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  • Godelieve de la Rosa-Degrelle

    14 avril 1938 -  14 avril 2023

     

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    Nous venons d’apprendre avec une profonde tristesse le décès de Godelieve de la Rosa, quatrième fille de Léon Degrelle et Marie-Paule Lemay.

    C’est précisément quatre-vingt-cinq ans après sa naissance que s’est éteinte celle qui reçut de son Papa le beau prénom qui « veut dire en flamand, petite amie de Dieu » (Léon Degrelle, in Duchesse de Valence, p. 357 ; ce blog au 4 juin 2019).

     

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    Au temps de la Drève de Lorraine : l’aînée Chantal, le petit Léon-Marie et sa tendre sœur Godelieve (photo du haut) ; photo du bas : la petite Godelieve, avec sa Maman et son petit frère Léon-Marie.

     

    Traversant les avanies de l’épuration qui la séparèrent de sa famille criminellement persécutée, elle fut confiée, dans un premier temps à son oncle Henri Cornet (époux de Madeleine, la sœur de Léon Degrelle, ce blog au 20 mars 2020), avant de rejoindre avec ses sœurs Chantal, Anne, Marie-Christine et son frère Léon-Marie, sa Bonne-Maman Jeanne Lemay. Celle-ci les emmènera dans le sûr refuge de sa propriété de Dordogne, leur assurant ainsi des études « normales » chez les Ursulines de Périgueux tout d’abord, puis chez les Sœurs de Saint-Joseph d’Annecy, ainsi qu’une éducation tout orientée sur une totale défiance envers leur père ainsi que sur son nécessaire éloignement (ce blog à partir du 23 octobre 2022).

     

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    Godelieve au « Chaubier », la maison de Bonne-Maman Jeanne, à Eyliac.

    Après sa libération en 1950, la Maman rejoindra enfin ses enfants dans le petit village d’Eyliac. Godelieve et ses sœurs l’accompagneront à Poitiers où elles recevront les cours de l’internat du Sacré-Cœur pendant trois ans. Godelieve suivra ensuite sa vocation de puéricultrice dont elle obtint le diplôme en 1956.

     

    C’est avec son frère Léon-Marie que son Papa parvint à prendre tout d’abord contact, à l’été 1957. Le jeune homme rejoignit aussitôt son père, mais fut malheureusement victime d’un accident de la circulation à Séville quelques mois plus tard, le 22 février 1958 (ce blog au 5 novembre 2022).

    Nous savons que Marie-Paule Lemay envoya alors sa fille Anne à Constantina afin d’accélérer une procédure de divorce (ce blog au 13 mars 2023). Sa sœur Godelieve devait rapidement la suivre, mais uniquement mue, quant à elle, par l’avide impatience de retrouver un père qu’elle n’avait plus vu depuis quelque treize ans. C’est lors des fêtes de Pâques 1958 qu’elle put enfin le rejoindre, décidant –tout comme le feront ses sœurs Anne et Marie-Christine– de rester auprès de son père et de faire définitivement sa vie en Espagne.

     

    Les trois sœurs y découvriront rapidement l’amour en rencontrant chacune l’homme de sa vie.

     

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    Godelieve fut la première des filles de Léon Degrelle à se marier en Espagne : ce fut le samedi 9 janvier 1960, avec Antonio de la Rosa ; la cérémonie religieuse se tint dans l’église paroissiale de Constantina, dans une relative discrétion par rapport aux séismes médiatiques que provoquèrent les mariages d’Anne et Marie-Christine (ce blog aux 28 mai 2016 et 20 décembre 2022), bien qu’à la soirée, un bal mémorable ait rassemblé tout le village !

     

    Pour Godelieve, ce fut Antonio de la Rosa, un agent commercial de Murcie, qu’elle épousera le 9 janvier 1960, à Constantina. L’un de ses témoins fut le major Georges Jacobs, le premier Commandeur de la Légion Wallonie, qui avait rejoint son chef politique et dernier successeur à la tête des « Bourguignons », dès sa libération des geôles belges.

     

    LD Bourse Belga.jpegProbablement la photo de son enfance que Godelieve a préférée : elle la montre avec son frère Léon-Marie accompagner leur père sur son char de parade à la Bourse de Bruxelles (l'aînée, Chantal, les rejoindra peu après ; voir photos suivantes). Le Commandeur de la Légion apparaît dans la gloire de ses décorations, lors du défilé célébrant, le 1er avril 1944, la percée victorieuse de Tcherkassy. Selon son fils José Antonio de la Rosa-Degrelle, Godelieve la fit encadrer et ne la quitta jamais. C'est désormais lui qui s'en enorgueillit (ce blog au 15 décembre 2020).

