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marcel lemay

  • Léon Degrelle, toujours dans le collimateur

     

     Sous le manteau du Caudillo [3]

     

    Ragots en stock !

     

     

    Bajo el manto.pngNous avons pu, tout au long de deux articles bien loin d'être exhaustifs, mettre en évidence, pour tout ce qui est relatif à Léon Degrelle, les « qualités » professionnelles du Docteur en Histoire José Luis Rodríguez Jiménez, auteur de Bajo el manto del Caudillo Sous le manteau du Caudillo [Franco] » : ce blog aux 1er et 19 septembre 2024).

     

    Ces « qualités » sont plus évidemment des carences, tant sont flagrantes la complaisance pour les racontars de toutes sortes et l'outrecuidance dans la réécriture des faits. L'Université Rey Juan Carlos peut décidément compter sur son distingué professeur pour soigner aux petits oignons sa réputation pittoresque. Et ce, grâce à sa capacité à réviser unilatéralement l'histoire et à développer une cancel culture politiquement correcte, –ce qui est, à l'évidence, hautement apprécié aujourd'hui.

     

     

    Collaborer à tout prix !

     

    La puissance de ses raisonnements au service de l'histoire révisée pourra néanmoins en déconcerter plus d'un. La logique est d'ailleurs parfois tellement tirée par les cheveux qu'on ne comprend plus ni les tenants ni les aboutissants de la démonstration. Ainsi, par exemple : « La déception [de n'être pas partie prenante dans les projets de l'Allemagne victorieuse de la Belgique en mai 1940] ne poussa pas [Léon Degrelle] à faire marche arrière dans la collaboration déjà entamée [?] de Rex avec l'envahisseur ni dans l'adoption des allures et des idées [?] du nazisme. [...] Enfin, les déceptions furent nombreuses, mais cette marginalisation avait préparé le terrain [!!!] pour la collaboration avec l'occupant. » (pp. 65-66).

     

     

     

    LD Barbe juin 1940.jpeg

    Léon Degrelle libéré des geôles françaises, garda la barbe quelques semaines pour dissimuler les traces des sévices endurés durant sa captivité en France : le revoilà à Bruxelles, drève de Lorraine dans le bois de la Cambre, à l'entrée de sa propriété alors réquisitionnée par la Luftwaffe (pour prix de sa « collaboration » sans doute ? Voir La Cohue de 1940, p. 109 et ce blog au 8 octobre 2022).

    Pour l'historien diplômé de l'Université Complutense de Madrid, Léon Degrelle était en effet « collaborateur » du Reich dès avant mai 1940 ! C'est aussi ce que voulaient faire croire les autorités belges qui l'ont arrêté et ce qu'ont cru les militaires français qui l'ont torturé pour qu'il dévoile les plans secret d'Adolf Hitler ! « La police militaire française me croyait au courant de tous les secrets de Hitler. À force d'être rossé, je finirais bien par avouer quels étaient les plans de l'épouvantable Führer » ! (Léon Degrelle : persiste et signe, p. 220 ; ce blog aux 30 avril et 6 mai 2017).

    Mais loin de participer aux plans d'attaque de son pays, au moment de l'invasion allemande de la Belgique et du Luxembourg, Léon Degrelle était chez lui à Bruxelles où il récitait « lentement les admirables prières de l'Office des morts pour les héros qui succombaient à cette heure » (La Guerre en prison, p. 70). C'est à ce moment précis que « l'auditeur général Ganshof van der Meersch, le haineux factotum du ministre franc-maçon Janson » fit en sorte que, malgré son immunité parlementaire, il fût arrêté et enfermé « dans une cellule du palais de Justice de Bruxelles dès la première heure de la guerre, puis incarcéré à la prison de Saint-Gilles, mis au secret, transporté deux jours plus tard à la prison de Bruges, ensuite livré à la police française » (Persiste et signe, p. 217).

     

     

     

    Une fortune suspecte

     

    Nous pouvons étoffer ce dossier presque à l'infini : par exemple, à propos de la fortune de Léon Degrelle, lorsque Rodríguez reprend les soupçons psychotiques d'Anne Lemay[-Degrelle] (ce blog au 23 octobre 2022) : « Jamais sa fille n'a dit qu'il avait exercé quelque travail concret. [...] Bien entendu, les travaux [de La Carlina] qui durèrent plusieurs années, ont dû entraîner des coûts considérables. Le plus probable est qu'il dut faire face à ces frais grâce au soutien économique de certaines amitiés [etc. : voir ce blog sur la première fournée de ragots de Rodríguez, le 1er septembre 2024] » (p. 232).

     

     

     

    Plan LD Fontaine Carlina.jpg

    Anne Lemay[-Degrelle] n'a jamais précisé quel « travail concret » son père avait pu exercer, mais elle n'a jamais prétendu non plus qu'il fût totalement oisif. Elle raconte même l'avoir accompagné lors d'une visite chez des industriels basques avec lesquels il était en affaire (ce blog au 23 octobre 2022 ; voir aussi la lettre de Léon-Marie à sa cousine, quelques jours avant son accident, impressionné par les compétences de son père pour le commerce et l'industrie  : « Papa s’occupe beaucoup d’affaires diverses ; il est très adroit pour cela », ce blog au 26 février 2016). Mais cela n'intéresse pas Rodríguez. Ce sont pourtant ces revenus qui permirent la construction de La Carlina, dont Léon Degrelle –architecte, pour l'occasion !– dessina lui-même quelques plans ainsi que les principaux ornements et détails architecturaux (ici l'une des fontaines de la propriété).

     

     

    Si Léon Degrelle put compter dans les premiers temps de son exil sur le soutien précieux d'amis politiques avec qui il avait noué des liens personnels lors de son premier voyage en Espagne en février 1939 (ce blog au 1er septembre 2024), leur aide fut davantage matérielle (transport, abris, soins de santé, appuis politiques,...) que pécuniaire. Elle permit néanmoins à l'exilé de réunir les conditions nécessaires pour lui permettre de commencer à gagner sa vie. C'est ainsi qu' « À la date du 21 novembre 1947, la section du travail des étrangers a délivré la carte de travail numéro 20.969 correspondant au dossier numéro 28.164 au nom d'Enrique Durand, son nouveau patronyme, apatride né à Varsovie. Ce document l'autorisait à travailler à Madrid en tant qu'expert d'art dans l'entreprise d'Enrique Durán avec un salaire annuel de 12.000 pesetas. » (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio, p. 114).

     

    Ce premier permis de travail n'avait cependant qu'une validité de quelques mois (jusqu'au 7 juillet 1948). Mais il permit le véritable démarrage de ses activités professionnelles, comme il l'a détaillé à Jean-Michel Charlier : « je suis arrivé à posséder en exil quelques biens, un toit, et surtout ce qui m'est indispensable dans la vie : des œuvres d'art. Comment ? C'est simple : j'ai trimé. [...] Pendant plusieurs années, coupé de presque tout le monde, perdu dans un bled de la Sierra Morena, à vingt kilomètres du premier village, je n'ai pu me servir que d'un vieux téléphone à moulinet pour mener mes premières opérations. C'était presque pittoresque. J'ai ensuite contribué à monter près du Guadalquivir une industrie métallurgique. J'ai réussi aussi d'excellentes opérations sur du coton d'Australie. Puis je suis devenu constructeur. J'ai fourni notamment un toit à cinquante ménages d'une base américaine. » (Persiste et signe, p. 395 ; voir les esquisses de plans pour les maisons américaines sur ce blog, le 23 octobre 2022). Sur le sujet, Rodríguez eût également pu et dû consulter la biographie consacrée à Léon Degrelle en exil par José Luis Jerez Riesco (p. 191 sv.). Mais sans doute trouve-t-il l'auteur trop peu recommandable, puisqu'il le dénonce comme « néo-nazi espagnol [...] admirateur du leader belge » (p. 366). Sa biographie (ce blog, entre autres, au 28 mai 2016) est pourtant bien mieux documentée que la publication de Rodríguez , par exemple sur les sociétés commerciales et entrepreneuriales créées par Léon Degrelle après la saisie de La Carlina, dans les années 1960-1970, pour gagner sa vie : MADESA (Madrid Europa SA), CODERSA (Comercio y Decoración SA), Torre del Sol SA, Tintebel,...

     

     

     

    LD Chantier Maisons américaines.jpg

    Devenu constructeur au début des années 1950, Léon Degrelle surveille le chantier des maisons à destination d'une cinquantaine de ménages d'une base américaine.

     

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    En civil pour passer inaperçu ?

     

    Autre détail complètement faux : Léon Degrelle abandonna son uniforme en quittant le Danemark pour la Norvège : « Habillés en civil, [Degrelle et Du Welz] voyagèrent sur un dragueur de mines allemand jusqu'à Oslo. » (p. 54). Déjà, dans La Campagne de Russie, le Commandeur de la Wallonie avait laissé entendre que l'hostilité relative de la population norvégienne à son égard et celui de ses compagnons était provoquée par l'uniforme allemand qu'ils portaient : « Nous nous arrêtâmes deux fois pour demander notre route. Les promeneurs nous dévisageaient : non, faisait chaque tête [,,,] malgré la brillance du printemps, la guerre et sa hargne passaient d'abord... » (p. 266). Il sera plus précis avec Wim Dannau en 1969 (mais dans le français approximatif typique du peu scrupuleux journaliste dans Face à face avec le rexisme, Le Scorpion, 1971) : « Oslo était de toutes parts frénésie de la libération, mais sans violence aucune ! Parce qu'enfin, nous étions en uniforme de la Waffen SS ! Ce n'était pas une recommandation : une auto de la Waffen SS ! Nous avons traversé la ville entière ; on était à l'avant de la petite voiture. Moi avec au cou mon collier de la Ritter-Kreuz ; ça se reconnaissait. Mais les gens faisaient des petits bonjours et on s'écartait pour laisser passer la voiture et c'est les même gens qui, le lendemain, ont massacré tous les Waffen SS qu'ils ont trouvés dans la ville quand sont descendus de la montagne les gens de la résistance. Mais les gens de la ville, ils étaient là, bien calmes ! » (p. 100).

     

    Ainsi que dans Tintin mon copain (écrit au début des années 1990, publié en 2000) : « Dans ma petite Volkswagen, Feuilles de Chêne au cou, je portais toujours mon uniforme de Commandeur de Division de la Waffen SS. S'il fallait périr, je voulais que ce fût fièrement, à l'ordonnance ! » (p. 136).

     

     

     

    LD+Du Welz 1945 Mola.jpg

    D'une terrasse du second étage de l'Hôpital Mola, Léon Degrelle (l'épaule gauche toujours plâtrée) et Robert Du Welz assistent à un match de boxe organisé dans le patio de la clinique : les deux officiers SS ont toujours le même pantalon feldgrau de l'uniforme qu'ils portaient lors du crash du Heinkel du ministre Speer dans la baie de San Sebastián au petit matin du 8 août 1945.

