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numa sadoul

  • Degrelle – Hergé, même combat! (7)

    La Tragédie de la « Libération »

    Comme on peut le constater grâce au Tintin mon copain de Léon Degrelle, Hergé se caractérise par une fidélité à toute épreuve à ses idées et à ses amis. Surtout quand l’adversité s’en mêle et que son monde personnel s’écroule avec fracas.

    Hergé fera la très amère expérience de l’adversité à l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale. Certes, dès 1940, il avait connu la vexation de la démobilisation pour raisons de santé ainsi que, comme tous les Belges, la stupeur de l’écrasement militaire et l’affolement de l’exode. Mais cet écroulement du monde vermoulu combattu par Léon Degrelle signifiait aussi pour lui la possible naissance d’un monde nouveau en même temps que l’accession au plus prestigieux quotidien belge, Le Soir, désormais dirigé et rédigé par une talentueuse équipe de ses amis, tout acquis aux thèses de l’Europe nouvelle : le journaliste Raymond De Becker, l’académicien Horace van Offel, le poète Jean Libert, le caricaturiste Paul Jamin, l’ami proche Jacques Van Melkebeke, peintre et chroniqueur d’art qui s’occupera du Soir Jeunesse, Paul Kinnet, auteur de romans policiers et chroniqueur de jazz, etc. Cette époque représente pour Hergé l’âge d’or qui lui a permis de créer et diffuser des chefs-d’œuvre tels que Le Crabe aux Pinces d’or, L’Etoile mystérieuse, Le Secret de la Licorne, Le Trésor de Rackham le Rouge, Les Sept Boules de cristal


    41 Horace van Offel Crommelinck 1935.jpgPortrait d’Horace Van Offel par Albert Crommelynck (eau-forte pour l’édition des Contes, 1935). Né en 1876, Horace Van Offel –le « Dumas » belge – compte parmi les meilleurs auteurs de romans historiques, mais aussi de fiction politique, tel La Terreur fauve, dénonçant une société bolchévisée. Horace Van Offel confiera plusieurs de ses titres à la « Collection Nationale » des éditions Rex (Le Jongleur d’épée, La Flûte corsaire). Elu à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique en 1936, Horace Van Offel sera appelé à prendre pendant quelques semaines de juin 1940 le poste de rédacteur en chef du quotidien Le Soir. Menacé par la résistance communiste, lors de l’avance alliée en 1944, il se réfugie en Allemagne où, malade et à bout de force, il meurt, à 68 ans, à Fulda, le 6 octobre 1944. Quinze jours plus tard, le 21 octobre, l’Académie belge le radie et installe un an plus tard à son fauteuil numéro 21 le politicien socialiste enfui à Londres Paul-Henri Spaak !...

     
    C’est néanmoins en ce temps-là que Hergé subira les foudres de la répression nazie, d’ailleurs aussi absurde qu’incohérente : « Pendant la guerre, les Allemands ont fait interdire deux de mes albums : Tintin en Amérique, probablement parce qu’ils s’imaginaient que c’était une apologie des Américains, et L’Île noire, parce qu’il y avait un écossais sur la couverture !... » (Numa Sadoul, Tintin et moi, p. 154). Cette censure abusive apparaîtra dans toute sa stupidité lorsque Hergé précisera à des journalistes néerlandais : « Par contre les livres stigmatisant Mussolini [Le Sceptre d’Ottokar] et dénigrant violemment les Japonais [Le Lotus bleu] ont pu rester dans le commerce pour d’obscures raisons. Paresse ou simple erreur du censeur allemand ? » (Jan Heinemans et Marc Van Impe, Entretien à cœur ouvert avec Hergé, in ElsevierMagazine [en néerlandais], 22 décembre 1973, p. 155).

    Hergé a néanmoins aussi raconté à Numa Sadoul comment le « Sicherheitsdienst – le service de sécurité en pays occupés », se souvenant soudain de certains dessins du Sceptre d’Ottokar (sans sourciller cependant face à l’évocation critique de l’Anschluss !) n’aurait pas manqué de le menacer des pires sévices : « un Allemand appartenant au Sicherheitsdienst […] est venu au Soir me dire : “L’avion, là, dans Le Sceptre d’Ottokar, c’est un Heinkel, n’est-ce pas ? Il ne faudrait pas recommencer trop souvent ce genre de plaisanterie !” C’était tout, mais il m’avait mis sérieusement en garde… » (p. 129)

    Numa Sadoul –qui a publié, en 1975, un livre intitulé Tintin et moi basé sur ses conversations avec Hergé– est ce nombriliste qui se permet, dans une note de bas de page, d’asséner du haut de son ignorance crasse : « il est important de préciser que celui-là [Hergé] ne partagea jamais les idées de celui-ci [Degrelle] » !!! (p.63)

    On imagine la jouissance intérieure de Hergé lorsqu’il raconta à ce journaliste français, assoiffé de scoops mais imperméable à son humour sybillin, cette gentille anecdote sous forme de haut fait d’armes !

    Deux ans auparavant, Hergé avait raconté bien simplement à William Rothuizen et Peter Schröder, journalistes néerlandais du Haagse Post que pendant l’Occupation, « je n’avais pas d’amis allemands et mon travail n’a jamais été censuré » (Tintin & Hergé, in Haagse Post [en néerlandais], p. 44). Et pourquoi l’eût-il été puisque, pour lui, comme pour tous les Belges (même les plus éminents comme le roi Léopold III ou le président du Parti socialiste et conseiller du roi, Henri de Man : voir ce blog aux 18 mai et 28 juin 2017), le système parlementaire démocratique, à l’origine de tous les malheurs, s’était effondré : « Je reconnais que moi aussi, j’ai cru que l’avenir de l’Occident pouvait dépendre de l’Ordre nouveau. Pour beaucoup, la démocratie s’était montrée décevante et l’Ordre nouveau apportait un nouvel espoir. C’est surtout dans les cercles catholiques que ces opinions étaient le plus largement exprimées » ? (Haagse Post, p.44)…

    Après le récit de cette prétendue remarque de l’occupant, –seule et unique, même pas une admonestation !–manifestant plutôt son empathie, Hergé devra raconter d’une bien moins agréable manière à son jeune biographe l’épisode autrement tragique de la répression qui s’abattra sur les « inciviques » belges dès 1944 !

    Car la « libération » de la Belgique s’apparentera bien à une tragédie.

    Comment appeler autrement en effet la situation provoquée par la prétendue « épuration » qui l’accompagna ? Il n’est que d’observer le caractère absolu que cette intolérance a eu en Belgique, en comparant le cas belge avec, par exemple, la situation française qu’on a pourtant coutume de présenter comme particulièrement terrible.

    Si l’on veut bien tenir compte de l’énorme différence de population (une population française, en 1945, près de 4,75 fois supérieure à la belge ; Belgique : 8,5 millions d’habitants ; France : 40,3 millions), on verra, dans le tableau ci-après (ne concernant pas l’épuration sauvage dont les innombrables récits sont épouvantables, mais les chiffres aléatoires, mais la seule répression judiciaire dont les chiffres sont officiels), que si, en chiffres absolus, le nombre d’exécutions a été trois fois supérieur en France par rapport à la Belgique, la répression, toujours en chiffres absolus, a concerné davantage de personnes et a brisé davantage de vies en Belgique qu’en France.

     

    Maurice Baudoux, 29 ans,
    Héros de Tcherkassy, Martyr de la « résistance »

    42 Lynchage Marcel Baudoux.jpeg

    Engagé, avec Léon Degrelle, dans le premier contingent de Volontaires de la Légion Wallonie –en même temps que son jeune frère Louis qui tombera à Gromowaja Balka, âgé de 19 ans seulement–, Maurice Baudoux était né en 1916 à Montignies-le-Tilleul et était camionneur de profession. Profitant de la permission récompensant la percée victorieuse de Tcherkassy, il participa aux glorieux défilés de Charleroi et Bruxelles avant de rentrer chez lui, dans le petit village de Gozée. « Mais, reconnu par un résistant particulièrement haineux, il sera battu à mort le 27 juin 1945 par la populace locale. Le garde-champêtre de Gozée l’extraira courageusement de la foule et le traînera dans sa maison ; mais en vain puisque le malheureux expirera sous ses yeux. » (Théo Verlaine, La Légion Wallonie, De Krijger, 2005, p. 303). Ce lynchage odieux d’un jeune soldat valeureux et trop confiant (confiance provoquée par l'enthousiasme euphorique de la population célébrant les Légionnaires à Bruxelles ?) n’est qu’un exemple parmi les innombrables assassinats dont furent victimes les Légionnaires et les membres de leur famille, payant de leur vie la guerre civile organisée par les terroristes communistes en Belgique dès que l’URSS fut envahie par la Wehrmacht, le 22 juin 1941 (voir ce blog au 7 juin 2018 : Victor Matthys y rappelle qu’officiellement, dans les seuls trois premiers mois de 1944, près de 800 personnes furent tuées par la « Résistance » chargée d’établir un climat de terreur parmi les partisans de l’Ordre Nouveau, en massacrant d’ailleurs souvent des mères ou des épouses de Légionnaires absents de leur domicile).

    Cette photo accablante fait de l’infortuné Maurice Baudoux le martyr emblématique des Légionnaires victimes de la sauvagerie aveugle de la prétendue Résistance ensanglantant le pays.

     

    Tenons également et surtout compte du fait qu’en Belgique, jamais aucune amnistie n’a été accordée, contrairement à la France qui la vota dès 1951 ! Et que les condamnations belges ont donc le plus souvent revêtu un caractère définitif, en tout cas pour la déchéance des droits civils et politiques !

     

              Belgique                                                     France

     

        Inculpations                             405.067               311.263+108+69.797=
                                                                                          381.168

        Condamnations à mort          2.940                   6.763+18= 6.781

        Exécutions                                242                       767+3= 770

        Prison à perpétuité                 2.340                    2.702

        Dégradation nationale à vie 43.093                  3.578+15+14.701= 18.294

     

    (Chiffres belges: site antifasciste www.resistances.be; chiffres français : wikipedia.org: en noir, chiffres des Cours de justice; en rouge, chiffres de la Haute Cour de justice jugeant les membres du gouvernement; en vert, chiffres des Chambres civiques qui ne prononcèrent que des peines de dégradation nationale)

     

    Pour prendre conscience du traumatisme que provoqua la « libération » chez Hergé, il suffira de lire ce passage d’une lettre écrite le 21 juillet 1946 (jour de la « fête nationale » belge !) à son ami Paul Jamin (le caricaturiste Jam) condamné à mort et qui attend son sort à la prison de Saint-Gilles : « Mais jamais on n’avait imaginé une guerre comme celle-là, doublée d’une véritable guerre civile. Qui donc aurait cru que les Belges en seraient venus à se haïr avec une telle violence ? Ah ! La haine, la haine !... Notre pauvre pays en est encore empoisonné. Il en guérira, bien sûr. Mais en attendant, que de larmes, que de souffrances, que de deuils ! » (Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, p. 361).