     

    Godelieve eut trois enfants dont nous connaissons l’aîné, José Antonio, pour ses courageuses interventions à la télévision belge, défendant avec brio et bon sens son grand-père lors d’émissions destinées à culpabiliser Les Enfants de la Collaboration (ce blog aux 15 décembre 2020 et 9 janvier 2021).

     

    Défilé 44 Chantal+Léon-Marie+Godelieve.JPG

    Défilé 44 Chantal+Léon-Marie+Godelieve2.JPG

     

    Qu’il reçoive ici le témoignage de notre profonde sympathie. C’est de tout cœur que nous lui envoyons, ainsi qu’à toute sa famille, nos condoléances sincèrement émues.

     

    (Documentation © Jacques de Schutter)

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    III. Les persécutions liées au nom Degrelle

     

    Anne + LD Uniforme Phal. Carlina 1.jpg

    LD Mariage Anne 21.07.1962.jpegEn 1962, Anne prépare son mariage en Espagne avec son papa. Le voici tel qu’il accompagnera sa fille à l’autel, le 21 juillet, jour de la fête nationale belge, en grand uniforme de gala de la Phalange espagnole, paré de toutes ses décorations gagnées aux combats du Front de l’Est.

     

    Nous avons vu, dans le second volet de notre présentation des mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, combien lui étaient apparues scandaleuses les persécutions politiques, sociales, financières subies par la famille Lemay, uniquement –selon ce qu’elle nous dit– pour avoir été apparentée à Léon Degrelle par son mariage avec Marie-Paule Lemay.

     

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    Dans le salon de la maison de ses parents, rue Saint-Jacques, à Tournai, le 29 mars 1932, Marie-Paule Lemay attend Léon Degrelle, son futur époux, entourée de ses pages et demoiselles d’honneur.

     

    Elle y revient encore dans les dernières pages de son livre : « La France est le pays où j’ai vécu et souffert de la haine dès la fin de la guerre lorsque je vivais dans la maison de ma grand-mère. Les paysans de la région étaient assez nettement à gauche. C’est alors que nous, les cinq enfants, nous dûmes cacher notre identité et prendre le nom de ma mère, alors en prison pour “collaboration”. Mon oncle, son frère, agriculteur qui dirigeait la ferme, nous raconta qu’on le lyncha presque, la dernière année de la guerre lorsqu’un de ces résistants découvrit qu’il était un beau-frère de Léon Degrelle. » (p. 164).

    Porter le nom Degrelle est désormais une malédiction dont il faut à tout prix essayer de se protéger, car tous ceux qui le portent sont voués à être implacablement persécutés : « Avec le temps, j’appris que toutes les sœurs, les beaux-frères et neveux de mon père finirent également dans d’immondes prisons. Ses parents, mes grands-parents paternels, alors déjà très âgés, et ayant indiciblement souffert à cause de l’assassinat d’un de leurs fils et des combats menés par l’autre fils au Front, furent également incarcérés dans des prisons séparées. C’est ainsi qu’ils périrent tous les deux sans qu’on leur permette de se revoir un instant, même lorsqu’ils tombèrent gravement malades. Sans le moindre soutien, pas même d’un prêtre, eux, fervents catholiques, fidèles à leur foi jusqu’au bout, moururent sans plus rien savoir des leurs. » (p. 30).

    Mais pour Anne, la principale victime de cette vindicte impitoyable fut sa mère, l’épouse de Léon Degrelle.

    LLB 1946 05 17 Condamnation MP 1-vert.jpg

    La Libre Belgique, 17 Mai 1946.