     

     

    De même, c'est sans équivoque que Léon Degrelle répondit à la question précise du journaliste de Playboy en avril 1979 (ce blog au 19 septembre 2024) :

    « DEGRELLE :La situation en Norvège était étrange, il n'y avait pas de haine. J'ai pu me promener pendant des heures dans les rues d'Oslo le jour de la capitulation.

    PLAYBOY : Habillé en civil ?

    DEGRELLE : Jamais je n'ai enlevé mon uniforme. Je suis arrivé en Espagne en le portant. »

     

    Pour preuve encore de l'insanité de l'affirmation gratuite de Rodríguez, l'anecdote savoureuse que Léon Degrelle confia à Jean-Michel Charlier en 1976 : « Dans ma chambrette de blessé à l'hôpital militaire de San Sebastián, j'étais au secret. Au bout de quinze mois, après que toutes mes offres de retour en Belgique eussent été repoussées, et mon expulsion théorique d'Espagne ordonnée, il m'a bien fallu déguerpir de cette bâtisse. Je ne possédais même pas de vêtements civils. J'étais tombé dans la mer en uniforme de la Waffen SS. Pour prendre le vert, j'avais absolument besoin d'au moins un pantalon qui ne fût pas de couleur feldgrau ! [...] Il me fallait donc faire teindre ce vieux pantalon hérétique. Pendant plusieurs semaines j'ai vendu à d'autres internés mes quelques cigarettes de blessé jusqu'à réunir les dix pesetas que la femme de charge de l'hôpital réclamait pour la teinture ! C'était le tarif le plus bas. La teinture, d'ailleurs, était tellement détestable que lorsque j'ai retiré ce pantalon historique, le soir de mon évasion, j'avais des cuisses noires comme celles du maréchal Mobutu ! La teinture s'était plaquée sur ma peau comme une décalcomanie. » (Persiste et signe, pp. 393-394).

     

     

    Un baragouineur et un faux gradé...

     

    Ou, autre exemple de renseignement non vérifié mais croustillant, l'affirmation (inspirée sans doute également par Anne Lemay[-Degrelle], ce blog au 3 janvier 2023), selon laquelle Léon Degrelle parlait « un espagnol grossier entrecoupé de phrases en français » (p. 244), alors que, cinq pages plus loin, Rodríguez cite le témoignage de Jean-Louis Urraca qui vécut plusieurs années auprès de l'exilé : « il s'exprimait couramment en espagnol qu'il parlait bien, avec tout le vocabulaire, mais avec un accent prononcé » (p. 249).

     

    Enfin –exemple beaucoup plus déplaisant–, cette allégation calomnieuse déniant à Léon Degrelle son grade de colonel. Pour l'occasion, Rodríguez n'hésite pas à reprendre l'antienne du Degrelle-menteur radotée par les historiens officiels : « [...] Himmler qu'il cherchait et qu'il finit par retrouver, d'après ce qu'il dit car il se pourrait bien que cette histoire ne serve qu'à mettre dans la bouche du chef de la SS son accession au grade de colonel, alors que tout était déjà perdu. Peut-être n'est-ce qu'un mensonge et qu'il ne pensait qu'à fuir et à se cacher. » (p. 54)

     

     

     

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    Le Soldbuch de Léon Degrelle détaille tout son parcours militaire depuis son engagement, le 8 août 1941, comme simple soldat jusqu'au grade de Standartenführer (colonel), obtenu le 20 avril 1945, jour du cinquante-sixième anniversaire du Führer. Et tant pis pour l'expertise universitaire de Rodríguez, Docteur ès histoires fabriquées.

     

     

    Ce nouveau « scoop » mouillé est peut-être bien issu de la prétendue Encyclopédie du Pic de la Mirandole Eddy De Bruyne (ce blog à partir du 23 mars 2017) qui prétend que le grade ultime de Léon Degrelle fut SS-Obersturmbannführer (lieutenant-colonel), à l'exclusion donc de colonel et, a fortiori, de général. Mais ce dictionnaire ne figure pas dans les Références bibliographiques et archivistiques de Rodríguez, au contraire des autres publications de De Bruyne. Les aurait-il mal lues, car, reprenant le Journal (non publié) de l'Untersturmführer (sous-lieutenant) Charles Generet, De Bruyne raconte : « Le 1er mai 1945, Degrelle et sa suite passèrent la nuit à Kalkhorst. Himmler y passa dans le courant de la matinée du 2 mai sans que Degrelle eût le temps de le rencontrer. L'ironie du sort voulut que Duwelz fût occupé à coudre les insignes de Standartenführer (colonel) sur l'uniforme de Degrelle ». (Léon Degrelle et la Légion Wallonie, la fin d'une légende, pp. 225-226).

     

    Sur les divagations de De Bruyne à propos du caractère illégitime des actes officiels de Heinrich Himmler après la dictée de son testament par Adolf Hitler, nous renvoyons à notre article circonstancié publié sur ce blog le 28 novembre 2017.

     

     

     

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    A la fin des années 50, très probablement à La Carlina, Léon Degrelle se fait photographier avec son uniforme en compagnie de son ami, le Standartenführer (colonel) Otto Skorzeny. On remarquera les pattes de col portant les insignes de Standartenführer cousus par l'officier d'ordonnance Robert Du Welz au petit matin du 2 août 1945.

    Le mariage à Madrid de la dernière fille de Léon Degrelle, Marie-Christine, avec un jeune avocat galicien, le 9 octobre 1969, fut à nouveau l'occasion d'un hourvari médiatique. Le journal flamand Telstar (hebdomadaire aujourd'hui disparu), en profita pour s'interroger sur les ressources financières de « Don León José de Ramírez Reina alias Léon Degrelle ». Et d'obtenir cette intéressante conclusion d'Otto Skorzeny : « Les initiés savent en effet que Léon Degrelle a connu financièrement aussi bien des hauts que des bas. C'est surtout son ami Otto Skorzeny, le libérateur de Mussolini, qui a toujours été présent pour le protéger quand les choses allaient mal. Skorzeny est le représentant de grandes entreprises en Espagne et n'a jamais laissé tomber son camarade Léon. Son explication toute sereine :

    Herr Léon était général SS. Et moi, colonel. Ainsi tout est dit. »

    (Telstar, 18 octobre 1969, p. 7)

     

     

     

    Un gendre collabo face à un beau-père patriote ?

     

    Allez ! Un dernier ragot pour la route : il nous éclairera sur l'étendue de la conscience professionnelle de ce docteur en histoire qui ne lit que superficiellement ses documents et, surtout, ne vérifie pas ses informations, ou plutôt ce qu'il a compris de ses lectures.

     

     

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    C'est ainsi que Rodríguez va nous élucubrer toute une faribole sur la rupture des relations entre Léon Degrelle et Marcel Lemay, son beau-père : « Mais du reste de la famille, [Degrelle] ne devait avoir que peu de nouvelles. Il vivait depuis des années dans un isolement physique et émotionnel, sans échanger de courrier avec sa femme ou sa belle-famille, avec lesquels les relations s'étaient détériorées depuis longtemps. Son beau-père avait trouvé la mort sur le front d'Alsace en combattant les Allemands et au moins un de ses beaux-frères s'était également battu contre la Wehrmacht. Le fait que Degrelle ait combattu sous l'uniforme allemand semble suffire à expliquer la rupture, mais il y a une autre raison, très commentée par la famille : sa fille Anne assure que le pire pour eux fut qu'il clôtura un de ses meetings en lançant le cri Heil Hitler ! ; il fit de même pour l'éditorial du Pays réel du 1er janvier 1941, intitulé Salut à 1941. » (p. 188).

     

     

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    Le contexte de cette publication est également des plus intéressants, car cet éditorial de Nouvel-An est significativement placé à côté de la proclamation de Nouvel-An d'Adolf Hitler annonçant la poursuite de l’œuvre politique du national-socialisme : garantir les droits élémentaires de l'homme à tous ceux qui n'ont rien.

     

     

    Le problème, c'est que Rodríguez embrouille la chronologie à plaisir, mélangeant dates et faits comme s'ils étaient strictement contemporains. À le lire, quand l'armée allemande est passée à l'offensive, le 10 mai 1940, les relations du chef de Rex avec son beau-père « s'étaient détériorées depuis longtemps », « depuis des années » même. La preuve étant que Marcel Lemay fut tué « sur le front d'Alsace en combattant les Allemands », alors que Léon Degrelle combattait « sous l'uniforme allemand », après avoir lancé « le cri Heil Hitler ! »... À l'appui de sa brillante démonstration, il invoque, dans ses Références bibliographiques et archivistiques, le témoignage irréfragable de Léon Degrelle lui-même : « S'agissant des données relatives à la famille Degrelle durant la guerre mondiale et l'après-guerre : la mort du beau-père, dans La Cohue de 1940, pp. 42-43 [...] » (p. 380).

     

    Apprenons donc au professeur d'université qu'au moment de l'invasion allemande, Léon Degrelle ne portait pas l'uniforme allemand et ne criait pas « Heil Hitler ! », mais avait été jeté en prison (ce blog aux 30 avril et 6 mai 2017). Quant à La Cohue de 1940, le professeur devrait certainement apprendre à lire ! « Je retrouvai à Paris [pour les fêtes de Noël 1939], venant directement de la ligne Maginot, mon beau-frère, jeune candidat officier, et mon beau-père, capitaine de réserve, qui, malgré ses cinquante-sept ans, avait lâché ses usines et était reparti gaillardement, comme volontaire, au front d'Alsace ; il allait mourir pour la France quelques mois plus tard. » (p. 43).

     

     

     

    PR 1936.09.12 Jean Lemay Espagne1.png

    Le Pays réel, 12 septembre 1936.

     

     

    Notons tout d'abord que les relations « détériorées depuis longtemps » avec son beau-père n'ont manifestement pas empêché Léon Degrelle de passer les fêtes de Noël 1939 avec lui et « au moins un de ses beaux-frères ». Rien de plus normal puisque ce beau-frère n'est autre que le très rexiste Jean Lemay, sous-lieutenant de l'armée française. Jean Lemay accompagna ainsi, en septembre 1936, les envoyés spéciaux du Pays réel (José Streel, Hubert d'Ydewalle, Serge Doring) dans leur visite du front nationaliste en pleine guerre civile espagnole.

