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anne degrelle-lemay

  • Cercle des Amis de Léon Degrelle


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    e Correspondance privée – Septembre 2023


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    Cercle des Amis de Léon Degrelle a retrouvé la régularité de sa publication. Sortie ponctuellement en septembre, cette trente-neuvième « 
    Correspondance privée » du Cercle annonce d’ores et déjà sa quarantième édition pour janvier prochain.

    Comme il nous y a désormais accoutumés, le Cercle orne sa « Une » d’une photographie colorisée de Léon Degrelle.

     

    Une exposition sur la Légion Wallonie pour les 37 ans de son chef spirituel

     

    Il s’agit d’un cliché pris à l’occasion du vernissage, le vendredi 18 juin 1943, de l’ « Exposition photographique de la Légion Wallonie » organisée par l’Honneur Légionnaire pour le trente-septième anniversaire de Léon Degrelle (né le 15 juin 1906), dans ses locaux de la rue du Congrès, à Bruxelles. Cette manifestation d’hommage fut ouverte au public pendant toute la durée du week-end, c’est-à-dire jusqu’au dimanche 20 juin, de 9h à 19h, et était répartie en quatre sections : « La Légion à l’action », « La Légion au pays », « La Légion au repos » et « La Jeunesse Légionnaire », avec, anniversaire oblige, un grand panneau illustré, intitulé « Le Chef ». [Dans son ouvrage à la richissime iconographie, consacré à la Légion Wallonie (Heimdal, t. 2, p. 136), André Lienard confond inexplicablement cette exposition avec l’ « Exposition photographique de la Waffen-SS » (Die Waffen-SS im Bild), organisée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, du 18 mars au 17 avril 1944.]

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    Le Pays réel du 19 juin 1943 publie un bref reportage sur l’inauguration de l’ « Exposition photographique de la Légion Wallonie » organisée par L’Honneur Légionnaire, mais malheureusement sans la moindre illustration.

     

    Quoique la Légion fût officiellement intégrée à la Waffen-SS depuis le 1er juin 1943, le nouveau SS-Obersturmführer (lieutenant) Léon Degrelle porte encore l’uniforme de la Wehrmacht, avec ses insignes d’Oberleutnant. Il porte à la boutonnière le ruban de la Croix de Fer de Seconde Classe (3 mars 1942) et celui de la médaille de l’Est (Winterschlacht im Osten, 15 août 1942) ainsi que l’Insigne de combat d’infanterie en argent (Infanterie-Sturmabzeichen, 25 août 1942), la Croix de Fer de Première Classe (21 mai 1942) et l’Insigne des blessés en bronze (Verwundetenabzeichen, 23 mars 1942).

    Sur le document magnifiquement colorisé du Cercle, Léon Degrelle, en visitant cette exposition lui rendant hommage en même temps qu’à la Légion, passe devant l'agrandissement d'une des plus célèbres photographies prises durant la pénible Vormarsch vers le Caucase (juillet-août 1942) : à l’avant-plan, Léon Degrelle est rayonnant sur un fond de ciel bleu ennuagé avec, juste derrière lui, comme un Ange gardien, le Commandeur Lucien Lippert, tout sourire aussi, mais les yeux plissés autant sans doute par le soleil que par les soucis de son commandement. Un autre portrait est accroché à droite, celui de Paul Mezetta, nommé, en remplacement de John Hagemans –tué sur le Front du Caucase le 26 août 1942– Prévôt de la Jeunesse Légionnaire (nouvelle dénomination, depuis avril 1943, de la Jeunesse Nationale-Socialiste, qui était le nom donné en novembre 1941 par John Hagemans à la Jeunesse Rexiste originelle). Lui aussi est titulaire de la Médaille de l’Est et des Croix de Fer de Seconde et Première Classe.

    Il existe tout un reportage photographique de la visite de Léon Degrelle à cette exposition sur la Légion Wallonie : un des clichés les plus intéressants est certainement celui où Léon Degrelle observe le panneau de photos prises sur le Front le concernant : il est en compagnie du Leutnant Albert Lassois qui, en tant que directeur de L’Honneur Légionnaire (service d’aide sociale aux familles des Légionnaires wallons), était l’organisateur de l’exposition. Dans son discours d’inauguration, Albert Lassois, en situant les photos dans leur contexte militaire justifia pleinement la participation des Légionnaires à la croisade antibolchevique de libération de l’Europe.

     

    Expo Légion 18.06.43 LD Buste.jpeg

    Léon Degrelle visite l’Exposition photographique de la Légion Wallonie, organisée en l’honneur de son 37e anniversaire. Devant lui, sur le côté, se trouve le lieutenant Josef Wiemers (Oberzahlmeister, officier de la logistique pour la prise en charge de la Légion dans la Waffen-SS) ; derrière lui, on reconnaît le SS-Untersturmführer Paul Suys et le Leutnant Albert Lassois, responsable de L’Honneur Légionnaire (entre les deux, en retrait, le SS-Hauptsturmführer Karl-Theodor Moskopf, commandeur de l'Ersatzkommando Wallonien, responsable du recrutement). On remarque que Paul Suys porte déjà l’uniforme de la SS. En effet, après la « Campagne des 18 Jours », il s’engagea dans la Vlaams Legioen, rapidement intégrée à la Waffen-SS. Envoyé à l’école de sous-officiers de Lauenburg, puis au camp de formation d’Arys, il en sort SS-Untersturmführer (sous-lieutenant). Il est important de savoir qu’avant de s’engager à la Légion flamande, le 6 août 1941, Paul Suys, ancien chef de la propagande de Rex-Vlaanderen, fut secrétaire particulier de Léon Degrelle. En octobre 1944, il rejoindra la Division Wallonie et pourra ainsi accompagner Léon Degrelle à Limerlé lors de l’Offensive des Ardennes. C’est lui aussi qui sera chargé de la protection de Marie-Paule Lemay, l’épouse de Léon Degrelle, et de sa famille. C’est ainsi qu’il conduira le convoi familial du domicile de la drève de Lorraine jusqu’à la retraite que son époux lui avait soigneusement aménagée dans une propriété campagnarde à Höxter, en Westphalie (une soixantaine de kilomètres à l’est de Paderborn). Par la suite, cédant à l’insistance de Marie-Paule Degrelle, Paul Suys la conduira ainsi que sa plus jeune fille Marie-Christine et son aînée Chantal, jusqu’à la frontière suisse (voir ce blog au 13 mars 2023, bien qu’Anne [Degrelle-] Lemay ne cite jamais son nom).

     

    Cette photo est aussi particulièrement intéressante en ce qu’elle nous montre un buste de Léon Degrelle qui ne nous est pas connu : posé sur une colonne tendue d’un drap blanc, il se trouve juste derrière le groupe de personnages officiels inaugurant l’exposition.

    Dans son article de présentation que nous reproduisons ci-dessus, Le Pays réel évoque bien la présence de ce buste, « entouré de fleurs naturelles et de petits palmiers », mais, fâcheusement, sans mentionner le nom de l’artiste qui l’a créé. Cela n’eût pourtant pas constitué un renseignement sans importance, sachant qu’on ne connaît guère de portraits sculptés de Léon Degrelle (voir ce blog aussi au 13 avril 2022, à propos d'un portrait peint inconnu de Léon Degrelle).

     

    Les négociations Degrelle-Himmler

     

    Pieske LD+Himmler+Lippert.jpg

    C’est dans le train spécial de Himmler, sur son quai de la Wolfschanze, le Grand Quartier général d’Adolf Hitler sur le Front de l’Est, que Léon Degrelle négocia, en mai 1943, le passage de la Légion Wallonie dans la Waffen-SS. En parlant directement et à cœur ouvert avec le Reichsführer en relation téléphonique régulière avec le Führer, Léon Degrelle les gagna à ses vues sur la nouvelle Bourgogne. Pour sceller son accord, il convainquit aussi le chef suprême des SS de visiter les Bourguignons dans leur camp d’entraînement de Pieske, le 24 mai 1943. On voit ici Heinrich Himmler en compagnie du Commandeur Lucien Lippert, observant les Wallons à l'exercice ; Léon Degrelle est sur une butte, un peu en retrait.

     

    La Correspondance du Cercle des Amis s’ouvre sur un compte rendu des négociations de Léon Degrelle avec Heinrich Himmler, préalables à l’intégration de la Légion Wallonie dans la Waffen-SS. Léon Degrelle l’avait rédigé dans les années soixante pour son livre De Rex à Hitler. Il en abandonna cependant la publication, mais les Editions de l’Homme Libre ressortirent l’ouvrage des archives pour l’éditer en 2015, assorti d’une mise en contexte (ce blog au 25 janvier 2016 ; toujours disponible, le livre est accessible ici, au prix de 30€).

    Ce texte est intéressant non seulement pour le détail des exigences de Léon Degrelle satisfaites par le Reichsführer, culminant dans le maintien de l’aumônier catholique, mais surtout pour la leçon de psychologie politique qu’il lui donna discrètement en insistant sur l’indispensable confiance à donner à ses partenaires loyaux, entièrement dévoués aux mêmes idéaux et avides de respect. Voilà qui ne pouvait qu’impressionner favorablement le chef du corps d’élite dont la devise était « Mon honneur s’appelle fidélité » (sur ces négociations, voir aussi ce blog, entre autres, aux 28 juin 2017 et 20 juillet 2018 ; lire surtout Léon Degrelle : persiste et signe, chapitres 27 et 28).

    La conclusion que Léon Degrelle tira à l’intention de la Duchesse de Valence de ce rêve bourguignon inabouti est tout autant amusée que désabusée : « Il est assez étonnant de constater qu’après la guerre, Degrelle a été condamné à mort comme “mauvais” Belge. On ne peut, à mon avis lui reprocher, notamment chez ses amis français, que d’avoir été trop “grand” Belge ! Au lieu de diminuer sa patrie, il la voulait plus vaste ! Et il fut à un doigt de la faire plus vaste, comme au temps de Charles le Téméraire, son modèle, son héraut, et de Charles-Quint, l’Empereur qui fut, par excellence, l’homme des Pays-Bas, balcon de l’Europe. » (Degrelle m’a dit, p. 380).

     

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    Un Himmler tout sourire et acquis à la cause bourguignonne prend congé du nouvellement promu SS-Sturmbannführer Lucien Lippert, désormais Commandeur de la 5.SS-Sturmbrigade « Wallonien ».

     

     

    L’histoire par un autre bout de lorgnette…

    Le crime caché de Leclerc

    C’est par une bien opportune coïncidence que le Cercle publie, dans sa livraison de septembre, le texte du neveu d’un des fusillés de Bad Reichenhall. En effet, l’hebdomadaire français Valeurs actuelles venait de publier, pour clore sa série de sept articles consacrés aux « Héros français », une célébration dithyrambique de Leclerc, le général bien-aimé (n° 4526, 24 août 2023, pp. 84-87). Aucune allusion bien entendu au côté sombre, fait de lamentable arrogance et d’arbitraire acrimonieux, de l’officier français, que le panégyriste de service n’hésite pas à qualifier de « plus prestigieux de son temps » et à comparer à Jeanne d’Arc (p. 87) !…

    Le Forum des lecteurs des numéros suivants de l’hebdomadaire ne manqua pas de réactions, la première étant celle du président de Renaissance catholique (mouvement de laïcs catholiques, placé justement sous le patronage de Sainte Jeanne d’Arc, œuvrant au « rétablissement du règne social du Christ », autrement dit du Christus Rex degrellien). Jean-Pierre Maugendre ne pouvait en effet pas se faire faute de rappeler ce « fait majeur de la biographie de Leclerc » que fut l’exécution de douze Français de la division Charlemagne, « fusillés sans jugement en Bavière sur ordre de Leclerc ».

     

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    Extrait du courrier des lecteurs de Valeurs actuelles du 7 septembre 2023, p. 87.

     

    Aussi le témoignage du neveu d’un des martyrs de Bad Reichenhall publié par le Cercle des Amis de Léon Degrelle tombe-t-il à pic. Il rappelle l’émotion si intense d’une jeune fille de la ville d’eau bavaroise, Erika Krayczyrski, qu’elle décida de consacrer sa vie à leur rendre un hommage fidèlement reconnaissant. C’est elle qui prendra soin du lieu de mémoire qui sera finalement réservé aux victimes de la haine fanatique du prétendu « général sans peur et sans reproche […] qui rêvait d’une France réconciliée » (p. 85).

    Après avoir été jetés dans une fosse commune, ces Français iniquement anathémisés reçurent tout de même, quatre ans plus tard, une sépulture au cimetière de Sankt Zeno, dans la banlieue de Bad Reichenhall : dans son interview-fleuve à Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle en précisait exactement l’endroit, « au cimetière municipal de Bad Reichenhall, tombe 81-82, groupe 11, troisième rangée » (Persiste et signe, p. 373). Mais cette tombe pieusement honorée constituait sans doute encore une tache insupportable sur la réputation de celui qui devint maréchal à titre posthume : les innocents fusillés de Leclerc durent disparaître du cimetière en 1963. Seules demeurent aujourd’hui des plaques commémoratives apposées sur le monument aux morts de la Première Guerre mondiale.

    Apr
    ès 54 ans d’expression constante de sa sincère gratitude pour le sacrifice de ces étrangers offrant leur vie pour la protection de l'Allemagne et de l’Europe contre la terreur communiste, Erika décéda en juin 1989. Sa tombe rappelle désormais ce qui fut l'orgueil de sa vie : « Dame d’honneur de la Division française Charlemagne. IIe Guerre mondiale ».

    St-Zeno tombe Erika.JPG



    En guise de péroraison, faisons nôtre la réflexion de Paul Durand, auteur de l’indispensable Guide dissident de l’Allemagne et de l’Autriche, car elle reflète scrupuleusement l’exacte réalité: « Pas de procès, exécution après la fin officielle des combats : pour certains, les éléments constitutifs de l’infraction de crime de guerre sont réunis. Nous laissons cette appréciation à la sagacité de nos lecteurs. Les hagiographes de Leclerc sont en tout cas silencieux sur ce point. » (p. 50).

    Le thuriféraire incontinent de Leclerc dans Valeurs actuelles célèbre aussi la « furia francese » de la 2e DB de Leclerc « où cohabitèrent en bonne intelligence Free French des origines et ralliés de l’armée d’Afrique de 1943, monarchistes et républicains, catholiques, juifs et protestants, sans oublier les anarchistes, communistes et socialistes espagnols de la Nueve » : « Sidérant tous les états-majors par son audace et sa baraka, la division Leclerc accrochera un autre symbole à son palmarès en prenant le Berghof, dit le “Nid d’aigle” de Hitler au nez et à la barbe des Américains, qui étaient parvenus les premiers à Berchtesgaden. » (Valeurs actuelles n° 4526, pp. 84-85 et 87).

     

    Berchtesgaden tombe Grethlein-Lohr.pngTombe commune de Georg Grethlein et Josef Lohr à l’Alter Friedhof de Berchtesgaden.

     

    Nous avons déjà raconté comment la « furia francese » de l’agrégat hétéroclite de soudards avinés commandés par Leclerc suscita crainte, haine et horreur chez les civils bavarois, de même qu’antipathie et mépris des Américains de la 3e Division d’Infanterie. Pillages, viols, crimes furent le lot des civils locaux, exactions symbolisées par le meurtre gratuit de l’ingénieur Georg Grethlein et de son chauffeur Josef Lohr : leur sépulture est aujourd’hui encore l’objet d’un entretien permanent traduisant un véritable attachement populaire, comme le demeure d’ailleurs le cénotaphe des Français de la Charlemagne à Sankt Zeno (ce blog au 7 septembre 2021).

    Pour se faire une idée du genre d’esprit chevaleresque irrigant l’héroïsme des « petits gars de Leclerc » (Valeurs actuelles n° 4526, p. 85), nous conseillons vivement la lecture de l’article publié par ContreInfo.com à propos du décès de Robert Galley, qui fut non seulement lieutenant dans les troupes de Leclerc mais aussi son beau-fils et, accessoirement, « Compagnon de la Libération », grand officier de la Légion d’Honneur, maire de Troyes, ministre des Armées, etc.

     

    Guerre contre les partisans assassins

    Le Courrier des Amis de Léon Degrelle publie aussi la fin du témoignage de Fédor Kazan (ce blog au 10 mai 2023), singulier par l'inhabituel parler-vrai dont il témoigne. Fédor Kazan était membre de la 14e Division SS ukrainienne (« Division Galacie »). Wikipedia –source actuelle de tout savoir politiquement correct– rappelle opportunément que « Le 23 septembre 2020, la Cour suprême ukrainienne a statué que les symboles de la Division SS Galicie n’étaient pas liés au nazisme et ne pouvaient donc pas être interdits dans le pays. » On rêverait d’une telle reconnaissance de l’idéal de la Division Wallonie (à ce propos, on se reportera utilement à notre récent article sur ce blog, le 12 octobre 2023)…

     

    Azov Kiev.png

    Défilé de membres du Bataillon Azov à Kiev (2014 ?) : selon la Cour suprême ukrainienne, la rune du loup et le soleil noir n’ont rien à voir avec la symbolique nazie. Comment ne pourrait-on pas en dire alors tout autant des emblèmes de la Légion Wallonie, le drapeau belge et la croix de Bourgogne ?

     

    Fédor Kazan explique la réalité de la lutte contre les partisans, et sa dureté, notamment par le fanatisme de ces derniers et la terreur qu’ils faisaient régner parmi la population autochtone afin de la dissuader de toute collaboration avec les Allemands : « Rappelez-vous toujours que ces gens ont aidé à tuer des innocents. […] Il y avait des hommes, des femmes et même des enfants qui étaient dans ce combat. Ils venaient de partout et avaient terrorisé une très grande région. […] Un homme, dont la famille a été assassinée par cette bande, s’est joint à nous. Il a abattu tous ceux qui tentaient de se rendre. Il a fallu l’arrêter, nous avions besoin de prisonniers pour le renseignement. […] C’était très dur pour nous, même si nous nous sommes battus avec conviction et sachant que ces gens étaient des monstres maléfiques, la guerre n’est jamais facile. […] Des remerciements ont afflué de partout car ces groupes avaient pillé et tué sur un très large territoire. Nous avons même eu des veuves et des filles qui se sont portées volontaires pour nous aider –les Allemands ont refusé car ils disaient que les femmes devaient être protégées. Notre clergé [ukrainien] les a accueillies et les a mises au travail. »

    Fédor Kazan donne encore de nombreux exemples de la « terreur rouge » frappant indistinctement la population civile mais aussi les hôpitaux de campagne et leurs infirmières, précisant même : « Notre prêtre a été horrifié lorsqu’il a été appelé pour donner les derniers sacrements ; les larmes aux yeux, il a béni les morts. Je me souviens qu’il a fait remarquer que le Vatican devait être mis au courant de cela et des autres choses terribles qu’il avait vues. »

     


    Degrelliana

    Editions en hongrois

     

    Comme à son habitude, le Cercle renseigne une foultitude de livres et publications généralement inaccessibles dans les librairies épurées de nos cités pasteurisées. Parmi eux, nous ne reprendrons que la présentation de la traduction en hongrois de La Campagne de Russie (sous-titré « La Waffen-SS sur le Front de l'Est »), aux éditions Gede Testvérek, 408 pages, 2022, traduit par Albert Kovács, illustré par Tibor Gede, 6500 Forint (17 €). La première édition de ce titre date de 1985.

    Campagne Russie Hongrois-horz.jpg

    Les mêmes éditions ont également publié en 2015 la traduction hongroise de Hitler démocrate (550 pages), par Ferenc Molnár, 6500 Ft (17 €). A noter que l’auteur est alors présenté comme « Général Léon Degrelle » (Leon Degrelle Tábornok).

     

    Une tentative basque d'enlèvement de Léon Degrelle

    Parmi les infos piquantes qu'il a pêchées sur le Net, le Cercle épingle l’existence d’une Sabino Arana Fundazioa (fondation séparatiste du Pays basque) dont le site (disponible en grande partie en français) consacre l’éphéméride du 8 mai, non pas à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais plus particulièrement à l’arrivée de Léon Degrelle en Espagne.

     

    Sabino Arana LD 1.png

     

    Déplorant la protection assurée par « la dictature franquiste » qui a toujours refusé l’extradition de Léon Degrelle, l’auteur du texte (inchangé pour cette date depuis 2020, mais non traduit) avance une péripétie tout à fait inconnue dans l’exil de « l’éminent nazi de nationalité belge » : « Les services de renseignements du gouvernement basque, pour leur part, localisèrent Degrelle en Espagne et proposèrent son enlèvement aux Alliés, mais ceux-ci préférèrent laisser tomber. La guerre froide et l’anticommunisme de l’Espagne étaient plus forts que la justice et l’incident diplomatique qui se produirait probablement entre l’Espagne et la Belgique au cas où se réaliserait l’enlèvement du fasciste wallon. »

    Il n’y avait pas de « gouvernement basque » sur le sol espagnol, mais bien un gouvernement en exil dont les « services de renseignements », basés à Bayonne (Pyrénées atlantiques) pendant la Seconde Guerre mondiale, collectaient surtout des informations politiques et militaires pour le « Deuxième Bureau » de l’Armée française, chargé du renseignement. Ce qui est particulièrement singulier, c’est que cette organisation basque proposa de remettre Léon Degrelle aux Alliés… qui auraient refusé !

    Voilà qui est inédit car il s’agirait bien d’une tentative d’enlèvement dont jusqu’à présent personne n'avait encore parlé : nous avons répertorié naguère (ce blog au 3 janvier 2023) l’impressionnante série de tentatives de rapt dont Léon Degrelle fut l’objet, mais aucune ne concerne les Basques. Est-ce à dire qu’il s’agirait d’une forfanterie euzkadienne ? Sûrement pas, car nous savons que Léon Degrelle, au tournant des années soixante, faisait de bonnes affaires avec des entrepreneurs du pays basque et qu’il s’y rendait donc régulièrement (il y emmena d’ailleurs sa fille Anne lors de son premier séjour en Espagne : ce blog au 23 octobre 2022).

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    Au tournant des années 1960, Léon Degrelle –ici au travail dans le vaste bureau de sa demeure de Constantina– est un homme d’affaires prospère : ses activités commerciales, notamment avec les industriels des hauts-fourneaux du pays basque, lui ont permis de se bâtir la merveilleuse Carlina et de s’assurer un train de vie lui permettant de retrouver ses enfants dans l’aisance et le confort.

     

    José Luis Jerez Riesco, qui a minutieusement retracé les années espagnoles de Léon Degrelle, confirme d’ailleurs que c’est d’abord avec les métallurgistes asturiens que l’ancien Commandeur de la Légion Wallonie entreprit ses affaires : « Il prit immédiatement part à l’édification, à proximité du Guadalquivir, d’une industrie métallurgique. […] A l’origine, il pensait édifier une grande entreprise sidérurgique qui produirait des aciers spéciaux et qui s’occuperait du profilage de métaux. » (Degrelle en el exilio, pp. 192-193). Il ne serait donc nullement surprenant que les espions basques aient eu vent de ces activités et de l’identité de leur promoteur. Ce qui l’est davantage, c’est qu’ayant proposé son enlèvement aux Alliés, ceux-ci leur aient opposé une fin de non-recevoir, alors qu’à cette époque encore, tout le monde réclamait son extradition et se battait pour l’éliminer !

    C’est ainsi qu’au plus fort des pressions diplomatiques exercées sur l’Espagne non seulement par la Belgique mais par l’ensemble des pays coalisés contre l’Allemagne vaincue, il ne fallut pas moins que l’intervention personnelle de Francisco Franco, à la rouerie proverbiale, pour assurer la tranquillité de Léon Degrelle : « Lorsque les États-Unis, malgré les recherches intenses déployées par leurs plus fins limiers, s’aperçurent que Degrelle ne réapparaissait nulle part, leur ambassadeur se présenta devant Franco, dans sa résidence d’été du Pazo de Meirás [province de La Corogne, sur la façade atlantique], n’exigeant rien moins que des explications. Après quelques instants de tension, Franco déclara, d’une voix douce, à l’ambassadeur : “Si vous voulez voir les rapports, ils se trouvent justement sur ma table de travail”. Il le laissa dépouiller les faux rapports, ceux du Degrelle créé de toutes pièces, avec les télégrammes de l’escorte envoyés de toutes les stations ferroviaires sur la route, avec jusqu’à des communications sur ce qu’il mangeait, ses besoins urinaires, etc. Dans le “dossier” qui contenait les télégrammes que put collationner l’ambassadeur nord-américain, se trouvaient les messages transmis par la police qui le surveillait avec des textes comme : “Le prisonnier est bien arrivé”, “Le prisonnier est parti par l’endroit prévu dans la province de Salamanque”, “Le prisonnier a été réceptionné par un lieutenant-colonel portugais”… Cela tranquillisa l’ambassadeur. Le stratagème du Caudillo montrant au diplomate américain le “dossier” fabriqué par les forces de sécurité dans lequel, exécutant les ordres, elles informaient le Chef de l’État que le prisonnier avait été conduit à la frontière portugaise, avait réussi. L’ambassadeur sortit de la réunion convaincu. Entre-temps, le véritable Degrelle était tranquillement enfermé dans sa retraite étroite et opaque, occupé à écrire des livres, les uns après les autres, l’esprit absorbé dans ses souvenirs. » (Degrelle en el exilio, p. 97).

