Pierre Assouline, fieffé menteur antidegrellien (2)
La chronologie d’Assouline ? Fumisterie !
La preuve chronologique décisive avancée par Assouline pour établir l’impossibilité d’une quelconque influence de Léon Degrelle sur Tintin est également toute spécieuse : prétendant convaincre son lecteur, elle n’a d’autre but que de le circonvenir et le tromper. Lorsqu’il dessina les premières cases de Tintin au pays des Soviets en janvier 1929, Hergé n’a en effet pas eu besoin d’attendre les articles de Léon Degrelle de février 1930 pour connaître ses réactions aux persécutions des Cristeros puisqu’elles avaient été publiées… dès le mois d’octobre 1928 ! (ce blog au 7 février 2019).
Bien plus, Hergé connaissait Léon Degrelle, sa rectitude morale comme sa joie de vivre depuis leur participation commune à la presse scoute catholique (1922-1925), au journal estudiantin L’Avant-Garde (1927) et au quotidien catholique Le XXe Siècle (1928). C’est d’ailleurs le 12 janvier 1928 que Léon Degrelle organisa le saccage de l’exposition soviétique dont l’abbé Norbert Wallez avait dénoncé l’organisation à Bruxelles dans son journal : cette action d’éclat provoqua un véritable séisme secouant le monde médiatique et politique belge. L’abbé Wallez fut le seul à l’appuyer sans réserve : il engagea illico le jeune étudiant dans son équipe rédactionnelle du XXe Siècle et enjoignit Hergé d’envoyer son nouveau héros combattre les Soviets, à l’image de Léon Degrelle, à partir du 10 janvier 1929 (retrouvez tous ces détails appartenant à la genèse de Tintin dans l’introduction à Cristeros, Aux origines de Tintin) !
En « Une » du 13 janvier 1928, Le XXe Siècle, le quotidien de l’abbé Wallez, salue « Les justes ravages faits dans l’exposition des bolchevistes russes à Bruxelles par les “Jeunesses Nationales” et les étudiants universitaires ».
On peut donc affirmer –en respectant la chronologie et les faits– que l’engagement anticommuniste de Tintin puisa –comme chacun sait– les anecdotes de ses aventures dans les mémoires de l’ancien consul belge en Russie, Joseph Douillet, Moscou sans voiles (neuf ans de travail au pays des Soviets) que l’abbé Wallez confia à Hergé en décembre 1928 pour documenter les aventures de Tintin. Mais pour étoffer la personnalité de son nouveau personnage, il s’inspira du courage, de la détermination, du sens de l’initiative et de l’humour de Léon Degrelle, héros du saccage en janvier 1928 de l’exposition bolchevique de Bruxelles.
C’est ainsi et pas autrement que naîtront Les aventures de Tintin reporter au « Petit Vingtième » au pays des Soviets.
Un dernier mot pour documenter le peu de sérieux de l’argumentation chronologique d’Assouline prétendant impossible la filiation Degrelle-Tintin puisque le directeur du XXe Siècle n’aurait envoyé Léon Degrelle au Mexique qu’après le début des premières aventures de Tintin… au Congo ! « Ainsi l’abbé Wallez a-t-il expédié Degrelle au Mexique après avoir décidé d’envoyer Tintin au Congo et non le contraire. »
A nouveau, double erreur : si Léon Degrelle ne se rendit effectivement au Mexique qu’en janvier 1930, ce ne fut qu’avec, pour seule aide de l’abbé Wallez, un pécule de cinq mille francs. Ce voyage ne fut en rien décidé par l’abbé qui ne fit que céder aux sollicitations de son journaliste se muant en reporter de terrain (voir Cristeros, Aux origines de Tintin, p. 73). Mais c’est l’engagement antisoviétique de Léon Degrelle qui donna à l’abbé l’idée d’envoyer Tintin, non pas au Congo, mais chez les Soviets. Comme Léon Degrelle, Tintin y dénoncera les « ignominies » des « révolutionnaires moscovites » (Norbert Wallez, in Le XXe Siècle, 13 janvier 1928).
Ce n’est que pour ses aventures suivantes que Tintin se rendra au Congo, y exaltant l’œuvre des Pères Blancs.