     

     

    PR 1940.10.26 Mort Marcel Lemay.png

    Notons également que le beau-père Marcel Lemay n'est pas mort au front au cours de la Bataille d'Alsace en juin 1940. Léon Degrelle l'avait pourtant bien écrit noir sur blanc : « il allait mourir pour la France quelques mois plus tard », c'est-à-dire le 5 octobre 1940, à Eyliac, dans sa propriété de Dordogne (ce blog au 13 mars 2023). Son faire-part mortuaire publié dans Le Pays réel le 26 octobre 1940 reste assez vague sur les causes du décès, le déclarant « mort des suites de la guerre ». Comme le confiera son fils Michel à Philippe Dutilleul, réalisateur du film La Führer de vivre (février 2009, ce blog au 20 décembre 2022), son père serait plus sûrement mort « de chagrin » (L'Avenir, 26 mars 2009).

     

    Chagrin causé par la défaite humiliante de la France ? Chagrin causé par la captivité subie par son fils Jean dans un camp de prisonniers en Allemagne (la famille Lemay demandera d'ailleurs à Léon Degrelle d'intervenir pour sa libération : ce blog au 20 décembre 2022) ? On ne sait, mais ce chagrin ne fut certainement pas causé par un désaccord avec les positions politiques de son beau-fils, car un tel différend n'exista jamais, Rodríguez se gardant bien de citer la suite du texte de La Cohue de 1940 : « Je passai une semaine avec eux, blaguant, flânant. Mon beau-père et moi étions des amis intimes. J'admirais son patriotisme bruyant et incandescent. Son devoir à lui, Français, une fois la guerre engagée, était de se battre. Mon devoir à moi, Belge, tant que la guerre épargnait la Belgique, était d'éviter à mon pays cette catastrophe tout en lançant à l'Europe les derniers appels pacifiques qui pourraient encore, peut-être, la sauver des abîmes de feu et de sang vers lesquels elle se précipitait. » (p. 43).

     

    Il n'y eut donc jamais le moindre différend entre Marcel Lemay et Léon Degrelle, qui étaient « des amis intimes ». L'industriel tournaisien fut même le principal soutien financier de son gendre, participant, par exemple, au sauvetage des presses de Rex en 1934 à hauteur de 200.000 francs (+/- 18.000 euros), au financement des campagnes électorales du mouvement (500.000 francs –45.000 euros– en 1937 ; 800.000 francs –71.000 euros– en 1938) ainsi qu'à l'établissement du couple Degrelle à la Drève de Lorraine en 1939 (un prêt de 600.000 francs, ce blog au 13 mars 2023). Tous ces dons étaient parfaitement connus de tous, suscitant d'ailleurs le persiflage de la presse antirexiste.

     

     

    DH 1938.10.27 Drève Lemay.png

    Caricature parue en « une » de La Dernière Heure le 27 octobre 1938 (les élections communales du 16 octobre ne furent pas un succès pour le mouvement rexiste en crise depuis le revers électoral de 1937 : ce blog au 22 mai 2024).

     

     

    Cette fable de la rupture de la confiance et des relations entre le père et le grand-père d'Anne Lemay[-Degrelle] fut probablement inventée par la grand-mère, Jeanne Caton et ce, comme nous l'avons établi (ce blog au 24 janvier 2023), par sa « volonté de se montrer, après-guerre et par grégarisme opportuniste, le plus antihitlérien possible » afin de sauver autant que possible la florissante entreprise familiale. Mais qu'un historien reprenne cette fiction sans la moindre vérification et en triturant encore plus gravement la chronologie relève du mensonge, plus encore que de la mauvaise foi !

     

    Précisons aussi qu'après avoir défendu la politique officielle de la Belgique qui était celle de la neutralité, réaffirmée encore par le roi Léopold III à la fin de 1939 (ce blog au 20 mai 2018), Léon Degrelle qui, en tant qu'aîné de famille nombreuse, avait été exempté du service militaire (ce blog au 31 juillet 2017), demanda à s'engager dans les troupes belges, exactement à l'image de son beau-père (ce blog au 7 mai 2016).

     

    Alors, amalgamer la mort en 1940 du grand-père –prétendument tué au combat– au Heil Hitler tactique de janvier 1941 (destiné à rappeler au Führer la nécessité d'une politique nationale-socialiste en Belgique plutôt que la réactivation d'une Flamenpolitik par les hobereaux prussiens d'occupation : ce blog au 18 mai 2017) censé aggraver le port de l'uniforme allemand de juillet 1941 (héroïque participation à la croisade antibolchevique, nécessaire au retour respecté de la Belgique dans le concert des nations de l'Europe d'Ordre nouveau), ressortit à la diffamation. D'autant que, nous le savons aujourd'hui, malgré les contorsions des historiens officiels, aucune de ces actions de Léon Degrelle inspirées par un patriotisme qui n'avait rien à envier à celui de Marcel Lemay ne fut jamais condamnée par le roi, disposé d'ailleurs lui-même à jurer allégeance au Führer (ce blog au 28 juin 2017) !

     

     

     

    AH Léopold Bercht. 1940.11.16.jpg

    Affiche contre le retour du roi Léopold III soumis au référendum du 12 mars 1950 ; « Auteur responsable : Salomon Deloye Place Cardinal Mercier, Ougrée. Imprimerie Union coopérative, 26 place Saint-Lambert Liège – Directeur : J. Malaise »

     

    Après avoir grossièrement refusé de rencontrer Adolf Hitler en visite à Bruxelles le 1er juin 1940 (ce blog au 28 juin 2017), le roi Léopold III fut tout heureux de se voir accorder, grâce à l'entregent de sa sœur Marie-José, épouse du fils du roi d'Italie, un entretien avec le Führer, qui se tint à Berchtesgaden, le 19 novembre 1940 (et non le 16 comme indiqué sur ce placard). Cette rencontre conforta le souverain dans sa détestation du régime parlementaire et son inclination pour l'Ordre nouveau. Même si le cours des événements imposa finalement une indispensable marche arrière, il n'en reste pas moins que sa volonté communiquée par l'omniprésent secrétaire du Roi, le comte Capelle aux démentis à posteriori systématiques, encouragea aussi bien Léon Degrelle et les Volontaires au Front de l'Est, que des journalistes comme Robert Poulet à collaborer avec le Reich national-socialiste dans une perspective toute patriotique (ce blog au 25 mai 2016).

    Ce qui explique les contorsions embarrassées des historiens de cour, tel, par exemple, Martin Conway : « En fait, dans cette matière [l'attitude du Roi favorable à la Légion] comme dans tant d'autres relatives aux faits et gestes de Léopold III et de son entourage durant la guerre, beaucoup dépend de l'interprétation que l'on fait de certains commentaires assez réservés par ailleurs. » (Degrelle, les années de collaboration, p. 107). Le même Conway devant admettre du bout des lèvres que « des rumeurs persistent au sein de Rex et de la Légion selon lesquelles tous ceux qui ont demandé l'avis de la Cour n'ont pas été déconseillés de se battre en Russie. » (p. 108).

     

    Léopold III AH Berchtesgaden.pngIl est vrai que les témoignages abondent sur une réserve royale finalement assez peu réservée :

    « Le Comte Capelle m'a dit que le Roi était tout a fait favorable à la Légion, mais qu'il ne pouvait le manifester publiquement. » (Pierre Daye, in Recueil de documents établi par le Secrétariat du Roi concernant la période 1936-1949, p. 366).

     

    « Le 8 août 1941, [le Roi] dit à Capelle : [...] Sans être admirateur de Hitler, il faut reconnaître qu'il essaie de mettre de l'ordre dans son pays et d'inculquer l'esprit de discipline dans la jeunesse. [...] S'il ne parvient pas à abattre le bolchevisme, nous connaîtrons, après la guerre, le plus grand danger que l'Humanité ait jamais connu et que ne veulent pas soupçonner actuellement les esprits à courte vue. » (in Jan Velaers et Herman Van Goethem, Léopold III en Belgique, sous l'Occupation, in Léopold III, Éditions Complexe, p. 160).

     

    « le Roi me demanda un jour (en été 1940) si je croyais que dans une Europe fédérée sous l'hégémonie allemande, il pourrait en tant que Roi prêter à Hitler un serment comportant une certaine allégeance, comme dans le Reich d'antan les monarques à l'Empereur. [...] Après l'entrevue de Berchtesgaden en novembre 1940, le Roi me dit à plusieurs reprises que [...] il avait été profondément impressionné par la personnalité de Hitler. Au printemps de 1941, il alla même un jour jusqu'à dire : C'est un homme comme il en naît un tous les mille ans”. » Henri de Man, Le Dossier Léopold III, Éditions des Antipodes, p. 33).

     

    Pour un point sur les relations entre Léopold III, Adolf Hitler et Léon Degrelle, voir ce blog au 28 juin 2017. Mais c'est très volontiers que nous conclurions avec le malheureux Victor Matthys, condamné à mort par les tribunaux de la répression : « La moindre conclusion que l'on en tire, après les entretiens de Berchtesgaden, est [que le Roi] se réserve d’approuver le vainqueur. » (ce blog au 7 juin 2018).

     

    Dessin extrait d'une caricature anonyme publiée en 1940 par la Ligue d'Action wallonne

     

     

    Nous terminerons là notre revue largement incomplète des ragots et autres médisances de Rodríguez car c'est la réécriture complète du bouquin que la correction de ses billevesées imposerait...

     

    Cela ne veut néanmoins pas dire que nous allons maintenant quitter l'ouvrage du docte cathédrant car, –divine surprise !–, le lecteur pourra tout de même trouver quelques précieux renseignements inédits... cachés sous le manteau du Caudillo !

     

     

    À suivre

     

  • Les mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay

    VI. Des « histoires » aux allures de méchantes

    carabistouilles !

     

    1.LD+Anne Dispute.jpg

    « J’ai commencé à connaître beaucoup de facettes de la personnalité de mon père. Je suis devenue son principal inquisiteur. Mes interrogatoires étaient constants. […] C’était un incroyable raconteur de carabistouilles […]. Mes questions délicates, pleines de pièges involontaires, fruits de mon esprit cartésien, lui posèrent plus d’un problème » (p. 93).

     

    2.Anne Degrelle Couverture.jpgMalgré son titre Degrelle, l’homme qui changea mon destin, les mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, comme nous l’avons constaté (ce blog depuis le 23 octobre 2022), ne nous apprennent pas grand-chose sur la vie d’exil de Léon Degrelle en Espagne. Et nous doutons que, malgré leurs demandes pressantes, la curiosité des arrière-petits-enfants du fils qu’Adolf Hitler se fût choisi pourra s’en satisfaire. Surtout si leur source d’informations privilégiée n’est que leur grand-mère : « Ils me demandent souvent : “Grand-mère, comment vont tes mémoires ?” Je leur ai tellement parlé de leur bisaïeul, qu’ils veulent en savoir plus. Les conversations surgissent sans crier gare dans n’importe quelle réunion familiale, avec des questions et parfois des discussions passionnantes. La troisième génération s’intéresse et veut en savoir davantage. […] Je suis particulièrement fière en voyant leur curiosité pour se rapprocher de cet arrière-grand-père qu’ils ne connaissent que par ses livres et les histoires que leur raconte leur grand-mère. » (p. 165).