     

    LD Franco Valle.jpg

    Le 18 février 1939 déjà, Léon Degrelle avait rencontré le général Francisco Franco dans son quartier général de Saragosse : seul homme politique étranger à avoir eu l'honneur d'y être accueilli, le chef de Rex noua d'exceptionnels liens de fraternité politique et d'amitié personnelle avec le commandant suprême de la Croisade de reconquête nationale. Ces liens seront certainement à l'origine de la protection spéciale que le Caudillo assura de manière discrète mais permanente au désormais proscrit belge, et ce, dès son arrivée en Espagne, le 8 août 1945. Léon Degrelle lui en sera toujours reconnaissant : au décès du Généralissime, le 20 novembre 1975, il veilla deux heures durant, la nuit suivante, sa dépouille au Palais d'Orient (ce blog au 5 août 2023) et ne manqua jamais de fleurir sa tombe, dans le cœur de la basilique du Valle de los Caídos (sur la scandaleuse exhumation du chef d’État espagnol, voir ce blog au 25 octobre 2019).

     

    Mais cet épisode date de 1946 et, comme le souligne le site nationaliste basque, sans doute que, quinze ans plus tard, « La guerre froide et l'anticommunisme en Espagne étaient plus forts que la justice ».

    Ce que, tout de même, fait semblant d'oublier le rédacteur basque de cette anecdote inédite, c'est que ce que la « justice » reprochait à Léon Degrelle, c'était d'avoir pris les armes contre la Russie communiste menaçant l'Europe. C'est-à-dire, en cette période de guerre froide essayant de contenir la pression communiste de l'URSS menaçant toujours le monde occidental, d'avoir simplement eu raison un tout petit peu trop tôt !...

     

    Cercle des Amis de Léon Degrelle : adhésion (26 ou 33 euros, selon que vous résidiez en France ou non) et renseignements sur tous les livres présentés.

    Adresse : Cercle des Amis de LD, BP 92733, 21027 Dijon Cedex, France.       lesamisdeleon.degrelle@gmail.com

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    VII. Servando Balaguer,

    un mari quelque peu chahuté

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgRevenons une nouvelle fois sur le livre qu’Anne Degrelle (qui, en réalité, se considère comme n’appartenant qu’à la famille Lemay : ce blog au 5 novembre 2022) consacre à son père Léon Degrelle, L’homme qui changea mon destin.

     

    Six longs chapitres nous ont déjà été nécessaires pour documenter, en même temps que notre désappointement, les considérations erratiques de celle qui, prétendant chroniquer la vie de Léon Degrelle, se permet d’en réécrire l’histoire, au prétexte sans doute d’en être la fille, et donc un témoin prétendument privilégié, quoique ne l’ayant plus jamais rencontré entre ses 10 et 21 ans (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

     

    Mais là ne s’arrêtent pas les manipulations de la pseudo-mémorialiste. Destinés prioritairement à ses enfants, ses souvenirs liés à son père intègrent également sa propre histoire et celle de sa famille en Espagne (« C’est ainsi qu’a commencé ce récit qui s’est amplifié et transformé en une autobiographie intrinsèquement liée à la biographie de mon père », p. 158).

     

     

    Juan Servando Balaguer : une première rencontre arrangée

     

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    Anne Degrelle-Lemay et son mari Servando Balaguer dans la bibliothèque de leur appartement de la rue Zurbarán, croisant la rue García Morato (aujourd’hui Santa Engracia : ce blog au 10 mai 2023) où se trouvait l’appartement de Léon Degrelle et son épouse Jeanne Brevet : « Ils emménagèrent au numéro 37 de la rue Santa Engracia, très proche de chez nous qui nous étions récemment installés dans la rue Zurbarán, au coin de la rue Almagro. » (p. 122)

     

    Son mari Servando Balaguer y tiendra donc une place. Mais pas celle que l’on aurait pu attendre. Car si nous saurons tout de son addiction au jeu, de sa déchéance et de sa mort navrante, nous ne saurons pas grand-chose de sa relation avec son beau-père Léon Degrelle, ce qui aurait pourtant été évident dans un livre censé lui être consacré.

     

    La première rencontre d’Anne et du jeune Balaguer ainsi que leurs premières relations sont d’emblée placées sous des approximations et équivoques semblables à celles dont elle embarrasse son père. C’est d’ailleurs son futur beau-père, le dentiste de Constantina, Servando José Balaguer, qui retint tout d’abord son attention et son affection, dispositions ne pouvant que se reporter sur le fils qui lui ressemblait en tous points et lui avait été envoyé non sans arrière-pensée, de toute évidence.

     

    « A cette époque, c’est à peine si je commençais à […] connaître [un des amis les plus proches de mon père, Servando José Balaguer]. Je n’ai pu que ressentir la sincérité de son étreinte lorsqu’il me présenta ses condoléances pour la mort de mon frère. Ses yeux reflétaient l’amour qu’il portait à mon père et la tristesse qui l’envahissait lui aussi en voyant souffrir son ami. Il partageait notre souffrance. J’ai bien ressenti alors sa proximité et trois mois après cette rencontre, le destin amena chez moi un garçon qui était son portrait vivant : son fils Juan Servando. Il me raconterait, des semaines plus tard que c’était son père qui l’avait expressément obligé de venir pour m’aider à m’intégrer dans ce nouveau monde si différent de celui que j’avais connu jusqu’alors. » (p. 81)

     

    Plus tard, Anne n’appellera plus celui qui devait être son mari que par son second prénom, qui était le premier de son beau-père. Nous étonnerons-nous dès lors de sa considération suivante :

    « Mon meilleur ami […] ne comprenait pas bien ce qui m’arrivait et je crois que, tout au long de notre vie commune, –car il fut mon mari pendant 40 ans–, il y a toujours eu comme un halo d’incompréhension. » (p. 81).

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    Juan Servando Balaguer, son futur beau-père Léon Degrelle et sa fiancée Anne Degrelle-Lemay. L'amour conjugal d'Anne est « hors raison » et se place dans un « halo d’incompréhension » : « J’étais tombée amoureuse. Le cœur a ses raisons que la raison de connaît pas. » (p. 82).

     

    Le récit de son mariage commence par une nouvelle évocation de son beau-père dont elle retrouvait les qualités chez son fiancé : « Avocat brillant, Juan Servando n’était pas de haute naissance. Ce n’était pas un Mayalde, ni un Serrano Súñer. Son père, de grande culture et d’une intelligence fine, dentiste de profession, était aimé de tous et tout particulièrement de moi. Mon futur mari en avait hérité la façon d’envisager la vie : l’étude, le travail, l’honnêteté et, surtout, l’amour et la joie de vivre. » (p. 100).

    Les souvenirs d’Anne décriront alors son mariage comme une belle fête populaire, d’une joyeuse simplicité, dont l’écho international ne fut causé que par la seule extravagance de son père : « Notre mariage fut célébré le 21 juillet 1962 dans l’église paroissiale de Constantina. Bien évidemment, cet événement ne passa pas inaperçu dans la presse internationale. Mon père, avec un uniforme peu orthodoxe, mais avec la Croix de Fer autour du cou, me conduisit à l’autel au milieu d’une foule joyeuse et bruyante, la population du village qui l’appelait Don Juan de la Carlina, qui l’aimait et qui m’avait également adoptée. Ma robe était magnifique. J’avais donné des cours de français pendant un an à la petite-fille de la couturière. C’est ainsi que je me la suis offerte. Il était midi. Midi d’un 21 juillet dans la chaleur estivale andalouse. Après la cérémonie, la moitié du village monta jusqu’à La Carlina. Pas d’invitations ni de protocole. Du jambon, du bon vin et des rafraîchissements pour les enfants. De la musique, des guitares, de la joie… Je ne sais pas à quelle heure cela se termina car nous partîmes rapidement à Séville où commença notre lune de miel. » (pp. 101-102).

    Quelle concision dans l’évocation d’un des événements les plus marquants de sa vie ! Conduite à l’église par son père bizarrement accoutré, elle-même portant une belle robe payée avec ses propres économies, une fête villageoise d’une effervescence spontanée typiquement espagnole…

     

    Livre Anne 101.jpegÀ l’issue de la cérémonie religieuse, Anne et son époux Juan Servando Balaguer sortent de l’église Santa María de la Encarnación de Constantina (voir la photo où son père la conduit à l’autel, sur ce blog au 20 décembre 2022).

    Une nouvelle fois, la cartésienne s’est muée en romanesque ! Pas d’invitations ? Un costume bizarre ? Une robe payée de ses deniers ?

     

    Anne vient d’évoquer l’origine modeste de son mari qui n’était ni le comte de Mayalde, ni le ministre Serrano Súñer. Néanmoins, ces personnalités, et tant d’autres, figuraient pourtant parmi les cent cinquante convives, bel et bien invités à la noce, famille et amis (y compris des officiers américains de la base aérienne proche : ce blog au 23 octobre 2022) : « Parmi les invités qui assistèrent au mariage, se trouvaient Jaime de Mora y Aragón, le frère de Fabiola, la reine des Belges ; l’ex-ministre et beau-fils de Franco, Ramón Serrano Súñer ainsi que le colonel Otto Skorzeny, le héros de l’épopée de la libération du Duce, et le chef des commandos spéciaux » (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio, p. 286).

     

    Anne parle de l’ « uniforme peu orthodoxe » de son père, « avec la Croix de Fer au cou ». C’était « en réalité l’habit de gala de la Phalange Espagnole que Léon Degrelle pouvait porter de par son appartenance à la Vieille Garde de la Phalange depuis 1934. » (Ibidem, p. 287, ce blog au 25 octobre 2019). Quant à « la Croix de Fer au cou », tout le monde aura compris qu’il s’agissait de la cravate de la Croix de Chevalier de la Croix de Fer avec Feuilles de Chêne.

     

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    Léon Degrelle et sa sœur Louise-Marie dans un restaurant de Grenade, vers 1960.

     

    Enfin, lorsqu’Anne insiste sur sa belle robe acquise en échange de cours particuliers, nous nous étonnerons que, pour une fois, elle ne s’interroge pas sur l’origine des fonds qui permirent d’assurer toute la pompe de sa cérémonie nuptiale et l’organisation de la réception fastueuse dans les luxuriants jardins de La Carlina. Car, à ce moment, Léon Degrelle se débattait dans les insurmontables difficultés du financement de ses travaux immobiliers qui l’amèneront à une faillite inéluctable (ce blog au 23 octobre 2022). Ignorerait-elle, –ainsi que l’expliqua son papa dans une lettre à sa sœur Louise-Marie du 17 septembre 1969–, que pour couvrir les frais du mariage de sa fille et lui donner tout le lustre qu’il estimait indispensable, il n’hésita pas à brader son plus fameux incunable du XVe siècle comportant quelque deux mille gravures ?

     

    « Halo d’incompréhension » encore que cette comparaison entre la jalousie du père et celle du fils, la victime étant finalement toujours Anne…

    « Mon mari avait reçu une éducation stricte de son père, machiste andalou convaincu qui, au début de nos fiançailles, voyait d’un mauvais œil la permissivité de son fils à mon égard. Ooooh, quel péché ! Je pouvais m’habiller comme je voulais : petites robes sans manches, pantalons courts, maillots de bain, etc. Grand scandale dans un village de la montagne sévillane dans les années 60. Mais il se convainquit rapidement que j’étais une fille bien et que mon amour pour son fils ne pouvait laisser prise à aucun soupçon. […] J’avais parfois pitié de ma belle-mère et je la laissais se défouler sur moi. Elle finissait toujours par se convaincre que si son mari était jaloux comme le Maure de Venise, c’était parce qu’il l’aimait énormément. En définitive, tout cet atavisme remontait à bien des siècles et cela m’amusait. Mon mari aussi était jaloux et plus d’une fois il s’affronta verbalement à des garçons qui, d’après lui, me regardaient avec trop d’insistance. Moi, cela me faisait beaucoup rire, mais les dragueurs nous plaisent toujours à nous les filles, pourvu qu’ils soient beaux et respectueux […]. » (p. 124-125)…

     

     

    Servando Balaguer, l’homme politique

     

    Que saurons-nous d’autre sur Servando Balaguer ? Pas grand-chose, à part des manifestations de « halo d’incompréhension », comme celle-ci, pourtant antérieure encore au mariage, relative aux rencontres, dont raffolait Anne, avec les comtes de Mayalde ou la famille du ministre des Affaires étrangères et beau-fils du Caudillo, Ramón Serrano Súñer : « Mon fiancé n’appréciait guère cette vie sociale qu’il devait partager avec le milieu de son futur beau-père. » (p. 89).

     

    Et pourtant c’est avec enthousiasme qu’il deviendra un acteur important de la vie politique espagnole au sein du mouvement nationaliste Fuerza Nueva. Mais, –nouvel « halo d’incompréhension » ?–, ce serait à son épouse Anne qu’il serait redevable d'avoir pu rencontrer le président Blas Piñar : « Mon mari écrivit en mon nom à Don Blas pour le remercier de la position de la revue Fuerza Nueva qu’il dirigeait personnellement. » (p. 112).

     

    Fuerza Nueva Edito 28.02.1970.jpeg

     

    Il s’agit du fameux éditorial de février 1972, Ceux qui ne pardonnent pas, qui provoqua la saisie de l’hebdomadaire nationaliste où Blas Piñar protestait contre l’ordre de recherche et d’arrestation (busca y captura) de Léon Degrelle par le gouvernement d’Opus Dei (ce blog aux 25 mai 2019 et 3 janvier 2023).

     

    Dans le troisième volume de ses mémoires (La pura Verdad, 2001), Blas Piñar donne cependant une version quelque peu différente, s’honorant de l’amitié plus du gendre de Léon Degrelle, que du mari d’Anne : « Cet article m’a valu des déboires –comme la saisie de ce numéro de la revue, mais l’article fut quand même repris dans le numéro suivant–, et m’a procuré aussi des satisfactions. L’une d’entre elles fut la visite de remerciement ainsi que l’amitié de Juan Servando Balaguer Parreño, le beau-fils du Chef rexiste. » (p. 308).

     

    C’est cette rencontre qui précipita la carrière politique de Servando, Anne se réservant néanmoins un rôle de mouche du coche rexiste : « La politique en général nous plaisait à tous deux. Nous commençâmes à assister à de nombreux meetings organisés par le parti. Sa ligne me rappelait beaucoup REX et ses aventures dont je connaissais tant de choses pour avoir écouté mon père pendant les longues heures de discussions des premières années de ma vie espagnole que j’ai partagées avec lui. Mon mari commença vite à faire partie de l’équipe politique. Il était aussi un grand orateur et participait aux réunions organisées aux quatre coins des provinces espagnoles. Il endossait chaque fois plus de responsabilités dans le parti et, dans les années 70, il créa la branche Fuerza Joven. Il se chargea personnellement de la formation humaine et politique des jeunes du parti dans une ambiance de respect et de discipline. Toute cette jeunesse l’aimait et l’appréciait énormément. » (p. 112).

     

    Soyons néanmoins de bon compte : Blas Piñar appréciait beaucoup Anne dont il salue à plusieurs reprises dans son ouvrage l'implication politique dans les activités du mouvement Fuerza Nueva, notamment à l’occasion d’un meeting de l’Eurodroite à Marseille, le 10 novembre 1978 : « Mon discours, en français, m’avait été traduit avec un soin particulier par Anne Degrelle. » (La Pura Verdad, p. 242).

     

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    Grand meeting de Fuerza Nueva dans les arènes monumentales de Las Ventas (près de 30.000 personnes) à Madrid pour célébrer, le 18 juillet 1979, le quarante-troisième anniversaire du soulèvement national contre le Front populaire et ses exactions « révolutionnaires ». La réunion était placée sous le signe de l’Eurodroite, avec la participation de délégations, entre autres, italienne (MSI), française (Parti des Forces Nouvelles) et belge (Front de la Jeunesse). C’est Servando Balaguer qui animait la réunion, présentant les différents orateurs précédant Blas Piñar, le plus fameux tribun d’Espagne, et, en conclusion de cet Acte d'affirmation nationale, proposant à l'auditoire survolté d'entonner les hymnes patriotiques.

     

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    Servando Balaguer au meeting du 18 juillet 1979 dans les arènes de Madrid : il entonne l’Oriamendi (marche du mouvement légitimiste, du nom de la ville basque où les partisans de Charles, frère du défunt roi Ferdinand VII, emportèrent la victoire lors de la première guerre carliste). Suivront le Cara al Sol, chant de la Phalange écrit par José Antonio Primo de Rivera lui-même, ainsi que l’hymne national espagnol, resté sans paroles, mais, ici, avec un texte de Fuerza Nueva, chanté avec ferveur par la foule.

    Comme Anne ne dit rien de plus des impressionnantes activités politiques de son mari, précisons que Servando Balaguer était pratiquement devenu le bras droit de Blas Piñar qu’il remplaçait dans les événements auxquels il ne pouvait participer. Ainsi, par exemple, des congrès du Parti des Forces Nouvelles français de 1978 et 1979 ou de la campagne électorale italienne en Sicile en décembre 1978 où il sut remplacer avec éloquence le leader de Fuerza Nueva retenu à Rome par une audience privée avec le pape Jean-Paul II. Il noua également des liens privilégiés avec les nationalistes belges : « Juan Servando Balaguer participa, au nom de Fuerza Nueva, au camp du Front de la Jeunesse (plus tard, Forces Nouvelles) en décembre 1977 ; à son IIIe Congrès, le 18 avril 1978, où il prononça un des discours de clôture » (La PuraVerdad, p. 306).

    C’est lui qui représenta également Fuerza Nueva au « Meeting de l’Eurodroite » de Bruxelles, le 2 juin 1979, organisé par le Front de la Jeunesse belge. Celui-ci ne participait évidemment pas aux élections européennes du 10 juin suivant, mais il s’agissait d’offrir une tribune au président du Mouvement Social Italien, Giorgio Almirante, pour s’adresser à la forte communauté italienne de Belgique.

    Non seulement le meeting fut interdit par le bourgmestre libéral de Bruxelles sous l’éternel prétexte de « risque de troubles à l’ordre public », mais comme le meeting avait été remplacé par une conférence de presse dans la grande salle de bal de l’Hôtel Métropole, un arrêté ministériel fut pris en extrême urgence et signifié par deux agents de la Gendarmerie à Giorgio Almirante au moment même où il allait prendre la parole.

     

    Métropole 02.06.1979.jpeg

    Il y eut effectivement des troubles à l’ordre public provoqués impunément par les bandes gauchistes : la terrasse du rez-de chaussée du Métropole fut saccagée et toutes ses vitrines brisées ; les voitures particulières endommagées ne furent que des « victimes collatérales »...

     

    Face à une telle violation de la liberté d’expression d’un député italien, candidat aux élections européennes, garantie par la loi électorale, tous les orateurs ne purent que protester vainement, Servando Balaguer soulignant surtout le ridicule dont l’Etat belge se couvrait. C’est alors qu’un « journaliste » de la télévision belge l’interrompit en vociférant : « Parce que lorsque vous étiez au pouvoir avec Franco, il y avait plus de liberté, sans doute ? » Répondant du tac au tac, le responsable de Fuerza Nueva pour les relations avec les mouvements européens asséna cette évidence sans réplique : « Bien sûr ! Il y avait tellement de liberté et tellement de tranquillité chez nous que c’est en Espagne que, chaque année, le Roi des Belges Baudouin est venu passer ses vacances ! » (Fuerza Nueva, 9 juin 1979).

    La photo ci-dessous montre la tribune de la conférence de presse de l’Hôtel Métropole : de gauche à droite, Pascal Gauchon (Parti des Forces Nouvelles, France) annonce un « meeting de réparation » à Strasbourg, tout juste deux jours avant les élections, « où Giorgio Almirante ne risquera pas d’être empêché de parler ! », Giorgio Almirante (MSI, Italie) sous le coup de l’interdiction de s’exprimer qui vient de lui être signifiée, Francis Dossogne (Front de la Jeunesse, Belgique), Elie El Turk (Forces Nouvelles, Liban) et Servando Balaguer (Fuerza Nueva, Espagne).

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    Servando Balaguer veilla-t-il Franco avec Léon Degrelle ?

     

    La seule anecdote rapportée par Anne où son mari et son père eussent pu être réunis est celle de la mort de Francisco Franco et la présentation de sa dépouille dans une chapelle ardente au Palais d’Orient.

    Anne décida d’y emmener ses trois aînés afin de rendre hommage au Caudillo « pour avoir donné l’hospitalité à mon père Léon Degrelle en tant que réfugié politique. […] Nous quittâmes la maison à quatre heures de l’après-midi et ne pûmes passer devant le cercueil que le lendemain matin vers trois heures. » (p. 112).

    C’est en se présentant devant le défunt que, stupéfaite, elle reconnaît au côté du cercueil… son mari Servando : « Enfin, vers les 3h30 du matin, nous passâmes devant le corps de Franco et quelle ne fut pas ma surprise et celle de mes enfants en voyant mon mari veiller le cercueil, avec cinq autres garçons de Fuerza Joven, portant impeccablement leur uniforme ! Même lui ne pouvait s’y croire ! » (p. 113).

     

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    Congrès des responsables régionaux de Fuerza Joven, le 12 octobre 1979, en uniforme impeccable, chemise bleue de la Phalange et bonnet rouge de la Communion Traditionaliste : au premier plan, Servando Balaguer est accroupi au milieu, devant le premier rang, le regard tourné vers sa droite.

     

    « Quelques jours plus tard, mon père vint manger à la maison. Il me raconta qu’il ne pouvait assister publiquement à aucune de ces manifestations de deuil. La presse étrangère était trop nombreuse et il devait se cacher. » (p. 113).

     

    Sauf qu’à ce moment, Léon Degrelle n’avait plus aucune raison de se cacher : l’ordre de « busca y captura » était devenu caduc depuis que le gouvernement belge avait pris, le 17 décembre 1974 (soit près d’un an auparavant !), un arrêté ministériel le déclarant « étranger indésirable ». Ce qui rendait désormais impossible toute demande d’extradition. Aussi, tirant parti de cette nouvelle situation, l’encombrant exilé en profita-t-il pour se lancer dans de nouveaux projets immobiliers en Andalousie, sans manquer de se rappeler au bon souvenir de ses compatriotes en publiant ses fameuses Lettres à mon Cardinal dont plus de dix mille exemplaires seront vendus !

     

    Sauf aussi qu’à l’instar de Servando Balaguer, Léon Degrelle participa lui aussi à la veillée du corps du Généralissime Franco. Et que cela ne passa évidemment pas inaperçu dans la « presse étrangère » !

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    En effet, une dépêche de l’Agence France Presse datée du 26 novembre 1975 signala le malaise cardiaque dont souffrit Léon Degrelle à l’issue de sa veillée du défunt, le surlendemain de la mort du chef de l’État espagnol : « L’ancien chef du rexisme belge Léon Degrelle, a été frappé d’une attaque cardiaque dans la nuit du 22 au 23 novembre après avoir veillé pendant deux heures la nuit le corps du général Franco au palais d’Orient, apprenait-on mercredi à Madrid. »

     

    Cette dépêche de la célèbre agence de presse française fut reprise par la plupart des journaux belges ainsi que par la presse internationale.

     

    Léon Degrelle lui-même confirma cet incident à un journaliste de l’hebdomadaire argentin Siete Dias ilustrados : « Devant la dépouille de Franco, qui était son ami, l’homme demeura deux heures dans une attitude pensive, une attitude de recueillement. Quand il sortit, le jour se levait sur la grande esplanade. Les soldats achevaient les préparatifs pour dresser l’autel et les tribunes où allaient se célébrer les funérailles quelques heures plus tard. […] Cet homme grand et fort, Léon Degrelle, fondateur et Chef du mouvement rexiste belge, vacilla et s’écroula devant la porte du Palais, terrassé par une crise d’angine de poitrine.

    Léon Degrelle : Une fois de plus, j’ai échappé à la mort, comme en mai 1940 à Abbeville […]. J’ai plus de vies qu’un chat ! –constate-t-il en souriant. En Ukraine et au Caucase […], j’ai survécu à sept blessures et onze fractures. Et j’ai échappé aussi à la mort, malgré tous mes os brisés, quand je me suis écrasé en avion dans le Golfe de Gascogne et, plus tard, à Séville quand on a voulu m’enlever […]. » (19 juillet 1976).

    Siete Dias 19.07.1976.jpgAlors, pourquoi Anne propose-t-elle cette carabistouille ? A-t-elle voulu faire de son mari le seul membre de sa famille à avoir été la sentinelle du défunt Caudillo ? Ou voulait-elle cacher que la veillée inattendue de son père exprimant sa reconnaissance pour la fidèle protection que lui assura Francisco Franco ne fut possible que par la présence de son propre mari dans la chapelle ardente ? De Servando qui ne pouvait rien refuser à son beau-père qu’il admirait sans les réserves fantasmagoriques entretenues par sa femme ? Toujours ce « halo d’incompréhension »...

     

     

    Servando Balaguer, avocat de Léon Degrelle

     

    Anne n’en dira pas plus et ne parlera plus de son époux que pour chroniquer sa dépendance fatale au jeu ainsi que son décès. Et c’est bien dommage car, ce faisant, elle passe, par exemple, totalement sous silence son rôle d’avocat, pourtant déterminant, dans la défense de Léon Degrelle attaqué par Violeta Friedman, Vénézuélienne d’origine juive vivant en Espagne. L’affaire avait pourtant commencé par la prétention du rabbin Abraham Cooper et de la Fondation Simon Wiesenthal de Los Angeles d’offrir un million de dollars pour la capture de Léon Degrelle, prétention qu’a justement dénoncée Anne dans son livre (ce blog au 3 janvier 2023). En juillet 1986, Violeta Friedman perdit son procès contre Léon Degrelle qu’elle accusait d’avoir douté de la mort de juifs dans des chambres à gaz en répondant à un journal espagnol qui lui demandait de réagir à la mise à prix de sa tête. Elle interjeta appel de cette décision.