     

    Hergé avait naïvement cru pouvoir « rester en dehors de la mêlée » et, « en toute liberté d’esprit », « rester calme au milieu de cette espèce d’hystérie patriotarde » ! C’est ainsi qu’il écrit, en juillet 1941 déjà, à un ami « patriote écœuré » qui l’insulte de « traître, vendu, lécheur de bottes » : « Il s’agit uniquement de rester un “honnête homme” et, lorsqu’on nous dit, par exemple : “Ils nous prennent tout”, de répondre que c’est inexact. Non par germanophilie, non par “léchage de bottes”, mais par respect de la vérité qui, même en temps de guerre, conserve ses droits. » (Goddin, pp.277-278)

    Hergé fut arrêté à quatre reprises.

    Tout d’abord par la Sûreté de l’Etat. Il est « avec d’autres détenus, emmené à pied et hué, interrogé dans la prison de Saint-Gilles et enfermé » (Huibrecht van Opstal, Tracé RG, p. 91). Robert Poulet, le célèbre romancier et critique littéraire qui, lui aussi, fut la dupe des encouragements royaux à reprendre la plume et à fonder, avec Paul Colin, Le Nouveau Journal (voir Léon Degrelle, La Cohue de 1940, p. 279 sv.), nous livrera un précieux témoignage de ces événements : « En 1944, il y avait eu cette autre rencontre, dans l’escalier de Saint-Gilles, la prison bruxelloise où s’entassaient des “traîtres” épurés, dont l’ensemble s’identifiait à peu près avec l’élite du pays. Les “patriotes” londoniens avaient aussi arrêté Hergé, pour le seul motif qu’il avait publié ses dessins dans un journal censuré (et comment un journal aurait-il pu n’être pas censuré en temps de guerre ?). Nous échangeâmes, Georges et moi, le sourire vaillant de rigueur, avant de rentrer, chacun de notre côté, dans l’enfer ignoble des “cellules à huit”. » (Robert Poulet, Adieu Georges, in Rivarol n° 1667, 18 mars 1983). Dans sa cellule où il ne resta heureusement qu’une seule nuit, Hergé eut comme compagnon Paul Herten, qui fut le directeur du Nouveau Journal après l’assassinat de Paul Colin par la « résistance » : il était venu se constituer prisonnier par scrupule patriotique ; il sera fusillé.

    Libéré, Hergé fut cependant arrêté à nouveau par la Police Judiciaire qui l’interrogea et le relâcha. Puis s’en mêlèrent les « résistants » du Mouvement National Belge qui, mitraillette au poing, perquisitionnèrent sa maison, l’interrogèrent et le relâchèrent derechef. Enfin, les communistes du Front de l’Indépendance se manifestèrent…

    « Comme il y avait, à ce moment, une bonne douzaine d’organismes semblables, je croyais qu’ils allaient venir m’arrêter chacun à tour de rôle. Mais non, cela s’est arrêté comme cela, sans raison apparente », plaisante Hergé dans une lettre de janvier 1945 à l’abbé Norbert Wallez, alors détenu avec neuf autres « inciviques » dans une cellule de deux mètres sur cinq à la prison de Charleroi.

    43 Arrestation Collaborateur.jpegArrestation, à Anvers en septembre 1944, d’un présumé « collaborateur » par une foule armée de « résistants » dont les intentions criminelles ne font guère de doute. Certes (et heureusement), les arrestations de Hergé ne se passèrent pas dans une telle ambiance délétère qui pouvait à tout moment déboucher sur des scènes de justice expéditive, pour ne pas dire de lynchage : le jeune homme ici capturé a manifestement déjà été brutalisé et n’en mène pas large dans l’angoisse de son sort…

     

    On comprend que les résistants, ce n’était vraiment pas la tasse de thé de Hergé, comme il le déclara un jour sans ambages : « Je détestais le genre Résistant. On m'a proposé quelquefois d'en faire partie, mais je trouvais cela contraire aux lois de la guerre. Je savais que pour chaque acte de la résistance, on allait arrêter des otages et les fusiller. » (Maxime Benoît-Jannin, Les Guerres d’Hergé, p. 50).

    Tout comme il apprécie à sa juste valeur la façon dont les Anglo-Américains procèdent pour « libérer » le pays, c’est-à-dire en ne le bombardant pas autrement que le territoire du Reich. S’il n’existe pas encore d’ouvrage tel que L’incendie, de Jörg Friedrich, pour rappeler le sort des pays occupés sous les tapis de bombes alliés, Jean-Claude Valla a néanmoins publié un désormais indispensable La France sous les bombes américaines, 1942-1945 (Librairie nationale, 2001 ; dans la foulée, ont également paru Eddy Florentin, Quand les Alliés bombardaient la France, 1940-1945, Perrin, 2008 et Andrew Knapp, Les Français sous les bombes alliées, 1940-1945, Tallandier, 2014).

    C’est ainsi que Hergé écrit à son ami Charles Lesne, directeur des éditions Casterman situées à Tournai qui venait de subir un violent bombardement en juin 1944 : « Tu connais sans doute la formule : Seigneur, libérez-nous de nos Protecteurs et protégez-nous de nos Libérateurs ! […] Ici aussi, tout est calme, à part un avion allemand qui s’est abattu samedi dernier à deux kilomètres de chez nous. À part aussi un quadrimoteur américain qui, touché par la D.C.A. s’est abattu à un kilomètre d’ici, sur le boulevard du Souverain. À part encore un obus non éclaté qui est retombé à cent mètres de chez nous en faisant un joli tintamarre, et pas de victime. À part, enfin, un gros éclat d’obus qui est retombé à quelques pas de moi. En vérité, je te le répète, tout est calme… » (Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, p. 323)

    Hergé restera marqué à vie par la tragédie de la libération et son « épuration » aveugle: « J’avais des amis journalistes et dont je persiste aujourd’hui encore à croire qu’ils étaient absolument purs et pas à la solde de l’ennemi. Et quand j’ai vu certains de ces gens condamnés à mort et certains même fusillés, je n’ai plus rien compris à rien. Ça a été une expérience de l’intolérance absolue. C’était affreux, affreux ! » (interview à Benoît Peeters, citée dans Tintin, mon copain, p. 129).

    44 Hergé Voilà.jpeg

    Témoignage manifeste de la proximité indéniable de Hergé avec les idéaux d’Ordre nouveau défendus non seulement par Léon Degrelle et Rex mais également par la rédaction de son journal Le Soir : Hergé fait la « une » de l’hebdomadaire rexiste Voilà en pleine guerre, le 10 juillet 1942. Il surclasse, tel le bienveillant Créateur, un Tintin interloqué (dessin du caricaturiste maison R.V. Roy). Cette « gazette hebdomadaire de la bonne humeur » créée par Léon Degrelle et fort populaire (tirage : 30.000 exemplaires) était dirigée par Victor Meulenijzer, ami d’enfance de Hergé, qui avait été directeur du Pays réel après le départ de Léon Degrelle pour le Front de l’Est. Il paiera de sa vie sa fidélité à l’idéal bourguignon de son chef : il fut fusillé le 30 août 1945, après une parodie de procès qui désespéra son ami Hergé.

     

    En évoquant, horrifié, les « fusillés », Hergé a certainement, entre autres, à l’esprit son ami Victor Meulenijzer, compagnon du collège Saint-Boniface et de sa troupe scoute, qu’il caricatura notamment, à ses côtés, dans un épisode de Quick et Flupke dans Le Petit Vingtième du 18 mai 1933, qui fut le rédacteur en chef de l’hebdomadaire rexiste Voilà –dont Hergé fit la couverture le 10 juillet 1942– et qui fut fusillé, après une parodie de procès, le 30 août 1945.

    Parmi les autres amis de Hergé condamnés à mort, citons Paul Herten (fusillé), José Streel (fusillé), Paul Jamin, Jean Vermeire, Raymond De Becker, Robert Poulet, Gaston Derijke, Paul Werrie,… sans parler de Léon Degrelle !

     

    A suivre

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    Paul Jamin (c’est-à-dire le dessinateur « Jam » du Pays réel, du Soir et de la Brüsseler Zeitung) fut condamné à mort et enfermé à la Prison de Saint-Gilles en attendant l’exécution de la sentence : « Ce sont les exécutions que l’on entend au petit matin dans la cour de la prison, le claquement des balles sur le mur, les longues journées à attendre que l’on vienne vous chercher… » Jam passe désormais son temps à croquer ses compagnons d’infortune, à réaliser des dessins d’ambiance ou caricaturer ses gardiens. A gauche, sa cellule ; à droite, un de ses pandores (à propos de la détention de Paul Jamin, voir ce blog aux 8 novembre 2019 et 20 mars 2020).

     

  • Degrelle – Hergé, même combat ! (5)

    Le Sceptre d’Ottokar

    Il ne manque pas, dans l’œuvre de Hergé –surtout dans Quick et Flupke–, de dessins caricaturant Mussolini ou Hitler (ainsi d’ailleurs que n’importe quel dirigeant politique français ou britannique : voir, par exemple, Tintin mon copain, p. 34). Mais c’est surtout Le Sceptre d’Ottokar, (publié dans Le Petit Vingtième dans les années critiques 1938-1939) que l’on brandit pour prouver l’incompatibilité entre Hergé et le nazisme : le conflit borduro-syldave évoque l’Anschluss, les Bordures se servent d’avions « nazis » Heinkel HE 118 et le méchant chef de la Garde d’Acier (démarquage de la Garde de fer du « fasciste » roumain Codreanu) s’appelle Müsstler, nom associant Mussolini et Hitler : pouvait-on faire plus antinazi, et ce, en pleine « drôle de guerre » ?

     

    On ne peut certes que constater que les vilains Bordures ressemblent à des nazis : « à l’époque, c’est bien entendu l’Allemagne qui était visée », déclare Hergé à Numa Sadoul (Tintin et moi, p. 129). En cela, Hergé manifeste simplement qu’il est aussi le produit de son époque et de la société dans laquelle il vit. Société dont les opinions sont bien sûr également modelées par la presse qu’elle lit. Et à cette époque, la presse (y compris catholique) était unanimement aussi bien antihitlérienne qu’antibolchevique. Degrelle lui-même avait consacré un numéro spécial de Soirées contre Hitler dès le 12 mai 1933. Et par la suite, son hebdomadaire a continué d’éreinter le Führer et son régime pendant une grande partie de 1934 et 1935 (20 juillet 1934 : « La terreur hitlérienne, reportage hallucinant »)… Il faudra attendre l’entrevue avec Hitler du 26 septembre 1936 pour que le Degrelle de Prière à Notre-Dame de la Sagesse ne voie plus guère d’incompatibilité avec le Hitler de Mein Kampf avant de devenir définitivement le Degrelle de Hitler pour mille ans !