    N’oublions pas que le titre de son livre, L’homme qui changea mon destin, s’articule autour de deux personnages : l’homme Léon Degrelle, présenté comme le principal acteur (c’est lui qui agit sur le destin de l’autre) et Anne Degrelle-Lemay qui va raconter cet homme si important qu’il « changea [son] destin ».

    Mais au bout du compte, c’est plutôt le second personnage qui tire la couverture à lui comme elle le laisse entendre à la fin de ses mémoires : « cette biographie n’est pas la mienne en tant que telle, mais plutôt celle d’une fille d’un politique, un poète, un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai essayé de juger, toujours selon mes critères propres. » (p. 141). C’est donc bien d’elle qu’il s’agit principalement, surtout lorsqu’elle parle de son père, ou plutôt lorsqu’elle le juge, uniquement « selon [ses] critères propres », non autrement précisés.

    Relisons donc son livre dans la perspective autobiographique : comment se raconte-t-elle ? comment présente-t-elle ses relations avec sa famille et ses proches ?...

     

    3.Pays réel 1936.07.27 Naissance Anne.JPG

    Le Pays réel du 27 juillet 1936 annonce en première page la naissance, deux jours plus tôt, d’Anne, la petite sœur de Chantal Degrelle.

     

    Ce n’est que passé le milieu de son texte qu’Anne Degrelle évoque sa naissance, qui la relie directement au chef de l'Italie fasciste : « [Mon père] me raconta que le jour de ma naissance, il était à Rome et que c’est Mussolini qui lui communiqua l’heureuse nouvelle : le 25 juillet 1936. » (p. 102). Ce qu’elle ne dit pas, c’est que son nom même était un hommage au Duce puisqu’il reprenait celui d’Anna Maria, son dernier enfant, née sept ans auparavant : « J’ai passé avec [Mussolini] une huitaine de jours passionnants, presque familiaux, puisqu’il m’a annoncé lui-même la naissance de ma fille Anne, à qui j’ai donné le prénom de sa dernière fille à lui. » (Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle. Persiste et signe, p. 175).

    Détail curieux : dans une autre interview, à Jacques de Launay, Léon Degrelle se serait trompé sur le jour de la naissance de sa fille en donnant une date plus tardive de deux jours (mais probablement ne s’agit-il que d’une erreur de transcription du journaliste-historien) : « Je l’ai vu [Mussolini] pour la première fois, trois mois après ma victoire électorale du 8 mai 1936, avec 21 sièges de députés, voyons, c’était le jour de la naissance de ma fille Anne, le 27 juillet 1936. » (Jacques de Launay, Histoires secrètes de la Belgique, 1935-1945, p. 198) !

     

    4.Chantal+Anne St-Nicolas 1943.jpg

    Drève de Lorraine, 6 décembre 1943 : les sages petites Chantal et Anne ont reçu leurs cadeaux de Saint-Nicolas. Parmi ceux-ci, un petit magasin d’épicerie a été déposé sur l’imposante malle au décor floral du XVIIe siècle trônant dans le hall d’entrée.

     

    De sa prime enfance à la Drève de Lorraine, Anne ne conserverait que de rares souvenances, mais suffisamment précises pour donner de sa maison une description quasi architecturale (en n’oubliant surtout pas l’indispensable note culpabilisatrice sur la « ruine familiale ») ; « Je me souviens comme si c’était hier que la première chose qu’on voyait en entrant dans la maison, en haut de l’escalier monumental, c’était cette Louve capitoline allaitant deux enfants, Romulus et Remus. Mon père était amoureux de la Rome impériale, passion que j’ai héritée de lui, et innombrables étaient les vestiges et témoignages de cette merveilleuse civilisation qu’on retrouvait à travers toute la maison : livres, vitrines, mosaïques, reproductions de sculptures, etc. L’art était sa passion, à l’égal de la politique qui entraîna plus tard notre ruine, mais je parlerai de cela plus tard. […] à cinq ou six ans, j’avais l’habitude d’aller explorer le reste de la maison : les salons aux meubles du XVIIIe siècle français, la salle à manger que j’examinais quand il allait y avoir un dîner important et je regardais, bouche bée, cette table merveilleusement dressée, ces fauteuils, ces lumières… Et le bureau de mon père ! Un bureau où il se rendait invisible à nos yeux. Je me souviens qu’on ne voyait pas les murs : uniquement des livres et des tapisseries flamandes […]. Je fouillais ces tapisseries en cherchant une ouverture pour entrer car la porte restait fermée… Et alors, je restais à observer ce beau monsieur, élégant, magique… mon père. Et tout à coup, il me voyait, éclatait de rire et me prenait dans ses bras. Pour quelques secondes, il était à nouveau mon père. […] Je n’ai aucun souvenir cependant de fêtes d’anniversaire, de premières communions, de vacances en famille » (p. 15).

     

    5.Chantal+Anne Bureau Drève.jpg

    Chantal et Anne s’amusent dans le bureau de leur père : leur petite table à dessin est placée devant la cheminée ; à l’arrière-plan, on distingue un impressionnant globe terrestre du XVIIIe siècle.

    Les moments heureux en famille à la Drève de Lorraine évoqués par Léon Degrelle, alors qu’Anne avait cinq ans, dans le Degrelle m’a dit de la Duchesse de Valence n’eussent-ils pas pu stimuler ses souvenirs ? D’autant plus que sont évoquées à leur appui les mêmes photos que celles dont parle Anne (p. 148, ce blog au 23 janvier 2023) : « Père affectueux, il n’avait jamais manqué, même aux heures les plus tumultueuses de son action, d’être le compagnon de ses enfants. Il jouait avec eux, leur racontait mille histoires amusantes et naïves.

    Papa, t’es un comique ! lui répétait, ravie, sa petite fille Annette.

    Il avait alors trois petites filles en vie, Chantal, Annette, Godelieve (Godelieve veut dire en flamand, petite amie de Dieu) et un garçonnet qui s’appelait Léon-Marie. Libre pendant des heures, chaque jour, Léon Degrelle courait les bois avec eux, durant ce bel été 1941, leur expliquant la vie des animaux et des plantes, leur développant de jolies légendes, ou bien jouait avec eux, plus enfant qu’eux, dans les fleurs ou les foins coupés de sa prairie. Il existe de lui de charmantes photos d’alors. Ses enfants sont blottis près de lui. » (pp.356-357).

    6.Dreve de Lorraine 1943.jpg

    Les enfants de Léon Degrelle, Annette, Godelieve, Léon-Marie et Chantal, profitent de la permission de leur papa (ici en civil, en avril 1943) pour se blottir près de lui, le temps d’une photo.

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  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

     

    V. Les lacunes historiques d’Anne…

     

     

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    Léon Degrelle a tout fait pour retrouver ses enfants, pas seulement matériellement en les accueillant en Espagne où ils firent leur vie, sauf Léon-Marie victime d’un accident mortel après quelques mois et Chantal qui était déjà mariée en France, mais affectueusement surtout. De la part d’Anne, cette affection fut-elle réciproque, spontanée et sincère ? Oui, nous affirme-t-elle avec assurance. Et nous n’avons aucune raison de ne pas la croire. Mais l’édition de cette « espèce de journal à destination de mes enfants et de mes petits-enfants » (p. 169) est-elle bien sans arrière-pensée ? Ses enfants pourraient-ils vraiment y trouver un portrait authentique de « Degrelle, L’homme qui changea [le] destin » de leur mère et grand-mère ?

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgDepuis que nous avons commencé la présentation du livre de mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, nous n’avons pu que souligner la carence et le biaisement continuels de l’information (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

    Destiné surtout –affirme l’auteur– à mieux faire connaître à sa famille la vie, la pensée, l’idéal de leur grand-père et arrière-grand-père (« Je leur ai tant parlé de leur aïeul qu’ils veulent maintenant en savoir davantage », p. 165), ce livre ne pouvait passer sous silence la première moitié de la vie de Léon Degrelle. Encore qu’il ne dise pratiquement rien de l’enfance, des années d’université (un mot sur le journal L’Avant-Garde, un autre sur Mgr Picard et les Cristeros mexicains, p. 87)… Sur Rex, rien non plus, à part l’intérêt pour la politique sociale nationale-socialiste (p. 109, sans expliquer qu’en évoquant le régime hitlérien, la presse rexiste ne faisait alors que remplir sa mission d’information ni que le Führer y fut éreinté, pratiquement jusqu’à la capitulation de la Belgique) ou la politique de neutralité, « une clairvoyance [de la part de Léon Degrelle, qu’Anne estime] semblable à celle de Charles Maurras, un de ses grands amis »… que son père n’a –malheureusement– jamais rencontré ! (p. 110).

     

    Même si elle a la Belgique en horreur (« Je dois reconnaître que le coup de foudre n’était pas seulement pour [mon père], mais pour l’Espagne que j’aimais déjà autant sinon plus que la France et surtout que la Belgique que je haïssais depuis tant d’années pour tout le mal qu’elle fit à ma famille », p. 73), Anne se devait d’en expliquer l’originalité à ses enfants pour qu’ils comprennent mieux l’action de leur grand-père aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure de Rex que pour le recrutement des Légionnaires du Front de l’Est. Mais là aussi, on nage dans l’imprécision et l’ignorance : « Nous savons que la Belgique se divise en deux régions, la Wallonie et la Flandre. Des cultures différentes, des langues différentes, des spécificités différentes. En Wallonie, on parle français, en Flandre le flamand, le néerlandais ainsi que l’allemand. » (p. 133). Outre que le flamand, sauf à le considérer comme un patois, est la même langue que le néerlandais effectivement parlé en Flandre, l’allemand n’est, quant à lui, parlé que dans les cantons de l’est, à la frontière allemande, c’est-à-dire enclavés en Wallonie.