     

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    « A nouveau, le tribunal venait d’acquitter Léon Degrelle, soulignant l’absence absolue d’intérêt à agir de la part de la plaignante. À l’issue de l’audience, Violeta Friedman, s’adressant aux photographes de presse couvrant l’affaire, leur dit d’un ton autoritaire : Photographiez-les bien tous pour que nous puissions les ficher ! Elle parlait des jeunes idéalistes présents dans le prétoire. » (Degrelle en el exilio, p. 474)

     

    Les remous médiatiques et les multiples plaidoiries de cette affaire à rebondissements mériteraient certainement d’être retracés méticuleusement. Contentons-nous ici de n’en évoquer que les principales étapes telles que les retrace José Luis Jerez Riesco dans son Degrelle en el exilio, récit d’autant plus intéressant que lui-même, jeune avocat, put assister le conseil principal de Léon Degrelle, le gendre de celui-ci, Servando Balaguer :

    « La défense de Léon Degrelle […] fut confiée à son beau-fils, Servando Balaguer, accompagné et assisté, en toge, à la barre, par son ami, l’avocat José Luis Jerez Riesco. […] Le verdict rendu le 9 février 1988 fut favorable à Degrelle, […] estimant que les propos tenus par Léon Degrelle à la revue Tiempo ne relevaient aucunement d’ expressions ou de faits personnels et que, à aucun moment, il n’avait fait quelque référence à Violeta Friedman ni à sa famille et que [le tribunal] se refusait à se prononcer sur des considérations à caractère historique ou politique. […] Le 5 décembre 1989, le Tribunal Suprême [saisi en cassation] confirma en tous points le verdict de l’Audiencia Territorial, rejetant le recours et donnant entièrement raison à Léon Degrelle […].

    C’est alors que, le 12 janvier 1990, une requête individuelle de protection [« recurso de amparo »] fut introduite devant le Tribunal Constitutionnel. […] Léon Degrelle était représenté par le procureur Francisco de las Alas Pumariño y Miranda, assisté par l’avocat Juan Servando Balaguer Parreño. […] Le jugement 214/91 de ce Tribunal Constitutionnel, politisé par la procédure de sélection de ses magistrats, fut rendu le 11 novembre 1991. […] Ce fut la consécration de la criminalisation du droit à la liberté d’expression sur certains faits historiques. Le jugement était bref et disait textuellement : 1) Déclarer nuls les jugements [précédents] ; 2) Reconnaître à la plaignante le droit à l’honneur. » (pp. 472-480).

     

    José Luis Jerez Riesco termine cependant ce chapitre en relevant que le Tribunal Constitutionnel est revenu sur ce jugement le 7 novembre 2007, de sorte que « en Espagne, du moins, on peut étudier l’Histoire de manière contradictoire dans la recherche de la vérité. […] Léon Degrelle a finalement gagné cette bataille juridique car il avait raison, au-delà de la mort. » (p. 484).

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    Ultime désillusion de Léon Degrelle lisant dans le quotidien El País du 12 novembre 1991 l’annonce du dernier verdict qu’il put connaître : « La Cour Constitutionnelle protège Friedman contre l’incitation à la haine contre les juifs de l’ex-chef des SS Degrelle » ! Seize ans plus tard, il obtiendra pourtant justice, le Tribunal Constitutionnel revenant sur ce jugement : « À l’instar du Cid Campeador, Léon Degrelle a gagné sa bataille juridique au-delà de la mort ! » (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio, p. 481).

     

     

    Servando Balaguer au décès de Léon Degrelle

     

    Pour Anne Degrelle-Lemay, le rôle de Servando Balaguer au cours des heures tragiques du décès de son papa s’est strictement limité à celui de conducteur d’automobile. Aussi n’occupe-t-il aucune place (et n'est pas autrement évoqué que sous le vocable « mon mari ») dans L’agonie et la mort de mon père, le chapitre le plus sensible de ses mémoires. Et pourtant…

     

    En vacances à la Costa del Sol, Anne fut la première à être appelée au chevet de son père : « Je savais qu’il ne survivrait pas à ce dernier combat. Il respirait avec difficulté. Son cœur et ses poumons s’affaiblissaient. J’étais assise à ses côtés, anxieuse mais sereine, tenant ses mains entre les miennes. De temps en temps, il ouvrait les yeux et son regard me semblait absolument conscient, comme s’il voulait exprimer quelque chose : la peur, la douleur (mais pas physique, car il était sous calmants), des questions... C’étaient des éclairs de regard qui sont restés gravés dans mon esprit.

    Ma fille et des amis se relayaient devant la porte, dans le couloir, pour que personne ne vienne déranger ces heures ultimes de contact intime entre un père et sa fille. […]

    Les premiers qui arrivèrent furent mon fils Juan avec ma sœur Christine et mon mari au volant de la voiture. Godelieve et son mari les suivaient depuis Madrid. Notre ami Alex se chargea de prévenir les amis de mon père […].

    Néanmoins, quand il expira, nous étions seuls, mon fils Juan et moi, à ses côtés. Sa figure se transforma. Tout signe de douleur ou d’angoisse avait disparu, jusqu’aux rides de sa peau de 88 ans. Il n’exprimait plus que la paix.

    A ce moment, moi qui avais eu souvent des crises de foi, j’éprouvai un immense sentiment de Paix. Y avait-il un Au-Delà où un dieu miséricordieux l’attendait ? Le bonheur qu’exprimait son visage à cet instant me bouleversa. Voulait-il me transmettre quelque chose ?

    Je ne veux pas m’étendre sur l’émoi international que provoqua son décès. Ajouter seulement que mon fils fut le seul qui veilla son corps dans le funérarium de Malaga toute la nuit du Vendredi Saint jusqu’à ce que, le samedi, l’entreprise de pompes funèbres se charge de l’incinération.

    Mon mari, mes enfants et moi rentrâmes à Madrid, essayant de retrouver une vie éloignée de la presse et des commentaires de la radio et de la télévision. » (pp. 139-140).

     

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    L’hôpital Parque San Antonio sur l’avenue longeant la plage de Malaga.

     

    Fiche Malaga De Schutter.jpgCorrigeons simplement ce récit avec le rare témoignage d’une personne présente, le photographe Jacques de Schutter qui a rédigé une « fiche de voyage » sur son séjour à Malaga en ces moments dramatiques :

     

    « On va vers la clinique. Chantal [fille aînée de Léon Degrelle] va et revient après un certain temps. C’est là qu’on apprend que Léon a été transféré au crématorium. Jeanne est à l’hôpital : là aussi, c’est la catastrophe… très malade… poumon atteint… etc., etc. Elle ne pourra même pas assister à la crémation de son mari. Drame complet ! Taxi. On part à 30 km de Malaga pour le crématorium. La fille de Jeanne, Caroline, nous accompagne. On arrive au crématorium sur les hauteurs de Malaga. Toute la famille est là : les quatre filles, Chantal, Anne, Godelieve, Marie-Christine, avec leur mari et leurs enfants respectifs.

    Chambre mortuaire. Derrière une vitre, le cercueil est là, avec Léon Degrelle. Office funèbre. Messe. Je suis tout près du cercueil dans un bois sombre de couleur acajou, bords arrondis, un Christ sur le dessus. Il est à ma droite. Des fleurs : une couronne d’œillets roses, blancs et rouges ; des roses rouges, cinq ou six maximum ; des orchidées… La cérémonie est très intime, maximum vingt personnes. Office religieux. Pas de communion ni de musique –nous sommes le Vendredi Saint.

    Léon Degrelle est mort à 23h, le jeudi 31 mars 1994. La crémation a eu lieu le vendredi 1er avril 1994 à 23h (il fait nuit).

     

    C’est Raymond Van Leeuw qui gère les opérations à 23h. Il n’y a que des hommes ! Toutes les familles sont rentrées à Malaga. Restent sur place le mari d’Anne [Servando Balaguer], le mari de Godelieve, le mari de Marie-Christine et deux ou trois autres personnes hommes.

    Raymon Van Leeuw leur demande de le suivre et de l’accompagner pour la fermeture du cercueil. Aucun d’entre eux n’acceptera ou ne souhaite participer à cette opération !

    Raymond me demande de l’accompagner pour la fermeture du cercueil. J’accepte. Nous n’étions que deux !

    Après la crémation, au bout d’un certain temps, l’urne est récupérée et délivrée avec un document (papier) qui a été remis ainsi que l’urne au mari d’Anne [Servando Balaguer] qui n’a pas voulu en prendre possession !... et l’a donnée à Vermeire… Alors que la demande impérative de Léon et de Jeanne voulait que l’urne soit remise à Raymond.

    Après, tout le monde se sépare. »

     

    Servando Bibliothèque.jpg« C’est l’époque [les années 70] où j’ai le plus aimé et admiré mon mari. Il avait un cabinet d’avocats qu’il avait monté quelques années auparavant avec deux collègues et qu’il garda jusqu’à sa mort. […] Ce fut une époque positive pour nous deux. Une dizaine d’années avait passé depuis notre arrivée à Madrid. Nous avions quatre enfants merveilleux. Notre vie professionnelle et… sentimentale allait bien. » (p. 110).
    Les points de suspension de la dernière phrase sont d’Anne. Toujours ce « halo d’incompréhension ».

  • Cercle des Amis de Léon Degrelle

     

     

    38e Correspondance privée – Avril 2023

     

    C’est avec un infini plaisir qu’après une longue interruption qui nous faisait craindre le pire, nous avons reçu la dernière publication du Cercle des Amis de Léon Degrelle (notre dernière recension du courrier du Cercle remonte en effet au 13 octobre 2021 !).

    Et de fait, ce long silence traduisait bien les ennuis occasionnés par les démocrates champions de la liberté d’expression à sens unique. Mais il vaut mieux, chers Lecteurs, que vous preniez connaissance par vous-mêmes des explications des responsables de ce Cercle aux objectifs pourtant bien circonscrits. Documenter l’actualité degrellienne de la manière la plus scrupuleuse et exhaustive possible : c’est apparemment encore bien trop…

    Cercle Amis 38 p. 2.jpeg

    Nous ne pouvons que remercier chaleureusement nos Amis degrelliens de France pour leur inébranlable attachement à l’idéal solaire de l’auteur de Révolution des âmes : c’est un magnifique exemple de courage, d’abnégation et de persévérance qu’ils nous donnent, se montrant on ne peut plus dignes de la devise portée sur leur boucle de ceinturon par les Bourguignons de la Sturmbrigade Wallonien et leur Commandeur Léon Degrelle : « Mon Honneur s’appelle Fidélité » !



    Guy Sajer, alias Dimitri

     

    Ce n’est donc sûrement pas gratuitement si la première page de couverture s’orne de cette belle photo de Léon Degrelle, dédicacée, fin 1989, à « Guy Sajer, l’inoubliable poète de notre épopée en U.R.S.S. »

    Cette photo fut prise par notre Camarade Jacques de Schutter, photographe officiel de Léon Degrelle, dans son appartement de Madrid, au dernier étage de l’immeuble situé, à l’époque, rue García Morato, du nom de cet as de l’aviation nationaliste pendant la Guerre civile, comptant plus d’une cinquantaine de victoires –homologuées et présumées– dans ses duels aériens : après la mort de Franco et la damnatio memoriae –aujourd’hui, on dit « wokisme »– qui a frappé le souvenir de son époque, la rue s’est à nouveau appelée Calle Santa Engracia. Léon Degrelle se trouve à la fenêtre de son bureau donnant sur la vaste terrasse fleurie orientée à l’ouest, vers l’Escorial et le Valle de los Caídos : par temps clair, il avait le plaisir d’en contempler les montagnes de la Sierra de Guadarrama.

    Nous disions que le choix de cette photo par nos Amis du Cercle n’est sans doute pas dû au hasard, car, pour les jeunes d’aujourd’hui qui l’ignoreraient encore, Guy Sajer est l’auteur du livre Le Soldat oublié, l’un des récits les plus puissants sur la Seconde Guerre mondiale par l’expression naturelle de la foi du soldat en la justesse de son combat mais aussi par son évocation de l’horreur de la guerre et la peinture des souffrances, des émotions, des amitiés qu’il connaîtra sur le front et qui le marqueront à jamais.

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    Car c’est son histoire que Guy Sajer (le nom de sa mère) a racontée, celle d’un Alsacien, –pas tellement « malgré nous »–, engagé à 16 ans dans la prestigieuse division blindée Grossdeutschland, de la Wehrmacht, aux combats de laquelle il participera jusqu’à l’anéantissement du Reich. Après la guerre, Guy Mouminoux (le nom de son père) deviendra l’un des principaux auteurs de l’école franco-belge de bande dessinée, travaillant notamment pour les célèbres hebdomadaires Spirou et Pilote (dont il se fera éjecter à cause du Soldat oublié). Il  rejoindra alors Tintin (Hergé vient d'y publier Vol 714 pour Sydney, mais c'est Greg, –le créateur d'Achille Talon– alors rédacteur en chef du « Journal des jeunes de 7 à 77 ans », qu'il rencontre et qui l'engage) et même B.D. Magazine (dans le sillage de Charlie Hebdo dont le fondateur, le « Professeur Choron », un ancien d'Indochine, se prend d'affection pour lui, tout comme le rédac' chef, Cavanna). C’est sous le nom de Dimitri qu’il y entreprend sa meilleure série à succès Le Goulag (une vingtaine d’albums publiés chez différents éditeurs) et qu'il met en chantier ces chefs-d’œuvre de justesse et de réalisme dans la narration que sont les poignants récits de guerre Kaleunt et Raspoutitsa (Albin Michel).

    Le choix de cette photo dédicacée est d’autant plus approprié que dans une interview publiée en 2012 dans Guerres & Histoire, Guy Sajer livrait, avec sa franche simplicité, une expérience tout à fait semblable à celle que rapportait tout à l’heure l’éditorialiste du Cercle.

    A la question de savoir s’il avait gardé le contact avec un ancien de la Grossdeutschland qu’il met en scène dans Le Soldat oublié, Dieter Halls, l’auteur répondit : « Il est devenu citoyen américain après guerre. Nous sommes allés le voir avec mon épouse il y a une dizaine d’années à New York. Ça ne s’est pas très bien passé d’ailleurs. Il m’a un peu choqué : il avait tout renié. Nous étions devenus à ses yeux une bande de forbans qui avait massacré l’Europe. N’importe quoi ! La guerre, on nous l’a imposée. Il était devenu un autre type pour moi. Un Américain. Alors je n’ai pas cherché à le revoir. Moi, je ne crache pas sur les Allemands. »

     

    Raspoutitsa.jpeg

    Mise en images par Dimitri dans Raspoutitsa, c’est la séquence finale, de la tragédie vécue par Steinbek, un soldat allemand, au Front de l’Est et dans les goulags soviétiques. Ne jamais rien renier (ce qui n’empêche de toujours se faire couillonner)...

     

    Quant à son avis sur le Reich, on sent que ça dérange l’interviewer qui lui assène un « Hitler  ! » comme une objection irrécusable, mais Guy Sajer ne renie rien et retrouve les accents enthousiastes de sa jeunesse :

    « J’étais béat d’admiration devant l’Allemagne, je dois reconnaître. Tout était si impeccable, si organisé… J’étais conquis par ce pays. C’était une histoire d’amour. C’est un pays qui a une telle force. Regardez ce qui se passe encore aujourd’hui : c’est eux qui vont relever l’Europe ! Même dans la débandade finale, ils restaient organisés. Ils ont aussi leur lot de connerie, bien sûr.

    Mais Hitler, ça vous disait quelque chose quand même !
    Je l’ai vu une fois, à Chemnitz. Comme d’ici, la place ! Un petit bonhomme en casquette qui marchait très vite, qui saluait.

    Aviez-vous une affection particulière pour lui ?
    À nos yeux, il était le bienfaiteur de l’Allemagne. Il a totalement remonté le pays. Moi, j’étais rassuré par son régime. Je venais d’une France qui vivait dans un bordel invraisemblable. L’Allemagne était carrée, tout était précis, on savait ce qu’on avait à faire. Je n’étais pas maltraité. Il me semblait qu’avec l’Allemagne, j’avais retrouvé des parents qui géraient. On a chargé Hitler de tous les maux ! Absurde. C’était un sentimental. Arno Breker, le sculpteur intime d’Hitler, m’a raconté après guerre qu’il était un rêveur, un poète, un type extraordinaire. Je le crois toujours. »

     

    On croirait entendre Léon Degrelle…

     

     

    Degrelliana

     

     

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    Comme à son habitude, la Corrrespondance privée du Cercle passe en revue l’actualité à travers le prisme degrellien, sans oublier les livres, magazines et sites internet pouvant intéresser tout passionné de Léon Degrelle.

    C’est ainsi qu’au moment où se déroulent encore maintenant des procès de terroristes islamistes, on relira avec intérêt les observations sur les origines du terrorisme formulées dès après la guerre par Léon Degrelle dans son livre De Rex à Hitler publié bien après sa disparition (Editions de l’Homme Libre, 2015, 30 euros).

    De même, la dérive de skinheads américains échouant leur vie Dans l’Enfer carcéral américain (Rémi Tremblay, éd. Dualpha, 23 euros), après avoir désastreusement identifié la « défense de la race blanche » avec la violence urbaine et le meurtre, faute d’avoir eu accès à une véritable vie spirituelle –la Révolution des âmes degrellienne–, préalable indispensable à toute régénération politique de la société…

     

    SS Ukraine.jpgAffiche de recrutement pour la Waffen SS ukrainienne.

     

    L’interview de Fédor Kazan, qui appartenait à la division de la Waffen SS ukrainienne Galicie, est également riche d’enseignements sur la véritable politique nationale-socialiste en Ukraine, aussi bien au point de vue racial et social que religieux : mais cela ne saurait surprendre que ceux qui n’ont jamais lu les récits de Léon Degrelle.

    Il est impossible d’évoquer ici toutes les présentations des nombreuses publications que nous ne connaîtrions pas sans la lettre du Cercle.

    Ainsi de deux brochures éditées par le « Cercle François Duprat, organe de formation et de réflexion de la communauté militante nationaliste-révolutionnaire Lyon Populaire ». La première reprend le discours que Léon Degrelle prononça, le 5 mars 1944, au Palais de Chaillot Aux armes pour l’Europe. Il est complété par Appel aux jeunes européens, que publièrent les éditions Avalon en 1992. La seconde est la Lettre aux Français que Léon Degrelle, interdit de séjour en France, fit paraître dans le numéro spécial de Je suis partout consacré à Rex (« Qu’est-ce que Rex ? »), le 24 octobre 1936. En complément est jointe la Lettre au Pape [à propos d’Auschwitz], (Editions de l’Europe réelle, 1979 ; ce blog au 25 juillet 2020).

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    Pour commander ces brochures, il faut se rendre sur leurs comptes Instagram ou Facebook.

     

     

    René Baert : esthétique et éthique

    C’est la réédition d’une rare pépite des éditions nationales-socialistes belges de La Roue solaire que nous annonce également le Cercle. L’épreuve du feu, à la recherche d’une éthique fut publié en mars 1944 par René Baert, critique littéraire et artistique du Pays réel, aux éditions qu’il cofonda, un an plus tôt.

    A sa sortie, ce livre fut présenté élogieusement dans la presse d’Ordre Nouveau, notamment par Le Nouveau Journal dont Robert Poulet fut le rédacteur en chef : « C’est à [la révolution nationale et sociale] que se consacre René Baert dans son livre L’épreuve du feu, qui porte en sous-titre : à la recherche d’une éthique.

    Baert Epreuve Feu 2.png

    Il s’agit d’une suite de courts essais dont le lien et l’unité sont évidents. Livre un peu aride, sans doute, –mais la facilité n’est plus de mise en ces temps de fer, et puisque, justement, c’est contre l’esprit de facilité qu’il faut d’abord lutter. Livre d’utile mise au point. L’essentiel de notre combat sur le plan de la pensée et de l’éthique, se trouve condensé dans de brefs chapitres qui s’intitulent notamment : La mesure du monde, Liberté chérie, Apprendre à servir, Le salut est en soi, Mystique de l’action, L’homme totalitaire, Le sens révolutionnaire.

    On n’entreprendra pas ici de résumer un message qui se trouve déjà fortement condensé dans ces pages, et dont la signification essentielle tient peut-être dans ces quelques lignes :

    Le révolutionnaire est celui qui lutte pour que nous ne connaissions plus jamais un temps comme celui que nous avons connu avant cette guerre… Ah ! combien à ce temps exécrable préférons-nous celui que nous vivons aujourd’hui ! Ce n’est pas que nous soyons heureux d’avoir fait les frais d’une aventure qui ne nous concernait pas, ce n’est pas que nous bénissions l’épreuve qui nous condamne à étaler toutes nos misères aux yeux d’autrui, –mais ce qui nous enchante, c’est d’être entrés de plain-pied dans la lutte, c’est de participer dans la faible mesure de nos moyens au gigantesque travail de l’avènement de l’Europe… Le sens révolutionnaire de notre époque extraordinaire se traduit précisément dans l’immense besoin de quelques-uns de sauver leur patrie malgré elle… La tâche, plus que jamais, doit appartenir aux révolutionnaires. C’est toujours à la minorité combattante qu’appartient l’initiative de la lutte. Mais qu’on n’oublie pas que seuls pourront y participer ceux qui n’auront pas préféré leurs petites aises au risque qui fait l’homme.

    Cette tâche, elle est politique et sociale, mais elle est aussi spirituelle, éthique. Aussi bien est-ce à la recherche d’une éthique révolutionnaire que s’applique l’auteur de L’épreuve du feu. Il ne le fait pas sans se référer à de hauts maîtres, tels que Nietzsche ou, plus près de nous, l’Allemand Ernst Jünger (dont René Baert analyse lucidement l’œuvre et l’enseignement dans un chapitre intitulé Le travailleur), les Français Drieu la Rochelle ou Montherlant (entre lesquels il établit un remarquable parallèle). » (Le Nouveau Journal, 6 avril 1944).

    René Baert.pngRené Baert, réfugié en Allemagne en 1945 où il tentait de se préserver des générosités assassines de la « Libération », est arrêté et fusillé sans autre forme de procès par des militaires belges. On ne dispose que de peu d’éléments biographiques sur lui bien qu’il existe un site modeste qui lui est consacré (cliquez ici).

     

     

    L’épreuve du feu, de René Baert, est sorti aux éditions du Lore et est disponible à la Boutique Nationaliste du Cercle des Amis de Léon Degrelle (26 euros + 7,5 euros de frais de port).

     

     

     

     

    « Incivique ! » : une insulte qui justifie les spoliations à très bon marché…

    Le Cercle évoque aussi un article du Soir (14 mars 2023) intitulé Dans les petits papiers d’Edouard Degrelle qu’il cite d’ailleurs en entier. L’article explique que les Archives de l’administration des dommages aux biens privés sont désormais accessibles dans les dépôts provinciaux des Archives Générales du Royaume. Et c’est dans le dépôt d’Arlon (province de Luxembourg) qu’a été épinglé le dossier du Papa de Léon Degrelle : « Comme des centaines de milliers d’habitants de la province du [sic] Luxembourg, Edouard Degrelle, le père de Léon Degrelle, a déposé un dossier où il détaille par le menu les dégâts occasionnés à sa maison par la destruction des ponts de Bouillon en mai 1940 […] par l’armée française » (ce blog au 15 juin 2021). Le Soir est heureux de communiquer le résultat de cette demande légitime : « Edouard Degrelle ne touchera toutefois par un sou. […] Les inciviques n’ont pas droit aux dommages de guerre. »

     

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    Ce que Le Soir ne dit pas, c’est que les « inciviques » comme Edouard Degrelle sont de toute façon condamnés à la confiscation de tous leurs biens et à crever comme des rats en prison…

    Précisons que la maison paternelle de Bouillon fut rasée et remplacée par un bâtiment abritant… la « Justice de Paix » ! Aujourd’hui, cette maison –qui était devenue entretemps la bibliothèque communale– doit être rasée et l’ensemble des terrains qui appartenaient aux Degrelle (jusqu’à l’ancien couvent des Sépulcrines) est destiné à la construction pharaonique d’un hôtel de tout grand luxe (plus de dix millions d’euros d’investissement : ce blog au 14 janvier 2020) !...

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    L’entrée de la maison paternelle, rue du Collège à Bouillon, s’ornait de rosiers grimpants. Les immeubles voisins étaient loués, maisons bourgeoises à droite, modeste salon de coiffure à gauche. Après la guerre, l’ensemble des propriétés fut purement et simplement confisqué, la maison paternelle abattue (il fallait –damnatio memoriae oblige– anéantir tout souvenir de la famille maudite) et remplacée –ironie autant que provocation– par un bâtiment de la « Justice de Paix », l’emplacement du coiffeur devenant son parking…

    Le comble est que les propriétés saisies furent vendues aux enchères en 1952, prétendument « pour sortir d’indivision » ! Comme si les héritiers Degrelle ne pouvaient s’entendre sur la répartition des biens de leur famille ! Cette « vente publique définitive » concernait toutes les propriétés qu’Édouard Degrelle avait acquises autour de sa brasserie. Remarquons le neuvième et dernier lot, le « Bel immeuble à usage d’habitation et de commerce […] occupé actuellement par l’Administration des Postes », situé en face de la maison familiale, le long de la Semois (où se trouvait aussi la gare des trams vicinaux). Il avait été hypothéqué en 1933 par le Papa de Léon Degrelle afin de lui permettre d’éponger les dettes des éditions Rex.