     

    32 Soirées 1933 05 12.jpegPremier numéro spécial de Soirées sur Adolf Hitler, peu après son accession au pouvoir. Un an plus tard, le ton sera beaucoup plus agressif. Après la défense désespérée de la politique de neutralité face à l’Allemagne et aux alliés franco-britanniques, l’hostilité au régime national-socialiste culminera lors de l’invasion. Le Pays réel titrera en grandes capitales sur toute sa première page, encadrant un grand portrait du roi Léopold III : « Un crime. L’Allemagne attaque la Belgique. […] Rex au service de la Belgique. […] Vive la Belgique ! Vive le Roi ! Vive Léon Degrelle ! » A ce moment, le député Léon Degrelle était déjà incarcéré et soumis à l’arbitraire de la Sûreté de l’Etat belge (voir ce blog aux 30 avril et 6 mai 2017)…

     

    Et si Hergé n’alla peut-être pas si loin, remarquons néanmoins que la détestation unanime de la presse de l’époque manifestée pour Hitler et le national-socialisme ne l’empêcha pas, à la même époque que le Sceptre d’Ottokar, de critiquer le refus des offres de paix de Hitler dans des planches spectaculaires où Flupke montant la garde à la frontière est remplacé par un sourd-muet pour rendre inaudibles et inefficaces les propos amicaux d’un Führer qui s’en repart découragé, ni de publier, en 1939, la série antibelliciste de Monsieur Bellum (voir Tintin mon copain, pp. 58 et 60-62)… A ce propos, nous ne pouvons passer sous silence l’interprétation délibérément mensongère de celui qui se présente comme un « hergéologue distingué », Philippe Goddin, larbin en chef de la Fondation Hergé, chargé du lissage politiquement correct de l’image de Hergé. Contre toute vraisemblance, il n’hésite pas à présenter cette planche destinée à l’hebdomadaire Vers le Vrai de son ami d’enfance Julien De Proft (condamné à deux ans de prison par les tribunaux d’épuration) comme un acte hostile à Hitler : « Un vétéran belge de la Grande Guerre juge plus prudent de remplacer son jeune compatriote, qui n’est autre que Flupke, par un sourd-muet, moins exposé à la propagande de cet inquiétant Führer » (Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, p. 197 ; ce tricheur multipliera ainsi les contresens en réinterprétant tous les engagements de Hergé pour s’efforcer de les désamorcer, ainsi, par exemple, du sens pourtant limpide de L’Etoile mystérieuse, p. 292 : «Certains iront jusqu'à assimiler la bannière étoilée du Peary à un gage donné aux Allemands. Une vue contestable [...]. Le gouvernement des Etats-Unis n'est impliqué ni de près ni de loin dans l'histoire. »).

     

    Mais revenons au Sceptre d’Ottokar pour y découvrir que ce n’est pas tant l’essence du national-socialisme qui y est dénoncée (dont le culte de la beauté et de la nature eût dû séduire Hergé), mais plutôt les emblèmes, organisations, saluts,… si faciles à caricaturer. Et d’ailleurs, nous affirmons que ce faisant, Hergé dénonce tous les « régimes aveuglément dictatoriaux » mis dans le même sac : « La Bordurie est clairement un régime fasciste [mais] la Bordurie est tout simplement un état policier, c’est tout. Et je suis contre les états policiers, point » explique-t-il aux journalistes de Humo (11 janvier 1973, p. 21). C’est d’ailleurs ainsi qu’il faudrait lire le nom du despote Müsstler un peu autrement que le précise Hergé à qui on reproche à ce moment ses prises de positions anticommunistes : Müs-st-ler, pour Mussolini, Staline et Hitler. Hergé cherche en effet alors à se dédouaner dans ses interviews à Humo ou à Numa Sadoul : « le mauvais du Sceptre d’Ottokar ne s’appelle-t-il pas Müsstler, combinaison évidente de Mussolini-Hitler ? » (Numa Sadoul, Tintin et moi, p. 129). Mais dans son interview aux néerlandais Heinemans et Van Impe, il supprimera encore un dictateur, rendant complètement caduc son jeu de mots : « Mon “Müsstler” dans Le Sceptre d’Ottokar , c’est Mussolini » (Elsevier, 22 décembre 1973, p. 155)…

     

    De même qu’on fait toujours semblant d’oublier que si la Garde d’Acier évoque sans doute la Garde de Fer –le mouvement nationaliste roumain–, son antenne syldave, le ZZRK, porte, elle, un nom aux relents bien soviétiques : Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät ! Quelque dix ans après la guerre, dans l’Affaire Tournesol, la Bordurie sera d’ailleurs clairement identifiée à un état stalinien, avec les moustaches du Petit père des peuples comme emblème national.

     

    Parlant de son essence, il faut bien convenir que le national-socialisme est avant tout une éthique de vie et même une esthétique de vie où le destin personnel ne s’accomplit qu’en communion avec et pour les siens. À partir de là, on comprend mieux la démarche de Hergé : son opposition au régime bordure qui a des allures nazies dans Le Sceptre d’Ottokar alors qu’il devient plus clairement soviétique dans L’Affaire Tournesol, ressortit davantage à la dénonciation de toute dictature imbécile où ne peuvent exister ni épanouissement individuel ni justice sociale (voir, dans la conclusion Comment rester Tintin sans Léon Degrelle, ce que Hergé illustrera dans les Picaros). C’est également ce qu’avait manifestement compris la censure allemande lorsqu’elle signifia à l’auteur du Sceptre qu’elle avait bien saisi ses intentions profondes (voir plus loin le sujet La tragédie de la « libération »).

     

    Le gommage des traits antisémites

    À l’appui de la rupture radicale qu’aurait opérée Hergé avec ses « péchés de jeunesse », on a relevé con amore la saga impressionnante des « corrections » supprimant les gags mettant en scène des juifs, changeant les noms à consonance sémitique, réécrivant, redessinant ou modifiant tout ce qui pourrait encore donner prise à l’infamante accusation de racisme (voir Tintin mon copain, pp. 150 sv.). Cette course au politiquement correct rendant toujours plus incolores, inodores et insipides les aventures de Tintin a cependant souffert deux exceptions notables.

     

    La première concerne l’absence de suppression (ou de correction) d’une caricature antisémite évidente. Il s’agit d’un dessin de L’Oreille cassée (voir Tintin mon copain, p. 81) où on voit le boutiquier d’un magasin de brocante présenter toutes les caractéristiques caricaturales du juif : nez crochu, dos voûté, barbe, calotte, lorgnons et les mains qui se frottent de plaisir à la perspective d’une bonne affaire (sans parler de l’accent yiddish : « Ah, voui !... »). Ce juif-ci est resté inexplicablement intact, depuis sa première publication dans Le Petit Vingtième, le 21 janvier 1937, jusqu’à ses plus récents tirages d’aujourd’hui !

     

    33 LD T-shirt Tintin Copain.jpgAutre exception, d’un tout autre genre puisqu’il s’agit d’une création originale, véritable « hyperbolisation » du trait juif le plus brocardé, –l’imposante protubérance nasale !–, présentée en une hilarante séquence au second degré et qui nuance de manière surprenante cette autocensure que l’on croyait devenue automatique chez le Hergé d’après-guerre.

     

    Il s’agit du fameux épisode du « nasique » de Vol 714 pour Sidney (p. 42), publié en 1967. On y voit les « méchants » Allan et Rastapopoulos en embuscade dans la forêt indonésienne et surpris par un singe au gros nez mou, le nasique. Effrayé, le singe s’enfuit sous les sarcasmes d’Allan : « Oh ! un… truc, un… chose, un… un nasique ! C’est ça, un nasique !...Ha ! ha !... Regardez-le détaler comme un lapin ! Quel pif !... Non mais, quel pif !... vous avez vu ce pif ?!... Il me rappelle vaguement quelqu’un… Mais qui ?... » A ce moment, Allan, décomposé, croise le regard furieux de Rastapopoulos avec son gros nez sémitique !

     

    Mais Rastapopoulos est-il juif ? Certains ont prétendu que l’affairiste grec Aristote Onassis lui aurait servi de modèle, au moins dans cette aventure de Tintin où il reçoit sur son yacht luxueux la cantatrice Bianca Castafiore, tel Onassis invitant la « jet-set » internationale à bord du somptueux Christina, avec surtout une certaine Maria Callas…

     

    D’autres insistent sur une lettre de 1973 dans laquelle Hergé présente son personnage comme suit : « Rastapopoulos ne représente exactement personne en particulier. Tout est parti d'un nom, nom qui m'avait été suggéré par un ami ; et tout s'est articulé autour de ce nom. Rastapopoulos, pour moi, est plus ou moins grec levantin (sans plus de précision), de toute façon apatride, c'est-à-dire (de mon point de vue à l'époque) sans foi ni loi ! ... Un détail encore : il n'est pas juif ! » (Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, p. 105)

     

    Le « détail » a son importance car il contredit tout ce qui précède et qui caractérise traditionnellement le juif dans la caricature : apatride, sans foi ni loi… La parenthèse « (sans plus de précision) » qui s’applique à « grec levantin » empêche de préciser qui le terme « levantin » désigne. C’est-à-dire la population non musulmane de l’Empire ottoman, principalement juive. Et levantin juif n’exclut bien sûr pas d’être « plus ou moins » d’origine grecque (comme Onassis, originaire de Smyrne !)… D’où la nécessité du détail rédempteur : « il n’est pas juif ! »

     

    On le voit : cette explication de Hergé sent l’embrouille, et pour cause : il s’agit d’une réponse (10 novembre 1973) au courrier d’un lecteur de l’hebdomadaire Tintin (Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, p. 105, n. 1). Passé maître, depuis l’épuration de 1945, dans l’art du camouflage, Hergé a l’habitude de noyer le poisson, comme lorsqu’il répond, en 1961, à un autre lecteur qui lui demandait « Comment vous voyiez-vous il y a 15 ans ? » , c’est-à-dire en 1946 : « Conscient de l’importance de la question, je désire que nos lecteurs profitent de l’expérience que j’ai acquise dans ce domaine. Pour me voir, j’ai toujours utilisé, il y a quinze ans comme aujourd’hui, et avec d’excellents résultats, un appareil extrêmement ingénieux qu’on nomme “miroir” » ! (Tintin mon copain, p. 177)

     

    34 Vroylande Contes.jpgBien qu’il fût illustré par de magnifiques dessins de Hergé, ce recueil de Fables de Robert de Vroylande (Styx, 1941) ne connut jamais de réédition (à part un fac-simile en trente exemplaires publié par l’Association des Amis de Hergé du Canton de Vaud, en 2005). Et ce, à cause du seul conte Les deux juifs et leur pari décrété antisémite. Rappelons que le très catholique Robert du Bois de Vroylande, après avoir été rédacteur en chef de Rex en 1934-35, rompit avec Léon Degrelle engagé contre les « banksters » du Parti catholique et fit paraître en 1936 les pamphlets rageusement impuissants Quand Rex était petit et Léon Degrelle pourri. Du coup, la bien-pensance d’aujourd’hui n’hésite pas à imputer de manière diffamatoire à Léon Degrelle l’arrestation, la déportation et la mort en camp de concentration allemand en 1944 de l’opposant Robert du Bois de Vroylande, décoré de la Croix du Prisonnier politique à titre posthume…

     

    Pour autant, jamais Hergé n’avait mis en évidence avec une telle insistance le trait physique juif le plus caricaturé : son nez ! Et il le fait par un gag le comparant à l’appendice d’un primate ! Est-ce pour exonérer Rastapopoulos de sa judéité ? On nous permettra d’en douter car l’animal est justement un « nazi-que » : le nom seul, par antiphrase, suffit à évoquer le juif ! Et il est d’ailleurs plus que probable que ce soit le nom même de l’animal (qu’Allan prend soin de répéter à son « patron ») qui a inspiré cette séquence du plus haut comique !