    « Elle fut la femme la plus forte que j’ai connue. Je pourrais parler pendant des heures de sa force intérieure. Elle avait vécu des années d’authentique enfer, séparés de ce qu’elle aimait le plus, ses enfants, et en particulier cette petite fille qui la fuyait maintenant. Elle avait enduré la haine démentielle de tout un pays et de juges sectaires habités par un sentiment de vengeance aveugle contre des gens en leur majorité absolument innocents de quelque crime. Elle, uniquement pour être la femme de Léon Degrelle, mérita le pire des châtiments, condamnée à dix ans de prison. Et quelle prison ! » (p. 48)

     

    En effet, pour lui avoir rendu visite à la prison de Namur, Anne peut certainement témoigner des conditions ignobles de détention de sa mère ainsi que du traumatisme que cette visite provoqua chez elle qui n’avait qu'une dizaine d'années : « Ce que nous vîmes tout d’abord, ce n’était pas des gardiennes, mais des religieuses. Pour moi, une religieuse était synonyme de bonté et de douceur, mais ce que nous avions devant nous, c’étaient des femmes en habit religieux, oui, mais avec le regard le plus dur et le plus haineux que j’aie jamais vu.

    Elles nous introduisirent dans une sorte de parloir avec deux bancs, une grande table au milieu et une minuscule ouverture par où passait à peine la lumière.

    Après un long temps d’attente, des pas se rapprochèrent et l’impatience grandit dans mon âme… Elle entra enfin par cette porte, entre deux religieuses gardiennes de prison. Elles ne nous permirent pas d’avoir le moindre contact physique avec elle. Ni une caresse, ni un baiser. Ma sœur Chantal et moi, nous ne pouvions qu’obéir. Je n’ai même pas été capable verser une seule larme en voyant ces êtres cruels capables de torturer ainsi des petites filles et une mère qui avait tant souffert. Elles savaient pourtant que le seul crime qu’elle avait commis était de porter le nom de son mari.

    Physiquement, elle était méconnaissable. Cette femme dont nous nous rappelions l’extrême beauté, avec ses beaux yeux bleus et sa chevelure blonde, ne nous paraissait plus que l’ombre d’elle-même. Son expression déchirée par la douleur, les yeux gris, noyés des larmes qu’elle ne pouvait empêcher de couler, un petit corps qui se devinait à peine sous un sombre uniforme et les pieds chaussés d’espadrilles. Elle qui n’avait été que glamour et élégance.

    Nous voulions lui donner quelques gâteaux mais les geôlières nous en empêchèrent. Assises de part et d’autre de la table, nous ne pouvions que nous regarder, nous imprégner de cette image tragique sous le regard glacé de ces “servantes de Dieu”. […]

    Je crois que, jusqu’à aujourd’hui, ce souvenir est le plus traumatisant et le plus infiniment douloureux qu’aucun autre qui l’a précédé. Chaque fois que je revois cette image de profond désespoir, de solitude et d’abandon total, je ne peux retenir mes larmes. Quinze ans plus tard, j’en ai également arraché à mon père, son mari, quand je lui ai raconté cela de la manière la plus minutieuse possible. Quant au sujet des responsabilités, c’est une autre affaire. J’y reviendrai… ou non. […]

    Ma grand-mère, voyant à quel point nous avions été marquées, tout à fait inconsolables, décida qu’il n’y aurait plus de visites à la prison. Des années plus tard, ma mère nous raconta que ce fut elle qui décida que nous ne reviendrions plus, car elle ne voulait plus nous voir souffrir ainsi. » (pp. 38-39).

     

    Michel Lemay Dutilleul Capture écran.JPG

    À nouveau, Anne Degrelle-Lemay laisse entendre que son père pourrait porter de (secrètes ?) responsabilités dans l’emprisonnement de sa mère et ses conditions de détention. Mais, en définitive, elle choisira de ne pas en dire davantage dans son livre : « Quant aux responsabilités… j’y reviendrai… ou non. »

    Son oncle Michel qui connaît certainement le sujet mieux qu’elle, ne tournera pas autour du pot. Il déclarera tout net –et sans sous-entendus accusateurs, ni même imputer quelque responsabilité au mari de sa sœur– face à la caméra de Philippe Dutilleul pour son documentaire au titre-jeu de mots déplorable Léon Degrelle ou la Führer de vivre (2009): « Le fait d’avoir été mise en taule pendant quatre ou cinq ans alors qu’elle n’avait rien fait, c’est certain que ce fut quelque chose de déplorable. D’ailleurs aucune épouse d’homme politique n’a eu à subir son sort. Normalement, on s’adresse au personnage, pas à son épouse ! Donc elle a certainement énormément souffert. Ça a cassé sa vie, forcément. Si elle était en prison, elle payait pour son mari. C’était un couple, ils ont fait quand même cinq gosses. Évidemment, comme toute jeune femme, quand elle a vu l’ascension de son mari, je suppose qu’elle a été un peu grisée. C’est normal. Mais elle n’a jamais pris position ; elle n’est jamais intervenue personnellement dans les affaires politiques quelles qu’elles soient. » (Capture d’écran du film-documentaire Léon Degrelle ou la Führer de vivre donnant « la parole aux derniers témoins directs et proches de Léon Degrelle »).