    (Documentation ® Jacques de Schutter)

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    Anne (Degrelle) Lemay

     

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    Le Cercle renvoie à l’analyse critique que nous avons publiée sur ce blog (un dernier chapitre doit encore paraître), mais il fournit aussi un fort intéressant complément en renseignant le film de la conférence de presse de présentation de son livre par Anne entourée de ses filles, organisée par son éditeur le 29 septembre 2022. Pour y avoir accès, nos lecteurs hispanophones peuvent cliquer ici. Les autres pourront du moins découvrir sa faconde énergique face à un public –qui n’a sans doute pas (bien) lu son livre– conquis par le simple fait qu’elle est la fille de Léon Degrelle.

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    Cercle des Amis de Léon Degrelle, adhésion (26 ou 33 euros, selon que vous résidiez en France ou non) et renseignements sur les livres dont le Cercle assure la diffusion : www.boutique-des-nationalistes.com

    Adresse : Cercle des Amis de LD, BP 92733, 21027 Dijon Cedex, France. lesamisdeleon.degrelle@gmail.com

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

     

    V. Les lacunes historiques d’Anne…

     

     

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    Léon Degrelle a tout fait pour retrouver ses enfants, pas seulement matériellement en les accueillant en Espagne où ils firent leur vie, sauf Léon-Marie victime d’un accident mortel après quelques mois et Chantal qui était déjà mariée en France, mais affectueusement surtout. De la part d’Anne, cette affection fut-elle réciproque, spontanée et sincère ? Oui, nous affirme-t-elle avec assurance. Et nous n’avons aucune raison de ne pas la croire. Mais l’édition de cette « espèce de journal à destination de mes enfants et de mes petits-enfants » (p. 169) est-elle bien sans arrière-pensée ? Ses enfants pourraient-ils vraiment y trouver un portrait authentique de « Degrelle, L’homme qui changea [le] destin » de leur mère et grand-mère ?

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgDepuis que nous avons commencé la présentation du livre de mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, nous n’avons pu que souligner la carence et le biaisement continuels de l’information (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

    Destiné surtout –affirme l’auteur– à mieux faire connaître à sa famille la vie, la pensée, l’idéal de leur grand-père et arrière-grand-père (« Je leur ai tant parlé de leur aïeul qu’ils veulent maintenant en savoir davantage », p. 165), ce livre ne pouvait passer sous silence la première moitié de la vie de Léon Degrelle. Encore qu’il ne dise pratiquement rien de l’enfance, des années d’université (un mot sur le journal L’Avant-Garde, un autre sur Mgr Picard et les Cristeros mexicains, p. 87)… Sur Rex, rien non plus, à part l’intérêt pour la politique sociale nationale-socialiste (p. 109, sans expliquer qu’en évoquant le régime hitlérien, la presse rexiste ne faisait alors que remplir sa mission d’information ni que le Führer y fut éreinté, pratiquement jusqu’à la capitulation de la Belgique) ou la politique de neutralité, « une clairvoyance [de la part de Léon Degrelle, qu’Anne estime] semblable à celle de Charles Maurras, un de ses grands amis »… que son père n’a –malheureusement– jamais rencontré ! (p. 110).

     

    Même si elle a la Belgique en horreur (« Je dois reconnaître que le coup de foudre n’était pas seulement pour [mon père], mais pour l’Espagne que j’aimais déjà autant sinon plus que la France et surtout que la Belgique que je haïssais depuis tant d’années pour tout le mal qu’elle fit à ma famille », p. 73), Anne se devait d’en expliquer l’originalité à ses enfants pour qu’ils comprennent mieux l’action de leur grand-père aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure de Rex que pour le recrutement des Légionnaires du Front de l’Est. Mais là aussi, on nage dans l’imprécision et l’ignorance : « Nous savons que la Belgique se divise en deux régions, la Wallonie et la Flandre. Des cultures différentes, des langues différentes, des spécificités différentes. En Wallonie, on parle français, en Flandre le flamand, le néerlandais ainsi que l’allemand. » (p. 133). Outre que le flamand, sauf à le considérer comme un patois, est la même langue que le néerlandais effectivement parlé en Flandre, l’allemand n’est, quant à lui, parlé que dans les cantons de l’est, à la frontière allemande, c’est-à-dire enclavés en Wallonie.

     

    Anne semble également ignorer les origines françaises de son papa (une fois, p. 23, elle le présentera pourtant comme « belgo-français » : voir plus loin). Toujours est-il que, dans un texte écrit en 1949 expressément pour ses jeunes enfants dont il était séparé depuis plus d’un lustre (l’aînée, Chantal, avait quinze ans ; Anne, treize ; Godelieve, onze ; Léon-Marie, dix et Marie-Christine, cinq) et qu’Anne doit nécessairement connaître, son père ne manque pas de détailler : « Edouard Degrelle [le grand-père d’Anne] était né à Solre-le-Château, ville française, puisque l’Ardenne est coupée par la frontière belgo-française, ligne arbitraire, souvent modifiée, région pleine de simplicité et de noblesse. Elle était originaire de Gonrieux et pendant deux cents ans, avait porté le nom de cette terre. Les le Grêle de Gonrieux avaient cette devise qui fait croire qu’ils n’étaient pas costauds, mais qu’ils étaient bien décidés à vivre : Grêle est, mais croîtra ! Les Degrelle de Solre-le-Château habitaient depuis plusieurs générations une grande maison à pignons, blanche et vaste. Deux cent quatre-vingt huit Degrelle y étaient nés. Les familles étaient nombreuses, un Livre de Raison remontant à 1589 en fait foi ». (Léon Degrelle, Mon Combat, s.l., s.d., p. 20). Usmard Legros, le premier biographe de Léon Degrelle précise que 1589 est en fait l’année de naissance, à Sains-du-Nord (Avesnois), du « plus lointain ancêtre connu, Martin de Grelle » (Un homme… un chef. Léon Degrelle, 1937, p. 24).

    Degrelle Solre-le-Château.jpgMonument funéraire de la famille Degrelle dans le cimetière de Solre-le-Château (nord de la France). Cette concession à perpétuité fut élevée par Constantin-Joseph Degrelle (1784-1869), l’arrière-grand-père de Léon.

    « Mon père était d’origine wallonne. Il était né dans un beau village des Ardennes appelé Bouillon. Sa langue maternelle était le français. Et les zones aux nombreux conflits sociaux, régions minières et industrielles, étaient en terre flamande. » (p. 100) Sauf que les zones industrielles minières –à part un site dans le Limbourg flamand– se trouvent toutes en région wallonne, dans les provinces de Liège et du Hainaut, fiefs de la gauche socialiste et communiste avant de devenir terreau rexiste (c’est pourquoi l’hommage à la Légion Wallonie célébrant le succès de la percée de Tcherkassy, le 1er avril 1944, débuta à Charleroi : ce blog au 7 mars 2022).

     

    Quand Anne se mêle de l’histoire politique de son père, ce n’est pas mieux, incapable, par exemple, de situer correctement les relations de la famille Lemay avec son père :

    « Toute la famille de ma mère, à cette première époque de sa vie politique, le soutenait inconditionnellement. Elle partageait avec des milliers de personnes (âgées et jeunes, aisées ou pauvres) cette foi en un homme honnête décidé à lutter pour leurs droits. […] Mon père, un homme de principes et catholique jusqu’à la moelle, amoureux de sa Belgique natale, vit en Hitler un créateur d’hommes, un chef qui avait sorti son pays aux millions de chômeurs de la misère économique et lui avait rendu l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier “Heil Hitler”. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (p. 18).

    Sans doute parce que sa famille maternelle lui aura répété mille fois cette histoire, Anne Degrelle-Lemay se crut autorisée à revenir plus précisément sur les circonstances de la rupture de sa famille maternelle avec Léon Degrelle, les rendant du coup encore plus invraisemblables.

    C’est ainsi qu’Anne situe cette rupture des Lemay avec son père à l’époque des retentissants « Six Jours de Rex » : ils furent organisés du 19 au 24 janvier 1937 au Palais des Sports de Bruxelles et accueillaient chaque jour quelque quinze mille personnes payant chacune au moins 5 francs pour écouter Léon Degrelle :

    « Mais ce que mon père ne m’a pas dit alors et que je n’ai appris que bien des années plus tard de la bouche de ma grand-mère maternelle, c’est qu’à la fin du sixième jour, il commenta le succès de la politique hitlérienne en faisant de son chef un exemple à suivre et en exprimant ouvertement son admiration naissante pour lui. Il termina le meeting par un “Heil Hitler !” qui déclencha une polémique sauvage dans le monde politique –mais aussi citoyen– de l’époque. Mon grand-père maternel et toute la famille Lemay, jusqu’alors admirateurs de son combat aux racines profondément chrétiennes, commencèrent à l’écouter avec un certain scepticisme. » (p. 92).

     

    Pays réel 1937.01.21.JPG

    Reportage du Pays réel, le 21 janvier 1937.

     

    Plus loin, Anne confirmera les limites strictement patriotiques du soutien des Lemay, qui furent alors inexorablement atteintes (mais il ne s’agit plus du meeting « du sixième jour », c’est même le tout premier) : « C’est au cours du premier meeting qu’il commença à commenter les résultats de ce chef de l’Etat allemand. Déjà, il ne dissimulait pas son affinité avec lui aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure que son aversion naissante qui finirait rapidement par devenir le but principal de son combat : Staline et son communisme. A partir du moment où il commença à adhérer tacitement [sic !] aux projets d’une future lutte européenne contre l’URSS emmenée par l’armée allemande –qui avait envahi son propre pays–, ses meetings se limitèrent à faire du recrutement. Dans la famille Lemay –celle de ma mère– cela provoqua un rejet total et certainement aussi dans de nombreuses autres familles qui ne pouvaient même pas imaginer laisser leurs fils aller se battre coude à coude avec l’envahisseur de leur pays, aussi noble que soit le but commun. » (p. 142).

    Tout le monde sait que le discours de Léon Degrelle se terminant par la profession de foi en l’avenir national-socialiste de l’Europe nouvelle fut prononcé le 5 janvier 1941 et non en 1937 à l’occasion des « Six Jours de Rex » : les différents thèmes traités dans les cinq discours prévus à cette occasion (le samedi était réservé à un « gala artistique ») ne pouvaient en aucun cas se clore (ni commencer !) par le salut à celui qui, à ce moment, était occupé à redresser l’Allemagne :

    - Les scandales et la révolte des citoyens
    - Rex reconstruira l’Etat
    - Justice sociale – Paix flamande
    - La jeunesse – Les valeurs morales – L’Eglise
    - Au-delà des partis : la Patrie !

     

    Pays réel 1937.01.25.JPG

    Reportage du Pays réel, le 25 janvier 1937. La photo montre Léon Degrelle et son épouse Marie-Paule, née Lemay, assistant au gala artistique de Rex, le samedi 23 janvier, organisé dans la salle de concert de la Société royale de la Grande Harmonie, peu avant sa démolition laissant place à l’actuelle place de l’Albertine, face aux bâtiments de la nouvelle Bibliothèque Royale.

     

    Si donc, après-guerre, Belle-Maman Lemay a raconté à Anne que c’est dès 1937 que son mari et sa famille prirent leurs distances avec Léon Degrelle à cause de sa proximité soudainement affichée avec l’horrible Hitler, ce ne peut s’expliquer que par leur volonté de se montrer, après-guerre et par grégarisme opportuniste, le plus antihitlérien possible.

    C’est ainsi qu’Anne rapporte la rupture des Lemay en assénant les contresens les plus invraisemblables à propos des raisons de l’engagement de son père aux côtés de l’Allemagne nationale-socialiste : « Mon père […] vit en Hitler […] un chef qui avait […] rendu à son pays l’orgueil national après l’humiliation infligée à l’Allemagne après la Première Guerre mondiale. Mais il recherchait maintenant une expansion territoriale, couronnement de son ambition personnelle. Ce fut alors qu’en terminant l’un de ses meetings rassemblant des foules immenses, mon père lança son premier Heil Hitler. Pour mes grands-parents et le reste de la famille maternelle, cela signifia la rupture totale avec lui. » (pp.17-18) Comme si Léon Degrelle avait non seulement accepté, mais cautionné à l’avance l’invasion de son pays par le Troisième Reich !

    Plus loin, Anne enfonce encore ce clou inepte pour souligner l'entêtement coupable de son père : « Je crois sincèrement qu’à cette époque déjà [août 1944], ma mère ne partageait plus les idéaux de son mari belgo-français qui combattait aux ordres d’un chef dont le seul but était de se rendre maître de l’Europe. » (p. 23).

    Anne ne peut pourtant pas ignorer les explications fournies par son père dans le document écrit en 1949 dont nous venons de parler. On y lit : « La Collaboration signifiait pour Léon Degrelle l’épanouissement de son pays dans une Europe unie et réconciliée. Il se ralliait à une politique de collaboration européenne non pas par sympathie pour l’homme Hitler et parce qu’il était allemand, mais dans la mesure où il était devenu européen et où il synchronisait toute la symphonie européenne pour en faire un chant plein de grandeur et d’harmonie. » (Mon Combat, p. 209). Prouvant qu’il ne s’agit pas d’explications a posteriori, il cite également quelques écrits de l’époque, publiés dans Le Pays réel, entre autres, celui-ci : « La rupture des carcans européens, l’organisation de l’Europe en une entité cohérente, va ramener le vieux Leo Belgicus à ses destinées nationales. Dans l’Europe d’Hitler, nous allons être une incomparable jetée de l’Europe centrale vers la mer du Nord et les Océans ; un confluent fabuleux des richesses du Continent et des autres mondes. » (Le Pays réel, 20 avril 1941).



    Pays réel 1941 08 09.pngEst-ce involontairement qu’Anne se fait tout de même l’écho des véritables raisons de l’engagement des milliers de Belges qui prêtèrent un serment de fidélité à Adolf Hitler dans la guerre contre le bolchevisme ? « J’ai expliqué les raisons pour lesquelles ils partirent pour le front de l’est : avant tout, pour recouvrer des droits pour leur pays, pour le représenter avec honneur et, en définitive, pour lutter pour l’Europe. » (p. 142).

    Mais les Lemay constituant désormais sa famille de prédilection, elle est bien obligée de leur donner raison en approuvant leur condamnation anticipative (et patriotique !) de la participation des rexistes et autres partisans de l’Europe nouvelle à la croisade antibolchevique aux côtés des Allemands ayant envahi la Belgique !

    Mais cela ne serait-il justement pas le tout premier chef d’accusation qui valut la condamnation à mort par contumace de Léon Degrelle par le Conseil de Guerre de Bruxelles, le 27 décembre 1944 ? A savoir « Avoir porté les armes contre la Belgique et ses alliés » ? Sauf qu’il fallut quand même attendre un arrêté-loi pris à Londres le 17 décembre 1942, pour déclarer les soviétiques alliés de la Belgique, c’est-à-dire près d’un an et demi après l’entrée en action de la Légion Wallonie et Léon Degrelle, et neuf mois après l’arrivée du second contingent emmené par John Hagemans (ce blog au 26 août 2022) !…

    [Ici, nous ne résistons pas à l’opportunité de vous présenter un petit intermède qui serait comique s'il n'était malséant, offert par le clown Proprof de l’Université de Liège, l’inénarrable Besace (ce blog au 30 juin 2016) qui avait déjà minimisé les atrocités de l’épuration en parlant d’excès aux limites acceptables et des pistolets-mitrailleurs de la Résistance qui partaient tout seuls (ce blog au 8 novembre 2019). Ici, il s’étouffe à l’idée qu’on puisse ne pas trouver judicieuses ces lois rétroactives et nous propose donc son « regard particulier » sur le sujet : « Les arguties juridiques invoquées par les combattants de l’Est quant au caractère rétroactif de la législation qui leur était appliquée parce qu’une circulaire interprétative étendait à l’URSS la notion d’ “allié” de fait, ne tenaient guère devant une évidente réalité : endosser le feldgrau quelques mois après l’invasion [en fait, quinze mois quand même, soit le quart de la durée de toute la guerre !] était un péché contre l’esprit bien plus que contre un article du Code pénal. » Il suffisait d'y penser ! Et de promulguer cet ajout dogmatique au Décalogue ! (Francis Ballace, “Collaboration et répression en Wallonie : un regard particulier ?”, in Collaboration, répression, un passé qui résiste, Sous la direction de J. Gotovitch & Ch. Kesteloot, p. 53).]

    Malheureusement pour Anne Degrelle-Lemay, nous savons que le patriotisme de sa famille privilégiée fut pour le moins à géométrie variable, notamment par la lettre de Léon Degrelle à l’avocat des Lemay, Jean Thévenet (20 mars 1954) ; le seul Lemay a y être traité positivement est d’ailleurs son beau-père Marcel Lemay, l’époux de Belle-Maman, décédé à l’orée de la guerre et qu’il y appelle son « ami charmant ». On y apprend, entre autres, que Belle-Maman Lemay ne trouvait apparemment pas inconvenant de s’afficher au bras de son gendre « incivique », jusqu’au moins… 1944 et que le fils aîné, Marc Lemay, apporta la bénédiction de sa famille aux volontaires du premier contingent de la Légion Wallonie en partance pour le front de l’Est, le 8 août 1941 ! (ce blog au 20 décembre 2022).

     

    Départ 8 août Gare Nord.jpeg

    L’aîné des fils Lemay ne fut pas seul à venir saluer, le 8 août 1941, à la Gare du Nord de Bruxelles, le départ des nouveaux Croisés pour leur combat sacrificiel contre la menace bolchevique sur l’Europe.

     

    Nous verrons ailleurs (quand nous parlerons de Jeanne Degrelle-Brevet) que Léon Degrelle pouvait parfois s’agacer des lacunes historiques de sa fille. Aussi pourrions-nous nous réjouir que tout ce qui concerne la vie militaire de son père soit directement tiré de ses propres livres. Mais nous allons vite déchanter.

    Les livres de son père lui sont bien sûr l’occasion de célébrer son courage et sa valeur militaire : « Il ne pouvait passer inaperçu. Il s’attira rapidement le respect non seulement de ses hommes, mais aussi des autorités allemandes qui surent voir en lui un soldat courageux, un grand stratège emmenant ses hommes avec courage et intelligence à des victoires et des conquêtes de villes et de régions d’importance capitale sur la route vers Moscou. Des victoires qui lui valurent une ascension fulgurante dans la hiérarchie et les décorations militaires. Les pages de son livre uniquement consacrées aux combats, aux misères, aux tragédies, aux souffrances atroces, je ne vais pas les mettre dans ces mémoires. Ce que je veux souligner, c’est le courage de ce soldat qui parvint à être un des commandants militaires les plus admirés par ses hommes et par les plus hautes autorités allemandes. Elles le respectaient. Il pouvait leur parler d’égal à égal. […] Les décorations étincelant sur son uniforme d’officier rendaient justice à ses progressions régulières dans le commandement militaire. […] J’avais seulement sept ans. Bien qu’on nous tînt, nous les enfants, à l’écart de ces événements, nous savions que nous avions un père qui était un HEROS pour notre entourage. Et quand nous avions l’occasion de le voir entre des meetings et des réunions, l’affection qu’il nous prodiguait compensait les longues absences que nous devions subir. Je possède toujours des photos attachantes de ces rencontres éphémères, dont une, en particulier, sur l’escalier de notre maison de la Drève de Lorraine » (pp. 146 et 148).

     

    LD Drève Anne+Léon-M.+God..jpgEst-ce une des photos dont parle Anne ? En permission après la bataille de Tcherkassy et sa réception par le Führer lui octroyant la croix de Chevalier de la Croix de Fer, Léon Degrelle pose sur les marches de sa villa de la Drève de Lorraine avec Anne, Léon-Marie et Godelieve (février 1944).

    Mais ce que saluera surtout Anne Degrelle-Lemay tout au long de ses citations, c’est le talent littéraire de son père :

    « On devrait étudier le livre de mon père, “La Campagne de Russie”, dans les facultés d’Histoire, sinon de Lettres, car c’est une page de l’histoire de l’Europe et, qui plus est, magnifiquement écrite. Ce n’est pas Victor Hugo, mais c’est un grand auteur. […] “La Campagne de Russie”, cette grande épopée écrite en un français magnifique et traduite en de nombreuses langues, ne cessera jamais d’apparaître dans mes commentaires sur la personnalité de mon père, qui n’était pas seulement un simple soldat, mais un être humain aux profondes racines chrétiennes. […] C’est sur le front du Dnieper que commença l’immense odyssée de cette guerre cruelle, qu’il a magnifiquement racontée dans son livre “La Campagne de Russie”. Je reconnais que la lecture de ce livre ne m’attirait pas dans l’absolu, mais je l’ai terminé fascinée, stupéfaite non pas tant par l’aventure de ces hommes, mais pas la beauté des descriptions de chaque recoin, de chaque village, de chaque rivière, de chaque bois de cet immense et merveilleux pays qu’est la Russie. Ces six cents pages reflètent une lutte acharnée, traversant les régions et les localités aux noms imprononçables pour moi. […] Maintenant que je me suis attelée à la tâche d’entrer dans les pages de ce livre, je me sens difficilement capable de pouvoir refléter le sentiment qui m’envahit et l’admiration pour cet écrivain capable de transmettre de manière magistrale l’état d’âme de ces milliers d’hommes dont il était devenu responsable. […] Le Donetz, le Dnieper, le Caucase, l’Ukraine n’ont plus de secrets pour moi. Cette envie qui m’a prise d’écrire pour partager quelque chose de mes souvenirs m’a amenée à plonger dans la lecture de sa fameuse “Campagne de Russie”. Elle m’a passionnée, émerveillée ; elle m’a fait pleurer… ou sourire car, au milieu de tant de malheurs, ce génie de la plume trouve toujours le mot juste, la pointe sarcastique qui vous éloigne pour une seconde du récit dramatique et si souvent sanglant. […] Chaque description, comme sortie de la palette d’un peintre, parlait avec une sensibilité quasi hors de propos au milieu de cet enfer, de paysages enneigés, de bois dont les branches couvertes de givre brillaient à la lumière du soleil couchant. Des pages d’une beauté absolue : un baume pour le cœur et l’esprit. […] En lisant entre les lignes, je ressens l’angoisse spirituelle qui l’étreignait, lui si croyant, face à tant d’horreur et de morts. Mais “La Campagne de Russie” demeure l’épopée de sa vie qui attire le plus ses adeptes. Alors que pour moi, c’est elle qui a causé le plus de traumatismes dans ma vie. » (pp. 141 et 144-146).

     

    Almas ardiendo1-horz.jpg

    « Le livre peut-être le plus connu en Espagne parmi ses œuvres spirituelles est “Les âmes qui brûlent”, avec une introduction et la traduction de Don Gregorio Marañón, édité dans les années 50. » (p. 166). Première édition d’Almas Ardiendo (jusqu’à aujourd’hui, il y en eut plus d’une douzaine !) aux éditions La Hoja de Roble (« La Feuille de Chêne », avec une aquarelle de la célèbre peintre naïve espagnole María Antonia Dans, 1922-1988) fondées à Lora del Rio par Léon Degrelle en 1954. Ci-dessous, l’édition soignée proposée par le président de l’Asociación Cultural Amigos de Léon Degrelle, José Luis Jerez Riesco, en 2009. Dans des « Paragraphes préliminaires », il propose une méditation sur Les âmes qui brûlent/Les âmes ardentes, inspirée par les Pères de l’Eglise, les philosophes grecs et romains ainsi que la réflexion spirituelle de José Antonio ; il donne aussi de précieux renseignements sur les premières éditions de cet ouvrage, aussi bien en français qu’en espagnol. Actuellement épuisée, cette édition peut se télécharger (malheureusement sans les Préliminaires de José Luis Jerez Riesco ni le Prologue de Gregorio Marañon).

    Almas ardiendo3.jpg

     

    « Je ne veux cependant pas terminer mon histoire sans consacrer quelques pages au Léon Degrelle poète, philosophe et écrivain, car ce sont les aspects de sa vie que j’ai le plus admirés. Doté d’une grande sensibilité, il a abordé magistralement des thèmes aussi délicats que l’amour, la beauté, la célébration de sa terre natale qui a abouti à “La Chanson ardennaise”. Il n’a jamais perdu la foi en Dieu. Elle le poussa à écrire “Je te bénis ô belle mort”, des poèmes inspirés par l’œuvre de Sainte Thérèse d’Avila. Je les ai gardés longtemps sur ma table de nuit. […] Je conserve dans ma bibliothèque un espace spécial pour diverses brochures, soigneusement éditées, de vers et de réflexions qui montrent un homme profondément spirituel. L’une d’elles est intitulée “Aux mauvais jours” et fut écrite à l’hôpital de Saint-Sébastien en 1945… Une vraie relique. Chaque fois que je la lis, une immense tristesse m’envahit. Dans son long exil, ce qui l’a sauvé, ce fut l’intense vie intellectuelle qui ne l’abandonna jamais. […] Sa plume fut ce qui le sauva mentalement durant son long enfermement dans un sous-sol obscur et, plus tard, lorsqu’il commença à aller mieux, chez notre chère Clarita. C’est chez elle qu’il trouva la paix nécessaire pour continuer à écrire, entre autres, sa “Campagne de Russie”. Il ne répondit jamais à mes questions : que faisais-tu ? de quoi vivais-tu ? Tout ce que je sais, c’est qu’il n’arrêta jamais d’écrire, de la poésie, de l’histoire, tous ces livres magnifiques qui remplirent sa vie en exil. » (p. 166).