     

    Anne semble également ignorer les origines françaises de son papa (une fois, p. 23, elle le présentera pourtant comme « belgo-français » : voir plus loin). Toujours est-il que, dans un texte écrit en 1949 expressément pour ses jeunes enfants dont il était séparé depuis plus d’un lustre (l’aînée, Chantal, avait quinze ans ; Anne, treize ; Godelieve, onze ; Léon-Marie, dix et Marie-Christine, cinq) et qu’Anne doit nécessairement connaître, son père ne manque pas de détailler : « Edouard Degrelle [le grand-père d’Anne] était né à Solre-le-Château, ville française, puisque l’Ardenne est coupée par la frontière belgo-française, ligne arbitraire, souvent modifiée, région pleine de simplicité et de noblesse. Elle était originaire de Gonrieux et pendant deux cents ans, avait porté le nom de cette terre. Les le Grêle de Gonrieux avaient cette devise qui fait croire qu’ils n’étaient pas costauds, mais qu’ils étaient bien décidés à vivre : Grêle est, mais croîtra ! Les Degrelle de Solre-le-Château habitaient depuis plusieurs générations une grande maison à pignons, blanche et vaste. Deux cent quatre-vingt huit Degrelle y étaient nés. Les familles étaient nombreuses, un Livre de Raison remontant à 1589 en fait foi ». (Léon Degrelle, Mon Combat, s.l., s.d., p. 20). Usmard Legros, le premier biographe de Léon Degrelle précise que 1589 est en fait l’année de naissance, à Sains-du-Nord (Avesnois), du « plus lointain ancêtre connu, Martin de Grelle » (Un homme… un chef. Léon Degrelle, 1937, p. 24).

    Degrelle Solre-le-Château.jpgMonument funéraire de la famille Degrelle dans le cimetière de Solre-le-Château (nord de la France). Cette concession à perpétuité fut élevée par Constantin-Joseph Degrelle (1784-1869), l’arrière-grand-père de Léon.

    « Mon père était d’origine wallonne. Il était né dans un beau village des Ardennes appelé Bouillon. Sa langue maternelle était le français. Et les zones aux nombreux conflits sociaux, régions minières et industrielles, étaient en terre flamande. » (p. 100) Sauf que les zones industrielles minières –à part un site dans le Limbourg flamand– se trouvent toutes en région wallonne, dans les provinces de Liège et du Hainaut, fiefs de la gauche socialiste et communiste avant de devenir terreau rexiste (c’est pourquoi l’hommage à la Légion Wallonie célébrant le succès de la percée de Tcherkassy, le 1er avril 1944, débuta à Charleroi : ce blog au 7 mars 2022).

     

    Quand Anne se mêle de l’histoire politique de son père, ce n’est pas mieux, incapable, par exemple, de situer correctement les relations de la famille Lemay avec son père :

    « Toute la famille de ma mère, à cette première époque de sa vie politique, le soutenait inconditionnellement. Elle partageait avec des milliers de personnes (âgées et jeunes, aisées ou pauvres) cette foi en un homme honnête décidé à lutter pour leurs droits. […] Mon père, un homme de principes et catholique jusqu’à la moelle, amoureux de sa Belgique natale, vit en Hitler un créateur d’hommes, un chef qui avait sorti son pays aux millions de chômeurs de la misère économique et lui avait rendu l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier “Heil Hitler”. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (p. 18).

    Sans doute parce que sa famille maternelle lui aura répété mille fois cette histoire, Anne Degrelle-Lemay se crut autorisée à revenir plus précisément sur les circonstances de la rupture de sa famille maternelle avec Léon Degrelle, les rendant du coup encore plus invraisemblables.

    C’est ainsi qu’Anne situe cette rupture des Lemay avec son père à l’époque des retentissants « Six Jours de Rex » : ils furent organisés du 19 au 24 janvier 1937 au Palais des Sports de Bruxelles et accueillaient chaque jour quelque quinze mille personnes payant chacune au moins 5 francs pour écouter Léon Degrelle :

    « Mais ce que mon père ne m’a pas dit alors et que je n’ai appris que bien des années plus tard de la bouche de ma grand-mère maternelle, c’est qu’à la fin du sixième jour, il commenta le succès de la politique hitlérienne en faisant de son chef un exemple à suivre et en exprimant ouvertement son admiration naissante pour lui. Il termina le meeting par un “Heil Hitler !” qui déclencha une polémique sauvage dans le monde politique –mais aussi citoyen– de l’époque. Mon grand-père maternel et toute la famille Lemay, jusqu’alors admirateurs de son combat aux racines profondément chrétiennes, commencèrent à l’écouter avec un certain scepticisme. » (p. 92).

     

    Pays réel 1937.01.21.JPG

    Reportage du Pays réel, le 21 janvier 1937.

     

    Plus loin, Anne confirmera les limites strictement patriotiques du soutien des Lemay, qui furent alors inexorablement atteintes (mais il ne s’agit plus du meeting « du sixième jour », c’est même le tout premier) : « C’est au cours du premier meeting qu’il commença à commenter les résultats de ce chef de l’Etat allemand. Déjà, il ne dissimulait pas son affinité avec lui aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure que son aversion naissante qui finirait rapidement par devenir le but principal de son combat : Staline et son communisme. A partir du moment où il commença à adhérer tacitement [sic !] aux projets d’une future lutte européenne contre l’URSS emmenée par l’armée allemande –qui avait envahi son propre pays–, ses meetings se limitèrent à faire du recrutement. Dans la famille Lemay –celle de ma mère– cela provoqua un rejet total et certainement aussi dans de nombreuses autres familles qui ne pouvaient même pas imaginer laisser leurs fils aller se battre coude à coude avec l’envahisseur de leur pays, aussi noble que soit le but commun. » (p. 142).

    Tout le monde sait que le discours de Léon Degrelle se terminant par la profession de foi en l’avenir national-socialiste de l’Europe nouvelle fut prononcé le 5 janvier 1941 et non en 1937 à l’occasion des « Six Jours de Rex » : les différents thèmes traités dans les cinq discours prévus à cette occasion (le samedi était réservé à un « gala artistique ») ne pouvaient en aucun cas se clore (ni commencer !) par le salut à celui qui, à ce moment, était occupé à redresser l’Allemagne :

    - Les scandales et la révolte des citoyens
    - Rex reconstruira l’Etat
    - Justice sociale – Paix flamande
    - La jeunesse – Les valeurs morales – L’Eglise
    - Au-delà des partis : la Patrie !

     

    Pays réel 1937.01.25.JPG

    Reportage du Pays réel, le 25 janvier 1937. La photo montre Léon Degrelle et son épouse Marie-Paule, née Lemay, assistant au gala artistique de Rex, le samedi 23 janvier, organisé dans la salle de concert de la Société royale de la Grande Harmonie, peu avant sa démolition laissant place à l’actuelle place de l’Albertine, face aux bâtiments de la nouvelle Bibliothèque Royale.

     

    Si donc, après-guerre, Belle-Maman Lemay a raconté à Anne que c’est dès 1937 que son mari et sa famille prirent leurs distances avec Léon Degrelle à cause de sa proximité soudainement affichée avec l’horrible Hitler, ce ne peut s’expliquer que par leur volonté de se montrer, après-guerre et par grégarisme opportuniste, le plus antihitlérien possible.

    C’est ainsi qu’Anne rapporte la rupture des Lemay en assénant les contresens les plus invraisemblables à propos des raisons de l’engagement de son père aux côtés de l’Allemagne nationale-socialiste : « Mon père […] vit en Hitler […] un chef qui avait […] rendu à son pays l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier Heil Hitler. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (pp.17-18) Comme si Léon Degrelle avait non seulement accepté, mais cautionné à l’avance l’invasion de son pays par le Troisième Reich !

    Plus loin, Anne enfonce encore ce clou inepte pour souligner l'entêtement coupable de son père : « Je crois sincèrement qu’à cette époque déjà [août 1944], ma mère ne partageait plus les idéaux de son mari belgo-français qui combattait aux ordres d’un chef dont le seul but était de se rendre maître de l’Europe. » (p. 23).

    Anne ne peut pourtant pas ignorer les explications fournies par son père dans le document écrit en 1949 dont nous venons de parler. On y lit : « La Collaboration signifiait pour Léon Degrelle l’épanouissement de son pays dans une Europe unie et réconciliée. Il se ralliait à une politique de collaboration européenne non pas par sympathie pour l’homme Hitler et parce qu’il était allemand, mais dans la mesure où il était devenu européen et où il synchronisait toute la symphonie européenne pour en faire un chant plein de grandeur et d’harmonie. » (Mon Combat, p. 209). Prouvant qu’il ne s’agit pas d’explications a posteriori, il cite également quelques écrits de l’époque, publiés dans Le Pays réel, entre autres, celui-ci : « La rupture des carcans européens, l’organisation de l’Europe en une entité cohérente, va ramener le vieux Leo Belgicus à ses destinées nationales. Dans l’Europe d’Hitler, nous allons être une incomparable jetée de l’Europe centrale vers la mer du Nord et les Océans ; un confluent fabuleux des richesses du Continent et des autres mondes. » (Le Pays réel, 20 avril 1941).



    Pays réel 1941 08 09.pngEst-ce involontairement qu’Anne se fait tout de même l’écho des véritables raisons de l’engagement des milliers de Belges qui prêtèrent un serment de fidélité à Adolf Hitler dans la guerre contre le bolchevisme ? « J’ai expliqué les raisons pour lesquelles ils partirent pour le front de l’est : avant tout, pour recouvrer des droits pour leur pays, pour le représenter avec honneur et, en définitive, pour lutter pour l’Europe. » (p. 142).

    Mais les Lemay constituant désormais sa famille de prédilection, elle est bien obligée de leur donner raison en approuvant leur condamnation anticipative (et patriotique !) de la participation des rexistes et autres partisans de l’Europe nouvelle à la croisade antibolchevique aux côtés des Allemands ayant envahi la Belgique !

    Mais cela ne serait-il justement pas le tout premier chef d’accusation qui valut la condamnation à mort par contumace de Léon Degrelle par le Conseil de Guerre de Bruxelles, le 27 décembre 1944 ? A savoir « Avoir porté les armes contre la Belgique et ses alliés » ? Sauf qu’il fallut quand même attendre un arrêté-loi pris à Londres le 17 décembre 1942, pour déclarer les soviétiques alliés de la Belgique, c’est-à-dire près d’un an et demi après l’entrée en action de la Légion Wallonie et Léon Degrelle, et neuf mois après l’arrivée du second contingent emmené par John Hagemans (ce blog au 26 août 2022) !…

    [Ici, nous ne résistons pas à l’opportunité de vous présenter un petit intermède qui serait comique s'il n'était malséant, offert par le clown Proprof de l’Université de Liège, l’inénarrable Besace (ce blog au 30 juin 2016) qui avait déjà minimisé les atrocités de l’épuration en parlant d’excès aux limites acceptables et des pistolets-mitrailleurs de la Résistance qui partaient tout seuls (ce blog au 8 novembre 2019). Ici, il s’étouffe à l’idée qu’on puisse ne pas trouver judicieuses ces lois rétroactives et nous propose donc son « regard particulier » sur le sujet : « Les arguties juridiques invoquées par les combattants de l’Est quant au caractère rétroactif de la législation qui leur était appliquée parce qu’une circulaire interprétative étendait à l’URSS la notion d’ “allié” de fait, ne tenaient guère devant une évidente réalité : endosser le feldgrau quelques mois après l’invasion [en fait, quinze mois quand même, soit le quart de la durée de toute la guerre !] était un péché contre l’esprit bien plus que contre un article du Code pénal. » Il suffisait d'y penser ! Et de promulguer cet ajout dogmatique au Décalogue ! (Francis Balace, “Collaboration et répression en Wallonie : un regard particulier ?”, in Collaboration, répression, un passé qui résiste, Sous la direction de J. Gotovitch & Ch. Kesteloot, p. 53).]