     

    À l’appui de cette conviction, rappelons que, lorsqu’il faisait parler des étrangers fantaisistes (Syldaves, Arumbayas,…) ou lorsqu’il donnait des noms de fantaisie à ses héros: l’émir Ben Kalish Ezab [jus de réglisse] ou le cheikh Bab El Ehr [radoteur] dans Tintin au pays de l’or noir, Endaddine Akass [et ça dans ta caisse] dans Tintin et l’Alph-Art, etc., Hergé utilisait le marollien, dialecte bruxellois uniquement compréhensible par ses lecteurs de la capitale belge. Et, en flamand de Bruxelles, « Nazike » signifie « petit nazi » (à propos du marollien dans l’œuvre de Hergé, voir aussi Tintin mon copain, p. 6)…

     

    Qu’on nous permette enfin de préciser que les traits sémitiques de Rastapopoulos soulignés dans cette séquence au second degré sont comme par hasard associés à un redoutable bankster (président d’une hollywoodienne Cosmos Pictures dans Les Cigares du Pharaon, trafiquant d’opium dans Le Lotus bleu, trafiquant d’armes et d’esclaves dans Coke en Stock, etc.) : dans Vol 714 pour Sydney, ce redoutable chef de gang, gêné « de ne plus être milliardaire », a décidé d’enlever « un célèbre milliardaire », trouvant « plus simple et plus rapide de prendre une partie » de sa fortune… (pp. 3 et 20).

     

    Pareille association est d’ailleurs récurrente dans l’œuvre de Hergé qui, dès Tintin au Congo, y pourfend systématiquement l’impérialisme américain, à l’instar d’un certain Léon Degrelle. L’identification des dirigeants de banques ou de multinationales américaines avec des personnages sémitiques culminera, comme chacun sait, dans L’Etoile mystérieuse où Tintin, mandaté par le « Fonds Européen de Recherches Scientifiques » mettra en échec les manœuvres de la banque américaine Blumenstein/Bohlewinkel (lire le chapitre « L’ennemi : l’impérialisme américain », in Cristeros, pp. 70-75).

     

    Nous conclurons ce chapitre en rappelant la réponse de Hergé aux accusations récurrentes de racisme et d’antisémitisme : « Quand est-ce qu’on va enfin bien vouloir voir ce que le plus petit enfant voit : que tous ces albums sont, de a à z, des caricatures. Les Noirs et les Jaunes et les Peaux-rouges et les Juifs et les Arabes ont tous des traits exagérés et sont laids à faire peur, d’accord. Mais regardez un peu aussi les figures de Blancs : ils n’ont quand même pas l’air plus beaux pour un poil ! Et alors, on me fout dans les pattes que les méchants de l’histoire sont noirs ou juifs ou n’importe quoi. Mais sacrebleu ! Qu’ils comptent une fois combien de mauvais blancs se baladent dans les albums de Tintin ! Rastapopoulos, c’est un brave homme, sans doute ? Et le colonel Boris, Dawson, les frères Loiseau, Miller, le docteur Müller, Allan Thompson, Alfred Halambique, Bohlwinkel et tant d’autres : tous de braves blancs sans doute ? Dans mes histoires, je ne m’intéresse pas aux races, mais aux gens. Comment est-ce que Tintin pourrait vivre une aventure à l’étranger si n’y habitaient pas des gens de l’endroit ? Ces types voudraient peut-être que l’Amérique du Sud ou l’Inde soit remplie de Blancs ? Je trouve toutes ces insinuations parfaitement dégoûtantes ! » (Humo, 11 janvier 1973, p. 24).

     

    Nous remarquerons, au passage, la candeur de Hergé qui évacue l’accusation d’antisémitisme en rangeant simplement les « méchants juifs » parmi les « méchants blancs »… Comme si cela allait suffire aux censeurs de l’inexpiable !

     

     A suivre

     

     

  • Degrelle – Hergé, même combat ! (4)

    Hergé antinazi ?

    Il y aurait de nombreux éléments démontrant la volonté de Hergé de couper les ponts avec Léon Degrelle et tout ce qu’il représente : le rexisme, le nazisme, la collaboration…

     

    L’affaire de « l’affiche »

    C’est un des prétendus « docteurs es tintineries » qui a brandi l’anecdote comme s’il avait découvert le pot-aux-roses des prétentions degrelliennes : si vous voulez vous farcir les élucubrations qu’il élabore sur la « rupture » entre Hergé et Degrelle à partir des documents de première main dont il a pu disposer, lisez Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, pp. 181 sv. Nous verrons plus loin que le biaisement de l’histoire est une constante chez ce fonctionnaire de la justement universellement décriée Fondation Hergé. Pour le moment, contentons nous de décrypter les faits bruts qui se limitent à une histoire de sous.

     

    En novembre 1932, la Belgique doit renouveler son parlement. Léon Degrelle qui prépare les élections pour le parti catholique (« Rex » n’est pas encore un parti, seulement une maison d’édition relevant de l’Action catholique) rencontre un camarade de l’Université Catholique de Louvain qui avait participé à l’expédition contre l’exposition soviétique de 1928, le baron Adelin van Ypersele de Strihou (dont le neveu Jacques deviendra chef de cabinet des rois Baudouin et Albert II), actif dans le domaine publicitaire (il vient de fonder son agence Vanypeco qui deviendra fameuse après-guerre). Adelin lui aurait vendu (plus tard, il se félicitera d’avoir réalisé là sa toute première opération commerciale) un projet d’affiche de Hergé dont il avait pensé se servir pour l’Union Civique Belge, un mouvement anticommuniste dont il s’occupe. Elle représente « un masque à gaz suggérant une tête de mort, livide, sur fond noir ». Degrelle se montre intéressé, d’autant qu’il connaît « très bien Hergé ».

    26 Hergé Affiche tête mort 2.jpg

    Voici l’affiche que Léon Degrelle donna au Parti Catholique pour les élections législatives de 1932: Hergé souhaitait la retravailler.

     

    Apprenant par hasard cette transaction, Hergé envoie d’urgence une lettre recommandée aux éditions Rex, non pour condamner une utilisation politique à laquelle il serait opposé, mais pour y mettre la seule condition de ne pas l’éditer « sans avoir été revue, achevée et mise au point par moi ». Ce qui ne témoigne d’aucune hostilité envers Léon Degrelle, mais au contraire d’un louable scrupule d’artiste et d’une juste volonté de voir ses droits d’auteur respectés. Pris dans l’urgence des élections, Degrelle ne réagit pas jusqu’au moment où Hergé, vexé, confie l’affaire à son avocat, qui ne proteste auprès des éditions Rex que… huit jours calendrier après les élections ! Degrelle répond immédiatement, par retour de courrier, pour essayer de clarifier la situation : « Nous nous sommes simplement servis d’un projet d’affiche non signé, dont on nous avait fait don » ; la protestation de Hergé est « parvenue trop tard alors que l’exécution du travail était en cours. » Hergé –qui n’a perçu aucune rémunération– résumera la situation comme suit « “M. van Ypersele de Strihou a commis un abus de confiance et c’est contre lui que vous devez vous retourner. Nous, nous nous en lavons les mains” dit M. Degrelle en empochant les bénéfices réalisés par la vente de ces affiches [par les éditions Rex au Parti catholique]. » Finalement (en juin 1933), les éditions Rex verseront une indemnité au Syndicat de la Propriété Artistique, mettant ainsi un terme au litige.

     

    On le voit : pas de quoi prétendre que les ponts sont définitivement coupés entre Hergé et Léon Degrelle, ni surtout d’affirmer qu’il s’agit d’une rupture politique puisqu’il se fût alors agi d’un divorce d’avec le parti catholique (dont Hergé est l’employé via le Vingtième Siècle) ! Il y avait d’ailleurs si peu de rupture politique entre Léon Degrelle et Hergé que, à peine quelques mois plus tard, ce dernier dessinera le titre du « Quotidien rexiste de combat et d’informations » de la maison d’édition Rex devenue mouvement politique : Le Pays réel !

    27 Pays réel Titre.jpg

    Pour revenir encore à cette histoire d’affiche, nous devrons enfin reconnaître, si l’on en croit Numa Sadoul, que Hergé tenait suffisamment à tout ce qui l’avait uni à Léon Degrelle pour conserver en permanence près de lui les reliques de ses relations avec l’auteur de La Guerre scolaire, y compris probablement la fameuse affiche de 1932 : « Une autre nuit, dans l’un des tiroirs privés du secrétariat de Georges, j’ouvris un dossier résumant ses correspondances avec Léon Degrelle et le mouvement fasciste Rex. Il y avait même là un projet d’affiche électorale réalisé par Hergé: un projet assez avancé mais que l’on avait eu la sagesse de renoncer à exécuter. » (Sadoul, p. 15).

     

    Et s’il ne s’agit pas de cette affiche, mais d’un projet plus tardif pour une vraie campagne du mouvement Rex, voilà qui serait encore plus prodigieusement intéressant pour établir les véritables sympathies politiques de celui qui allait rejoindre sans états d’âme l’équipe de ses amis qui devait ressusciter Le Soir.

     

    Rupture Hergé-Degrelle ?

    D’ailleurs, après la guerre, Hergé ne manqua jamais, comme nous l’avons vu, de reconnaître sa dette envers Léon en ce qui concerne l’évolution de sa conception de la BD. Tout comme, nous le verrons plus loin, il rendit un hommage vibrant au courage militaire du Commandeur de la Légion Wallonie.

     

    Aussi coupons immédiatement les ailes au canard de l’aversion hergéenne au rexisme. Tous les biographes ont repris les termes de cette lettre de 1969 à un doctorant de la Sorbonne, Dominique Labesse, où le créateur de Tintin –qui n’est pas, nous l’avons rappelé, sans exprimer sa reconnaissance à Léon Degrelle pour les bandes dessinées envoyées du Mexique– écrit : « Quant à moi, je n’ai jamais “adhéré” ni sentimentalement ni de quelque autre manière au rexisme, que j’ai toujours eu en aversion. »

     

    C’est oublier un peu vite le contexte de cette déclaration faite à un étudiant écrivant une thèse de doctorat sur sa vie et son œuvre (Hergé, étude biographique et littéraire), où l’auteur n’allait tout de même pas se présenter sous les traits on ne peut plus honnis de l’infâme collaborateur. Il suffit d’ailleurs de lire les phrases précédant la profession antirexiste pour se rendre compte que Hergé est en train d’arranger quelque peu l’histoire à son avantage :

    « L’équipe du Soir de guerre dirigé par Raymond de Becker n’était en aucune façon un “groupement rexiste”. De Becker était un antirexiste convaincu, entouré d’antirexistes ou de non-rexistes. Le seul “rexiste” venu au Soir fut le théoricien de ce mouvement, José Streel, précisément au moment de sa rupture avec Le Pays réel, organe du rexisme. Quant à moi… »

     

    En effet, si des liens se détendirent entre Léon Degrelle et l’équipe du Soir et si des ponts furent coupés, ce ne fut jamais qu’après l’incompréhension qui accueillit le fameux discours du 17 janvier 1943 où Léon Degrelle réaffirma la germanité des Wallons (voir ce blog aux 12 mai 2016 et 10 décembre 2017). Hergé n’évoque là qu’une guerre de chapelles, mais prétendre que la rédaction du Soir fût opposée aux thèses rexistes ou, après janvier 1943, eût tourné le dos à l’Ordre nouveau est contraire à la vérité. Rappelons que Raymond de Becker était membre du Conseil politique de Rex, que Jam, le caricaturiste rexiste, dessinait à temps plein pour Le Soir, et que parmi les principaux collaborateurs « rexistes » du quotidien, on pouvait relever Pierre De Ligne, Max Hodeige (ancien journaliste du Pays réel, qui remplaça d’ailleurs à la direction du Soir De Becker après sa démission en 1943) et même Jacques van Melkebeke qui collaborait aussi à l’hebdomadaire rexiste Voilà… (sur la position du Soir pendant la guerre, voir Els De Bens, La Presse quotidienne belge sous la censure allemande (en néerlandais), pp. 333 sv.).