    Remarquons au passage que jusqu’à la dernière page de ses mémoires, Anne Degrelle-Lemay aura été incapable de trousser le moindre compliment (ici, sur le précieux don poétique de son père) sans l’assortir de remarques fielleuses sur l’origine de son argent !...

    Mais ces considérations paraîtront bien anodines face aux remises en question d’événements historiques rapportés dans les livres autobiographiques du Commandeur de la Légion Wallonie !

    Rappelons-nous qu’Anne n’a pas hésité pas à traiter son père de « raconteur de carabistouilles » (traduction élégante de « narrador embaucador », termes désignant un narrateur filou, trompeur, escroc, p. 93 ; ce blog au 23 octobre 2022). Elle va maintenant lui attribuer une nouvelle calembredaine… Ou, plutôt, elle va avaliser la thèse des hyènes de l’histoire sur la relation unique développée par Adolf Hitler envers Léon Degrelle. Et ce, à propos de la fameuse phrase « Si j’avais un fils, je voudrais qu’il fût comme vous. » (ce blog aux 12 mai 2016, 21 juin et 20 juillet 2018).

    « Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (p. 154).

     

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    Pour Anne Degrelle-Lemay, l’insigne proximité manifestée par Adolf Hitler envers son père, Léon Degrelle, ne relèverait que d’une fiction romanesque que sa sagacité « cartésienne » serait parvenue à détecter !...

     

    Le regard d’Anne et le sourire de son père tels qu’ici rapportés ne sont pas un regard de confiance et un sourire de bienveillance. Non, le scepticisme qu’aurait ainsi, comme toujours, brandi Anne face aux affirmations de son père rend au contraire son regard dubitatif, sinon incrédule, tandis que le sourire avec lequel aurait répondu son père manifesterait une connivence avec sa fille, tellement « cartésienne » qu’il en reconnaîtrait ainsi sa lucide perspicacité ! Certes, elle ajoute « peut-être que c’était vrai », mais dans ce contexte, comme elle l’a dit ailleurs, cela ne se pourrait que si l’on acceptait de « prendre des vessies pour des lanternes » (p. 93 ; en espagnol : « comulgar con ruedas de molino », communier avec des meules de moulin [à la place d’hosties] !).

    Mais qu’en est-il en réalité ?

    Le récit de la célèbre phrase que le Führer adressa au fils qu’il se choisit est très précisément extrait –nous dit Anne Degrelle-Lemay– de La Campagne de Russie de Léon Degrelle (et présenté d’emblée comme un récit « romanesque » ; nous citons le texte tel que donné par Anne et expliquerons ensuite nos soulignages) :

    « Dans son livre “La Campagne de Russie” [Anne donne le titre en français], il raconte, comme dans un roman, l’aventure de sa rencontre avec Hitler : “17 février. Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. Nous étions sauvés. Nous avions gagné. Le lendemain, notre immense colonne était en marche depuis quelques heures, protégée par les blindés du général Hube. Un petit avion décrivait des cercles au-dessus de nous et finit par atterrir près de nous. C’était un appareil de reconnaissance envoyé par Hitler. Il était à ma recherche. Aussitôt, mes soldats me hissèrent dans l’avionnette. Je traversai, en quatre heures de vol, le sud puis tout l’ouest de la Russie. A la nuit tombée, j’atterrissais à l’aéroport du G.Q.G. Mais dans quel état ! L’uniforme en lambeaux, déchiqueté par tant de corps à corps. Himmler me donna une chemise propre et fit en sorte qu’on arrange ce qu’il restait de mon uniforme. En échange, je laissai dans sa belle salle de bain d’énormes poux furieusement anthropophages. Puis il m’emmena dans sa voiture verte, à une heure du matin jusqu’au lieu de rendez-vous avec le Führer. Je vois encore Hitler s’avancer vers moi, me serrer contre lui et… me remettre le Collier de la Ritterkreuz qui était alors –il ne faut pas l’oublier– la décoration la plus élevée de l’Armée allemande. Il me prit les mains entre les siennes et me dit simplement : “Je me suis fait tant de soucis pour vous !” Je me retrouvais là, près de Hitler, dans sa cabane rustique, devant une cheminée où quelques bûches crépitaient. En quittant son bureau, nous nous réunîmes avec quelques maréchaux dans un salon voisin pour fêter avec une bouteille de champagne –lui qui n’aimait pas les boissons alcoolisées– la victoire de Tcherkassy.”

    Il nous a souvent raconté que Hitler lui avait dit “Si j’avais un fils, j’aimerais qu’il soit comme vous”. Moi, je le regardais et lui, il me souriait. Il connaissait mon scepticisme. J’ai toujours été difficile à convaincre. Mais peut-être que c’était vrai… » (pp. 153-154).

    Campaña de Rusia.JPGLe problème est que le texte fourni par Anne Degrelle-Lemay n’est en rien extrait de La Campagne de Russie, ni de la version espagnole La Campaña de Rusia qui en est la traduction fidèle. D’où vient-il ? Et pourquoi remplace-t-il la version donnée dans l’œuvre originale, « cette grande épopée écrite en un français magnifique » quasiment digne de Victor Hugo (voir ci-avant) ? Voilà qui jette quand même un sérieux doute sur la sincérité de l’appréciation du talent littéraire de son père exprimée par Anne…

    Le texte choisi n’est en effet aucunement littérairement travaillé par son auteur : il s’agit de la retranscription des interviews données par Léon Degrelle à Jean-Michel Charlier, que celui-ci a publiées en 1985 dans Léon Degrelle : persiste et signe (éditions Jean Picollec ; nous citons le texte français d’après ce livre). Le texte cité par Anne se trouve aux pages 331-332 (pp. 313-314 de l’édition espagnole Léon Degrelle firma y rubrica, Ediciones Dyrsa, 1986).

    Mieux, –ou plutôt pire !–, Anne Degrelle-Lemay s’est permise de corriger des expressions et de réécrire des tournures ou des passages entiers : c’est ce que nous avons souligné dans notre citation de son livre, comme si c’était la version corrigée par ses soins qui, en réalité, méritait les éloges !

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    C’est ainsi, par exemple, qu’elle corrige en « petit avion », « avion-cigogne », traduction du surnom donné à cet avion de reconnaissance construit pas l’ingénieur Gerhard Fieseler et dont le train d’atterrissage surélevé lui valut d’être appelé Storch (cigogne). Elle change aussi « chars » en « blindés », « champ d’aviation » en « aéroport » ou « quelques centaines de gros poux russes » en « énormes poux »… Elle ajoute des phrases inutiles (« Nous avions gagné ») et se permet aussi de réécrire tout le passage relatif à la réception au champagne que Léon Degrelle avait écrit de la sorte ; « Sortant de son bureau, je m’étais à peine attablé dans un salon voisin avec ses maréchaux qu’il [Adolf Hitler] avait surgi une bouteille de champagne au bout de chaque bras, nous les apportant pour festoyer, lui qui détestait les boissons alcoolisées ! » (La Campagne de Russie, p. 336).

    Malheureusement, la seule chose qu’elle ne change pas, c’est l’erreur de transcription qui se trouve tout au début de la citation : « Nous nous étions retrouvés, vainqueurs, de l’autre côté de la rivière Lisyanka. »

    Lisyanka n’est pas une rivière, mais une ville (qui donne d’ailleurs son titre à un chapitre de La Campagne de Russie : pp. 314-322 ; pp. 149-153 de l’édition espagnole). C’est Jean-Michel Charlier qui commet l’erreur en retranscrivant les paroles de Léon Degrelle qui avait sans doute parlé de « la rivière de Lisyanka ». Dans La Campagne de Russie, il explique d’ailleurs que le moment-clé de la percée de Tcherkassy fut le passage de la rivière traversant cette ville : « Nous nous dépêtrâmes dans la neige épaisse et descendîmes le long de la route. Nous finîmes par atteindre, au cœur de Lysjanka, la rivière, très large, gonflée, ourlée de crêtes de glace. » (p. 322). Cette rivière, c’est le Gniloï-Tikitch.

    Mais là, bien sûr, n’est pas le plus important. La scène que rapporte Anne représente la rencontre qu’Adolf Hitler a voulue en faisant chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front le 20 février 1944. Or ce n’est pas à cette occasion que le Führer a prononcé la fameuse phrase où il se reconnaissait un fils spirituel en Léon Degrelle. C’est six mois plus tard, le 27 août 1944, comme il le souligne justement dans ses entretiens avec Jean-Michel Charlier, source privilégiée d’Anne, mais qu’elle ignore ici : « Hitler, en m’étreignant la main dans ses deux mains, pensait-il qu’au-delà de ses forces qui s’épuisaient, à force de travail, j’étais là, jeune lion ? Six mois plus tard, il me dirait la phrase célèbre : Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous ! Dès février 1944, il avait décidé que je porterais l’étendard de l’Europe nouvelle en Occident. Il me faisait recevoir officiellement à Paris. » (Persiste et signe, p. 337 ; p. 319 de l’édition espagnole).

    Et cette nouvelle rencontre –à nouveau voulue par Adolf Hitler en faisant encore chercher Léon Degrelle par son avion personnel sur le front– est également parfaitement documentée dans La Campagne de Russie (pp. 377-381 ; pp. 180-183 de l’édition espagnole) : « Hitler avait repris une vigueur nouvelle. […] Il me décora. Puis il me guida vers une petite table ronde. […] Son œil brillait de bonne humeur. Il se lança avec passion dans un débat sur l’avenir du socialisme. Son visage, admirablement soigné, frémissait. Ses mains fines et parfaites avaient des gestes élémentaires mais ardents, compagnes vivantes de l’orateur. […] Au moment du départ, comme s’il eût voulu graver à jamais dans mon cœur un souvenir plus personnel, Hitler revint me prendre la main dans ses deux mains : “Si j’avais un fils, me dit-il lentement, affectueusement, je voudrais qu’il fût comme vous…” »

    Cette reconnaissance d’un étranger à l’insigne proximité spirituelle s’exprima à peine un mois après la tentative d’assassinat perpétrée, le 20 juillet 1944, par des officiers allemands félons…

    Alors, d’où vient la mise en doute par Anne de la phrase d’Adolf Hitler ? Et, pour mieux l’étayer, pourquoi avoir placé tout le récit de la rencontre de son père avec le Führer (sans être capable de choisir la bonne date !) dans la fiction d’un roman qu’elle se permet de réécrire ?

     

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    « Le lieutenant Jean Vermeire donne le ton. Lui, porte une veste de général privée d’insignes et une culotte de cheval mauve que, de Frédéric II à Keitel, nul ne découvrit jamais dans l’armée allemande. » (Saint-Loup, Les SS de la Toison d’Or, Presses de la Cité, p. 81).

    « Un petit détail amusant, c’est que lors d’un de nos premiers rassemblements au camp de Regenwurmlager, le major Bode avait dit, à bien haute voix, en voyant Vermeire pour la première fois : Was ist den das für ein Operetten Offizier ! Et c’est certes la raison pour laquelle Vermeire ne manquait plus jamais la moindre occasion pour critiquer le major Bode. » (Fernand Kaisergruber, commentaire dactylographié sur le livre de Jean Mabire, Légion Wallonie, Au front de l’est, 1941-1944, Presses de la Cité).

     

    Outre que nous avons vu l’irrésistible propension d’Anne Degrelle-Lemay à semer partout les graines morbides de sa méfiance et de ses soupçons, une origine de la remise en cause particulière de la phrase historique du Führer pourrait bien être le SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire. Son incommensurable orgueil fut en effet cruellement blessé, non seulement par le refus constant de Léon Degrelle de le reconnaître officiellement comme son « bras droit » (« J’en ai déjà un, ça me suffit ! » plaisantait-il, mi-moqueur, mi-agacé), mais aussi par celui de son épouse Jeanne Degrelle-Brevet de lui confier les drapeaux de la Légion, après le décès du Commandeur (ce blog au 17 janvier 2016).

    C’est en effet à partir de la disparition de son Chef que Jean Vermeire entreprit d’écorner sa « légende », notamment en remettant en question la réalité de la fameuse phrase (ce blog au 21 juin 2018).

    En 2008, en participant au documentaire de Philippe Dutilleul, Léon Degrelle ou la Führer de vivre, il échafauda l’impossibilité mentale pour Adolf Hitler d’avoir même imaginé prononcer pareille phrase à l’adresse d’un étranger. Comme si cet officier par usurpation (nous nous expliquerons plus tard sur ce terme), qui n’a jamais pu même voir le Führer autrement qu’en image, avait quelque compétence historique ou psychologique l’autorisant à se mettre à sa place…

    « Il voulait avoir un fils ? Le fils d’un Belge ? C’est pas des phrases à répéter !... Ça ne tient pas debout ! Ça m’a toujours heurté… Et on reprend cette phrase… on reprend cette phrase… tout le temps… tout le temps…

    Hitler s’est avancé vers Degrelle et il lui a dit textuellement : “Ich habe mich grosse Sorge gemacht”, “Je me suis fait des grands soucis”. [Il exhibe un papier] Voilà ! Et ça, moi, j’ai reçu ce texte, après, par Gille. Après, parler du fils d’Hitler… C’était un affront à tous les jeunes de l’Allemagne ! Il y avait d’autres héros tout de même !... Donc il n’a pas dit ça ! Ce n’est pas possible ! C’est… c’est… c’est égoïstement inventer l’histoire qui obligeait toute l’Allemagne… Et nous alors ? Qu’est-ce qu’on devient là-dedans ???... Mais je lui ai demandé plusieurs fois : je dis, mais… “Ohhhhh…, il m’a dit, ben… oh là là… j’ai été reçu comme un fils.” Voilà, je dis, la légende ! »

     

    Vermeire papier Gilles.JPGDans le film de Philippe Dutilleul, comme preuve que jamais Adolf Hitler n’aurait pu dire à Léon Degrelle que s’il avait un fils, il aimerait qu’il soit comme lui, Jean Vermeire présente sa source en agitant une grande feuille blanche devant la caméra (capture d’écran du film-documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre donnant « la parole aux derniers témoins directs et proches de Léon Degrelle »).

    Mais la caméra prend bien soin de ne pas filmer son contenu en gros plan. Il s’agirait pourtant d’un document intéressant, prétendument écrit par le Generalleutnant Herbert Otto Gille, commandeur de la 5. SS-Panzerdivision Wiking, affirmant qu’à la réception à laquelle il fut convié avec Léon Degrelle à la Wolfschanze du Führer, ce dernier n’aurait fait qu’exprimer son inquiétude sur le sort des Wallons. Nous le croyons bien volontiers, car le général Gille fut convié au Quartier Général de Hitler avec les principaux Commandeurs ayant assuré le succès de la percée de Tcherkassy. Ce qui veut dire qu’il parle de la rencontre du 20 février 1944 et non de celle du 27 août, qu’il ne fait donc que confirmer ce que Léon Degrelle a toujours dit (notamment dans La Campagne de Russie, p. 328) et qu’il nous aurait vivement intéressé de connaître l'intégralité de ce compte rendu. Pour sa part, Léon Degrelle a écrit : « le Führer s’était avancé vers moi, m’avait pris la main droite dans ses deux mains et l’étreignait avec affection. […] je ne sentais que ses deux mains qui pressaient la mienne, je n’entendais que sa voix, un peu rauque, qui m’accueillait, me répétait : “Vous m’avez donné tant d’inquiétude !..” ». Le scoop de Vermeire n’est donc qu’un mensonge (mais le personnage en est coutumier !). On se demande d’ailleurs s’il a effectivement rencontré le général Gille pour lui commander un procès-verbal des propos d’Adolf Hitler à Léon Degrelle ! Surtout que, pour des raisons de simple chronologie, il ne pouvait de toute évidence concerner la phrase qui « heurte » tant Vermeire et lui servir à convaincre Léon Degrelle d’affabulation… On regrettera donc qu’il n’ait pas harcelé plutôt le général Felix Steiner qui était, lui, bien présent le 27 août (c’est lui qui est sur la photo que nous publions plus avant entre Adolf Hitler et Léon Degrelle) !

    Ci-dessous, une photo officielle des commandeurs qui furent reçus par le Führer, le 20 février 1944 : de gauche à droite, Herbert Otto Gille, Theo-Helmut Lieb et Léon Degrelle, reçus à Berlin par le chef de la presse du Reich, le Dr Otto Dietrich.

     

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    « Ça ne tient pas debout » ? Et les préoccupations constantes d’Adolf Hitler vis-à-vis de Léon Degrelle depuis leur première rencontre du 26 septembre 1936 jusques et y compris les derniers moments dans le Führerbunker (tous les détails sur ce blog au 21 juin 2018) tiennent-elles debout ?

    « Il y avait d’autres héros tout de même » ? D’innombrables, en effet ! Mais y en eut-il un seul autre que Léon Degrelle –qu’il soit Allemand ou Volontaire étranger – que le Führer fît rechercher sur le front par son avion personnel pour le recevoir personnellement, –et ce, à deux reprises !–, lui remettre les plus hautes décorations militaires et s’entretenir particulièrement avec lui ? Et où serait l’affront aux jeunes de l’Allemagne (surtout de la Waffen SS, composée par ailleurs à plus de 70% de camarades non-Allemands) quand l’élite du commandement militaire allemand de la Wehrmacht avait cherché à assassiner son chef suprême en pleine guerre ?...

    Nous ne commenterons pas davantage cette indécente prétention de Vermeire de faire la leçon (post mortem !) à son Chef, d’oser l’accuser d’égoïsme, de se mettre outrageusement dans la peau d’Adolf Hitler et des jeunes soldats allemands et de se plaindre péniblement qu’on ne fasse pas davantage cas de lui et, accessoirement, des autres Bourguignons : nous avons eu l’occasion de dire ce que nous en pensions sur ce blog le 21 juin 2018. Mais nous laisserons à un autre Volontaire wallon, du Second contingent du 10 mars 1942, Raymond Van Leeuw, le soin de dire ce qu’il faut définitivement penser de celui qui bâtit toute se carrière militaire sur le mensonge de son grade !

    Raymond Van Leeuw fut, lui, le véritable homme de confiance de Léon Degrelle dont il organisa le secrétariat lorsqu’il le rejoignit en Espagne : nous citerons des extraits de lettres qu’il envoya à Anne Degrelle ainsi qu’à son mari Servando Balaguer : il nous faudra en effet à nouveau parler du rôle néfaste de Vermeire à l’occasion de la disparition du Commandeur de la Légion Wallonie et dont sa fille ne souffle mot (voir la dernière partie de notre présentation de son livre L’homme qui changea mon destin).

    Le travail de sape concernant la relation entre Adolf Hitler et Léon Degrelle mené avec opiniâtreté par Jean Vermeire après 1994 est intéressant à suivre car il permet d’établir un parallélisme assez précis avec ce qu’on peut lire chez Anne Degrelle-Lemay.

    Pieterjan Verstraete.jpegC’est ainsi qu’il amena l’historien flamand Pieter Jan Verstraete à écrire dans sa biographie de Léon Degrelle : « Que Hitler, à l’occasion de cette troisième rencontre [le 27 août 1944] avec le vaniteux Degrelle, ait dit : “Si j’avais un fils, je voudrais qu’il soit comme vous”, cela s’est avéré, des années plus tard, n’être qu’une invention. Selon son ami intime Vermeire, le Führer aurait simplement dit qu’il s’était fait de “grandes inquiétudes” sur le sort de Degrelle et des siens sur le front. » (Le beau Léon. Léon Degrelle, Aspekt, 2010, p. 121).

    Remarquons que pour donner du poids à son scoop, Vermeire s’est présenté comme un « intime » de Léon Degrelle, et même comme son « ami » (mon Dieu, est-il encore besoin d'ennemis avec de pareils amis ?) ! C’est également en termes semblables qu’Anne nous le présente : « Jean Vermeire qui était un de ses grands confidents » (p. 140).

    Notons aussi en quoi consiste la correction de l’histoire que Vermeire offre à Verstraete : ce n’est pas « Si j’avais un fils… » que le Führer aurait dit à Léon Degrelle ; il aurait seulement fait part de ses « grandes inquiétudes ». Du coup, lorsque l’historien flamand, pour raconter la rencontre précédente, celle du 20 février 1944, s’en remet à ce que le Commandeur de la Wallonie a écrit dans La Campagne de Russie, il publie le texte en prenant soin –tout comme Anne– de supprimer le passage où Adolf Hitler fait part de son inquiétude à Léon Degrelle : pour justifier l’intervention de Vermeire, ce détail doit en effet disparaître puisque le créateur de fake news le situe… six mois plus tard !!!

    Anne Degrelle-Lemay pense sans doute faire la même chose en citant le récit de la réunion du 20 février 1944 qu’elle place, sans le dire, au 27 août 1944 afin d’établir que la seule chose exprimée par Adolf Hitler ce jour-là fut, comme le prétend Vermeire, son inquiétude et non pas sa confidence toute personnelle.

    « Mais peut-être que c’était vrai… » Le coup de pied de l’âne, qui ne veut pas dire son nom !...

    Jean Vermeire ne publia jamais rien, mais, dès qu’il se rendit compte, après la disparition de Léon Degrelle, qu’il ne réaliserait jamais son objectif de s’emparer des drapeaux de compagnie dessinés par John Hagemans pour la Légion (ce blog au 17 janvier 2016), il s’efforça d’influencer négativement ceux qui pensaient pouvoir recourir à ses « souvenirs » et à sa compétence comme à une source fiable de première main.

    En ce qui concerne Anne Degrelle-Lemay, cela alla même plus loin puisqu’elle s’en remit à lui pour la dispersion des cendres, s’en servit pour contester les dernières volontés testamentaires de son père et l’appuya dans l’affaire des drapeaux : nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre dernier examen des mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay.

     

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    L’ancien SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire n’hésita pas à exhiber l’urne funéraire vide de Léon Degrelle devant la caméra de Philippe Dutilleul pour son documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre en affirmant mensongèrement avoir respecté les dernières volontés du défunt (ce blog aux 17 janvier 2016 et 31 mars 2019). Il refusa toujours de rendre cette relique à l’épouse de son Chef, Jeanne Degrelle-Brevet.

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    III. Les persécutions liées au nom Degrelle

     

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    LD Mariage Anne 21.07.1962.jpegEn 1962, Anne prépare son mariage en Espagne avec son papa. Le voici tel qu’il accompagnera sa fille à l’autel, le 21 juillet, jour de la fête nationale belge, en grand uniforme de gala de la Phalange espagnole, paré de toutes ses décorations gagnées aux combats du Front de l’Est.

     

    Nous avons vu, dans le second volet de notre présentation des mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, combien lui étaient apparues scandaleuses les persécutions politiques, sociales, financières subies par la famille Lemay, uniquement –selon ce qu’elle nous dit– pour avoir été apparentée à Léon Degrelle par son mariage avec Marie-Paule Lemay.

     

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    Dans le salon de la maison de ses parents, rue Saint-Jacques, à Tournai, le 29 mars 1932, Marie-Paule Lemay attend Léon Degrelle, son futur époux, entourée de ses pages et demoiselles d’honneur.

     

    Elle y revient encore dans les dernières pages de son livre : « La France est le pays où j’ai vécu et souffert de la haine dès la fin de la guerre lorsque je vivais dans la maison de ma grand-mère. Les paysans de la région étaient assez nettement à gauche. C’est alors que nous, les cinq enfants, nous dûmes cacher notre identité et prendre le nom de ma mère, alors en prison pour “collaboration”. Mon oncle, son frère, agriculteur qui dirigeait la ferme, nous raconta qu’on le lyncha presque, la dernière année de la guerre lorsqu’un de ces résistants découvrit qu’il était un beau-frère de Léon Degrelle. » (p. 164).

    Porter le nom Degrelle est désormais une malédiction dont il faut à tout prix essayer de se protéger, car tous ceux qui le portent sont voués à être implacablement persécutés : « Avec le temps, j’appris que toutes les sœurs, les beaux-frères et neveux de mon père finirent également dans d’immondes prisons. Ses parents, mes grands-parents paternels, alors déjà très âgés, et ayant indiciblement souffert à cause de l’assassinat d’un de leurs fils et des combats menés par l’autre fils au Front, furent également incarcérés dans des prisons séparées. C’est ainsi qu’ils périrent tous les deux sans qu’on leur permette de se revoir un instant, même lorsqu’ils tombèrent gravement malades. Sans le moindre soutien, pas même d’un prêtre, eux, fervents catholiques, fidèles à leur foi jusqu’au bout, moururent sans plus rien savoir des leurs. » (p. 30).

    Mais pour Anne, la principale victime de cette vindicte impitoyable fut sa mère, l’épouse de Léon Degrelle.

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    La Libre Belgique, 17 Mai 1946.

    « Elle fut la femme la plus forte que j’ai connue. Je pourrais parler pendant des heures de sa force intérieure. Elle avait vécu des années d’authentique enfer, séparés de ce qu’elle aimait le plus, ses enfants, et en particulier cette petite fille qui la fuyait maintenant. Elle avait enduré la haine démentielle de tout un pays et de juges sectaires habités par un sentiment de vengeance aveugle contre des gens en leur majorité absolument innocents de quelque crime. Elle, uniquement pour être la femme de Léon Degrelle, mérita le pire des châtiments, condamnée à dix ans de prison. Et quelle prison ! » (p. 48)

     

    En effet, pour lui avoir rendu visite à la prison de Namur, Anne peut certainement témoigner des conditions ignobles de détention de sa mère ainsi que du traumatisme que cette visite provoqua chez elle qui n’avait qu'une dizaine d'années : « Ce que nous vîmes tout d’abord, ce n’était pas des gardiennes, mais des religieuses. Pour moi, une religieuse était synonyme de bonté et de douceur, mais ce que nous avions devant nous, c’étaient des femmes en habit religieux, oui, mais avec le regard le plus dur et le plus haineux que j’aie jamais vu.