Qu’Assouline confonde les deux albums ne plaide guère pour le sérieux de sa réflexion. Une confusion qui fait plutôt désordre dans un passage où l’auteur prétend accuser de mensonge celui qu’il sait dire la vérité…
Portrait de Léon Degrelle, secrétaire de rédaction de L’Avant-Garde depuis un an, par l’étudiant et dessinateur « Leb » (Pierre Lebon), publié dans l’hebdomadaire louvaniste, le 22 novembre 1928. Plus tard, Leb dessinera aussi pour Le XXe Siècle (on trouvera, par exemple, son portrait de Pierre Nothomb dans Le « XXe » littéraire et artistique du 10 août 1930).
Voilà les faits et la véritable chronologie : tout est expliqué en détail dans Cristeros, Aux origines de Tintin, même si Assouline fait semblant que ce livre et cette mise au point n’existent pas !
Le modèle de Tintin serait Robert Sexé ? Fumisterie !
Enfin, parachevant son boulot antidegrellien pour lequel il fut engagé par l’ex-madame Hergé, épouse Rodwell, l’omnipotent patron de la despotique société Moulinsart, Assouline ose affirmer –ce qui ne se trouvait aucunement dans son bouquin de 1996 !– qu’en aucun cas Léon Degrelle n’aurait pu inspirer Hergé pour son héros Tintin : « Je crois bien davantage à des modèles comme Robert Sexé ou Albert Londres, bien sûr ! » (Cahiers, p. 9).
Outre que, vu ses mensonges à répétition, on se moque bien de savoir ce qu’Assouline croit, on pourrait quand même se demander de quel chapeau sortent Robert Sexé et Albert Londres qui n’ont jamais approché Hergé. Hergé qui ne connaissait absolument pas Sexé (ce blog au 1er février 2016). Hergé qui ne connaissait pas davantage Albert Londres, sauf pour en avoir peut-être lu l’une ou l’autre œuvre et dont il aurait illustré, en 1930, un texte concernant non les Soviets, mais les Juifs (voir plus loin).
Remarquons qu’à la fin de sa remarque, Assouline assène la locution adverbiale « bien sûr », renforcée d’un point d’exclamation, pour transformer son affirmation gratuitement péremptoire en évidence que le lecteur n’oserait mettre en doute sous peine de passer pour un imbécile !
Or rarissimes sont ceux à avoir jamais entendu parler de Robert Sexé, valeureux globe-trotter à moto du début des années 1920, jusqu’à ce qu’un certain Janpol Schulz n’en propose, en 1996, une biographie intitulée Sexé au pays des Soviets, opportunément préfacée par… le secrétaire général de la Fondation Hergé, Philippe Goddin, saluant un « reporter dynamique, entreprenant et courageux dont, peut-être, les articles et les photos étaient tombés sous les yeux du jeune dessinateur Hergé. » Mais ce tintinologue officiel s’est toujours bien gardé d’évoquer jusqu’au nom même de Sexé dans ses multiples ouvrages, y compris dans sa monumentale Chronologie d’une œuvre (7 volumes, éditions Moulinsart, de 2000 à 2011).
Dans sa contribution bienveillante, Goddin s’est contenté de conclure : « Qui sait si un jour, on ne découvrira pas la photo de Robert Sexé dans les archives conservées à la Fondation Hergé ? ». C’était à la fin du siècle dernier et il semble bien que, depuis, rien n’ait jamais été découvert permettant de relier concrètement à Hergé cet aventurier d’exception qui réalisa le premier tour du monde en moto. Même si, collaborateur de La Gerbe, l’hebdomadaire ouvertement national-socialiste d’Alphonse de Châteaubriant, Robert Sexé partageait à l’évidence les idées de Hergé quant au nouvel ordre européen.
Quoi qu’en aient dit Janpol Schulz ou Francis Bergeron, Le XXe Siècle ne reçut jamais Robert Sexé dans ses locaux pour quelque interview ni ne publia jamais de photo de lui. Contrairement au Soir qui, le 5 décembre 1926, illustra d’un cliché son reportage sur la réception à Bruxelles du motocycliste et de son compagnon Henri Andrieu après leur tour du monde.