     

    Pour Anne et les autres enfants du Commandeur de la Wallonie, comme nous l’avons vu dans notre chapitre précédent, changer de nom et porter celui de la mère alla donc de soi, non pour égarer les recherches des « détectives » de Léon Degrelle –il fallait pour cela trouver des résidences gardées secrètes– mais pour échapper aux persécutions d’une épuration sans fin.

     

    « A nouveau, l’inconnu. Pourquoi cet autre nom aujourd’hui ? Pourquoi une telle crainte chez les adultes de ce que nous pourrions raconter de cette vie qu’il fallait effacer absolument ? Et là, à dix ans déjà et plus mûre que n’importe quel enfant de mon âge, je commençai à adapter mon esprit à une future existence de mensonges, de peur de tout faire foirer et surtout de questionnements : qu’avait fait mon père pour que je doive me cacher de lui, enterrer ce nom qui mettait en danger ma vie ainsi que –je l’ai su plus tard– celle de mon oncle Manu et de sa famille. » (p. 32)

     

    « Des amies, à cette époque, je ne me souviens pas d’en avoir eu une en particulier. Je me sentais toujours différente. Ma famille n’était pas normale. Du reste, je n’avais ni père, ni mère. Je portais un faux nom. Je me sentais prisonnière de cette situation anormale. C’était comme une flétrissure qui ne me quitterait jamais. » (p. 45).

     

    On le voit, cette situation n’est pas sans conséquence sur le psychisme de l’enfant. Mais comme elle le découvrira rapidement, ce changement de nom était néanmoins nécessaire pour protéger les enfants de Léon Degrelle contre la haine de la populace. Mais s’agit-il bien d’une haine irraisonnée ? Tous ces braves gens ont-ils nécessairement tort ? A nouveau, Anne entretient le doute : « Qu’avait fait mon père pour que je doive enterrer ce nom qui mettait en danger ma vie ainsi que celle de mon oncle Manu et de sa famille ? » !...

     

    Anne se contentera de nous rapporter deux ou trois expériences qui, si elles n’ont pas mis sa vie ou celle de ses sœurs en danger et relèvent donc davantage de l’anecdote, sont néanmoins révélatrices de l’intolérance de la société pour tout ce qui touche aux « vaincus » et, plus précisément de l’exécration désormais attachée au nom de Degrelle.

     

    « Ma sœur Chantal avait une amie, Henriette, qui appartenait à une famille de propriétaires terriens très appréciée dans la région. Un jour, elle fut invitée à la maison et rencontra un des cousins appartenant à la noblesse. C’était un conte de fées, car elle tomba éperdument amoureuse de ce garçon. Et je n’exagère pas. Mais, en vérité, cet amour entraînerait un véritable drame. Chantal, innocente et aveuglée par l’amour, lui raconta toute sa vie. Ce qui ne posa aucun problème au garçon. Bien plus, son amie lui sembla encore plus intéressante avec ce halo de mystère, sa fausse identité et ses aventures incroyables. Mais lorsqu’il raconta tout à ses parents, ceux-ci virent tout de suite le problème. C’est ainsi que finit cette histoire d’amour. Chantal dut tout avaler d’un coup. Un coup bas de la vie, qui lui brisa le cœur à dix-sept ans ! Jamais plus ils ne se revirent. On ne jouait pas avec la France qui avait combattu dans “La Résistance”. » (p. 51).

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    Portrait-charge de Marie-Paule Lemay pendant son procès (Le Soir, 17 mai 1946)

    « En 1953, je me suis présentée à mon premier BAC. […] A nouveau, je dus payer les pots cassés à cause de ma nouvelle identité : j’avais cessé d’être Anne Lemay pour redevenir Anne Degrelle. Aucune de mes compagnes de classe ne s’était aperçue que j’avais réussi puisque l’Anne Lemay qu’elles connaissaient n’apparaissait sur aucune des listes officielles.

    L’année suivante, pour le second BAC, où j’obtins la « mention très bien » en philosophie (j’avais choisi Voltaire), ma découverte du résultat fut encore plus romanesque.