    Elles nous introduisirent dans une sorte de parloir avec deux bancs, une grande table au milieu et une minuscule ouverture par où passait à peine la lumière.

    Après un long temps d’attente, des pas se rapprochèrent et l’impatience grandit dans mon âme… Elle entra enfin par cette porte, entre deux religieuses gardiennes de prison. Elles ne nous permirent pas d’avoir le moindre contact physique avec elle. Ni une caresse, ni un baiser. Ma sœur Chantal et moi, nous ne pouvions qu’obéir. Je n’ai même pas été capable verser une seule larme en voyant ces êtres cruels capables de torturer ainsi des petites filles et une mère qui avait tant souffert. Elles savaient pourtant que le seul crime qu’elle avait commis était de porter le nom de son mari.

    Physiquement, elle était méconnaissable. Cette femme dont nous nous rappelions l’extrême beauté, avec ses beaux yeux bleus et sa chevelure blonde, ne nous paraissait plus que l’ombre d’elle-même. Son expression déchirée par la douleur, les yeux gris, noyés des larmes qu’elle ne pouvait empêcher de couler, un petit corps qui se devinait à peine sous un sombre uniforme et les pieds chaussés d’espadrilles. Elle qui n’avait été que glamour et élégance.

    Nous voulions lui donner quelques gâteaux mais les geôlières nous en empêchèrent. Assises de part et d’autre de la table, nous ne pouvions que nous regarder, nous imprégner de cette image tragique sous le regard glacé de ces “servantes de Dieu”. […]

    Je crois que, jusqu’à aujourd’hui, ce souvenir est le plus traumatisant et le plus infiniment douloureux qu’aucun autre qui l’a précédé. Chaque fois que je revois cette image de profond désespoir, de solitude et d’abandon total, je ne peux retenir mes larmes. Quinze ans plus tard, j’en ai également arraché à mon père, son mari, quand je lui ai raconté cela de la manière la plus minutieuse possible. Quant au sujet des responsabilités, c’est une autre affaire. J’y reviendrai… ou non. […]

    Ma grand-mère, voyant à quel point nous avions été marquées, tout à fait inconsolables, décida qu’il n’y aurait plus de visites à la prison. Des années plus tard, ma mère nous raconta que ce fut elle qui décida que nous ne reviendrions plus, car elle ne voulait plus nous voir souffrir ainsi. » (pp. 38-39).

     

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    À nouveau, Anne Degrelle-Lemay laisse entendre que son père pourrait porter de (secrètes ?) responsabilités dans l’emprisonnement de sa mère et ses conditions de détention. Mais, en définitive, elle choisira de ne pas en dire davantage dans son livre : « Quant aux responsabilités… j’y reviendrai… ou non. »

    Son oncle Michel qui connaît certainement le sujet mieux qu’elle, ne tournera pas autour du pot. Il déclarera tout net –et sans sous-entendus accusateurs, ni même imputer quelque responsabilité au mari de sa sœur– face à la caméra de Philippe Dutilleul pour son documentaire au titre-jeu de mots déplorable Léon Degrelle ou la Führer de vivre (2009): « Le fait d’avoir été mise en taule pendant quatre ou cinq ans alors qu’elle n’avait rien fait, c’est certain que ce fut quelque chose de déplorable. D’ailleurs aucune épouse d’homme politique n’a eu à subir son sort. Normalement, on s’adresse au personnage, pas à son épouse ! Donc elle a certainement énormément souffert. Ça a cassé sa vie, forcément. Si elle était en prison, elle payait pour son mari. C’était un couple, ils ont fait quand même cinq gosses. Évidemment, comme toute jeune femme, quand elle a vu l’ascension de son mari, je suppose qu’elle a été un peu grisée. C’est normal. Mais elle n’a jamais pris position ; elle n’est jamais intervenue personnellement dans les affaires politiques quelles qu’elles soient. » (Capture d’écran du film-documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre donnant « la parole aux derniers témoins directs et proches de Léon Degrelle »).

     

    Pour Anne et les autres enfants du Commandeur de la Wallonie, comme nous l’avons vu dans notre chapitre précédent, changer de nom et porter celui de la mère alla donc de soi, non pour égarer les recherches des « détectives » de Léon Degrelle –il fallait pour cela trouver des résidences gardées secrètes– mais pour échapper aux persécutions d’une épuration sans fin.

     

    « A nouveau, l’inconnu. Pourquoi cet autre nom aujourd’hui ? Pourquoi une telle crainte chez les adultes de ce que nous pourrions raconter de cette vie qu’il fallait effacer absolument ? Et là, à dix ans déjà et plus mûre que n’importe quel enfant de mon âge, je commençai à adapter mon esprit à une future existence de mensonges, de peur de tout faire foirer et surtout de questionnements : qu’avait fait mon père pour que je doive me cacher de lui, enterrer ce nom qui mettait en danger ma vie ainsi que –je l’ai su plus tard– celle de mon oncle Manu et de sa famille. » (p. 32)

     

    « Des amies, à cette époque, je ne me souviens pas d’en avoir eu une en particulier. Je me sentais toujours différente. Ma famille n’était pas normale. Du reste, je n’avais ni père, ni mère. Je portais un faux nom. Je me sentais prisonnière de cette situation anormale. C’était comme une flétrissure qui ne me quitterait jamais. » (p. 45).

     

    On le voit, cette situation n’est pas sans conséquence sur le psychisme de l’enfant. Mais comme elle le découvrira rapidement, ce changement de nom était néanmoins nécessaire pour protéger les enfants de Léon Degrelle contre la haine de la populace. Mais s’agit-il bien d’une haine irraisonnée ? Tous ces braves gens ont-ils nécessairement tort ? A nouveau, Anne entretient le doute : « Qu’avait fait mon père pour que je doive enterrer ce nom qui mettait en danger ma vie ainsi que celle de mon oncle Manu et de sa famille ? » !...

     

    Anne se contentera de nous rapporter deux ou trois expériences qui, si elles n’ont pas mis sa vie ou celle de ses sœurs en danger et relèvent donc davantage de l’anecdote, sont néanmoins révélatrices de l’intolérance de la société pour tout ce qui touche aux « vaincus » et, plus précisément de l’exécration désormais attachée au nom de Degrelle.

     

    « Ma sœur Chantal avait une amie, Henriette, qui appartenait à une famille de propriétaires terriens très appréciée dans la région. Un jour, elle fut invitée à la maison et rencontra un des cousins appartenant à la noblesse. C’était un conte de fées, car elle tomba éperdument amoureuse de ce garçon. Et je n’exagère pas. Mais, en vérité, cet amour entraînerait un véritable drame. Chantal, innocente et aveuglée par l’amour, lui raconta toute sa vie. Ce qui ne posa aucun problème au garçon. Bien plus, son amie lui sembla encore plus intéressante avec ce halo de mystère, sa fausse identité et ses aventures incroyables. Mais lorsqu’il raconta tout à ses parents, ceux-ci virent tout de suite le problème. C’est ainsi que finit cette histoire d’amour. Chantal dut tout avaler d’un coup. Un coup bas de la vie, qui lui brisa le cœur à dix-sept ans ! Jamais plus ils ne se revirent. On ne jouait pas avec la France qui avait combattu dans “La Résistance”. » (p. 51).

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    Portrait-charge de Marie-Paule Lemay pendant son procès (Le Soir, 17 mai 1946)

    « En 1953, je me suis présentée à mon premier BAC. […] A nouveau, je dus payer les pots cassés à cause de ma nouvelle identité : j’avais cessé d’être Anne Lemay pour redevenir Anne Degrelle. Aucune de mes compagnes de classe ne s’était aperçue que j’avais réussi puisque l’Anne Lemay qu’elles connaissaient n’apparaissait sur aucune des listes officielles.

    L’année suivante, pour le second BAC, où j’obtins la « mention très bien » en philosophie (j’avais choisi Voltaire), ma découverte du résultat fut encore plus romanesque.

    Ce jour-là, ma meilleure amie, Martine Parent, m’avait proposé de venir dormir à sa maison. Le soir, nous étions toutes les deux dans sa chambre à écouter à la radio la liste alphabétique des candidats reçus. Soudain mon vrai nom sort et je me mets à faire de bonds de joie sur les lits. Martine me regardait sans rien comprendre et je dus tout confesser du mensonge dans lequel j’avais vécu depuis la fin de la guerre.

    Je ne me souviens plus des explications que j’ai dû donner au reste de la famille. […]

    Le plus triste de cette histoire, c’est que Martine et moi, nous dûmes cesser de nous voir. Il n’était pas question que je rentre dans le cercle de cette famille de grands industriels de Roubaix, une autre ville importante du nord de la France où ils vivaient. Dix ans après la fin de la guerre, c’était toujours la même chose ! » (p. 56).

     

    On le voit, la détestation attachée au nom « Degrelle », suscitée par la haine des démocrates victorieux, fut bien une réalité, imposant aux enfants du dernier Commandeur de la Légion Wallonie l’indispensable précaution de se cacher en changeant de nom.

     

    Nous ne pouvons néanmoins que manifester de l’étonnement lorsque l’auteur nous explique que les enfants de Léon Degrelle réussirent à se préserver en portant le nom Lemay, en même temps que ses oncles Lemay n’étaient nullement protégés par leur nom et se faisaient persécuter uniquement parce qu’ils auraient été parents par alliance du même Léon Degrelle !

     

    En fait, ne furent cruellement persécutés parce qu’ils s’appelaient Degrelle que les parents et les sœurs (le frère avait déjà été assassiné !) de Léon Degrelle ainsi que leurs maris. Et, bien sûr, son épouse qui portait le nom Degrelle depuis son mariage, le 29 mars 1932.

    Avenir Lxg 1947.10.11 Appel père LD.JPG
    L'Avenir du Luxembourg, 10 octobre 1947.

     

    Et les Lemay alors ? Y compris l’oncle Emmanuel (« Manu » dans le récit d’Anne) réfugié au fin fond de la Dordogne où les villageois résistantialistes auraient découvert ses liens de parenté avec Léon Degrelle (dont ils n'avaient probablement jamais entendu parler) ?

     

    Cet oncle, Emmanuel Lemay, avait épousé, peu auparavant, en 1944, Lucette Roger qu’Anne aimera « aussi comme une mère, “une de plus” » (p. 47). Est-ce bien pour héberger des enfants belges qui portaient son nom qu’il se fit menacer et insulter ? « Le 16 août était l’anniversaire de la mort de quelques héros locaux de la Résistance. Une manifestation d’hommage était organisée dans une clairière près de notre maison. Mon oncle et la famille s’associèrent à la cérémonie : discours du maire et de quelques anciens combattants, bouquets de fleurs et beaucoup d’émotion. En échange de sa collaboration –dans ce cas, le mot est bien choisi – mon oncle ne reçut qu’insultes et menaces. Ils sont même venus le chercher pour le livrer à la police. À nouveau cette haine viscérale contre toute la famille. Uniquement pour être le beau-frère de Léon Degrelle. » (pp. 32-33).

     

    Mais il semble bien que le nom Degrelle ne soit pour rien dans les malheurs de la famille Lemay, tout de même plutôt dérisoires comparés à ceux des Degrelle. Le parcours de la famille Lemay entre 1939 et 1945 ne semble en effet pas avoir eu grand-chose à voir avec la Résistance et qui aurait donc très bien pu s’attirer toute seule les tourments de l’ « épuration ». Encore que nous n’ayons jamais trouvé trace de quelque procès impliquant des membres de la famille Lemay ou de leur importante et florissante société « Ciments Lemay » (dont pourrait sembler plausible l’implication dans la construction du formidable Mur de l’Atlantique, tant celui-ci dut engloutir tous les matériaux des usines continentales nécessaires au béton de ses bunkers : mais aucune trace n’en est à retrouver).

     

    Dans un courrier de 1954 (dont nous avons pu conserver le brouillon) à l’avocat de sa femme, Jean Thévenet, conseil de la famille Lemay croyant se sauver en l’accablant, Léon Degrelle règle l’affaire en quelques lignes éclairantes : « Les autres de la famille Lemay [à part mon épouse Marie-Paule] ? Mais la femme de l’aîné [Marc, 1912-1942], était au vu et au su de toute la ville de Tournai, la maîtresse d’un Allemand. Le deuxième Lemay, Jean, prisonnier des Allemands, au lieu de rester avec ses camarades, fit demander par sa mère sa libération anticipée dès l’automne de 1940, en s’adressant à des religieux, d’une part, en me demandant, d’autre part, d’intervenir près d’Abetz, ambassadeur du Reich, ce que je fis, et Jean Lemay fut libéré sur ordre télégraphique de Ribbentrop. Le troisième, Emmanuel [1920-1988], fut membre de la fameuse milice de Darnand, fit même une période d’entraînement à la mitrailleuse ! Il épousa –durant l’été 1944 !–, la fille d’un collaborateur notoire, échevin rexiste d’une grosse agglomération ouvrière de la banlieue de Mons [Gustave Roger, de Bracquegnies ?], mariage auquel j’assistai en uniforme d’officier supérieur de la SS, collier de la Ritterkreuz au cou. Il existe une photo assez drôle de ma belle-mère [Jeanne Lemay-Caton, 1888-1970] à mon bras, cette après-midi là. Tout ce monde était devenu entretemps anglophile ? Disons plutôt qu’il le devint, comme beaucoup d’autres, lorsqu’ils eurent senti le vent tourner. Le 8 août 1941, au départ de la Légion Wallonie pour le front de l’Est, l’aîné de mes beaux-frères d’alors était venu à Bruxelles, fort affectueusement, m’apporter à la gare du Nord, les adieux de la belle-famille.

    Donc là, vraiment, qu’on mette des sourdines aux indignations post-fabriquées ! »

    1954.03 LD Thévenet Lemay.jpeg


    M
    ais Anne Degrelle-Lemay demeurera inflexible dans ses certitudes et sa conviction de la culpabilité de son père : « De nos longues conversations et de mes innombrables heures de lecture m’est restée l’image d’un père qui a foutu la vie de sa famille en l’air, et la mienne en particulier » ! (p. 141).

     


    À suivre

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    II. Anne Degrelle ou Anne Lemay ?

     

    Anne + LD 1958.jpg

    Une des toutes premières photos, probablement prise dans un bar de Constantina, d’Anne Degrelle avec son père chez qui elle est arrivée en juillet 1958. Léon Degrelle porte une cravate et un brassard noirs en signe de deuil pour son fils Léon-Marie, mort dans un accident de la circulation, le 22 février précédent.

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgNous avons terminé la première partie de notre présentation des mémoires d’Anne Degrelle-Lemay (ce blog au 23 octobre 2020) par l’attitude surprenante de son père à son égard : « Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

     

    Doutes qui se manifestèrent dès le tout premier contact : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. Nous étions deux personnes qui se cherchaient, qui se regardaient, qui enlevaient des barrières. Nous faisions connaissance, mais toujours avec méfiance en ce qui me concerne ; et lui, il se rendait compte que j’avais encore du mal à l’inclure dans ma vie. » (p. 67).

    Et Léon Degrelle avait sans doute bien raison de soupçonner l’hostilité plus subtile que la famille Lemay instilla dans l’esprit de ses enfants. C’est Anne qui l’explique encore, à l’occasion d’une affirmation semblable d’apparent détachement des Lemay à son encontre : « Je ne puis qu’affirmer que je n’ai entendu de la bouche de ma grand-mère ou de n’importe lequel de mes oncles la moindre parole négative sur mon père. On ne parlait tout simplement pas de lui et, plus incroyable encore, nous ne posions pas de questions non plus sur lui. C'était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. » (p. 42).

    Mais ce n’est pas du détachement ou de l'insensibilité, c’est de l’anxiété mêlée de suspicion, comme le reconnaît d’ailleurs Anne un peu plus loin : « Je lui expliquais que je ne pouvais relever ni estime ni aversion de la part de la famille Lemay. À peine de l’indifférence apparente, mais aussi de la peur, de la crainte d’avoir à répondre à des questions embarrassantes de notre part » (p. 93).

    Mais tout cela est-il bien vrai ? Anne nous laisse quand même entendre que les propos des Lemay sur Léon Degrelle n’étaient finalement pas si équivoques que cela, comme elle l'admet dans le récit de sa première rencontre avec son père : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. » (p. 67). Elle le confirme encore dans le compte rendu de ses conversations à La Carlina : « C’est là que j’ai appris de vive voix ce qu’avait été la vie de cet être mystérieux et redoutable qu’on m’avait décrit durant toute mon enfance. » (p. 128).

    Pourquoi, d’ailleurs, la famille Lemay aurait-elle sinon utilisé toutes les ressources de la damnatio memoriae à l’encontre de leur parent par alliance, à savoir le silence, la calomnie et l’iconoclasme : « C’était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. De sa vie et de ses erreurs politiques, de sa “responsabilité” dans le malheur de tant de gens, on ne parlait jamais. À la maison, il n’y avait aucune photo qui pouvait nous le rappeler. On en avait même découpé quelques jolies, comme celle où nous étions avec lui, ma sœur Chantal et moi, et que je lui ai montrée des années plus tard. “Ils m’ont guillotiné !” me dit-il, plaisantant toujours avec les choses les plus tristes… » (p. 42). Cette iconoclastie se voulait d’ailleurs systématique : « Malgré les soins attentifs de la famille Lemay pour découper les photos sur lesquelles apparaissait mon père, j’ai quand même pu l’apercevoir sur certaines d’entre elles. » (p. 66).

     

    Photo coupée Chantal+Anne.jpeg

    Anne publie dans son livre (p. 43) une photo où elle figure avec sa sœur Chantal (à gauche) : la famille Lemay a pris soin d’enlever la tête de Léon Degrelle (on en voit toutefois la main gauche autour de la taille d’Anne), en déchirant la photo à la main et non aux ciseaux, comme en témoigne les bords arrachés autour de la tête des enfants.

     

    L’éducation ainsi reçue par Anne a laissé de telles traces évidentes que son père perçoit les réticences de sa fille dès le premier abord : lorsqu’elle débarque à Séville qui l’enivre de son atmosphère lumineuse et paradisiaque, Léon Degrelle n’est pas dupe : « Mon père était également déconcerté, pas à cause des palmiers ni du parfum des jasmins, mais par ma réaction. » (p. 67). Elle précise en effet que sa première attitude en rencontrant son père fut celle de la méfiance : « À ce moment, il fallait encore que de nombreux doutes disparaissent pour que j’aie totalement confiance en lui. » (p. 67). Et cette confiance est-elle possible puisque son frère les avait quittées, sa mère et elle, pour rejoindre « le responsable de tous [leurs] malheurs », –chose dont elle ne veut même pas « essayer de comprendre les raisons » (p. 61) ? Son attitude, en découvrant son père, n’a pu que trahir pareils sentiments embarrassés.

    C’est que « jamais mon père ne renonça à nous retrouver, à récupérer ses enfants ». Alors que, toujours, la famille Lemay fut résolue à l’en empêcher : « La famille de ma mère, comme d’authentiques garants de notre sécurité, essayait de nous emmener d’un endroit à l’autre, d’un collège à l’autre, s’efforçant d’égarer ces pseudo-détectives qui essayaient de nous localiser et de nous suivre à la trace, toujours à l’affût. » (p. 61).


    Le récit de l’enfance d’après-guerre d’Anne donne plusieurs exemples de ces parties dramatiques de cache-cache dans la Dordogne de son oncle Manu qui l’y recueille, et jusqu’au collège où il l’a mise en pension dans les Alpes : « De notre séjour à Annecy, demeurent quelques témoignages photographiques : Chantal, Godelieve et moi, portant l’uniforme du collège, sur la balustrade en fer forgé d’un pont près du lac.

    Lac Annecy Chantal God Anne.jpeg

     

    Mais qui a pris cette photo ? […] Notre père dont on nous cachait tout afin de nous protéger (mais on ne nous l’a expliqué que bien après) ? Des années plus tard, en regardant cette photo, mon esprit de détective a commencé à assembler les pièces du puzzle et j’eus la certitude que les auteurs de ce reportage clandestin n’avaient pu qu’être les limiers de mon père. Cinq enfants ne disparaissent pas sans laisser de trace. Leur recherche ne pouvait cesser avant d’avoir porté ses fruits, dix ans plus tard. Je m’imagine l’angoisse de ma grand-mère et de mes oncles devant effacer tout indice et rester en alerte permanente pour empêcher qu’ils puissent atteindre leur objectif et nous emmener chez lui. » (p. 37).

    « Mais nous demeurions cachés. C’était vraiment la volonté de la famille de ma mère de nous mettre à l’abri des agents de mon père. Ma famille maternelle craignait qu’il nous kidnappe. Le Puy-Haut était l’endroit idéal. Mais depuis l’Espagne, mon père n’abandonnait pas et je le comprends aujourd’hui… Un jour, mon oncle Manu arriva à la maison hors d’haleine après avoir monté en courant la côte du Puy-Haut. Il nous demanda de nous cacher et, surtout, de ne pas aller sur la terrasse. Une voiture immatriculée en Espagne venait d’arriver au Chaubier (sa maison ainsi que la nôtre pendant trois ans). Mon oncle était parvenu à les semer, je ne sais pas encore comment, mais on n’a plus entendu parler de ces détectives espagnols… provisoirement. » (p. 42).

     

    On le voit, si les Lemay ne disent pas crûment de mal de leur beau-fils, beau-frère ou mari, ils se conduisent envers lui comme envers un pestiféré ou un malfaiteur. Anne y insiste d’ailleurs : « Durant toute notre vie, [ma mère] avait lutté pour nous tenir à l’écart de son influence, de l’incertitude d’une vie dont elle a toujours voulu nous tenir éloignés » (p. 72) ; « Ce n’est qu’un exemple du souci permanent avec lequel [ma grand-mère et mon oncle] vivaient pour nous protéger de tout danger » (p. 42) !

     

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    Dans le parc de la Drève de Lorraine, Marie-Paule Degrelle-Lemay et ses enfants, (de g. à dr.) Chantal, Anne, Léon-Marie et Godelieve : « Je me souviens de ma mère, apparemment heureuse, mais je me rendais compte qu’elle souffrait. D’abord, à cause de l’accident de Chantal, et, plus imperceptiblement (les enfants sentent ces choses), à cause de la vie tellement particulière qu’elle supportait suite aux dérives politiques de son mari. » (p. 15).

     

    Aussi doit-t-elle changer de nom dès son arrivée chez son oncle en Dordogne : « il fallait effacer définitivement ce nom et le remplacer par celui de notre mère. Ce fut le début de cette vie aux origines fictives, à l’enfance réinventée, aux drames qu’il fallait abandonner en un endroit caché et lointain de notre mémoire. Attention à ne jamais parler de cette courte vie antérieure, de cette famille, celle de mon père, qu’il ne fallait pas même nommer et de laquelle, pour notre sécurité, on réussit à nous séparer pour toujours. » (p. 32). « Cette vie a fini par me plaire. J’ai arrêté de me considérer comme un drôle d’oiseau. Je portais un faux nom. Personne ne le savait. Du coup, ma vie d’avant avait cessé d’être un fardeau. » (p. 34).

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Anne vécut écartelée entre les deux familles, sans se rendre compte, apparemment, qu’on lui imposait un état de recluse sous prétexte d’empêcher son père de le lui imposer (« Ma famille maternelle avait peur qu’il nous kidnappe », p. 42)…

    C’est ainsi qu’après avoir refusé de comprendre pourquoi Léon-Marie, son frère adoré avait rejoint « le responsable de tous [leurs] malheurs […] cette personne dont le nom seul était tabou », elle, qui se considérait comme « celle qui était la plus opposée à tout ce qu’il représentait dans [leur] vie », dut néanmoins, sur les instances de sa mère, accepter de rejoindre son père après la mort accidentelle de Léon-Marie : « La douleur fut atroce. Je me souviens seulement de ma mère que nous étions incapables de consoler et chez qui nous ne pouvions qu’ajouter de la douleur à la douleur. […] La force de ma mère m’impressionnait chaque jour davantage. Toutes ses pensées allaient vers mon père. Elle imaginait à quel point cet homme devait être brisé. Dans son cœur, il n’y avait pas de place pour la rancune. Son mariage était brisé, mais aujourd’hui, c’étaient des parents unis dans la tragédie. […] De sorte qu’un jour, alors que je revenais du travail à la maison, cette mère détruite me dit : “Je veux que tu ailles en Espagne consoler ton père.” » (pp. 61-64).

     

    LD+Tombe Léon-Marie Constantina.jpg

    La tombe de Léon-Marie, premier des enfants de Léon Degrelle à avoir rejoint leur père en Espagne : quelques mois à peine après son arrivée, il fut victime d’un accident de moto à Séville, le samedi 22 février 1958. Ses funérailles furent célébrées le lendemain à Constantina ; il repose dans le cimetière municipal (ce blog au 26 février 2016).