C’est le directeur du quotidien Présent, Francis Bergeron, maladivement antidegrellien, qui a répandu dans les milieux nationalistes la fable de Robert Sexé, modèle de Tintin, dans une interview à Rivarol, en octobre 2015. Il entendait en effet poursuivre sa dénonciation de « ceux qui ont voulu du mal à Hergé (ainsi que Degrelle lui-même) », mais sans fournir le moindre élément permettant d’étayer pareille accusation, invraisemblable sinon diffamatoire (Georges Remi, dit Hergé, Pardès, 2011, p. 35).
Nous avons suffisamment démonté l’argumentaire fantaisiste de Bergeron pour ne plus y revenir (ce blog aux 1er février et 4 mai 2016) : ce sympathique motocycliste de Robert Sexé, quadragénaire et myope, n’a, à l’évidence, jamais pu servir de modèle pour Tintin.
S’il fallait encore s’en convaincre, il suffit d’ouvrir le livre de Janpol Schulz, Robert Sexé au pays des Soviets –usurpant le titre de Hergé pour mieux accréditer la supercherie– où est notamment repris le reportage de Sexé sur son séjour à Moscou en 1925 pour le bimensuel Moto Revue. On verra que le contenu, tout d’enthousiasme et de bienveillance pour le pays des Soviets, n’a rien à voir avec les aventures de Tintin mettant à nu la terrible réalité du pays des Soviets, telle que la perçut et l’illustra Hergé.
A cet égard, Robert Sexé se conduirait plutôt comme ces « communistes anglais à qui l’on montre les beautés du bolchevisme » (Tintin au pays des Soviets, p. 29, case 3) en exaltant, par exemple, la riche diversité de la production industrielle soviétique, n’oubliant pas les cierges dont le clergé orthodoxe ferait encore grande consommation : « Et nous réalisons l’immensité de ce “pays des Soviets” : le continent russe. Le laboratoire thermodynamique est en plein quartier d’usines. Tout près, des ateliers d’état fabriquent des avions complets, des automobiles, marque AMO et une fabrique soviétique produit des bougies et de magnifiques cierges d’église… » (Robert Sexé au pays des Soviets, p. 123).
Le hasard (ou la malchance) veut que l’on peut également mettre en parallèle avec le reportage de Sexé le fameux épisode de la « distribution de pain gratuite aux pauvres de Moscou […], ces bandes d’enfants abandonnés, vagabondant dans les villes et les campagnes vivant de vol et de mendicité » où un petit mendiant se fait traiter de « chien » et chasser d’un violent coup de pied pour n’être pas communiste (Tintin au pays des Soviets, p. 78, case 3, et p. 79, case 1). Robert Sexé choisirait plutôt, quant à lui, le camp du policier soviétique : « Heureusement, pour le pittoresque de la rue, ces caractères classiques de la vie russe, le mendiant et le pope, existent toujours […]. Le petit tzigane s’accroche à vous en pleurnichant, la jeune romanichelle vous mendie des kopeks, les “militionnaires” (agents de police) ferment l’œil sur toute cette mendicité, mais ils sont prompts à intervenir au besoin. Les occasions ne leur manquent pas et ils ont fort à faire contre les terribles jeunes “arabes”, enfance abandonnée et criminelle réfugiée à Moscou depuis la grande famine. » (Robert Sexé au pays des Soviets, p. 124).
Sympathique portrait d’un agent de police soviétique (un « militionnaire ») réalisé par Robert Sexé lors de son séjour à Moscou. A comparer avec les mines patibulaires dont Hergé afflige tous les protagonistes bolcheviques dans Tintin au pays des Soviets.
Le modèle de Tintin serait Albert Londres ? Fumisterie !
En serait-il autrement d’Albert Londres dont le nom n’est sans doute cité par Assouline que pour évoquer un journaliste-explorateur plus célèbre que Robert Sexé ?
Selon les « hergéologues » appointés, un lien existerait bien avec Hergé censé avoir illustré, comme nous l’avons dit, des passages d’un livre d’Albert Londres venant d’être publié, Le Juif errant est arrivé. C’était le 16 février 1930, dans le supplément dominical du XXe Siècle, Le “XXe” littéraire et artistique. Hergé venait de publier les cent quatorzième et cent quinzième planches de Tintin au pays des Soviets (sur cent trente-huit au final) dans le petit “XXe” du 13 février 1930. Mais ce n’est pas le reportage d’Albert Londres Dans la Russie des Soviets que Hergé aurait illustré, mais son enquête sur les Juifs, des ghettos d’Europe vers la Palestine.