    Légionnaires Palais Sports 17.01-horz.jpg

    C’est le dimanche 17 janvier 1943 que Léon Degrelle prononça son fameux discours où il exalta la « germanité des Wallons ». Il ne faisait en fait que rappeler une thèse qu’il défendait depuis longtemps (notamment lors du discours de départ de la Légion, le 8 août 1941 : voir ce blog aux 10 décembre 2017 et 17 octobre 2018). On voit ici Léon Degrelle à la tribune et une cohorte de Légionnaires faisant son entrée dans le Palais des Sports de Bruxelles, tout auréolés de la gloire de leurs premiers combats (Samara, Gromowaja-Balka, Charkow, Tcherjakov,…).

     

    En fait, l’aversion au rexisme affichée par Hergé ne tient pas tant aux idées, qu’à leur expression dans de grandes manifestations de masse. C’est ce qu’il explique aux journalistes de Humo :

    « – Prendre fait et cause pour une idéologie est à l’opposé de ce que je suis. J’ai vu Degrelle, et les masses qui hurlaient avec enthousiasme. Qu’on ne vienne plus me parler d’idéologie et de grands meneurs de peuples.

    – Vous avez bien connu Degrelle ?

    – Assez bien. Il passait régulièrement au journal pour faire la réclame de Rex. Un homme ambitieux mais par ailleurs fort sympathique. Ce n’est pas pour autant que j’étais rexiste. Je n’aime pas ces grands mouvements populaires. » (Humo, p. 24).

     

    Quand Hergé déclare « Qu’on ne vienne plus me parler d’idéologie et de grands meneurs de peuples », l’expression « Qu’on ne vienne plus me parler… » traduit sa déception face à ce qui a constitué pour lui des évidences lumineuses et des personnages d’importance. Si, aujourd’hui, il ne faut plus lui en parler c’est qu’il leur avait accordé auparavant, au moment de leur crédit populaire, une totale adhésion… qui n’a pu qu’être déçue par leur échec historique et le mépris qui les entoure désormais. Depuis la défaite de 1945, le rexisme est en effet considéré comme un épouvantail et son tribun Léon Degrelle n’est plus qu’un condamné à mort que toute la presse conspue… Hergé doit donc prendre ses distances. Mais il le fait en gardant toujours de la nuance : si Léon Degrelle était « un homme ambitieux », ce qui est somme toute normal pour un politique, il demeurait « par ailleurs assez amusant », ce qui est sans doute le plus important aux yeux du créateur de Tintin, originellement inspiré par le jeune aventurier avec qui il s’était lié au XXe Siècle

     

    Et s’il « n’aime pas ces grands mouvements populaires »« les masses hurlent avec enthousiasme », cela ressortit aussi à son refus de l’embrigadement qui sera sa ligne de conduite dès après la guerre, comme il l’explique à des journalistes néerlandais : « [A propos d’opinions politiques,] je ne pense absolument rien. Je vis dans ce monde, je connais l’histoire, […] Je suis un homme de bonne volonté et je cherche la vérité, mais je ne l’ai pas encore trouvée. Et si, en tant que dessinateur de bandes dessinées, j’ai jamais émis un point de vue politique, comme dans Tintin au pays des Soviets ou Le Lotus bleu, alors je l’ai fait parce qu’à ce moment-là, j’y croyais. Aujourd’hui, je vois bien que j’ai commis des erreurs. Par orgueil peut-être. Maintenant, il me serait fort difficile de devoir prendre position. J’en sais plus et, ça c’est sûr, je ne me laisserai plus jamais embrigader. » (Elsevier, p. 154-155).

     

    Cette prudence venue de l’expérience, cette sagesse circonspecte, cette philosophie égocentrée, culminera, nous le verrons plus loin, dans Tintin et les Picaros

     

    Mais c’est dès la fin de la guerre qu’enrichi par les pénibles expériences qu’il dut vivre, il adoptera cette position au-dessus de la mêlée. Il déclarera ainsi à son ami le dessinateur Pierre Ickx dans une lettre de 1946 : « Quant à moi, j’appartiens au bord de ceux qui pratiquent leur métier avec le plus de conscience possible, et je salue toutes les victimes de la guerre, à quelque bord qu’elles appartiennent. » (Pierre Assouline, Hergé, p. 203).

     

    Léon Degrelle ne s’exprimera pas autrement lorsqu’il dira : « Nous respectons tous les idéalistes qui offrent leur vie pour leurs idées. Il y eut des héros authentiques à la Brigade londonienne Piron. » (De Rex à Hitler, p. 417) et qu’il répétera dans son ultime message à ses derniers « Bourguignons » : « Dans le monde pourri d’aujourd’hui, seules brillent encore les vertus des héros ! Demain, ce sont eux –et les héros d’en face !– qui, réunis dans la gloire, feront le 21e siècle ! » (voir ce blog au 31 mars 2019).

    28 LD+Jamin Jesuitas années 70.jpg

    A la fin des années soixante, Léon Degrelle, obligé d’abandonner sa Carlina (voir ce blog au 17 octobre 2018), put se réfugier dans un petit appartement social de la municipalité madrilène, grâce à l’amitié du comte de Mayalde, maire de la capitale. C’est là qu’il reçoit alors, autour d’une simple et revigorante soupe de lentilles, ail et chorizo, son ami Paul Jamin, alias Jam, venu avec son humour ravageur et son inextinguible bonne humeur lui donner des nouvelles du fidèle Hergé et, bien sûr, lui apporter les nouveaux albums de Tintin.

     

    De toute façon, Hergé entretint un contact indirect constant avec Léon via leur grand ami commun Paul Jamin, servant en quelque sorte d’ « agent de liaison ».

     

    29 Guerre scolaire.jpegLe Jam du rexiste Pays réel et de la Brüsseler Zeitung de l’occupant, était devenu l’incontournable Alidor de Pan et, après sa rupture en 1990 d’avec cet hebdomadaire, de Père Ubu : pour les politiciens belges, être croqués par l’ancien « incivique » condamné à mort marquait la concrétisation de leur notoriété politique, surtout si, parmi les « figurants » les encadrant dans ses féroces dessins, figuraient à la fois Léon Degrelle et Tintin ! Des ministres allaient jusqu’à le payer pour cela (« 7000 francs ! », Le Soir, 30 juillet 2010). Le ministre de la Justice de l’époque, Jean Gol (né Golstein), se précipitera d’ailleurs pour préfacer, en 1990, son recueil Touche pas à mon roi ! C’est également grâce à Paul Jamin que Stéphane Steeman entreprit une belle collection « Léon Degrelle », dont un fleuron est certainement l’exemplaire de La Guerre scolaire signé à la fois –véritable incunable !– par Hergé et Léon Degrelle (Tintin mon copain, p. 26).

     

    Mais les relations entre les deux anciens boy-scouts qui avaient fait leurs premières armes au Vingtième Siècle ne se limitaient pas à des signatures de livres pour collectionneurs. Il s’agissait de véritables relations personnelles où les deux amis se tenaient au courant des aléas de leur situation et entretenaient leur attachement fraternel non seulement par des lettres, mais aussi par des cadeaux, des invitations, des recommandations, d’affectueux conseils…

     

    C’est ce qui ressort clairement de ces quelques lettres de Léon Degrelle à Paul Jamin que nous avons retrouvées (nous n’avons évidemment pas accès aux archives privées de Hergé !)…

     

    « Merci aussi au cher Georges de ses quatre bouquins, merveilleux (comme toute la série).

    Dis-lui que je serais très heureux de le voir se détendre ici. Si ça leur plaît, qu’ils viennent faire un séjour ici, s’inspirer dans une atmosphère très naturelle. Sa femme serait dans un très beau site, nous l’aiderions à se retaper à force d’air pur, de bons plats, et d’affection !

    Dis leur que c’est de tout cœur que je les invite, comme vieux amis, en dehors de tout fatras politique. »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 21 septembre 1959).

     

    « J’ai passé deux semaines au lit, avec ma blessure à l’estomac ouverte. Depuis un mois, je vis de jus de citron et de compote de pommes. J’ai maigri de 7 kilos. Bref, je retrouve ma ligne et ne pourrai plus battre Monseigneur sur ce terrain-là si ça continue !

    Mais, en fait, ça paraît cicatrisé et voilà quelques jours que ça ne saigne plus. Je vais retourner pour 15 jours à ma terrasse, si on m’y laisse tranquille.

    Mes affaires en sont toujours au même point. Rien d’arrangé. Et un tas de sales bipèdes acharnés à m’étrangler. Vois un peu si Monsieur Tintin n’a pas besoin d’un beau palais andalou. Il serait à lui à bon compte, et sur-le-champ. »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 28 janvier 1961).

     

    « Je t’envoie, en insistant beaucoup là-dessus, une preuve du talent de l’artiste de Lyon dont je t’avais parlé et que je te demande de recommander à notre bon vieil Hergé (un fuerte abrazo !).

    Tu peux le voir, c’est bien dessiné et c’est drôle. J’avais une pile d’épreuves. J’espère que celle-ci suffira pour décider Hergé, au moins à ce que ce garçon soit convoqué par une huile de la maison. A l’intérieur, tu trouveras la fiche d’identité du “candidat” écrite de ma main.

    Il connaît le métier, a un genre à lui, a un âge recommandable. Décide Hergé à lui faire une offre intéressante. Il me ferait grand plaisir. »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 3 janvier 1967).

     

    « Je te vois toujours à ta soupente du XXe Siècle, faisant des petits culs-de-lampe près d’Hergé. Je revois Georgette et ses petites pantoufles à pompons près du bureau de l’Abbé Wallez. […] On était quand même sacrément heureux, foutant en l’air un monde grotesque, sûrs de gagner ! […] On a fait sauter dans tous les sens des millions de crétins, épouvanté des milliers de salauds, on a fendu l’espace comme de formidables poulains sauvages. Et par-dessus le marché, on apportait aux hommes une formule de vie autrement saine, puissante, joyeuse que les pataugeages d’eunuques que leur ont offerts nos successeurs ! »

    (Lettre de Léon Degrelle, le 9 avril 1977)

     

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    Mais Paul Jamin n’était pas le seul « agent de liaison » entre Hergé et Léon. Son épouse Germaine Kieckens rendit également visite à son ami Léon dans son exil andalou : « La chère et belle Germaine […] m’apportant le salut ému et les derniers albums de Hergé, son mari ! Quelles retrouvailles ! Pendant quinze jours, tout en lampant joyeusement le vin doré de mes vignes, nous avons revécu les années délurées de notre jeunesse. » (Tintin mon copain, p. 169). Degrelle semble placer cette visite au moment de la tentative de rapt par le Mossad israélien, soit juillet 1961.

     

    A cette époque, Germaine et Hergé étaient séparés depuis un an, bien que l’auteur de Tintin lui rendît tous les lundis une fidèle et affectueuse visite dans sa demeure de Céroux-Mousty. Selon José Luis Jerez Riesco, avocat madrilène, président de l’Asociación Cultural de Amigos de León Degrelle, cette rencontre se situerait plutôt vers 1957, peu avant l’accident de circulation qui coûtera la vie au fils du proscrit (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio, 1945-1994, pp. 244-245).