     

    Anne qui, tout au long de ses souvenirs, se présente comme une cartésienne intransigeante, analyse alors cet écartèlement, à partir de l’expérience de son frère : « Qu’est-ce que je faisais soudainement en Espagne ? Ce Léon Degrelle, mon père, n’avait jamais fait partie de ma vie. Je devais apprendre à le connaître, tout en sachant que tous deux, nous devions supporter un terrible malheur : la mort d’un garçon de dix-huit ans. Ma mère m’avait envoyée pour le “consoler” : mais moi aussi, j’étais détruite et pétrie de sentiments mitigés. Je ne voulais pas que des pensées difficiles à écarter me viennent à l’esprit. Je savais que ce père devait souffrir indiciblement de ce nouveau coup du destin. D’un autre côté, il y avait cette fuite de mon frère d’un foyer qui lui avait tout donné, d’une mère et de sœurs qui l’adoraient, vers un père qu’il considérait (je l’ai compris par après car j’ai partagé ces mêmes sentiments) comme un exilé, un homme qui souffrait d’une séparation cruelle de toute sa famille. Il ne s’agissait pas de se détacher de sa famille maternelle mais d’un désir devenu une obsession d’apprendre de vive voix quels avaient été les péchés et les “crimes” de cet homme cherchant désespérément à revoir ses enfants, leur raconter sa version de l’histoire, et se faire pardonner pour le calvaire qu’ils avaient eu à souffrir par “sa” faute. » (p. 66).

    Cet écartèlement est bien présent aussi lors de la toute première rencontre entre le père et la fille –ce qui, comme nous l’avons vu– n’a pas échappé à Léon Degrelle : « Je ne pouvais me défaire de l’image de ma mère, si combattante et d’une noblesse de caractère et de sentiments peu courante, que j’avais laissée à Paris submergée de douleur. Mais je savais ce qu’elle voulait : que je l’aide, lui, à surmonter ce coup tragique, ultime coup du destin à notre famille. » (p. 67).

    Léon-Marie.jpg« [Léon-Marie] avait une tête pleine de rêves ; c’était un grand lecteur, romantique et mélomane jusqu’à la moelle ; il avait aussi une qualité qui nous enchantait tous, son sens de l’humour. Nous passions avec lui des moments de rire incroyables, avec des gags dignes des meilleurs humoristes, mais sans jamais dépasser les bornes car c’était un gentleman, avec cette classe naturelle qu’il avait héritée de sa mère. » (p. 61).

     

    Aussi, dans ses mémoires, si Anne ne manque pas de souligner l’amour qu’elle vouera désormais à ce père retrouvé, cet amour se teintera néanmoins toujours de circonspection : « Suprêmement élégant, portant costume clair et cravate. J’examinais tout. Il était exactement comme je me l’imaginais. Ce fut un coup de foudre (l’amour au premier regard). Voilà ma première impression. […] Son visage grave, au regard profond, aux yeux brillants pleins de larmes. Ce sont eux qui furent responsables du fait que je ne pourrais plus vivre séparé de lui. » (p. 66). « Nos retrouvailles aboutirent à un coup de foudre. Je l’aimais, tout en sachant qu’il me ferait souffrir. » (p. 72). « Les questions que la raison m’inspirait pour que je voie une réalité que je ne voulais pas accepter demeuraient dans un fond caché de mon esprit, prisonnières d’un amour naissant dont j’avais tant besoin. Nous nous aimions, point final. » (p. 80). Elle conclura ainsi dans les dernières pages : « J’ai appris à le juger, à me faire ma propre opinion, plus critique que favorable. […] Ces années de la Seconde Guerre mondiale, depuis le départ en 1941 du premier contingent de la Légion Wallonie jusqu’au désastre final en 1945, ont constitué l’axe central de cette biographie : non la mienne en tant que telle mais en tant que fille d’un politique, d’un poète, d’un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai toujours essayé de juger selon mes propres critères. » (pp. 128 et 141).

     

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    Photo touristique prise à Tolède, lors du premier séjour d’Anne Degrelle auprès de son père (portant toujours le deuil de son fils) : il fera avec elle le voyage de Madrid, visita Tolède, puis remonta vers le pays basque pour la laisser à Irun, dans le train de Paris : « Tout ce qu’il voulait, c’était me faire profiter au maximum de sa présence, emplir ma mémoire de souvenirs merveilleux et me convaincre de la vie magnifique qu’il pouvait nous offrir, à mes sœurs et à moi, si nous voulions revenir chez lui » (p. 72).

     

    La famille Degrelle, quant à elle, non seulement ne bénéficiera pas d’une telle affection spontanée tant elle avait sombré dans l’oubli le plus total, mais, de plus, elle devra endurer davantage que la défiance entretenue envers son père : une quasi-aversion.

    « Et moi ? Avais-je encore quelque souvenir de la maison de mes grands-parents paternels ? Et de Bouillon ? Très vaguement. J’avais beaucoup de tantes car mon père avait quatre sœurs. L’une d’entre elles, l’aînée, se fit religieuse cloîtrée –je pense que c’était de l’Ordre du Carmel […]. De mes tantes et de mes cousins, de mon oncle assassiné, je n’ai pas le moindre souvenir. […] Cependant, ce fut l’une de mes tantes, Louise, la sœur quasi-jumelle de mon père, qui porta la responsabilité de la reprise de contact de mon frère avec son père. J’ai déjà raconté […] cette chasse incessante de la famille Degrelle pour nous emmener en Espagne auprès de mon père, jusqu’à ce qu’à l’insu de ma mère, ils « kidnappèrent » mon frère et l’emmenèrent sans passeport ni papiers, caché dans une voiture, jusqu’à Séville. Nous savons désormais à quelle tragédie aboutirent ces retrouvailles. » (p. 162).

     

    Marie + Louise-Marie Couvent.jpg« Nous avons été voir une fois [la sœur aînée de mon père] et c’est à peine si je me souviens de son visage, mais je me rappelle bien l’affection avec laquelle elle nous embrassa. Je ne sais pas ce qu’elle pensait de son frère Léon. Mère Marie des Abys –c’est ainsi que nous la connaissions– a vécu toute la guerre ainsi que la persécution dont fut victime le reste de sa famille, parents, frères et sœurs, depuis la solitude de son couvent. Je sais qu’elle est morte très âgée et que mon père eut énormément de chagrin lorsqu’il apprit son décès. » (p. 162 ; Marie, sa sœur aînée –30 juillet 1896 - 6 mars 1980– était la marraine de Léon, voir ce blog au 15 juin 2021. Marie était religieuse de l'ordre de la Visitation de Sainte-Marie ; elle est ici au côté de sa sœur, Louise-Marie Massart, dans le parc du monastère des Abys, à Paliseul, non loin de Bouillon).

    « Ghislaine Massart, une nièce de mon père –c’est-à-dire une cousine à nous–, découvrit (je dois saluer ici les talents de détective de ces membres de la famille) l’endroit où travaillait ma mère à Paris […]. Mon frère, qui vivait également à Paris, allait souvent la voir après ses cours. C’est ainsi que ma cousine le retrouva et commença son travail de “réconciliation familiale”… Elle ne réalisait pas le mal qu’elle faisait à la famille Lemay, à ma mère en particulier, à ma grand-mère, qui nous avaient élevés pendant toute notre enfance et notre adolescence, qui nous avaient protégés de la rancune et de la haine de ceux qui nous persécutaient uniquement à cause de notre nom. » (p. 61).

     

    LD+Guilaine Massart.jpgLéon Degrelle dans son refuge de Majalimar, en 1949, en compagnie de sa nièce Ghislaine Massart, la fille de sa sœur Louise-Marie.

     

    « Au mois de juillet 1958, […] de nouvelles figures que je ne connaissais de nulle part débarquèrent tous les jours. Des cousins du côté de mon père, la famille Degrelle, que je n’avais jamais vus de ma vie. Une de mes cousines, Ghislaine Massart, était précisément la responsable de la fuite de mon frère de Paris, qui connut une fin si tragique. […] Et, parmi ces arrivées en bataille, j’eus l’honneur de connaître un autre cousin, fils d’une sœur de mon père, au regard mauvais, que je fuyais et qui essaya de m’embrasser entre deux portes en s’attirant ainsi une baffe magistrale. » (p. 77).


    Mais à nouveau, si Anne n’éprouve qu’antipathie ou indifférence pour sa famille paternelle, c’est à son père qu’elle en impute la responsabilité : n’affiche-t-il pas son désintérêt pour la vie d’après-guerre des Lemay ? Aussi n’hésitera-t-elle pas à manifester à son tour amnésie et insensibilité : « Il savait que la famille Lemay nous avait sauvés de la cruelle vengeance des vainqueurs dont furent victimes tant de familles emprisonnées dans des conditions inhumaines. Parmi elles, sa propre famille : parents, sœurs, nièces adolescentes… Persécution dont nous fûmes protégés mes sœurs, mon frère et moi, mais à laquelle n’échappa pas ma mère. Dans nos conversations, il essayait de ne pas approfondir ce que furent notre enfance, notre vie estudiantine et notre relation inexistante avec la famille Degrelle. Il devait souffrir en voyant que nous n’avions absolument aucun souvenir d’elle. Fracture complète. Vide total. » (p. 86).

    Anne se fera néanmoins violence en s’efforçant de garder le contact avec le côté Degrelle de sa famille, mais son apparente bonne volonté ne pourra se couronner d’aucun succès :

    « Pourtant, j’ai essayé de garder des relations familiales avec tous, en allant les visiter avec mes enfants à Bruxelles, ainsi qu’à Anvers où vivait une de mes tantes mariée avec un Flamand [Suzanne Lamoral]. Ils étaient des plus affectueux, se coupant en quatre pour nous faire plaisir et essayer de rattraper le temps perdu, mais avec le temps, nous nous sommes éloignés et nous ne nous sommes même pas revus quand mon père est mort. » (p. 162 ; de la fratrie de Léon Degrelle, en 1994, seules vivaient encore Suzanne Lamoral et Louise-Marie Massart, toutes deux malades, handicapées –Louise-Marie étant même aveugle– et incapables de faire le voyage d’Espagne).

     

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    Anne Degrelle n’aurait malheureusement quasi plus aucun souvenir précis de ses grands-parents paternels. Rapportant les propos de son père, elle nous dit que sa grand-mère paternelle était « la femme la plus généreuse et douce au monde, incarcérée comme le reste de sa famille dans une cellule nauséabonde, sans pouvoir revoir ni son mari ni lui donner un ultime baiser avant de mourir » (p. 165). Elle est ici avec sa grand-mère, tandis que sa sœur Chantal est avec son grand-père dans le parc de la Drève de Lorraine ; à l’arrière-plan, son père est en conversation avec Victor Matthys.

     

    La conclusion s’impose donc, sans appel : « En cet été de 58, tous ces oncles et cousins débarquèrent les uns après les autres à La Carlina. En me rappelant cela aujourd’hui quelque 60 ans plus tard, je dois reconnaître que je ne les ai jamais considérés comme ma famille. » (p. 162).

    Et son corolaire, inévitable, est : « Ma véritable famille fut toujours la famille Lemay. Et ma grand-mère maternelle est irremplaçable dans mon cœur. » (p. 162).

    Aussi le ton est-il tout autre lorsqu’il est question des parents maternels. D’autant plus qu’ils eurent également, semble-t-il, à souffrir après la guerre. Et la cause de cette souffrance est clairement imputée à Léon Degrelle, même si cette cause est tout accidentelle, due au seul mariage de Marie-Paule.

    « Mais nous sommes toujours en 1945, la guerre vient de finir et nous nous retrouvons dans cet orphelinat de l’Assistance publique. Qui est ce couple qui s’approche de nous et nous invite à les suivre avec tant d’amour ? Il s’agissait d’un frère de ma mère et de sa femme. Ma grand-mère maternelle, ma bonne-maman adorée, s’était rendue à Bruxelles et les avait envoyés pour nous sauver. » (p. 28).

    « Ma bonne-maman [Lemay] ne nous abandonnerait jamais malgré qu’à cette époque elle avait déjà 57 ans. Elle était restée veuve durant toute la guerre et ses fils étaient déjà majeurs et indépendants. Elle n’avait plus désormais d’yeux que pour ces cinq enfants “orphelins” à cette époque. » (p. 29).

    « La dernière nuit [avant mon départ en pension à Annecy], –je ne sais si j’étais plus sensible que les autres–, je ne fis rien d’autre que pleurer et ma bonne-maman ne trouva pas d’autre remède que de se coucher avec moi. Elle avait un lit immense avec un édredon en plumes (déjà à cette époque) et un grand feu de cheminée. Je ne sais pas si ce fut une bonne idée de passer cette dernière nuit blottie contre ma bonne-maman –ma mère pendant tant d’années– car il m’en est resté un souvenir si profond et agréable qu’aujourd’hui encore j’en suis émue en me le rappelant. » (p. 34). « Je suis terriblement pratique. Je tiens mes pieds fermement sur terre. Comme je l’ai dit, je vis au présent. Et mon présent, c’était, en premier lieu, ma bonne-maman, ma raison de vivre, et ensuite, le collège. » (p. 45). « J’ai appris à vivre au jour le jour avec cette merveilleuse grand-mère qui, dans sa volonté de nous aider et de nous protéger de cette tragédie qui l’atteignait elle-même, s’était transformée en notre mère. » (p. 46).

    La bonne-maman Lemay occupe ainsi une place toute particulière dans le cœur d’Anne, ayant littéralement remplacé sa mère dans sa prime adolescence et l’ayant surtout « protégée » de son père qui semble même craindre de reconnaître sa responsabilité dans la situation où s’est retrouvée plongée la famille Lemay, qui est la seule que se reconnaît Anne : « Arriva le moment des questions aussi bien de son côté que du mien. Mais il n’osait pas trop creuser, craignant d’apprendre les détails du calvaire qu’avaient vécu ma mère, ma grand-mère, mes oncles maternels et nous autres, ses cinq enfants, qui avons échappé à l’Assistance publique grâce, précisément, à cette femme intelligente, courageuse, merveilleuse : ma grand-mère maternelle. » (p. 85).

     

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    Les portraits que nous avons de la bien-aimée « bonne-maman » d’Anne Degrelle-Lemay sont rares : celui-ci provient de son livre de souvenirs (p. 33). De gauche à droite, au premier plan, Anne, Godelieve, Chantal et Léon-Marie ; à l’arrière-plan, Jeanne Lemay-Caton et, dans ses bras, la petite Marie-Christine. Nous le reproduisons car celui dont nous disposons est justement amputé du visage d’Anne (ci-dessous : Anne est debout à l’arrière-plan) : de gauche à droite, devant la grand-mère Jeanne Lemay, Chantal, Marie-Christine, Léon-Marie et Godelieve.

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    « La maison ou, plutôt, la ferme, appartenait à mon oncle Manu, le petit frère de ma mère, à peine marié et papa d’une fillette d’à peine un an qui deviendrait l’amie inséparable de ma petite sœur du même âge. Mon oncle était ingénieur agronome et, suivant sa vocation, avait acheté cette ferme […]. Je me souviens de ces années à Eyliac comme comptant parmi les plus heureuses de ma vie. » (pp. 29-30).

     

    « Le Périgord était une région où la Résistance avait été très active pendant toute l’occupation allemande. Quand mon oncle Manu arriva à Eyliac, jeune marié, les paysans et les fermiers des environs ne connaissaient rien du reste de la famille. Ils s’estimaient, s’aidaient pour les travaux des champs ; ils étaient amis. Mais lorsque nous sommes arrivés, ma grand-mère et nous cinq, les bonnes gens de l’endroit commencèrent d’abord à avoir des soupçons, puis à poser des questions et enfin à manifester ouvertement leur haine. […] Mon oncle ne reçut que des insultes et des menaces. […] De nouveau cette haine viscérale contre toute la famille. Uniquement pour être le beau-frère de Léon Degrelle. Je ne pouvais pas passer sous silence cet épisode de la vie de mon oncle qui nous a tant aidés et protégés dans cette étape de notre vie, si difficile pour tous. » (pp. 32-33).

     

    « La famille de ma mère (des industriels importants en France), malgré qu’elle fut frappée de sanctions financières exorbitantes uniquement pour avoir été de la famille politique de Léon Degrelle, continua de jouir d’une fortune considérable de sorte que, grâce à elle, nous pûmes continuer à fréquenter de bons collèges » (p. 35).

     

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    Photo du mariage de Léon Degrelle avec Marie-Paule Lemay, prise dans le jardin de la propriété des Lemay, à Tournai, le 3 mars 1932, au lendemain des fêtes de Pâques. C’est probablement la seule fois que les deux familles furent réunies pour une fête. « Entre-temps, ma mère vivait le pire cauchemar de sa vie (mais on ne nous avait alors rien raconté), enfermée dans une geôle en Belgique après avoir été condamnée à dix ans de prison pour être la femme de Léon Degrelle. » (p. 29).

     

    « [Marie-Paule Lemay] savait que sa mère et ses frères avaient perdu une fortune en paiement d’ “indemnités de guerre”, confiscation de leurs biens et coups quasi-mortels à la cimenterie de la famille Lemay, tout cela à cause des liens de parenté avec Léon Degrelle. Et en outre, ils durent encore supporter tous les frais de notre éducation et de notre scolarité pendant l’incarcération de ma mère. » (p. 47).

    « J’évoquais simplement des images de foyer, d’amour, de rires de ma petite sœur, de bûches flambant dans la cheminée, de baisers de ma bonne-maman ou de ma tante Lucette (que j’aimais aussi comme une mère, “une de plus”) » (p. 47).

    « Le conseiller familial, –c’était mon oncle Michel (un frère de ma mère) qui, déjà à cette époque, dirigeait nos vies presque comme un père – voulait me garder auprès de lui et me conseiller dans mes études et la voie à suivre. Il vivait avec sa femme, ma tante Pierrette, à Tournai, à seulement 40 km de Lille. C’est lui qui dirigeait l’énorme usine des “Ciments Lemay” fondée par son père, mon grand-père Marcel Lemay, et qui traversa de multiples péripéties pendant la guerre. Brillant ingénieur, il succéda à deux de ses frères (également ingénieurs industriels) qui, pour diverses raisons, finirent l’un au Venezuela, l’autre au Mexique. Bref, mon oncle Michel et son épouse Pierrette me prirent sous leur aile. J’étais la fille qu’ils n’avaient pu avoir. » (p. 54).

    « Un jour, j’ai surpris des conversations entre eux sur leur désir de m’adopter légalement, tout d’abord par amour, et puis aussi pour débarrasser ma mère des frais de mon éducation. » (p. 56).

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    L’oncle Michel, l’aspirant papa d’Anne, a bien décidé de tourner la page degrellienne : rangé désormais dans la bien-pensance, il s’est racheté une réputation politiquement correcte grâce à des fréquentations choisies, s’est offert un rond-point à Tournai en blocs de pierre de ses carrières, –l’inaugurant avec le ministre-président de la Région wallonne, le socialiste Rudy Demotte (à gauche ; Michel Lemay lève le drap à droite ; capture d’écran NoTélé). Il légua une somme relativement symbolique aux filles de feue sa sœur Marie-Paule, avant de laisser l’essentiel de sa fortune à un fonds de mécénat local portant son nom et celui de sa deuxième épouse, Claire Lemay-Poncheau, géré par la Fondation Roi Baudouin. Son faire-part de décès, en 2012, ne signale que de rares amis de l’establishment tournaisien, aucun membre de sa famille, et mentionne les honneurs officiels que son néo-conformisme lui ont valus.

     

    « Mais l’événement le plus triste qui vint ternir mon bonheur, peu de jours après la naissance de ma petite Hélène, fut le décès de ma grand-mère maternelle, pivot et guide de toute mon enfance et adolescence [28 janvier 1970]. Je ne pus être à ses côtés aux moments ultimes de sa vie, car Hélène n’avait que quinze jours et avait besoin de toute mon attention. » (p. 104)

     

    « Ma mère mourut au printemps de 1984 [le 29 janvier !]. […] Je pleurai désespérément. Se mêlaient en moi la peine immense de sa perte et le remords de l’avoir laissée seule en France, ayant choisi de vivre aux côtés de ce père dont elle avait voulu nous éloigner pendant quinze ans. » (p. 118)

     

    « Mon unique famille fut la famille Lemay. Pendant les années les plus cruciales de mon enfance et de ma jeunesse, ma grand-mère et mes oncles ont toujours été à mes côtés. Ma mère, après ses cinq ans de torture carcérale, revint dans nos vies avec des cicatrices impossibles à fermer. Elle fut admirable dans ses efforts pour essayer d’ignorer les souvenirs qui la tourmentaient, soigner les blessures de son corps et de son esprit, et assumer ses responsabilités quant à notre formation humaine et intellectuelle. » (p. 117)

    Anne Degrelle est donc d’abord et avant tout Anne Lemay. En témoigne encore le vif désagrément dont elle nous fait part au moment de son installation dans l’Espagne de son père : « Mais en Espagne, j’étais la fille de Léon et mon nom devait être Degrelle : cela m’a coûté énormément de devoir m’y habituer. » (p. 131).

     

     

    L’essentiel de la documentation iconographique de cet article provient de la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter.

     

     

    À suivre

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    I. La Carlina

     

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    Vue aérienne de La Carlina.

     

    Nous avons annoncé, il n’y a guère, la parution d’un petit livre en espagnol intitulé Degrelle, l’homme qui changea mon destin, écrit par Anne Degrelle-Lemay, une des filles du fondateur de Rex, dernier Commandeur de la Légion Wallonie (ce blog au 29 juin 2022).

    Ecrite en deux parties s’articulant autour des retrouvailles de la jeune femme surprotégée par la famille de sa maman avec son père forcé à l’exil, cette chronique intitule amèrement ces périodes marquées par une adversité quasi constante « Une vie effilochée » et « Les raccommodages du destin ».

    Dans la mesure où nous recevions pour la toute première fois le témoignage d'un enfant de Léon Degrelle –Anne– ayant longtemps partagé sa vie d’exil à Constantina et Madrid (Chantal a toujours vécu et vit encore en France ; Léon-Marie est malheureusement décédé en 1958 –ce blog au 26 février 2016–, et Marie-Christine en 2006 ; pouvons-nous espérer que Godelieve –84 ans aujourd'hui– ait tenu un journal qui soit un jour rendu public ?), nous nous attendions à un « coup de tonnerre » historique, nous révélant des pans inédits de la biographie du dernier Commandeur de la Légion Wallonie, ayant vécu les cinquante dernières années pleines de rebondissements de sa vie chevaleresque en Espagne.

    Force nous est néanmoins de constater qu’il n’en est quasiment rien et que c’est le récit entier d’Anne Degrelle-Lemay qui nous apparaît effiloché

     

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    Construction de La Carlina, la villa andalouse de Léon Degrelle.

     

    Ce ne sont évidemment pas des révélations sur les combats rexistes ni sur la guerre au Front de l’Est que nous attendions de la petite fille née en 1936 et qui n’avait que neuf ans quand son père put s’échapper miraculeusement de l’apocalypse de 1945 (le rappel de ces années de la vie de Léon Degrelle ne consiste d’ailleurs qu’en citations –bien lacunaires– de ses livres que tout le monde intéressé a lus).

    Du moins nous attendions-nous à du nouveau sur sa vie d’exil si peu documentée et si riche en péripéties et rebondissements des plus étonnants (voir notamment ce blog au 28 mai 2016) : les quarante-neuf années de l’exil devraient intéresser tout autant les degrelliens –de même que les historiens du fascisme, de l’Europe ou de la Seconde Guerre mondiale– que les trente-neuf ans de la vie publique relativement mieux connue de Léon Degrelle.

    C’est sur la villa de son père à Constantina qu’elle s’épanchera le plus, mais sans donner les détails que nous aurions attendus (par exemple, la vie sociale et familiale à Constantina, l’origine des relations avec les militaires américains, l’originalité de ses conceptions architecturales ou les avancées scientifiques permises par ses fouilles archéologiques : ce blog, notamment, aux 17 octobre 2018 et 31 mars 2021).

     

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    La Carlina, telle que la connut Anne à la fin des années 50.

     

    À notre grande surprise malheureusement, –sans que nous puissions nous l’expliquer–, elle ne manque jamais d’exprimer des soupçons sur l’origine (pourtant parfaitement légale) des fonds nécessaires à la construction de La Carlina, ce qu’elle n’eût pourtant pas dû méconnaître si elle n’avait privilégié, sinon les ragots malveillants, du moins les fantasmagories de son imagination trop fertile : il faut, pour son esprit –quoi qu’elle prétende– plus romanesque que cartésien, que cette villa soit l’aboutissement de manœuvres secrètes et mystérieuses au sein du puissant réseau de relations haut placées de son père.

    Anne indiquera néanmoins la véritable raison de la conception et de la réalisation de la merveilleuse villa Carlina : elle était « un véritable palais pour recevoir sa femme et ses enfants » (p. 68). « Je voulais que vous puissiez vivre dans un monde d’art et de beauté, que chaque recoin de cette terrasse soit une surprise pour la vue et pour le cœur », lui a clairement fait savoir son père (p. 79). Mais là aussi, elle ne peut s’empêcher de mettre en doute la sincérité de ces paroles : « Quelques semaines après le départ [de mon frère Léon-Marie], nous avons commencé à recevoir de magnifiques lettres nous racontant les merveilles de Séville, de Constantina, le village de la Sierra sévillane où mon père s’était construit (avec quel argent ?) une authentique demeure préparée –comme lui-même le prétendait– pour recevoir toute sa famille » (p. 62) !

    Ces soupçons qu’elle exprime de manière récurrente révèlent à tout le moins un manque évident de confiance envers un père si célèbre et tant honni, tellement adulé et pourtant persécuté, n’aimant que le beau et le bon et accusé des pires monstruosités, mais se sortant miraculeusement des pires situations : « Nous vivions-là dans un monde irréel, où trop de questions ne trouvaient que difficilement des réponses » (p. 79). « Comment un homme exilé, sans ressources apparentes, a-t-il pu financer cette merveille ? Il avait des amis influents, parmi lesquels deux architectes. […] Les amis financiers sont un autre thème que je ne veux pas aborder pour le moment » (p. 68).