De quoi établir un lien entre Albert Londres et Tintin ? Sûrement pas ! Au même moment, Léon Degrelle, lui, était aux prises avec les soviets mexicains. Et envoyait à Hergé ce clin d’œil complice reprenant la fameuse anecdote des visiteurs anglais de l’usine soviétique que son ami avait publiée dans le petit “XXe”, le 11 avril 1929 : « Il y a entre la Révolution Russe et la Révolution Mexicaine des similitudes nombreuses qui ne manquent point de saveur. La plus pittoresque est leur commun désir d’épater les visiteurs étrangers. On n’oubliera jamais le voyage à Moscou de la délégation anglaise : sur son passage les Soviets n’hésitèrent point à brûler, sous les cheminées des usines à l’abandon, les dernières charretées de foin des paysans russes, afin que les voyageurs d’Outre-Manche fussent émerveillés par l’épanouissement industriel de l’U.R.S.S. ! » (Le Vingtième Siècle, 11 février 1930).
Huibrecht Van Opstal avait signalé en 1998 dans son Tracé RG, Le phénomène Hergé que le dessinateur avait illustré le texte sur les Juifs d’Albert Londres (p. 58), mais sans rien reproduire. Philippe Goddin rapportera également l’information en 2000 dans le premier volume de son Hergé, Chronologie d’une œuvre (p. 298), sans en donner non plus d’exemple.
Serait-ce que les dessins de Hergé exhalassent quelque relent raciste ? On pourrait le supposer à lire le difficultueux ouvrage de Van Opstal (abréviations quasi incompréhensibles, organisation compliquée de l’index, bibliographie hermétique,…). La référence à Albert Londres se trouve en effet dans une recension de dessins chargeant le trait sémite : « [Hergé] illustra Angelroth (sur le juif errant, dans LBQL, 1925), Londres (sur le sionisme, Le Juif Errant est arrivé, dans LVLEA, 1930) et de Vroylande (sur des Juifs avides, en 1941. […] » (Tracé RG, Le Phénomène Hergé, p. 58).
Nous pensons plutôt qui si les spécialistes officiels de Hergé ont choisi de ne pas publier ce dessin « londrien », c’est que son attribution n’est vraiment pas avérée car, contrairement aux autres illustrations du « XXe » littéraire et artistique (complaisamment reproduites par Goddin dans sa Chronologie), il n’est pas signé « HERGE ». Et l’original ne semble pas non plus appartenir aux archives quasi exhaustives de la Fondation Hergé (ce qui aurait permis d’en authentifier l’auteur).
C’est le 16 février 1930 que Le « XXe » littéraire et artistique publie des extraits du Juif errant est arrivé ! d’Albert Londres. Van Opstal et Goddin attribuent le dessin à Hergé, mais rien n’est moins sûr puisque, contrairement à son habitude constante, le dessinateur n’aurait pas signé son œuvre. Et comme tant d’autres dessinateurs –tel Leb, voir ci-avant– ont travaillé pour le supplément littéraire du XXe Siècle… La seule certitude « hergéenne », c’est que Le « XXe » littéraire et artistique faisait régulièrement de la publicité pour Tintin au pays des Soviets !
Si Assouline préfère donc ne pas évoquer l’illustration du Juif errant est arrivé dans son interview aux Cahiers de la BD, peut-être ne cite-t-il alors Albert Londres comme modèle de Tintin que parce qu’en 2014, il est devenu à son tour le héros d’une bande dessinée surfant sur le succès de Tintin et reprenant le même procédé que Schulz dans son titre, Albert Londres au pays des Soviets (Luc Révillon, scénario, et Gérard Berthelot, dessin, Editions Joe). L’éditeur ne manquera d’ailleurs pas du culot de prétendre –tout à fait gratuitement–, en quatrième page de couverture, que « lorsque Hergé enverra son petit reporter en Russie des Soviets, il se souviendra d’Albert Londres, illustre prédécesseur auquel il vouait une grande admiration » (rappelons que le dessin attribué à Hergé pour Londres est postérieur d’un an aux premières planches des aventures de Tintin).