    Malheureusement pour Anne Degrelle-Lemay, nous savons que le patriotisme de sa famille privilégiée fut pour le moins à géométrie variable, notamment par la lettre de Léon Degrelle à l’avocat des Lemay, Jean Thévenet (20 mars 1954) ; le seul Lemay a y être traité positivement est d’ailleurs son beau-père Marcel Lemay, l’époux de Belle-Maman, décédé à l’orée de la guerre et qu’il y appelle son « ami charmant ». On y apprend, entre autres, que Belle-Maman Lemay ne trouvait apparemment pas inconvenant de s’afficher au bras de son gendre « incivique », jusqu’au moins… 1944 et que le fils aîné, Marc Lemay, apporta la bénédiction de sa famille aux volontaires du premier contingent de la Légion Wallonie en partance pour le front de l’Est, le 8 août 1941 ! (ce blog au 20 décembre 2022).

     

    Départ 8 août Gare Nord.jpeg

    L’aîné des fils Lemay ne fut pas seul à venir saluer, le 8 août 1941, à la Gare du Nord de Bruxelles, le départ des nouveaux Croisés pour leur combat sacrificiel contre la menace bolchevique sur l’Europe.

     

    Nous verrons ailleurs (quand nous parlerons de Jeanne Degrelle-Brevet) que Léon Degrelle pouvait parfois s’agacer des lacunes historiques de sa fille. Aussi pourrions-nous nous réjouir que tout ce qui concerne la vie militaire de son père soit directement tiré de ses propres livres. Mais nous allons vite déchanter.

    Les livres de son père lui sont bien sûr l’occasion de célébrer son courage et sa valeur militaire : « Il ne pouvait passer inaperçu. Il s’attira rapidement le respect non seulement de ses hommes, mais aussi des autorités allemandes qui surent voir en lui un soldat courageux, un grand stratège emmenant ses hommes avec courage et intelligence à des victoires et des conquêtes de villes et de régions d’importance capitale sur la route vers Moscou. Des victoires qui lui valurent une ascension fulgurante dans la hiérarchie et les décorations militaires. Les pages de son livre uniquement consacrées aux combats, aux misères, aux tragédies, aux souffrances atroces, je ne vais pas les mettre dans ces mémoires. Ce que je veux souligner, c’est le courage de ce soldat qui parvint à être un des commandants militaires les plus admirés par ses hommes et par les plus hautes autorités allemandes. Elles le respectaient. Il pouvait leur parler d’égal à égal. […] Les décorations étincelant sur son uniforme d’officier rendaient justice à ses progressions régulières dans le commandement militaire. […] J’avais seulement sept ans. Bien qu’on nous tînt, nous les enfants, à l’écart de ces événements, nous savions que nous avions un père qui était un HEROS pour notre entourage. Et quand nous avions l’occasion de le voir entre des meetings et des réunions, l’affection qu’il nous prodiguait compensait les longues absences que nous devions subir. Je possède toujours des photos attachantes de ces rencontres éphémères, dont une, en particulier, sur l’escalier de notre maison de la Drève de Lorraine » (pp. 146 et 148).

     

    LD Drève Anne+Léon-M.+God..jpgEst-ce une des photos dont parle Anne ? En permission après la bataille de Tcherkassy et sa réception par le Führer lui octroyant la croix de Chevalier de la Croix de Fer, Léon Degrelle pose sur les marches de sa villa de la Drève de Lorraine avec Anne, Léon-Marie et Godelieve (février 1944).

    Mais ce que saluera surtout Anne Degrelle-Lemay tout au long de ses citations, c’est le talent littéraire de son père :

    « On devrait étudier le livre de mon père, “La Campagne de Russie”, dans les facultés d’Histoire, sinon de Lettres, car c’est une page de l’histoire de l’Europe et, qui plus est, magnifiquement écrite. Ce n’est pas Victor Hugo, mais c’est un grand auteur. […] “La Campagne de Russie”, cette grande épopée écrite en un français magnifique et traduite en de nombreuses langues, ne cessera jamais d’apparaître dans mes commentaires sur la personnalité de mon père, qui n’était pas seulement un simple soldat, mais un être humain aux profondes racines chrétiennes. […] C’est sur le front du Dnieper que commença l’immense odyssée de cette guerre cruelle, qu’il a magnifiquement racontée dans son livre “La Campagne de Russie”. Je reconnais que la lecture de ce livre ne m’attirait pas dans l’absolu, mais je l’ai terminé fascinée, stupéfaite non pas tant par l’aventure de ces hommes, mais pas la beauté des descriptions de chaque recoin, de chaque village, de chaque rivière, de chaque bois de cet immense et merveilleux pays qu’est la Russie. Ces six cents pages reflètent une lutte acharnée, traversant les régions et les localités aux noms imprononçables pour moi. […] Maintenant que je me suis attelée à la tâche d’entrer dans les pages de ce livre, je me sens difficilement capable de pouvoir refléter le sentiment qui m’envahit et l’admiration pour cet écrivain capable de transmettre de manière magistrale l’état d’âme de ces milliers d’hommes dont il était devenu responsable. […] Le Donetz, le Dnieper, le Caucase, l’Ukraine n’ont plus de secrets pour moi. Cette envie qui m’a prise d’écrire pour partager quelque chose de mes souvenirs m’a amenée à plonger dans la lecture de sa fameuse “Campagne de Russie”. Elle m’a passionnée, émerveillée ; elle m’a fait pleurer… ou sourire car, au milieu de tant de malheurs, ce génie de la plume trouve toujours le mot juste, la pointe sarcastique qui vous éloigne pour une seconde du récit dramatique et si souvent sanglant. […] Chaque description, comme sortie de la palette d’un peintre, parlait avec une sensibilité quasi hors de propos au milieu de cet enfer, de paysages enneigés, de bois dont les branches couvertes de givre brillaient à la lumière du soleil couchant. Des pages d’une beauté absolue : un baume pour le cœur et l’esprit. […] En lisant entre les lignes, je ressens l’angoisse spirituelle qui l’étreignait, lui si croyant, face à tant d’horreur et de morts. Mais “La Campagne de Russie” demeure l’épopée de sa vie qui attire le plus ses adeptes. Alors que pour moi, c’est elle qui a causé le plus de traumatismes dans ma vie. » (pp. 141 et 144-146).

     

    Almas ardiendo1-horz.jpg

    « Le livre peut-être le plus connu en Espagne parmi ses œuvres spirituelles est “Les âmes qui brûlent”, avec une introduction et la traduction de Don Gregorio Marañón, édité dans les années 50. » (p. 166). Première édition d’Almas Ardiendo (jusqu’à aujourd’hui, il y en eut plus d’une douzaine !) aux éditions La Hoja de Roble (« La Feuille de Chêne », avec une « Ilustración de M. A. Dans » : pourrait-il s'agir d'une aquarelle de la célèbre peintre naïve espagnole María Antonia Dans, 1922-1988 ?) fondées à Lora del Rio par Léon Degrelle en 1954. Ci-dessous, l’édition proposée par le président de l’Asociación Cultural Amigos de Léon Degrelle, José Luis Jerez Riesco, en 2009 (avec une photo de couverture inexplicablement inversée et déformée : voir la photo originale ci-avant). Dans des « Paragraphes préliminaires », il propose une méditation sur Les âmes qui brûlent/Les âmes ardentes, inspirée par les Pères de l’Eglise, les philosophes grecs et romains ainsi que la réflexion spirituelle de José Antonio ; il donne aussi de précieux renseignements sur les premières éditions de cet ouvrage, aussi bien en français qu’en espagnol. Actuellement épuisée, le texte de cette édition peut se télécharger (malheureusement sans les Préliminaires de José Luis Jerez Riesco ni le Prologue de Gregorio Marañon).

    Almas ardiendo3.jpg

     

    « Je ne veux cependant pas terminer mon histoire sans consacrer quelques pages au Léon Degrelle poète, philosophe et écrivain, car ce sont les aspects de sa vie que j’ai le plus admirés. Doté d’une grande sensibilité, il a abordé magistralement des thèmes aussi délicats que l’amour, la beauté, la célébration de sa terre natale qui a abouti à “La Chanson ardennaise”. Il n’a jamais perdu la foi en Dieu. Elle le poussa à écrire “Je te bénis ô belle mort”, des poèmes inspirés par l’œuvre de Sainte Thérèse d’Avila. Je les ai gardés longtemps sur ma table de nuit. […] Je conserve dans ma bibliothèque un espace spécial pour diverses brochures, soigneusement éditées, de vers et de réflexions qui montrent un homme profondément spirituel. L’une d’elles est intitulée “Aux mauvais jours” et fut écrite à l’hôpital de Saint-Sébastien en 1945… Une vraie relique. Chaque fois que je la lis, une immense tristesse m’envahit. Dans son long exil, ce qui l’a sauvé, ce fut l’intense vie intellectuelle qui ne l’abandonna jamais. […] Sa plume fut ce qui le sauva mentalement durant son long enfermement dans un sous-sol obscur et, plus tard, lorsqu’il commença à aller mieux, chez notre chère Clarita. C’est chez elle qu’il trouva la paix nécessaire pour continuer à écrire, entre autres, sa “Campagne de Russie”. Il ne répondit jamais à mes questions : que faisais-tu ? de quoi vivais-tu ? Tout ce que je sais, c’est qu’il n’arrêta jamais d’écrire, de la poésie, de l’histoire, tous ces livres magnifiques qui remplirent sa vie en exil. » (p. 166).

    Remarquons au passage que jusqu’à la dernière page de ses mémoires, Anne Degrelle-Lemay aura été incapable de trousser le moindre compliment (ici, sur le précieux don poétique de son père) sans l’assortir de remarques fielleuses sur l’origine de son argent !...

    Mais ces considérations paraîtront bien anodines face aux remises en question d’événements historiques rapportés dans les livres autobiographiques du Commandeur de la Légion Wallonie !