    Ce jour-là, ma meilleure amie, Martine Parent, m’avait proposé de venir dormir à sa maison. Le soir, nous étions toutes les deux dans sa chambre à écouter à la radio la liste alphabétique des candidats reçus. Soudain mon vrai nom sort et je me mets à faire de bonds de joie sur les lits. Martine me regardait sans rien comprendre et je dus tout confesser du mensonge dans lequel j’avais vécu depuis la fin de la guerre.

    Je ne me souviens plus des explications que j’ai dû donner au reste de la famille. […]

    Le plus triste de cette histoire, c’est que Martine et moi, nous dûmes cesser de nous voir. Il n’était pas question que je rentre dans le cercle de cette famille de grands industriels de Roubaix, une autre ville importante du nord de la France où ils vivaient. Dix ans après la fin de la guerre, c’était toujours la même chose ! » (p. 56).

     

    On le voit, la détestation attachée au nom « Degrelle », suscitée par la haine des démocrates victorieux, fut bien une réalité, imposant aux enfants du dernier Commandeur de la Légion Wallonie l’indispensable précaution de se cacher en changeant de nom.

     

    Nous ne pouvons néanmoins que manifester de l’étonnement lorsque l’auteur nous explique que les enfants de Léon Degrelle réussirent à se préserver en portant le nom Lemay, en même temps que ses oncles Lemay n’étaient nullement protégés par leur nom et se faisaient persécuter uniquement parce qu’ils auraient été parents par alliance du même Léon Degrelle !

     

    En fait, ne furent cruellement persécutés parce qu’ils s’appelaient Degrelle que les parents et les sœurs (le frère avait déjà été assassiné !) de Léon Degrelle ainsi que leurs maris. Et, bien sûr, son épouse qui portait le nom Degrelle depuis son mariage, le 29 mars 1932.

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    L'Avenir du Luxembourg, 10 octobre 1947.

     

    Et les Lemay alors ? Y compris l’oncle Emmanuel (« Manu » dans le récit d’Anne) réfugié au fin fond de la Dordogne où les villageois résistantialistes auraient découvert ses liens de parenté avec Léon Degrelle (dont ils n'avaient probablement jamais entendu parler) ?

     

    Cet oncle, Emmanuel Lemay, avait épousé, peu auparavant, en 1944, Lucette Roger qu’Anne aimera « aussi comme une mère, “une de plus” » (p. 47). Est-ce bien pour héberger des enfants belges qui portaient son nom qu’il se fit menacer et insulter ? « Le 16 août était l’anniversaire de la mort de quelques héros locaux de la Résistance. Une manifestation d’hommage était organisée dans une clairière près de notre maison. Mon oncle et la famille s’associèrent à la cérémonie : discours du maire et de quelques anciens combattants, bouquets de fleurs et beaucoup d’émotion. En échange de sa collaboration –dans ce cas, le mot est bien choisi – mon oncle ne reçut qu’insultes et menaces. Ils sont même venus le chercher pour le livrer à la police. À nouveau cette haine viscérale contre toute la famille. Uniquement pour être le beau-frère de Léon Degrelle. » (pp. 32-33).

     

    Mais il semble bien que le nom Degrelle ne soit pour rien dans les malheurs de la famille Lemay, tout de même plutôt dérisoires comparés à ceux des Degrelle. Le parcours de la famille Lemay entre 1939 et 1945 ne semble en effet pas avoir eu grand-chose à voir avec la Résistance et qui aurait donc très bien pu s’attirer toute seule les tourments de l’ « épuration ». Encore que nous n’ayons jamais trouvé trace de quelque procès impliquant des membres de la famille Lemay ou de leur importante et florissante société « Ciments Lemay » (dont pourrait sembler plausible l’implication dans la construction du formidable Mur de l’Atlantique, tant celui-ci dut engloutir tous les matériaux des usines continentales nécessaires au béton de ses bunkers : mais aucune trace n’en est à retrouver).