     

    31 Tél. Germaine.jpgEn tout cas, si on peut croire la confidence de Germaine Kieckens au jeune tintinophile Hervé Springael (auteur, en 1987, d’un Avant Tintin, Dialogue sur Hergé autoédité), selon laquelle Hergé « avait même interdit à Germaine d’assister aux meetings de Léon Degrelle » (anecdote présentée négativement par Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, p. 262), nous savons (voir ci-avant) que cette défense trouve son origine dans sa phobie des manifestations de masse. De toute façon, manifestement, l’interdiction de Hergé –si elle avait jamais concerné la personne de Léon Degrelle !– a bien été levée pour autoriser les voyages chez l’ami exilé en Espagne !

    Mais qu’importe : quoi que prétendent les pseudo-spécialistes du maître de la « ligne claire », Léon Degrelle fait bien partie des amis qui comptent pour Hergé !

     

    A suivre

     

     

  • Degrelle – Hergé, même combat ! (3)

    Les « mensonges » de Degrelle

     

    La démonstration de Tintin mon copain établissant la filiation évidente entre Léon Degrelle et le héros des jeunes de 7 à 77 ans est tellement flagrante et indiscutable que les « exégètes » en ont été réduits à couper les cheveux en quatre pour discréditer l’ouvrage, s’appuyant sur des détails intentionnellement mal interprétés et présentés comme des failles établissant la duperie, mais évitant l’essentiel qui est l’identité de pensée et d’idéal des deux amis. Passons-les en revue : ils ne sont pas nombreux.

     

    1929 : la date polémique

    Le voyage de Degrelle au Mexique (fin 1929-début 1930) n’a pu influencer la création de Tintin, qui date de janvier 1929.

    Donnons donc une petite leçon de chronologie. C’est au tout début de janvier 1929 que Hergé (collaborant au Vingtième Siècle depuis octobre 1927) commença à imaginer le récit Au pays des Soviets, sur base du Moscou sans voiles publié en 1928 par l’ancien consul de Belgique en Russie, Joseph Douillet. Le livre venait de lui être confié par l’abbé Norbert Wallez dans ce but et, d’après Hergé, le canevas fut créé en moins d’une journée (Huibrecht Van Opstal, Tracé Hergé, p. 224 sv.). Léon Degrelle est, quant à lui, engagé en octobre 1928 et ses tout premiers articles concernant la persécution des catholiques mexicains sont déjà publiés dans le Vingtième Siècle les 26, 27, 28 octobre et 16 novembre 1928 (voir aussi sur ce sujet précis ce blog au 7 février 2019). C’est dès cette époque qu’il se lie d’amitié avec Hergé: « Georges Remi, le Hergé débutant, devint instantanément mon ami. » (Tintin, mon copain, p. 12).

     

    ffffffffffffffff.JPGC’est dès le premier numéro de L’Avant-Garde (10 novembre 1927) dirigé par son ami Léon Degrelle, étudiant à l’Université Catholique de Louvain, que Hergé tint à prêter son concours : il donna son dessin La marche triomphale (publié le 30 mars 1924 dans Le Blé qui lève et signé « Remi ») pour illustrer le cortège des étudiants se rendant au meeting de l’Action Catholique de la Jeunesse Belge à Louvain.

     

     

     

    Si donc Hergé a pu prendre Léon comme modèle physique et moral de son héros, ce n’est évidemment pas à cause du voyage au Mexique, mais grâce à une sympathie spontanée, née d’une séduction spirituelle et morale réciproque, renforcée encore par la hardiesse et la générosité des articles sur le Mexique.

     

    Mais il y a plus ! Hergé lui-même donne explicitement raison à Degrelle dans une interview accordée à La Libre Belgique du 30 décembre 1975, citée dans Tintin, mon copain (p. 17): « J’ai découvert la bande dessinée grâce à... Léon Degrelle ! Celui-ci, en effet, était parti comme journaliste au Mexique et il envoyait au Vingtième Siècle, non seulement des chroniques personnelles, mais aussi des journaux locaux (pour situer l’atmosphère) dans lesquels paraissaient des bandes dessinées américaines. J’ai découvert ainsi mes premiers comics. »

     

    Nous laisserons le captieux biographe Benoît Peeters prétendre réduire cette affirmation capitale du créateur de Tintin à une insignifiante « légende alimentée par Hergé » (Benoît Peeters, Hergé fils de Tintin, p. 66), sans d’ailleurs essayer d’en expliciter la cause, d’en préciser les raisons ou d’en justifier l’intérêt pour l’auteur. Nous noterons pour notre part que, pour Hergé, l’événement des bandes dessinées envoyées par Degrelle est tellement essentiel que, bouleversant la chronologie, il le situe même avant la publication de ses premiers dessins dans Le Vingtième Siècle !

     

    C’est ainsi qu’il déclare à Numa Sadoul, dans les entretiens qu’il lui accorda en octobre 1971: « je découvrais –par l’intermédiaire de journaux mexicains !– les comics américains: “Bringing Up Father” (“La famille Illico”) par Geo Mac Manus, “Krazy Kat”, “The Katzenjammer Kids”, et bien d’autres... Pour donner une nouvelle vie à son journal, l’abbé Wallez eut alors l’idée de lancer un supplément hebdomadaire illustré pour enfants [...]. Dès le premier numéro, j’ai commencé à illustrer (de façon déplorable !) un récit fantaisiste mais consternant, œuvre d’un rédacteur du journal: Les aventures de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet. [...] C’est donc pour éviter d’illustrer un texte que je trouvais mortellement ennuyeux que j’ai créé “Tintin”. Et c’est là que, pour la première fois, comme dans les bandes dessinées américaines, le texte et l’image se sont mutuellement complétés pour former un langage nouveau. Le 10 janvier 1929, Tintin et Milou quittaient Bruxelles (sur le papier) à destination de la Russie bolchevique [...]. » (Numa Sadoul, Tintin et moi, pp. 32-33).

     

    Alors ? Hergé est-il un menteur ? Degrelle n’aurait rien à voir avec la conception nouvelle de la bande dessinée qu’il développe ??? Léon est tellement consubstantiel à Tintin que Hergé n’imagine même pas, cinquante ans plus tard, de les dissocier, même au prix d’un anachronisme !

     

    Le modèle de Milou, c’est le chien d’Adolf Hitler !

    L’affirmation, il est vrai, a de quoi estomaquer ! Non seulement Tintin, c’est Degrelle, mais Milou serait le clebs de Hitler ?!!! Ça, c’est trop fort ! Je dirais même plus, c’est plus fort que du Roquefort !

     

    Mais est-ce tellement extravagant ? Que dit précisément Léon Degrelle ?

     

    « Georges et moi avions déniché, absolument par hasard, sur une vieille photo datant des tranchées de la Première Guerre Mondiale, un gentil quadrupède à l’allure pré-milounesque. Hergé, qui cherchait pour ses B.D. un petit chien ou l’autre parmi des millions d’autres chiens blancs et futés, fut frappé par cette image imprévue. Le petit chien blanc de la photo dressait son nez fureteur aux pieds de quelques soldats allemands, plutôt dépenaillés. C’est à cause d’un de ces soldats que ladite photo avait été publiée, dix ans après, par l’hebdomadaire que nous feuilletions. » (Tintin mon copain, p. 16)

     

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    Il existe trois photos du Gefreiter Hitler, pendant la Première Guerre mondiale, avec son fox-terrier qu’il baptisa fatalement «Foxl», échappé des tranchées anglaises en poursuivant un rat. Ces photos abondamment publiées dès l’entrée en politique de celui qui devint Chancelier d’Allemagne –et probablement dès 1928, voir ci-après–, furent retrouvées avec plaisir par le Führer lors de ses deux visites-pèlerinages au Front des Flandres en juin 1940 : elles avaient été découpées et encadrées par le propriétaire de la maison dans le jardin de laquelle elles avaient été prises, en mai 1916… On reconnaît le soldat de première classe Hitler parmi ses compagnons ; son calot affiche la cocarde bavaroise sur le bandeau et celle du Reich sur le dessus; il porte surtout au troisième bouton de sa vareuse feldgrau le ruban de la Croix de Fer de Seconde classe qu’il obtint dès le 2 décembre 1914 (il recevra la Croix de Fer de Première classe le 4 août 1918).

     

    Que pouvons-nous retenir de ce récit ?

      - Hergé cherche l’inspiration pour un petit chien blanc futé

      - Il feuillette un hebdomadaire

      - Nous sommes « dix ans après » la Première Guerre Mondiale

      - La photo avec « le petit chien blanc » est publiée «à cause d’un de ces soldats »  allemands

     

    Si nous sommes « dix ans après » la Première Guerre Mondiale, nous devons nous situer quelque temps avant le mois de novembre 1928, dixième anniversaire du 11 novembre 1918, marquant l’Armistice de la Première Guerre Mondiale. Hergé ne publiera Tintin chez les Soviets où apparaît nommément Milou qu’à partir du 10 janvier 1929. Or que découvrons-nous dans sa BD précédant immédiatement le premier Tintin ? Des essais de petits chiens dans la série L’extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet, publiée à partir du 1er novembre 1928 dans Le Petit Vingtième. Nous y voyons dès la deuxième page, deux petits chiens anonymes : un chien de rue (tacheté de noir sur les yeux, le dos, la cuisse et le bout des pattes) et un fox-terrier tout blanc. On les retrouve encore alternativement en pages 3, 4, et 5, mais c’est le fox-terrier qui semble l’emporter par son empathie avec son maître Nénesse (courant et pleurant avec lui, s’interrogeant sur son comportement). C’est bien lui qui a l’air le plus futé.

     

    Le 28 décembre 1928, le choix du petit chien futé semble définitivement arrêté : ce sera un fox-terrier blanc, héros principal de « La Noël du petit enfant sage » publié dans Le Sifflet. Ne portant pas encore de nom, il soliloque, réfléchit, s’invente des excuses et commet l’irréparable en mangeant le pain d’épices du Père Noël et en le remplaçant par son « besoin urgent » ! (les illustrations appuyant ce raisonnement sont visibles dans Huibrecht Van Opstal, Tracé Hergé, pp. 220 et 223).