    Rappelons-nous qu’Anne n’a pas hésité pas à traiter son père de « raconteur de carabistouilles » (traduction élégante de « narrador embaucador », termes désignant un narrateur filou, trompeur, escroc, p. 93 ; ce blog au 23 octobre 2022). Elle va maintenant lui attribuer une nouvelle calembredaine… Ou, plutôt, elle va avaliser la thèse des hyènes de l’histoire sur la relation unique développée par Adolf Hitler envers Léon Degrelle. Et ce, à propos de la fameuse phrase « Si j’avais un fils, je voudrais qu’il fût comme vous. » (ce blog aux 12 mai 2016, 21 juin et 20 juillet 2018).

    « Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (p. 154).

     

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    Pour Anne Degrelle-Lemay, l’insigne proximité manifestée par Adolf Hitler envers son père, Léon Degrelle, ne relèverait que d’une fiction romanesque que sa sagacité « cartésienne » serait parvenue à détecter !...

     

    Le regard d’Anne et le sourire de son père tels qu’ici rapportés ne sont pas un regard de confiance et un sourire de bienveillance. Non, le scepticisme qu’aurait ainsi, comme toujours, brandi Anne face aux affirmations de son père rend au contraire son regard dubitatif, sinon incrédule, tandis que le sourire avec lequel aurait répondu son père manifesterait une connivence avec sa fille, tellement « cartésienne » qu’il en reconnaîtrait ainsi sa lucide perspicacité ! Certes, elle ajoute « peut-être que c’était vrai », mais dans ce contexte, comme elle l’a dit ailleurs, cela ne se pourrait que si l’on acceptait de « prendre des vessies pour des lanternes » (p. 93 ; en espagnol : « comulgar con ruedas de molino », communier avec des meules de moulin [à la place d’hosties] !).

    Mais qu’en est-il en réalité ?

    Le récit de la célèbre phrase que le Führer adressa au fils qu’il se choisit est très précisément extrait –nous dit Anne Degrelle-Lemay– de La Campagne de Russie de Léon Degrelle (et présenté d’emblée comme un récit « romanesque » ; nous citons le texte tel que donné par Anne et expliquerons ensuite nos soulignages) :

    « Dans son livre “La Campagne de Russie” [Anne donne le titre en français], il raconte, comme dans un roman, l’aventure de sa rencontre avec Hitler : “17 février. Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. Nous étions sauvés. Nous avions gagné. Le lendemain, notre immense colonne était en marche depuis quelques heures, protégée par les blindés du général Hube. Un petit avion décrivait des cercles au-dessus de nous et finit par atterrir près de nous. C’était un appareil de reconnaissance envoyé par Hitler. Il était à ma recherche. Aussitôt, mes soldats me hissèrent dans l’avionnette. Je traversai, en quatre heures de vol, le sud puis tout l’ouest de la Russie. A la nuit tombée, j’atterrissais à l’aéroport du G.Q.G. Mais dans quel état ! L’uniforme en lambeaux, déchiqueté par tant de corps à corps. Himmler me donna une chemise propre et fit en sorte qu’on arrange ce qu’il restait de mon uniforme. En échange, je laissai dans sa belle salle de bain d’énormes poux furieusement anthropophages. Puis il m’emmena dans sa voiture verte, à une heure du matin jusqu’au lieu de rendez-vous avec le Führer. Je vois encore Hitler s’avancer vers moi, me serrer contre lui et… me remettre le Collier de la Ritterkreuz qui était alors –il ne faut pas l’oublier– la décoration la plus élevée de l’Armée allemande. Il me prit les mains entre les siennes et me dit simplement : “Je me suis fait tant de soucis pour vous !” Je me retrouvais là, près de Hitler, dans sa cabane rustique, devant une cheminée où quelques bûches crépitaient. En quittant son bureau, nous nous réunîmes avec quelques maréchaux dans un salon voisin pour fêter avec une bouteille de champagne –lui qui n’aimait pas les boissons alcoolisées– la victoire de Tcherkassy.”

    Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (pp. 153-154).

    Campaña de Rusia.JPGLe problème est que le texte fourni par Anne Degrelle-Lemay n’est en rien extrait de La Campagne de Russie, ni de la version espagnole La Campaña de Rusia qui en est la traduction fidèle. D’où vient-il ? Et pourquoi remplace-t-il la version donnée dans l’œuvre originale, « cette grande épopée écrite en un français magnifique » quasiment digne de Victor Hugo (voir ci-avant) ? Voilà qui jette quand même un sérieux doute sur la sincérité de l’appréciation du talent littéraire de son père exprimée par Anne…

    Le texte choisi n’est en effet aucunement littérairement travaillé par son auteur : il s’agit de la retranscription des interviews données par Léon Degrelle à Jean-Michel Charlier, que celui-ci a publiées en 1985 dans Léon Degrelle : persiste et signe (éditions Jean Picollec ; nous citons le texte français d’après ce livre). Le texte cité par Anne se trouve aux pages 331-332 (pp. 313-314 de l’édition espagnole Léon Degrelle firma y rubrica, Ediciones Dyrsa, 1986).

    Mieux, –ou plutôt pire !–, Anne Degrelle-Lemay s’est permise de corriger des expressions et de réécrire des tournures ou des passages entiers : c’est ce que nous avons souligné dans notre citation de son livre, comme si c’était la version corrigée par ses soins qui, en réalité, méritait les éloges !

    Firma y rubrica.jpeg
    C’est ainsi, par exemple, qu’elle corrige en « petit avion », « avion-cigogne », traduction du surnom donné à cet avion de reconnaissance construit pas l’ingénieur Gerhard Fieseler et dont le train d’atterrissage surélevé lui valut d’être appelé Storch (cigogne). Elle change aussi « chars » en « blindés », « champ d’aviation » en « aéroport » ou « quelques centaines de gros poux russes » en « énormes poux »… Elle ajoute des phrases inutiles (« Nous avions gagné ») et se permet aussi de réécrire tout le passage relatif à la réception au champagne que Léon Degrelle avait écrit de la sorte ; « Sortant de son bureau, je m’étais à peine attablé dans un salon voisin avec ses maréchaux qu’il [Adolf Hitler] avait surgi une bouteille de champagne au bout de chaque bras, nous les apportant pour festoyer, lui qui détestait les boissons alcoolisées ! » (La Campagne de Russie, p. 336).

    Malheureusement, la seule chose qu’elle ne change pas, c’est l’erreur de transcription qui se trouve tout au début de la citation : « Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. »

    Lisyanka n’est pas une rivière, mais une ville (qui donne d’ailleurs son titre à un chapitre de La Campagne de Russie : pp. 314-322 ; pp. 149-153 de l’édition espagnole). C’est Jean-Michel Charlier qui commet l’erreur en retranscrivant les paroles de Léon Degrelle qui avait sans doute parlé de « la rivière de Lisyanka ». Dans La Campagne de Russie, il explique d’ailleurs que le moment-clé de la percée de Tcherkassy fut le passage de la rivière traversant cette ville : « Nous nous dépêtrâmes dans la neige épaisse et descendîmes le long de la route. Nous finîmes par atteindre, au cœur de Lysjanka, la rivière, très large, gonflée, ourlée de crêtes de glace. » (p. 322). Cette rivière, c’est le Gniloï-Tikitch.

    Mais là, bien sûr, n’est pas le plus important. La scène que rapporte Anne représente la rencontre qu’Adolf Hitler a voulue en faisant chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front le 20 février 1944. Or ce n’est pas à cette occasion que le Führer a prononcé la fameuse phrase où il se reconnaissait un fils spirituel en Léon Degrelle. C’est six mois plus tard, le 27 août 1944, comme il le souligne justement dans ses entretiens avec Jean-Michel Charlier, source privilégiée d’Anne, mais qu’elle ignore ici : « Hitler, en m’étreignant la main dans ses deux mains, pensait-il qu’au-delà de ses forces qui s’épuisaient, à force de travail, j’étais là, jeune lion ? Six mois plus tard, il me dirait la phrase célèbre : Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous ! Dès février 1944, il avait décidé que je porterais l’étendard de l’Europe nouvelle en Occident. Il me faisait recevoir officiellement à Paris. » (Persiste et signe, p. 337 ; p. 319 de l’édition espagnole).

    Et cette nouvelle rencontre –à nouveau voulue par Adolf Hitler en faisant encore chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front– est également parfaitement documentée dans La Campagne de Russie (pp. 377-381 ; pp. 180-183 de l’édition espagnole) : « Hitler avait repris une vigueur nouvelle. […] Il me décora. Puis il me guida vers une petite table ronde. […] Son œil brillait de bonne humeur. Il se lança avec passion dans un débat sur l’avenir du socialisme. Son visage, admirablement soigné, frémissait. Ses mains fines et parfaites avaient des gestes élémentaires mais ardents, compagnes vivantes de l’orateur. […] Au moment du départ, comme s’il eût voulu graver à jamais dans mon cœur un souvenir plus personnel, Hitler revint me prendre la main dans ses deux mains : “Si j’avais un fils, me dit-il lentement, affectueusement, je voudrais qu’il fût comme vous…” »

    Cette reconnaissance d’un étranger à l’insigne proximité spirituelle s’exprima à peine un mois après la tentative d’assassinat perpétrée, le 20 juillet 1944, par des officiers allemands félons…

    Alors, d’où vient la mise en doute par Anne de la phrase d’Adolf Hitler ? Et, pour mieux l’étayer, pourquoi avoir placé tout le récit de la rencontre de son père avec le Führer (sans être capable de choisir la bonne date !) dans la fiction d’un roman qu’elle se permet de réécrire ?

     

    Vermeire Charleroi 01.04-horz.jpg

    « Le lieutenant Jean Vermeire donne le ton. Lui, porte une veste de général privée d’insignes et une culotte de cheval mauve que, de Frédéric II à Keitel, nul ne découvrit jamais dans l’armée allemande. » (Saint-Loup, Les SS de la Toison d’Or, Presses de la Cité, p. 81).

    « Un petit détail amusant, c’est que lors d’un de nos premiers rassemblements au camp de Regenwurmlager, le major Bode avait dit, à bien haute voix, en voyant Vermeire pour la première fois : Was ist den das für ein Operetten Offizier ! Et c’est certes la raison pour laquelle Vermeire ne manquait plus jamais la moindre occasion pour critiquer le major Bode. » (Fernand Kaisergruber, commentaire dactylographié sur le livre de Jean Mabire, Légion Wallonie, Au front de l’est, 1941-1944, Presses de la Cité).

     

    Outre que nous avons vu l’irrésistible propension d’Anne Degrelle-Lemay à semer partout les graines morbides de sa méfiance et de ses soupçons, une origine de la remise en cause particulière de la phrase historique du Führer pourrait bien être le SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire. Son incommensurable orgueil fut en effet cruellement blessé, non seulement par le refus constant de Léon Degrelle de le reconnaître officiellement comme son « bras droit » (« J’en ai déjà un, ça me suffit ! » plaisantait-il, mi-moqueur, mi-agacé), mais aussi par celui de son épouse Jeanne Degrelle-Brevet de lui confier les drapeaux de la Légion, après le décès du Commandeur (ce blog au 17 janvier 2016).