Dans la biographie qu’il a consacrée au célèbre journaliste (Albert Londres, vie et mort d’un grand reporter, Balland, 505 pages, 1989), Pierre Assouline n’évoque en tout cas jamais les premières aventures de Tintin, ce qui d’ailleurs, à l’époque, n’eût probablement pas été perçu comme particulièrement valorisant, alors qu’aujourd’hui, la préface des Editions de Londres qui diffusent Dans la Russie des Soviets (2012), n’hésite plus à établir ce parallèle : « il est facile et abusif de comparer l’ouvrage avec Tintin au pays des Soviets de 1929. Mais si nous parlons bien de la même époque, les conditions qui conduisent à la naissance des deux œuvres sont presque antinomiques. Si Tintin au pays des Soviets est avant tout une BD anti-soviétique, Dans la Russie des Soviets est un reportage. Et puis, n’oublions pas, si la relation d’Hergé est loin d’être objective, les faits qu’il raconte, notamment l’épisode de la visite de communistes anglais dans les usines soviétiques, ne sont pas totalement idiots à la lumière de ce que l’on sait maintenant de l’époque stalinienne. » (p. 4).
Cette argumentation est bien alambiquée (en quoi « la relation d’Hergé » est-elle « loin d’être objective » ?) car ce n’est pas « à la lumière de ce que l’on sait maintenant » que les aventures de Tintin chez les Soviets ont été imaginées, ni –cela eût été possible– à celle de ce qu’écrivit Albert Londres en 1920, mais –comme nous venons de le rappeler–, ce reportage en BD (Tintin rédige son article-fleuve aux pages 38-39 de Tintin au pays des Soviets) s’est écrit à la lumière du Moscou sans voiles de Joseph Douillet (l'anecdote de la visite des communistes anglais se trouve aux pages 18-19). La seule chose qu’on pourrait trouver « antinomique » avec l’œuvre de Londres, c’est que Tintin ne se contente pas d’écrire et de dénoncer, il agit, combat activement, avec son intelligence et ses poings, l’injustice et la tyrannie du bolchevisme.
Car il est vrai qu’à l’inverse des impressions de voyage publiées par Sexé, le reportage d’Albert Londres est, lui, sans complaisance pour le régime soviétique et ses réalisations : « ce sont des étables pour hommes », écrira-t-il, en dénonçant l’implacable système bolchevique organisant, au nom de la dictature du prolétariat, la misère et la famine du peuple russe. Mais il s’en tient à cela, qui est déjà fort bien et fort courageux : il décrit ce qu’il voit et alerte ainsi le monde extérieur, victime de la propagande du régime et de la complaisance de ceux qui se sont contentés de voyages « encadrés »…
Célèbre photographie d’Albert Londres, prise en 1923. Dans sa présentation des Œuvres complètes du reporter (Arléa, 2007), Assouline décrit Albert Londres de la manière suivante (p. VIII) : « Au physique : un bourgeois français, moyen en tout. Signes particuliers : néant. » Rien là qui puisse rappeler Tintin. « Au moral : sentimental, raffiné, dédaigneux, douillet, soucieux de sa ligne, taquin, gourmand, capricieux, courageux, inconscient, impatient, ironique, entêté, potache, fantaisiste, cinglant, ambitieux, insaisissable, taiseux, orgueilleux et fier. Il préfère écouter que parler, regarder plutôt que décrire. » Parmi ces qualificatifs, les seuls pouvant concerner Tintin seraient sans doute sentimental, courageux, entêté. Et peut-être aussi fantaisiste… L’identification avec Léon Degrelle –au physique et au moral !– est, ô combien, plus réussie et convaincante (voir l’introduction de Cristeros, Aux origines de Tintin).
Pour suivre Tintin et agir concrètement contre le bolchevisme, avec son intelligence et ses poings, il faudra attendre juin 1941 et un certain Léon Degrelle dont l’action antibolchevique de 1928 avait justement été à l’origine des premières aventures de Tintin !
Ni le quadragénaire à lunettes Sexé, ni le quadragénaire barbichu Londres ne peuvent décidément prétendre avoir servi de modèle à Tintin…
(À suivre)