     

    Foxl, l’inséparable « Milou » d’Adolf Hitler

     

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    « C’est en janvier 1915 que je mis la main sur Foxl. Il était en train de poursuivre un rat qui avait sauté dans notre tranchée. Il s’est débattu, essayant de me mordre, mais je n’ai pas lâché prise. Je l’ai ramené avec moi en arrière. Il tentait constamment de s’enfuir. Avec une patience exemplaire (il ne comprenait pas un mot d’allemand), je l’ai peu à peu habitué à moi. Au début, je ne lui donnais que des biscuits et du chocolat (il avait pris ses habitudes chez les Anglais qui étaient mieux nourris que nous). Puis je me mis à le dresser. Il ne me quittait pas d’une semelle. A ce moment-là, mes camarades ne voulaient pas entendre parler de lui. Non seulement j’avais de la sympathie pour cette bête, mais cela m’intéressait d’étudier ses réactions. J’ai fini par tout lui apprendre : sauter des obstacles, grimper à une échelle, en redescendre. L’essentiel est qu’un chien dorme toujours aux côtés de son maître. Quand je devais monter en ligne et que ça tapait dur, je l’attachais dans la tranchée. Mes camarades me disaient qu’il ne s’intéressait à personne durant mon absence. Même de loin, il me reconnaissait. Quel déchaînement d’enthousiasme en mon honneur ! Sa plus grande joie, c’était la chasse aux rats. Nous l’avions appelé Foxl. Il a fait toute la Somme, la bataille d’Arras. Il n’était pas du tout impressionnable. Lorsque je fus blessé, c’est Karl Lanzhammer qui prit soin de lui. Lors de mon retour, il se jeta sur moi avec frénésie. […]

    C’était une brave bête. Quand je mangeais, il était assis près de moi et suivait des yeux mon manège. Si à la cinquième ou sixième bouchée, je ne lui avais rien donné, il se dressait sur son séant et me regardait avec l’air de dire : Et moi, ne suis-je pas là ? C’est fou ce que j’ai aimé cette bête. Personne ne pouvait me toucher sans qu’aussitôt Foxl ne devînt furieux. Il ne suivait que moi. Quand vint la guerre des gaz, je ne pus continuer à l’emmener en première ligne. Ce sont mes camarades qui lui donnaient à manger. Quand je rentrais après deux jours d’absence, il ne voulait plus me quitter. Tout le monde, dans la tranchée, l’aimait. Pendant les marches, il courait autour de nous, observant tout, ne perdant pas un détail. Je partageais tout avec lui. Le soir, il se couchait près de moi. »

    (Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix, pp. 226-227)

     

    Le chien blanc de l’hebdomadaire feuilleté par hasard en 1928 a attiré l’attention de Léon et de Hergé par sa présence amicale (il « dressait son nez fureteur ») à la limite de l’incongruité (« image imprévue ») parmi des soldats allemands qui faisaient pitié (« plutôt dépenaillés »). Il présentait aussi une petite tache sombre sur l’œil et l’oreille (comme dans Flup, Nénesse,…). Mais c’est un chien immaculé (sorte de compromis entre le chien de la photo de Hitler et les essais de Flup, Nénesse,…) qui est alors prêt à entrer dans l’immortalité des aventures de Tintin.

     

    Le déclic provoqué par la photo de Hitler est-il donc tellement invraisemblable ?

     

    Cela ressortirait-il à la fabulation qu’un illustré ait publié des photos d’un certain Adolf Hitler n’arrêtant pas de faire parler de lui : auteur du putsch de Munich le 9 novembre 1923 et arrêté le 11, jour du cinquième anniversaire de l’armistice, il est condamné à cinq ans de détention, est libéré de la prison de Landsberg fin décembre 1924, reconstitue la NSDAP en février 1925, réorganise en 1926 la SS et lui confie le « Drapeau du Sang » du Putsch de Munich, en même temps qu’il rassemble la jeunesse dans la Hitlerjugend, enracine les congrès du parti dans la cité médiévale de Nuremberg en 1927 et envoie douze députés au Reichstag le 6 mai 1928…

     

    C’est ainsi, nous dit Léon Degrelle, qu’un hebdomadaire choisit de publier cette photo de soldats allemands pour le dixième anniversaire de la fin de la Première Guerre Mondiale (11 novembre 1918) parce qu’on y reconnaissait Adolf Hitler (« C’est à cause d’un de ces soldats que ladite photo avait été publiée »).

     

    Et c’est aussi ce que nous confirme le journal de Franz Hailer (1886-1969, pilote de reconnaissance aérienne durant la Première Guerre mondiale) qui put accompagner Adolf Hitler le 25 juin 1940 lorsqu’il retrouva ses cantonnements et les champs de bataille des Flandres de 1915-1916.

     

    « A Fournes-en-Weppe, les voitures firent halte dans la rue Faidherbe, où les hommes sortirent et suivirent le Führer vers le bureau de perception. En 1914-1918, ce vaste bâtiment abritait une infirmerie allemande. Selon Franz Hailer, Hitler ouvrit la porte aussi naturellement qu’il le faisait il y a vingt-quatre ans. Après quelque temps, il ressortit avec un large sourire et montra à tout le monde une photo de guerre, qui avait été depuis alors souvent publiée et qui le montre en compagnie de six autres collègues estafettes. Sur le cadre où la photo avait été insérée, trônait en belles lettres capitales françaises : “Cette photo d’Adolf Hitler a été prise le 24 avril 1916 dans notre maison”. Parmi les nombreux clichés de la visite de Hitler à Fournes, il y en a en effet un qui montre la photo en question de l’estafette Hitler. Mais ce n’est pas Hitler qui présente la photo encadrée à l’un des photographes allemands, mais un Français. Cet homme, c’est Louis Guichard, le percepteur local de 1940, et il se trouve à l’arrière de son bureau. » (Siegfried Debaeke, Hitler in Vlaanderen, p. 127).

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    Adolf Hitler se rend dans le jardin du percepteur des impôts de Fournes-en-Weppe, le 26 juin 1940. Par le suite, le percepteur Louis Guichard est tout fier de présenter au photographe Heinrich Hoffmann le témoignage de la présence du Führer chez lui, vingt-quatre ans auparavant !

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    La polémique pour savoir qui sortit « vraiment » cette photo du bureau de perception ne présente aucun intérêt : comme si Adolf Hitler n’aurait pas été heureux de trouver là cette photo et de la montrer à ses anciens compagnons du Front qui l’accompagnaient, parmi lesquels Ernst Schmidt et Anton Bachmann pouvaient se reconnaître. Et comme si le photographe officiel du Führer, Heinrich Hoffmann qui était également présent, n’aurait pas pu demander au propriétaire de la maison de bien vouloir encore lui montrer ce cadre qui avait attiré l’attention du Führer.

     

    Ce que nous retiendrons surtout, c’est que le journal de Franz Hailer auquel Siegfried Debaecke a eu accès confirme que les photos d’Adolf Hitler sur le front de la Première Guerre mondiale ont connu diverses publications, y compris aussi vraisemblablement dans la presse française, permettant à Louis Guichard reconnaissant sa propriété de les découper et de les encadrer. Figuraient-elles dans un magazine français célébrant le dixième anniversaire de l’Armistice ? Le magazine que Léon Degrelle et Hergé ont pu feuilleter en novembre 1928, époque où le dessinateur concevait son héros Tintin et son inséparable compagnon Milou ? Voilà qui n'est certainement pas à exclure.

     

    Et pour prévenir la remarque que le chien de Hitler n’est pas de la « pure » race de Milou qu’on présente comme « fox-terrier », nous évoquerons à nouveau le témoignage de Hergé. Il concéda, en effet, dans l’émission sur les animaux Trente millions d’Amis (diffusée le 29 juillet 1978 sur la première chaîne de la télévision française) :« Milou est d’une race qui est approximativement le fox à poils durs. Un peu bâtard tout de même » (nous soulignons)…

     

    En tout cas, on comprendra maintenant très bien, comme le rappelle Léon Degrelle, qu’après-guerre, lorsqu’on l’interrogeait sur l’origine de Milou, Hergé répondait évasivement (et prudemment !) : « Milou ? Je ne me souviens vraiment plus d’où il est sorti » !... (Tintin mon copain, p. 16)

     

    23 Hitler Culotte Golf +Muck.jpeg« Staubele, notre nouveau chien Schnauzer [espèce de terrier bavarois] que mère avait offert à notre père pour son anniversaire, nous était tout dévoué, nous pouvions le gronder, le chasser, mais il n’aimait pas les étrangers, et il nous fallait veiller sur lui très attentivement lorsque Wahnfried était plein d’invités. Le seul nouveau venu que Staubele admit jamais et auquel il témoigna immédiatement son amitié fut Hitler. La première fois que Wolf [surnom d’Adolf Hitler qu’utilisaient ses intimes] vint nous voir après l’acquisition de Staubele, le chien, dès qu’il l’aperçut, courut à lui, fourra son museau dans ses mains et ne quitta pas Hitler tant que dura la visite du Führer. En cela notre chien ressemblait à tous ceux qui lui succédèrent à Wahnfried. C’étaient de grandes bêtes farouches qui ne s’approchaient jamais de personne en dehors des membres de la famille, mais, tout de suite, ils se prenaient d’affection pour Hitler. » (Friedlind Wagner,  Héritage de feu, pp. 50-51).

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    Cette photo, prise en bordure du petit aérodrome du GQG d’Adolf Hitler en Belgique, illustre parfaitement le récit de la petite-fille de Richard Wagner : qui est ce chien tranquillement étendu sur le banc de repos du Führer qui le couve du regard, pendant que le ministre des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, semble se demander s’il n’est pas de trop ? D’après ce que la secrétaire personnelle d’Adolf Hitler, Gerda Christian, confia à René Mathot en 1978, ce fox-terrier avait été oublié ou abandonné par ses propriétaires lors de l’évacuation des 117 habitants de Brûly-de-Pesche ordonnée le 26 mai 1940 et effectuée deux jours plus tard (jour de la capitulation du roi Léopold III). Ce village du sud de la Belgique était destiné à devenir la Wolfsschlucht («Ravin du Loup»), le Grand Quartier Général d’Adolf Hitler pour la campagne de France. René Mathot a ainsi publié une (fort mauvaise) photo (René Mathot, Au Ravin du Loup, p. 164) où l’on aperçoit les secrétaires personnelles Gerda Christian et Christa Schröder face au Führer : à leurs pieds, alerte et les sens en éveil, le chien n’a d’yeux que pour lui, attendant visiblement quelque intervention de sa part : ce Milou, fox terrier belge, est bien le cousin de Foxl, le terrier anglais, de Staubele, le terrier bavarois, et de Muck, le berger allemand !...

    25 Hitler + fox terrier 2.jpeg

     

    A suivre

  • Degrelle – Hergé, même combat ! (2)

    Si Tintin n’est donc pas un inspecteur de police à la Maigret, un détective à la Sherlock Holmes ou un Robin-des-Bois à la Arsène Lupin, c’est à Léon Degrelle qu’il doit sa profession de journaliste-globe-trotter et à son exemple de droiture, de dévouement et de générosité, –affirmé dès ses premiers articles sur les martyrs de la guerre religieuse mexicaine (octobre 1928)–, ses activités de redresseur de torts.

     

    C’est ainsi que Tintin, dès sa première aventure chez les Soviets (janvier 1929), est aussi reporter et aventurier que Léon Degrelle –qui, au même moment, est sur le point de se lancer à corps perdu dans un voyage de tous les dangers au Mexique de la révolte des Cristeros–, tout en manifestant les mêmes traits éthiques et moraux le poussant à défendre les causes justes et à venir en aide aux persécutés.

     

    9 Mexique Rex illustré 18 03 36.jpgRépondant à l’attaque du quotidien socialiste Le Peuple qui prétendait que le voyage au Mexique de Léon Degrelle était un mensonge, Rex illustré se contenta, dans son numéro du 18 mars 1936, de reproduire quelques clichés de voyage de Léon Degrelle. Celui-ci en avait pourtant déjà publié plusieurs lors de la publication en feuilletons dans l’hebdomadaire Soirées (du 23 octobre 1931 au 9 avril 1932)…

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    Ce rôle de modèle évident que Léon Degrelle joua dans la genèse de Tintin (qui vit le jour dans Le Petit Vingtième, le 10 janvier 1929) est irréfutablement établi dans nos commentaires de Léon Degrelle, Cristeros, Aux origines de Tintin (Editions de l’Homme Libre, 2018).