    C’est en effet à partir de la disparition de son Chef que Jean Vermeire entreprit d’écorner sa « légende », notamment en remettant en question la réalité de la fameuse phrase (ce blog au 21 juin 2018).

    En 2008, en participant au documentaire de Philippe Dutilleul, Léon Degrelle ou la Führer de vivre, il échafauda l’impossibilité mentale pour Adolf Hitler d’avoir même imaginé prononcer pareille phrase à l’adresse d’un étranger. Comme si cet officier par usurpation (nous nous expliquerons plus tard sur ce terme), qui n’a jamais pu même voir le Führer autrement qu’en image, avait quelque compétence historique ou psychologique l’autorisant à se mettre à sa place…

    « Il voulait avoir un fils ? Le fils d’un Belge ? C’est pas des phrases à répéter !... Ça ne tient pas debout ! Ça m’a toujours heurté… Et on reprend cette phrase… on reprend cette phrase… tout le temps… tout le temps…

    Hitler s’est avancé vers Degrelle et il lui a dit textuellement : “Ich habe mich grosse Sorge gemacht”, “Je me suis fait des grands soucis”. [Il exhibe un papier] Voilà ! Et ça, moi, j’ai reçu ce texte, après, par Gille. Après, parler du fils d’Hitler… C’était un affront à tous les jeunes de l’Allemagne ! Il y avait d’autres héros tout de même !... Donc il n’a pas dit ça ! Ce n’est pas possible ! C’est… c’est… c’est égoïstement inventer l’histoire qui obligeait toute l’Allemagne… Et nous alors ? Qu’est-ce qu’on devient là-dedans ???... Mais je lui ai demandé plusieurs fois : je dis, mais… “Ohhhhh…, il m’a dit, ben… oh là là… j’ai été reçu comme un fils.” Voilà, je dis, la légende ! »

     

    Vermeire papier Gilles.JPGDans le film de Philippe Dutilleul, comme preuve que jamais Adolf Hitler n’aurait pu dire à Léon Degrelle que s’il avait un fils, il aimerait qu’il soit comme lui, Jean Vermeire présente sa source en agitant une grande feuille blanche devant la caméra (capture d’écran du film-documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre donnant « la parole aux derniers témoins directs et proches de Léon Degrelle »).

    Mais la caméra prend bien soin de ne pas filmer son contenu en gros plan. Il s’agirait pourtant d’un document intéressant, prétendument écrit par le Generalleutnant Herbert Otto Gille, commandeur de la 5. SS-Panzerdivision Wiking, affirmant qu’à la réception à laquelle il fut convié avec Léon Degrelle à la Wolfschanze du Führer, ce dernier n’aurait fait qu’exprimer son inquiétude sur le sort des Wallons. Nous le croyons bien volontiers, car le général Gille fut convié au Quartier Général de Hitler avec les principaux Commandeurs ayant assuré le succès de la percée de Tcherkassy. Ce qui veut dire qu’il parle de la rencontre du 20 février 1944 et non de celle du 27 août, qu’il ne fait donc que confirmer ce que Léon Degrelle a toujours dit (notamment dans La Campagne de Russie, p. 328) et qu’il nous aurait vivement intéressé de connaître l'intégralité de ce compte rendu. Pour sa part, Léon Degrelle a écrit : « le Führer s’était avancé vers moi, m’avait pris la main droite dans ses deux mains et l’étreignait avec affection. […] je ne sentais que ses deux mains qui pressaient la mienne, je n’entendais que sa voix, un peu rauque, qui m’accueillait, me répétait : “Vous m’avez donné tant d’inquiétude !..” ». Le scoop de Vermeire n’est donc qu’un mensonge (mais le personnage en est coutumier !). On se demande d’ailleurs s’il a effectivement rencontré le général Gille pour lui commander un procès-verbal des propos d’Adolf Hitler à Léon Degrelle ! Surtout que, pour des raisons de simple chronologie, il ne pouvait de toute évidence concerner la phrase qui « heurte » tant Vermeire et lui servir à convaincre Léon Degrelle d’affabulation… On regrettera donc qu’il n’ait pas harcelé plutôt le général Felix Steiner qui était, lui, bien présent le 27 août (c’est lui qui est sur la photo que nous publions plus avant entre Adolf Hitler et Léon Degrelle) !

    Ci-dessous, une photo officielle des commandeurs qui furent reçus par le Führer, le 20 février 1944 : de gauche à droite, Herbert Otto Gille, Theo-Helmut Lieb et Léon Degrelle, reçus à Berlin par le chef de la presse du Reich, le Dr Otto Dietrich.

     

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    « Ça ne tient pas debout » ? Et les préoccupations constantes d’Adolf Hitler vis-à-vis de Léon Degrelle depuis leur première rencontre du 26 septembre 1936 jusques et y compris les derniers moments dans le Führerbunker (tous les détails sur ce blog au 21 juin 2018) tiennent-elles debout ?

    « Il y avait d’autres héros tout de même » ? D’innombrables, en effet ! Mais y en eut-il un seul autre que Léon Degrelle –qu’il soit Allemand ou Volontaire étranger – que le Führer fît rechercher sur le front par son avion personnel pour le recevoir personnellement, –et ce, à deux reprises !–, lui remettre les plus hautes décorations militaires et s’entretenir particulièrement avec lui ? Et où serait l’affront aux jeunes de l’Allemagne (surtout de la Waffen SS, composée par ailleurs à plus de 70% de camarades non-Allemands) quand l’élite du commandement militaire allemand de la Wehrmacht avait cherché à assassiner son chef suprême en pleine guerre ?...

    Nous ne commenterons pas davantage cette indécente prétention de Vermeire de faire la leçon (post mortem !) à son Chef, d’oser l’accuser d’égoïsme, de se mettre outrageusement dans la peau d’Adolf Hitler et des jeunes soldats allemands et de se plaindre péniblement qu’on ne fasse pas davantage cas de lui et, accessoirement, des autres Bourguignons : nous avons eu l’occasion de dire ce que nous en pensions sur ce blog le 21 juin 2018. Mais nous laisserons à un autre Volontaire wallon, du Second contingent du 10 mars 1942, Raymond Van Leeuw, le soin de dire ce qu’il faut définitivement penser de celui qui bâtit toute se carrière militaire sur le mensonge de son grade !

    Raymond Van Leeuw fut, lui, le véritable homme de confiance de Léon Degrelle dont il organisa le secrétariat lorsqu’il le rejoignit en Espagne : nous citerons des extraits de lettres qu’il envoya à Anne Degrelle ainsi qu’à son mari Servando Balaguer : il nous faudra en effet à nouveau parler du rôle néfaste de Vermeire à l’occasion de la disparition du Commandeur de la Légion Wallonie et dont sa fille ne souffle mot (voir la dernière partie de notre présentation de son livre L’homme qui changea mon destin).

    Le travail de sape concernant la relation entre Adolf Hitler et Léon Degrelle mené avec opiniâtreté par Jean Vermeire après 1994 est intéressant à suivre car il permet d’établir un parallélisme assez précis avec ce qu’on peut lire chez Anne Degrelle-Lemay.

    Pieterjan Verstraete.jpegC’est ainsi qu’il amena l’historien flamand Pieter Jan Verstraete à écrire dans sa biographie de Léon Degrelle : « Que Hitler, à l’occasion de cette troisième rencontre [le 27 août 1944] avec le vaniteux Degrelle, ait dit : “Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous”, cela s’est avéré, des années plus tard, n’être qu’une invention. Selon son ami intime Vermeire, le Führer aurait simplement dit qu’il s’était fait de “grandes inquiétudes” sur le sort de Degrelle et des siens sur le front. » (Le beau Léon. Léon Degrelle, Aspekt, 2010, p. 121).

    Remarquons que pour donner du poids à son scoop, Vermeire s’est présenté comme un « intime » de Léon Degrelle, et même comme son « ami » (mon Dieu, est-il encore besoin d'ennemis avec de pareils amis ?) ! C’est également en termes semblables qu’Anne nous le présente : « Jean Vermeire qui était un de ses grands confidents » (p. 140).

    Notons aussi en quoi consiste la correction de l’histoire que Vermeire offre à Verstraete : ce n’est pas « Si j’avais un fils… » que le Führer aurait dit à Léon Degrelle ; il aurait seulement fait part de ses « grandes inquiétudes ». Du coup, lorsque l’historien flamand, pour raconter la rencontre précédente, celle du 20 février 1944, s’en remet à ce que le Commandeur de la Wallonie a écrit dans La Campagne de Russie, il publie le texte en prenant soin –tout comme Anne– de supprimer le passage où Adolf Hitler fait part de son inquiétude à Léon Degrelle : pour justifier l’intervention de Vermeire, ce détail doit en effet disparaître puisque le créateur de fake news le situe… six mois plus tard !!!

    Anne Degrelle-Lemay pense sans doute faire la même chose en citant le récit de la réunion du 20 février 1944 qu’elle place, sans le dire, au 27 août 1944 afin d’établir que la seule chose exprimée par Adolf Hitler ce jour-là fut, comme le prétend Vermeire, son inquiétude et non pas sa confidence toute personnelle.

    « Mais peut-être que c’était vrai… » Le coup de pied de l’âne, qui ne veut pas dire son nom !...

    Jean Vermeire ne publia jamais rien, mais, dès qu’il se rendit compte, après la disparition de Léon Degrelle, qu’il ne réaliserait jamais son objectif de s’emparer des drapeaux de compagnie dessinés par John Hagemans pour la Légion (ce blog au 17 janvier 2016), il s’efforça d’influencer négativement ceux qui pensaient pouvoir recourir à ses « souvenirs » et à sa compétence comme à une source fiable de première main.

    En ce qui concerne Anne Degrelle-Lemay, cela alla même plus loin puisqu’elle s’en remit à lui pour la dispersion des cendres, s’en servit pour contester les dernières volontés testamentaires de son père et l’appuya dans l’affaire des drapeaux : nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre dernier examen des mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay.

     

    Vermeire urne Führer de vivre.JPG

    L’ancien SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire n’hésita pas à exhiber l’urne funéraire vide de Léon Degrelle devant la caméra de Philippe Dutilleul pour son documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre en affirmant mensongèrement avoir respecté les dernières volontés du défunt (ce blog aux 17 janvier 2016 et 31 mars 2019). Il refusa toujours de rendre cette relique à l’épouse de son Chef, Jeanne Degrelle-Brevet.