     

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    « Une tour de quatre niveaux dominait tout l’édifice. Trois des étages correspondaient à une chambre à coucher disposant d’un salon et d’une salle de bain. Quand je revins en Espagne, j’occupai définitivement l’appartement du deuxième étage, et mon père celui du troisième. » (p. 68)

     

    C’est d’autant plus regrettable qu’Anne en rajoute dans la suspicion : « pour que je n’aie pas de soupçons sur l’origine de ce train de vie, il m’emmena en voiture dans le pays basque, plus précisément à Bilbao. […] La raison du voyage était un rendez-vous avec des industriels des hauts-fourneaux de Biscaye, de bons amis à lui. Et surtout, il fallait que je puisse le voir, lui, en tant qu’homme d’affaires leur parlant à tu et à toi, travaillant comme n’importe quel homme pour financer la vie luxueuse qu’il voulait offrir à sa famille. Un politique, un écrivain, soudainement transformé en homme d’affaires ? » (p. 72). « Mon père me parlait d’affaires auxquelles il était partie prenante, non pas en tant qu’associé au capital (il ne disposait d’aucunes liquidités), mais comme personne d’influence dans les milieux du pouvoir de l’époque, accompagnant ces hommes d’affaires heureux d’avoir l’aide de ce magicien de la parole. Il voyageait à Bilbao (je l’ai personnellement accompagné pendant mon premier séjour en Espagne), pénétrant dans le monde de l’industrie métallurgique. » (p. 95)

    L’activité d’ « influenceur » avant la lettre de Léon Degrelle laisse visiblement sceptique sa fille pour qui il ne semble guère normal, voire moral, de tirer quelque avantage de relations éminentes et qui s’imagine devoir découvrir d’obscurs secrets : « Quand il me laissa à la gare d’Irun, mon cœur saignait, mais mon esprit (toujours cartésien) commençait à se poser de nombreuses questions. J’essayais de donner un sens à des faits où je ne voyais rien de clair. Je savais qu’il me faudrait bien plus approfondir ce qu’était la personnalité de cet homme si cultivé, attachant et séducteur » (p. 72). « Je n’ai jamais su clairement comment La Carlina avait été financée. Quand je le lui demandais, il tournait autour du pot et je n’en savais pas plus. C’est-à-dire que je n’ai jamais pu faire la lumière sur cette affaire. Jongleries, ingéniosité, aides miraculeuses… “Et voilà le résultat” concluait-il sans sourciller. » (p. 86)

     

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    « La propriété s’appelait La Carlina, comportant une terrasse avec deux piscines, des mosaïques romaines achetées chez des antiquaires de Séville (la plus grande partie provenait de la ville d’Italica [ancienne cité romaine fondée par Scipion l’Africain], des colonnes de marbre, des fontaines dans tous les coins, des endroits où s’asseoir pour lire… » (p 68).

     

    De quelques-unes de ces relations –et ce ne sont pas les mêmes !–, elle se félicite pourtant d’avoir pu bénéficier : « Au cours de ces années, 1958 à 1962, je crois que mon père m’a présentée à tout Madrid. Et j’étais enchantée de l’accompagner. […] Les comtes de Mayalde, par exemple, lui vouaient une affection particulière. Ce fut le comte, Don José Finat, qui le sauva de l’hôpital militaire de San Sebastian après son atterrissage forcé […]. C’est à cette époque que j’ai également connu la famille de Serrano Suñer. Mon père m’avait raconté son parcours politique en tant que ministre des Affaires étrangères de son beau-frère Francisco Franco. […] Mais la personne la plus excentrique que j’ai connue alors fut la Duchesse de Valence. Elle occupait un petit palais à Avila, rempli d’antiquités, d’œuvres d’art et d’une collection de plats en céramique des XVIIe et XVIIIe siècles » (p. 89).

     

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    « A l’intérieur, il y avait un salon énorme avec une cheminée ainsi que la table de travail de mon père qui me rappelait son bureau de la Drève de Lorraine à Bruxelles et qui communiquait avec une de mes pièces préférées, la bibliothèque. » (p. 68).

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    Le salon et la cheminée monumentale ; à l’avant-plan, un coin du bureau de Léon Degrelle qu’on voit sur la photo précédente. L’inscription de la cheminée est extraite de Révolution des âmes : « Un petit peu de feu dans quelque coin du monde et tous les miracles de grandeur restent possibles. »

     

    Pour Anne Degrelle-Lemay, il est certain que les activités de son père relèvent d’obscures manigances dont l’issue heureuse ne pouvait dépendre que du réseau secret de ses relations insignes : « Les difficultés financières qu’il subit dans sa vie politique passionnante, il dut les affronter également dans sa vie de bâtisseur de Constantina. Dans ce village magnifique où s’engagea ma vie espagnole, je commençais à connaître beaucoup de facettes de la personnalité de mon père. Et je devins son principal inquisiteur. Mes “interrogatoires” étaient permanents. Je voulais comprendre la façon dont il était arrivé à la situation privilégiée où il se trouvait. Comme je l’ai déjà dit, c’était un incroyable raconteur de carabistouilles aussi bien dans sa vie politique précédente que dans sa vie actuelle. Mes questions délicates, pleines de pièges involontaires, fruits de mon esprit “cartésien”, lui posaient bien des problèmes. Il me répondait avec sincérité ou avec cette fantaisie magnifique qui vous font prendre des vessies pour des lanternes. La foi soulève les montagnes, mais jusqu’à un certain point. Je ne savais pas quoi penser. […] L’ “architecte-bâtisseur” improvisé connaît des problèmes économiques importants. […] La solution ? Faire appel aux amis puissants. C’était une époque de sa vie –et de la mienne– qu’il m’est douloureux de rappeler. Il avait des amis inconditionnels qui l’aidèrent depuis le premier jour où il foula le sol espagnol. » (p. 93).

    Voilà un portrait qui ne manquera certainement pas de faire plaisir aux historiens appointés du CEGESOMA et aux logomacheurs à la Balace et à la De Bruyne, véritables raconteurs de carabistouilles quant à eux (pour le CEGESOMA, voir ce blog aux 18 mars et 11 octobre 2016, 30 novembre 2019, 22 octobre 2020 ou 11 mars 2022 ; pour Balace, aux 30 juin 2016, 23 mars 2017, 6 juillet ou 8 novembre 2019 ; pour De Bruyne, quinze articles, du 23 mars 2017 au 5 mars 2018) ! D’autant qu’elle avait déjà laissé sous-entendre la possible mégalomanie de son père, en donnant alors un exemple précis qui n’en était finalement pas un ! « Mon père nous racontait aussi que tous les matins, avant le petit-déjeuner, ils priaient tous ensemble et puis bavardaient en latin. J’avais vraiment du mal à le croire. Mon père était comme ça. Il nous racontait parfois des choses incroyables. Mais le latin, oui, il le possédait et il entra au collège des jésuites considéré comme un élève doué. » (p. 30 ; l’anecdote est également racontée dans Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle : persiste et signe : « Avais-je à peine suivi pendant quelques mois les cours d’humanité gréco-latines, mon père avait prétendu me parler à table en latin et me faire répondre en latin », p. 32). Mais, comme nous le verrons dans la quatrième partie de notre présentation de son livre, Anne Degrelle-Lemay osera aller bien plus loin encore dans la mise en doute des récits de son père...

     

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    « Quand nous avons quitté le vol Madrid Séville, j’eus le souffle coupé. Pas seulement à cause de la chaleur qui, déjà au mois de mai, cognait fort, mais par le parfum ensorcelant du jasmin et des fleurs d’oranger qui envahissait tout. […] Cette impression si forte d’avoir atteint une terre promise, un endroit que même dans mes plus beaux rêves je n’aurais pu imaginer, devenait réalité : des palmiers, je ne voyais plus que des palmiers… » (p. 67)

     

    Que la propre fille de Léon Degrelle saute ainsi à pieds joints dans leur délire de la mythomanie permettant de caricaturer péjorativement et à bon compte le fabuleux destin de son père, voilà qui devra leur sembler inespéré ! Et pourtant n’est-ce pas tellement regrettable et irresponsable ? Car il n’est rien de secret ou de mystérieux dans les affaires entrepreneuriales de Léon Degrelle. Il suffit d’ailleurs de lire le seul ouvrage consacré à son exil (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio. 1945-1994, Wandervögel) pour se rendre compte que l’exilé essaya de gagner sa vie comme tout le monde en fondant diverses sociétés qui connurent l’existence de toute société commerciale : succès, prospérité, difficultés, faillites, disparition. Avec d’ailleurs parfois, au final, la ruine financière totale de leur propriétaire…

    « Il séjourna dans la province de Séville, au domaine Majalimar, propriété de l’Entreprise Majalca S.A., dont étaient actionnaires les frères Garcia Gascón, originaires de la région de Béjar, dans la province de Salamanque. Le domaine Majalimar (Vallée du Paradis) fut l’endroit où il fut accueilli et caché de 1949 à 1954. C’est là qu’il conçut l’idée d’écrire une œuvre colossale consistant à raconter l’histoire des dernières années à travers de grands portraits : “J’ai connu Hitler”, “J’ai connu Mussolini”, “J’ai connu Franco”, “J’ai connu Churchill”, “J’ai connu Pétain”, “J’ai connu Laval” [ndlr : ce projet devint Le Siècle de Hitler, dont six volumes ont vu le jour jusqu’à présent : ce blog aux 25 janvier 2016 et 26 mai 2022]…

     

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    « Je me souviens particulièrement d’une de ces fontaines mélodieuses où l’on pouvait lire l’inscription en petites mosaïques bleues sur le fond blanc du muret scintillant sous la vasque d’eau : “Angulus ridet”. Aujourd’hui encore, je l’entends me dire en français : “Ce petit coin me sourit”. » (p. 79).

    Cette sentence tirée des Odes d’Horace (« Ce coin me sourit plus que tout autre », Livre II, Ode 4) agrémentait une magnifique fontaine intégrant une authentique mosaïque romaine : à gauche, on voit s’y amuser Anne et sa mère en 1961. Près de quarante ans plus tard (1998), à droite, la fontaine dont la mosaïque a été vandalisée, existait encore à l’état de ruine, avant que les religieuses hiéronymites ne la restaurent avec l’ensemble du domaine (ce blog aux 28 mai 2016 et 17 octobre 2018).

     

    Il vécut là plusieurs années, isolé de presque tout le monde, perdu dans ce désert de la Sierra Morena, à vingt kilomètres du village le plus proche où il pouvait se servir d’un unique téléphone à manivelle pour effectuer ses premières opérations et transactions commerciales lui assurant la subsistance. Par la suite, il participa à la création d’une industrie métallurgique non loin du Guadalquivir. Il effectua aussi d’excellentes opérations sur le coton en Australie. Plus tard, en 1952, il se convertit en entrepreneur pour fournir un toit à une cinquantaine de familles d’une base nord-américaine.

     

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    « Et l’aventure commença –car ce fut bien une aventure !– avec tous les ingrédients de la réussite comme de formidables échecs qui le conduisirent à la banqueroute : une douzaine de villas, toutes différentes : l’une d’elles était même une tour peinte en rouge grenat qui était la première habitation que l’on voyait en arrivant à Constantina par la route de Lora del Río. Ces villas, que les gens du village appelaient les “maisons des Américains” avaient été construites pour abriter les familles des officiers américains qui travaillaient à la Base de Constantina, à cette époque où Franco commençait à communiquer avec le monde capitaliste et à travailler avec lui. […] C’était une époque très joyeuse pour La Carlina. Nous organisions des fêtes de bienvenue pour ces amis yankees et je remplissais à nouveau mon rôle d’hôtesse, profitant de l’occasion pour améliorer mon anglais et recevoir des cadeaux : robes, parfums, boîtes de produits de Revlon : ces dames riches savaient comment plaire à une fille de vingt-trois ans. » (p. 86). Ces photos ne montrent pas la construction des « maisons américaines », mais celles du  village social sur les pentes du terrain face à La Carlina (voir en fin d’article).

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    Léon supportait sa vie d’exilé avec la plus grande dignité, grâce aux travaux qu’il parvenait à obtenir. Il ne se souciait pas de l’argent. La seule chose qui l’intéressait était d’avoir quelques œuvres d’art lui rappelant que, de tout temps, la passion pour la beauté a toujours emporté les hommes. […] A cette époque, il acheta à un ami la propriété d’une petite vigne appelée “La Carlina”, non loin du centre de Constantina, située sur une hauteur dominant le village, au nord-est. Il acheta cette vigne pour vingt-huit mille six cents pesetas. […] Le nom de Carlina vient d’une plante à la racine oblongue, aux feuilles pointues et épineuses et aux fleurs jaunâtres, plus connue sous le nom de chondrille ou, en termes de botanique, Angelica Carlina [carline acaule]. Professionnellement, il travaillait comme directeur de la société de promotion urbaine “Immeubles Andalous SA”. Il s’occupait de la construction d’un ensemble de bâtiments dans les environs immédiats du vignoble. Ce village s’organisait des deux côtés d’un axe central conçu pour être l’artère principale. Il s’agissait de constructions modestes respectant le cadre et le milieu de la région, édifiée selon les normes de l’architecture populaire de l’endroit, embellissant le paysage et respectant la nature. Le complexe était dominé par une villa de plus grandes dimensions dans la partie la plus élevée du site, qui comportait une tour circulaire pouvant servir de vigie aux maisons des alentours. […] Une fois la construction achevée, les logements furent loués aux ouvriers et au personnel militaire de l’armée nord-américaine affectés à la base voisine de surveillance aérienne, construite en application des accords de 1953 conclus entre l’Espagne et les Etats-Unis sur le site du Cerro Negrillo. Elle comportait un radar de suivi pour le contrôle de la navigation aérienne du détroit de Gibraltar et de la zone sud de la péninsule ibérique.

     

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    La Tour rouge grenat, telle qu’elle existe encore aujourd’hui, non loin de La Carlina.

     

    L’idée que Léon Degrelle nourrissait pour cette urbanisation était d’aménager de manière artistique le milieu rural en avant-garde pionnière du tourisme intérieur. Destinée à des vacanciers à la recherche éventuelle d’une alternative aux loisirs de masse sur les plages du littoral, cette initiative voulait revitaliser les villages qui ne pouvaient bénéficier des plans touristiques consacrés aux plages ensoleillées alors qu’ils regorgent de trésors environnementaux, d’endroits bucoliques et de paysages naturels à l’incomparable beauté. C’est ainsi qu’il pensait que les marines nord-américains de la base amphibie de Rota, dans la province de Cadiz, pourraient sans doute être intéressés par ces installations de type bungalow situées sur les contreforts méridionaux de la Sierra Morena, à seulement 80 kilomètres de Séville.

    Les archives de l’administration de Constantina conservent, en tout, treize dossiers présentés par Léon J. Ramirez Reina, représentant l’entreprise “Immeubles Andalous SA”. Ils concernent la construction des villas touristiques des environs du Château blanc et du Château rouge. Trois datent de 1958, huit de 1959, une de 1960 et une encore de 1962, la dernière année de sa domiciliation dans cette ville. » (José Luis Jerez Riesco, Degrelle en el exilio. 1945-1994, pp. 191-195).

     

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    « Constantina est un village important de la campagne sévillane, très riche, avec des fermes dédiées à l’agriculture et à l’élevage appartenant à de grands propriétaires terriens. C’est un beau village andalou, de petites maisons blanches et de rues étroites pour se protéger du soleil, avec des balcons et des patios pleins de fleurs. » (p. 69).

     

    Léon Degrelle, néanmoins, a bien dû se rendre compte de la méfiance de sa fille à son égard. Et sans doute l’ambiguïté de leur relation où l’équivoque le disputait au scepticisme a-t-elle fini par en altérer la qualité, le papa ne pouvant que se lasser face à l’inutilité des explications qu’il devait répéter vainement à sa fille ne voulant entendre que les réponses qu’elle exigeait… « J’étais sa fille. Il m’aimait. Il recherchait mon approbation en tout. Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

    Anne Degrelle-Lemay n’en démordra d’ailleurs jamais : « Parmi toutes les amitiés influentes [que mon père] noua alors dans le monde de la politique, le destin voulut que son ami, Girón de Velasco, ministre de Franco, l’emmenât en Andalousie et l’épaulât dans de nouveaux projets professionnels… Il ne répondait jamais à mes questions : “Que faisais-tu ?”; “De quoi vivais-tu ?” […] Mais sa vie d’exilé en Espagne fut toujours un mystère pour moi et pour ma famille. » (p. 166).

    Peut-être Léon Degrelle pensa-t-il aussi à sa fille Anne lorsqu’il répondit à la question de Jean-Michel Charlier « D’où tirez-vous vos ressources en Espagne ? » :

    « – […] J’ai fait la démonstration qu’à l’encontre de tant de politiciens rapaces et inutiles, je pouvais, lorsque j’étais éloigné de la politique, être un heureux créateur de richesses. J’ai surtout pu édifier ou rassembler de la beauté. C’est elle qui m’a toujours passionné, par-dessus tout. L’argent, finalement, je m’en fiche. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il serve à créer ou à trouver du beau […]. Eh bien ! je voudrais voir ceux qui m’ont si souvent sali, je voudrais les voir face à un exil aussi dur que le mien, sans un sou au départ, souffrant encore de mes blessures, traqué de toutes parts, devant mener une vie impossible, obligé de filer sans cesse d’un refuge à l’autre, je voudrais les voir créer par leur seul effort ce que j’ai créé, dans un pays étranger, à force d’exprimer le jus de mes méninges et de travailler. » (Léon Degrelle : persiste et signe, p. 396)

     

    Nous examinerons dans le prochain chapitre de notre recension comment Anne Degrelle/Anne Lemay présente sa relation aux Degrelle et aux Lemay, les deux familles étant pour elle, quoi qu’elle prétende, à des antipodes parfaitement antagonistes…

     

     

    La ruine du village social

     

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    Plan primitif des maisonnettes du village social imaginé par Léon Degrelle (approuvé par les autorités communales de Constantina). Construit en face de La Carlina, ce village devait répondre non seulement aux impératifs économiques de ses habitants, mais également à leurs besoins sociaux ou esthétiques par l’organisation des logements en escalier, mais décalés de façon à respecter la vie privée et dans un cadre traditionnel offrant de l’espace pour les loisirs (toits-terrasses, jardins, espaces communs…). Des conceptions inspirées à Léon Degrelle par la Weltanschauung nationale-socialiste à la base des cités ouvrières du Reich allemand : « Le plan de construction de milliers de maisons populaires avait lui aussi réclamé une vaste mobilisation. Hitler avait vu beau, intime et grand. [...] La majorité des maisons imaginées par lui furent bâties à un étage, isolées dans un jardinet. Les enfants pourraient y courir, la femme y cueillir quelques salades ou des cerises, l'homme y lire son journal en paix pour se détendre après son labeur. Ces maisons unifamiliales étaient construites, elles aussi, selon le style de chaque région, si différent et si charmant en Allemagne. Lorsqu'il fallait se résoudre à créer des complexes importants, Hitler veillait à ce qu'ils fussent toujours aérés et embellis par de vastes jardins où les enfants pourraient s'ébattre sans danger. Tous ces logements avaient été agencés de telle façon que fussent respectées les normes d'hygiène qui avaient fait presque toujours défaut dans les logis ouvriers. » (Léon Degrelle, Hitler unificateur de l'Allemagne, L'Homme Libre, 2006, p. 77).

     

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    « Les plus graves problèmes apparurent quand il entreprit un projet qui mûrissait dans son esprit créatif depuis quelques années : construire des logements sociaux en escalier épousant la pente d’un terrain de sa propriété. Les plans réalisés par un de ses amis architecte étaient magnifiques. Mais l’ “entrepreneur” amateur ne sut pas s’entourer de professionnels expérimentés.

     

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    Bon de commande signé par Léon José de Ramirez Reina pour les 84 logements sociaux à construire près de La Carlina par l’architecte Alfonso Gómez de la Lastra.

     

    Les problèmes surgirent dès le début. Le principal fut l’eau. On dut forer plusieurs puits avant d’en creuser enfin un au débit suffisant. […] Mais il fallait encore affronter une autre difficulté majeure : la qualité de la terre, du terrain sur lequel ces maisons devaient se construire. Les charges de dynamite pulvérisaient des tonnes de roches. J’assistais à ce boucan infernal en me demandant comment pourrait s’édifier sur ce sol hostile un complexe urbain en soi déjà risqué. Mon père disparaissait des semaines entières à la recherche du financement. […] Une nuit d’orage et de pluies torrentielles, un bruit assourdissant me réveilla, me rappelant les bombardements de l’Allemagne. Toutes les maisons à moitié construites, dont la plupart n’avaient pas encore de toit, s’étaient effondrées. Plus tard, nous avons su la véritable cause de cet effondrement : c’était la mauvaise qualité des matériaux de construction, en particulier du ciment. De quoi désespérer en pensant à la cimenterie de ma famille maternelle, une des plus importantes de Belgique, à Tournai, jolie ville où, dans mes dernières années de baccalauréat, je passais tous mes week-ends dans la maison de mon oncle Michel. Ces belles maisons n’étaient qu’un château de cartes qui s’envolèrent à la première tempête d’automne. » (p. 96).

    « Mon scepticisme concernant le financement de la construction de ces maisons luxueuses n’a fait que croître…  […] Entre-temps, mon père allait et venait, cherchant de l’aide auprès de quelque ami pouvant lui porter secours » (p. 95).

     

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    (La documentation iconographique de cet article provient de la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter).

     

    À suivre

  • Coup de tonnerre dans l'historiographie degrellienne

     

    Les Mémoires d'Anne Degrelle-Lemay

     

    C’est la nouvelle que nous n’attendions plus : la biographie de Léon Degrelle la plus autorisée, puisque rédigée du point de vue de sa fille Anne.

     

    Le livre, intitulé Degrelle, l’homme qui changea mon destin, authentique reviviscence des annales degrelliennes, est sorti de presse ce 1er juin 2022 aux éditions espagnoles SND Editores.

     

    Née le 25 juillet 1936, la troisième fille de Léon Degrelle et Marie-Paule Lemay reçut le prénom d’Anne, celui de la fille de Benito Mussolini, Anna Maria (son troisième enfant aussi), chez qui se trouvait précisément le Chef de Rex ce jour-là. Son enfance bruxelloise fut certes marquée par l’absence de son père participant héroïquement à la Croisade contre le bolchevisme au Front de l’Est, mais qui écrivait le plus souvent possible à ses enfants (ce blog au 15 décembre 2020) et transformait ses permissions en fêtes mémorables (ce blog au 13 octobre 2021).

     

    Ce n’est qu’après-guerre qu’elle put retrouver son père tant aimé, après la tragique disparition de son frère Léon-Marie dans un accident de la circulation à Séville (ce blog au 26 février 2016). Elle fut dès lors constamment à ses côtés, observant son combat politique et littéraire, participant aux difficultés et aux dangers de son exil mouvementé, s’engageant elle-même dans le combat de renouveau national espagnol aux côtés de son époux Servando Balaguer et de Blas Piñar, le chef charismatique de Fuerza Nueva (ce blog au 25 mai 2019).

     

    Elle donna naissance à quatre beaux enfants qu’elle éleva dans la foi de ses parents, le respect de son histoire et de sa culture et l’amour actif de son prochain. C’est aussi cet héritage reçu de son Papa ainsi que son histoire authentique et sa véritable personnalité qu’Anne Degrelle-Lemay a voulu transmettre à ses enfants et ses onze petits-enfants à travers ces mémoires, indispensables aussi à tout degrellien (voir aussi l’hommage d’Anne Degrelle à son Papa, sur ce blog au 31 mars 2021).

     

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    Anne en conversation avec son Papa, dans l’appartement madrilène de la Calle García Morato.

     

    Nous n’avons pas encore reçu l’ouvrage, mais nous y reviendrons longuement après lecture.

     

    En guise de mise en bouche, en voici le sommaire :

    Livre I. Une vie effilochée

    Naître sous une bonne étoile ; Pour qui retentissent les sirènes ?; Voyage en enfer : l’Allemagne, notre nouvelle maison ; Retour à Bruxelles ; L’amour infini d’une grand-mère ; « Degrelle = tabou », notre nouveau nom : Lemay ; Fin du calvaire : Maman revient dans notre vie ; Lutte et courage d’une femme exceptionnelle ; Vie estudiantine et professionnelle : le destin me joue des tours ; Les retrouvailles.

    Livre II. Les raccommodages du destin

    L’été 58 ; La Carlina ; Madrid, un monde différent ; Les avatars d’un entrepreneur amateur ; Adieu à La Carlina ; Les années 70 ; Les enfants grandissent ; Mort de Franco ; Mort de Maman ; Le vie change, pour le meilleur et pour le pire ; Les années 90 ; Les enfants deviennent adultes ; Les dernières années avec mon père ; La campagne de Russie : la bataille de Tcherkassy ; Mon divorce ; La mort de mon mari : une tristesse infinie ; Ma vie de solitude ; Remerciements.

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    Anne Degrelle-Lemay, Degrelle, el hombre que cambió mi destino, Fuenlabrada (Espagne), SND Editores, 2022, 180 pages, 22 euros (+ 11 euros de frais de port, soit 33 euros à verser au compte ES11 2100 4256 4222 0009 7728 de Sierra Norte Digital S.L.). Pour toute correspondance : aromero@elcorreodeespana.com.