     

    C’est ainsi que Léon Degrelle documenta pour Le XXe Siècle où les deux amis effectuaient leurs premières armes, l’idéal spirituel, politique et social qui sera celui de Tintin, dans l’émouvante défense des catholiques mexicains acceptant le martyre au cri de « Vive le Christ Roi », ce Christus-Rex qui donnera naissance au mouvement REX ! Léon Degrelle signera ainsi Les fureurs antireligieuses au Mexique ; Comment on assassine au temps de Locarno ! et Comment on meurt pour le Christ-Roi, les 26, 27 et 28 octobre 1928 ; La persécution mexicaine : pourquoi reculeraient-ils devant le sacrifice ?, le 16 novembre 1928. Il ajoutera encore, alors qu’il vient de terminer sa grande enquête sociale sur Les Taudis publiée pendant tout le mois de décembre 1928, Quand les catholiques s’en mêlent, le 27 janvier 1929, soit quelques jours après le départ de Tintin pour le pays des Soviets et quelques mois avant son propre départ pour le Mexique (19 décembre 1929 ; sur les péripéties préparatoires au voyage, voir Léon Degrelle, Cristeros, Aux origines de Tintin, p. 65-69).

     

    De plus, l’engagement anticommuniste de Tintin, s’il puisa les anecdotes de ses aventures dans le livre Moscou sans voiles du consul belge de Rostov-sur-le-Don, Joseph Douillet (Editions Spes, 1928), s’inspira surtout du courage, de la détermination, du sens de l’initiative et de l’humour de Léon Degrelle parti saccager l’exposition bolchevique de Bruxelles, le 12 janvier 1928. Tintin doit indubitablement aussi ses traits à cet événement considérable qui ébranla tout le monde politique et médiatique belge. Au point de déterminer la décision du directeur du XXe Siècle, l’abbé Norbert Wallez, d’imposer au responsable du Petit Vingtième, le jeune Hergé, la mission d’envoyer son nouveau héros Tintin combattre les Soviets en « Bolchévie » !

     

    14 Avant-Garde 19_01_1928 Soviets.JPGLéon Degrelle rend compte de l’attaque de l’exposition soviétique à Bruxelles dans son journal estudiantin louvaniste du 19 janvier 1928 : c’est la première fois que la (coûteuse) couleur est utilisée !

     

    Voilà ce que, de prime abord, Léon Degrelle inspira à Hergé pour son personnage Tintin (sans parler ici des évidences matérielles –que sont les culottes de golf, la houppette ou l’ovale parfait du visage– appartenant toutes au turbulent étudiant louvaniste : elles sont abondamment détaillées dans Léon Degrelle, Cristeros, Aux origines de Tintin (sur l’origine, le sens et la portée des culottes de golf, on lira avec intérêt « La culotte de golf », pp. 76-82), et ce, d’autant plus naturellement que la même éthique de vie était partagée par les deux amis qui avaient reçu la même éducation catholique et la même formation scoute.

     

    Mais c’est là aussi ce qui était absolument insupportable pour l’historiographie politiquement correcte, accusant Léon Degrelle de se forger une légende à coups de mensonges, d’exagérations, de récupérations, de travestissements de la réalité…

     

    Même un critique comme Francis Bergeron, auteur d’un Dictionnaire du collectionneur politiquement incorrect et d’un Dictionnaire commenté de livres politiquement incorrects, que l’on pourrait donc croire immunisé contre tout conformisme, s’est laissé contaminer par cette paresse intellectuelle pour entonner –mais s’en rend-il seulement compte ?– les décevants refrains du politiquement correct : « Tintin mon copain […] ! Il faut en prendre et en laisser, comme souvent chez Degrelle », « L’album sent la récupération », « Redevenons sérieux »,… (Francis Bergeron, Georges Remi dit Hergé, Pardès, Qui suis-je ?, 2011, pp. 118, 36)

     

    Mais ce qui est bien réellement sérieux, c’est que toute la vie de Léon Degrelle est faite de chapitres absolument incroyables, exactement à l’image des aventures de Tintin (que Robert Poulet décrit justement comme « des histoires impossibles mais réelles », in Rivarol, 18 mars 1983) !

     

    Depuis sa périlleuse expédition au Mexique jusqu’aux tentatives d’enlèvement et d’assassinat en Espagne fomentées par des juges et des résistants belges ou les services secrets israéliens et français, en passant par sa campagne fulgurante contre les banksters de la politique belge, les héroïques combats du Front de l’Est (Croix de Fer de Seconde et Première Classe, Agrafe en or des Combats au Corps à Corps, Insigne en or des Blessés, Croix de Chevalier de la Croix de Fer avec Feuilles de Chêne, etc.) et ses promotions militaires au seul mérite personnel ­de simple soldat à commandeur de division et Volksführer (détenteur des pouvoirs civils et militaires) des Wallons (voir ce blog au 5 mars 2018), ses liens inimaginablement privilégiés avec Adolf Hitler (« Si j’avais un fils, je voudrais qu’il fût comme vous », voir ce blog aux 21 juin et 20 juillet 2018) ou son projet de rétablissement du Duché de Bourgogne approuvé par Hitler et confirmé par Himmler (voir ce blog au 28 juin 2017), tout, absolument tout, dans la vie de Léon Degrelle relève de l’invraisemblable et de la fiction. Et pourtant, tout est vérifiable et a toujours fini par se vérifier.

     

    Aujourd’hui, ce sont ses détracteurs qui passent pour des affabulateurs ou des historiens peu scrupuleux. Par exemple, à propos des mensonges insanes d’un Eddy De Bruyne, voir ce blog : 15 publications à partir du 23 mars 2017 ; sur les obsessions fantasmagoriques et les postulats délirants du pseudo-historien de l’Université de Liège, Francis Balace, tout confit en servilité politiquement correcte, voir ce blog, entre autres, au 9 juillet 2017, note 1, ainsi qu’aux 30 juin 2016, 12 mars et surtout 6 juillet 2019 !...

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    Tant que les tailleurs en ont proposé, Léon Degrelle est toujours resté fidèle aux culottes de golf que Hergé lui emprunta pour en faire le vêtement emblématique de Tintin : à gauche, au début des années 30 ; à droite, dans l’Espagne des années 50.

     

    Léon Degrelle était à ce point conscient de son destin super-tintinesque qu’il prend plaisir à le souligner dans Tintin mon copain !

     

    « Avoir aidé Hergé à faire de Tintin un personnage qui, avec le temps, porterait à travers la planète la culotte de golf décrochée de ma garde-robe et la houppette cueillie sur ma boîte crânienne, ne serait qu’un incident merveilleux à travers ma vie haute en couleur. […] C’est dire que Tintin ne serait qu’un épisode, charmant, de ma geste multiforme, où abondent des événements hors du commun : la conquête d’un million de Belges en 1936, par un jeune garçon de vingt-neuf ans, mes quatre ans de combat de chef de guerre au Front de l’Est, ma Ritterkreuz et mes Feuilles de Chêne me hissant en tête des créateurs de l’Europe en gestation. […] Hergé lui-même le savait qui, modeste, parfois même effacé ou effaré, vivrait personnellement, on le verra, chacun des heurts et malheurs de mon épopée. Au long de ceux-ci, c’est vrai, resurgiraient cent fois des réminiscences et des coïncidences de l’esprit, de l’ingéniosité, de la débrouillardise et de l’humour du Tintin de notre jeunesse. » (p. 21)

     

    C’est donc par l’intermédiaire de son personnage de fiction que Hergé vivra les aventures qu’écrira dans la réalité, avec son courage et son abnégation, l’ami Degrelle : « Tintin, c’est moi quand j’aimerais être héroïque, parfait » confiait Hergé à Numa Sadoul (Tintin et moi, Entretiens avec Hergé, p. 45). Et ce, même si, dans ses aventures, Tintin ne revêtira jamais l’uniforme que revêtit Léon Degrelle pour empêcher que l’Europe ne fût anéantie par le bolchevisme (dénoncé dès Tintin au Pays des Soviets) et le matérialisme capitaliste (pourfendu dans tous les autres albums).

     

    Néanmoins, si Hergé ne lui fit jamais porter dans ses aventures l’uniforme de son modèle parti au Front de l’Est, il ne rechignera nullement à le lui faire porter « pour information ». De même que celui de tous ceux qui en portaient dans le IIIe Reich ! A telle enseigne qu’en un fameux clin d’œil à son modèle degrellien, dans la série de vignettes sur l’aviation de 1939 à 1945 (L’aviation, Guerre 1939-1945, Collection « Voir et Savoir », Dargaud, 1953), Hergé prend un plaisir manifeste –en 1953 ! huit ans à peine après la fin de la guerre et alors que la répression des « inciviques » était toujours d’actualité !– à revêtir Tintin de tous les uniformes militaires possibles, en ce compris et avec la même évidente sympathie, les tenues nazies ornées de toutes les croix gammées nécessaires ? Quel dommage que les éditeurs de Tintin mon copain aient oublié ces précieux témoignages de la totale absence d’allergie de Hergé pour la symbolique nationale-socialiste !

     

    Aujourd’hui, on peut être sûr que le « politiquement correct » ne permettrait plus que soit évoquées aussi favorablement « les heures les plus sombres de notre histoire » ! On peut ainsi surprendre Tintin en « Pimpf » de la Hitlerjugend, le boy-scout national-socialiste, ou revêtu de l’uniforme de la Wehrmacht, celui-là même que porta Léon Degrelle jusqu’au Caucase dans les premières années de la Légion Wallonie. Mais il y a aussi le marin de la Kriegsmarine, l’officier de la Luftwaffe, etc.

    De quoi nuancer d’importance l’affirmation péremptoire de Francis Bergeron critiquant la couverture de Tintin mon copain qui s’orne des « portraits de Tintin et de Degrelle, l’un et l’autre en uniforme allemand (mais seul Degrelle l’a réellement porté !) » (Georges Remi dit Hergé, p. 35).

     

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    Le vingtième chromo de L’aviation, Guerre 1939-1945 est consacré au célèbre, maniable et sûr Fieseler Storch dont est rappelé le plus fameux exploit : la délivrance de Mussolini de sa prison dans le Massif des Apennins, à 1800 mètres d’altitude, par les troupes SS aéroportées du colonel Otto Skorzeny. Hergé eût également pu rappeler que c’est le Fieseler Storch personnel d’Adolf Hitler qui, fait absolument unique dans les annales du IIIe Reich, alla chercher, à deux reprises, Léon Degrelle sur le Front de l’Est pour l’amener au Grand-Quartier Général et y recevoir des mains mêmes du commandant suprême de toutes les forces armées du Reich la Croix de Chevalier de la Croix de Fer (20 février 1944) ainsi que les Feuilles de Chêne, la Croix Allemande en or et l’Agrafe en or des Combats rapprochés (25 août 1944).

    C’est alors que, profondément ému, le Führer confia à celui qui avait su gagner son estime, sa confiance, son amitié et son affection : « Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il fût comme vous ! »

    Pour illustrer ce chromo, Hergé a choisi de revêtir Tintin de l’uniforme noir du tankiste d’une division blindée de la SS : il porte le grade de Scharführer (sergent) et est décoré de la Croix de Fer de seconde classe.

    (L’aviation, Guerre 1939-1945, Collection « Voir et Savoir », Dargaud, 1953).

     

     

     

    A suivre