maria »). Au-dessus, un azulejo plus grand représentant le Christ qui désigne son cœur marqué par les stigmates de la Passion place l'habitation sous la protection du Sacré-Cœur : « Je bénirai les maisons où l'image de mon cœur sera exposée et adorée. Les personnes qui propagent cette dévotion auront leur nom gravé dans mon cœur et il n'en sera jamais effacé. »

    La tradition de consacrer sa demeure au Sacré-Cœur de Jésus remonte aux visions de Marguerite-Marie Alacoque qui, au XVIIe siècle, se vit chargée de propager le culte du Sacré-Cœur, ainsi qu'à l'institution officielle de sa fête par le pape Pie IX, deux siècles plus tard. Cette dévotion connaîtra un regain de popularité lors du Congrès eucharistique de Lourdes en août 1914 liant son culte à l'établissement de la royauté du Christ dans le monde. Comment le défenseur des Cristeros (ce blog, entre autres, au 7 février 2019), fondateur du mouvement Rex prêchant la révolution des âmes en l'honneur du Christ-Roi, n'y aurait-il pas été sensible ?

    Ci-dessous, à gauche, l'entrée du pavillon de Léon Degrelle (photographie contemporaine) ; à droite, Léon Degrelle amaigri par ses graves opérations de 1948 et 1950.

     

    Majalimar Pavillon LD Entrée1.jpg   Majalimar LD amaigri 1.jpg

     

     

     

    À suivre