     

    Dans un courrier de 1954 (dont nous avons pu conserver le brouillon) à l’avocat de sa femme, Jean Thévenet, conseil de la famille Lemay croyant se sauver en l’accablant, Léon Degrelle règle l’affaire en quelques lignes éclairantes : « Les autres de la famille Lemay [à part mon épouse Marie-Paule] ? Mais la femme de l’aîné [Marc, 1912-1942], était au vu et au su de toute la ville de Tournai, la maîtresse d’un Allemand. Le deuxième Lemay, Jean, prisonnier des Allemands, au lieu de rester avec ses camarades, fit demander par sa mère sa libération anticipée dès l’automne de 1940, en s’adressant à des religieux, d’une part, en me demandant, d’autre part, d’intervenir près d’Abetz, ambassadeur du Reich, ce que je fis, et Jean Lemay fut libéré sur ordre télégraphique de Ribbentrop. Le troisième, Emmanuel [1920-1988], fut membre de la fameuse milice de Darnand, fit même une période d’entraînement à la mitrailleuse ! Il épousa –durant l’été 1944 !–, la fille d’un collaborateur notoire, échevin rexiste d’une grosse agglomération ouvrière de la banlieue de Mons [Gustave Roger, de Bracquegnies ?], mariage auquel j’assistai en uniforme d’officier supérieur de la SS, collier de la Ritterkreuz au cou. Il existe une photo assez drôle de ma belle-mère [Jeanne Lemay-Caton, 1888-1970] à mon bras, cette après-midi là. Tout ce monde était devenu entretemps anglophile ? Disons plutôt qu’il le devint, comme beaucoup d’autres, lorsqu’ils eurent senti le vent tourner. Le 8 août 1941, au départ de la Légion Wallonie pour le front de l’Est, l’aîné de mes beaux-frères d’alors était venu à Bruxelles, fort affectueusement, m’apporter à la gare du Nord, les adieux de la belle-famille.

    Donc là, vraiment, qu’on mette des sourdines aux indignations post-fabriquées ! »

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    M
    ais Anne Degrelle-Lemay demeurera inflexible dans ses certitudes et sa conviction de la culpabilité de son père : « De nos longues conversations et de mes innombrables heures de lecture m’est restée l’image d’un père qui a foutu la vie de sa famille en l’air, et la mienne en particulier » ! (p. 141).

     


    À suivre

     

  • Les mémoires « effilochés » d’Anne Degrelle-Lemay

    II. Anne Degrelle ou Anne Lemay ?

     

    Anne + LD 1958.jpg

    Une des toutes premières photos, probablement prise dans un bar de Constantina, d’Anne Degrelle avec son père chez qui elle est arrivée en juillet 1958. Léon Degrelle porte une cravate et un brassard noirs en signe de deuil pour son fils Léon-Marie, mort dans un accident de la circulation, le 22 février précédent.

     

     

    Anne Degrelle Couverture.jpgNous avons terminé la première partie de notre présentation des mémoires d’Anne Degrelle-Lemay (ce blog au 23 octobre 2020) par l’attitude surprenante de son père à son égard : « Pour lui, j’avais grandi dans un milieu hostile. Même lorsque je lui disais qu’il n’y eut jamais de commentaire haineux à son égard de la part de la famille Lemay, il en voyait le résultat dans ma prédisposition à douter. » (p. 93).

     

    Doutes qui se manifestèrent dès le tout premier contact : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. Nous étions deux personnes qui se cherchaient, qui se regardaient, qui enlevaient des barrières. Nous faisions connaissance, mais toujours avec méfiance en ce qui me concerne ; et lui, il se rendait compte que j’avais encore du mal à l’inclure dans ma vie. » (p. 67).

    Et Léon Degrelle avait sans doute bien raison de soupçonner l’hostilité plus subtile que la famille Lemay instilla dans l’esprit de ses enfants. C’est Anne qui l’explique encore, à l’occasion d’une affirmation semblable d’apparent détachement des Lemay à son encontre : « Je ne puis qu’affirmer que je n’ai entendu de la bouche de ma grand-mère ou de n’importe lequel de mes oncles la moindre parole négative sur mon père. On ne parlait tout simplement pas de lui et, plus incroyable encore, nous ne posions pas de questions non plus sur lui. C'était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. » (p. 42).

    Mais ce n’est pas du détachement ou de l'insensibilité, c’est de l’anxiété mêlée de suspicion, comme le reconnaît d’ailleurs Anne un peu plus loin : « Je lui expliquais que je ne pouvais relever ni estime ni aversion de la part de la famille Lemay. À peine de l’indifférence apparente, mais aussi de la peur, de la crainte d’avoir à répondre à des questions embarrassantes de notre part » (p. 93).

    Mais tout cela est-il bien vrai ? Anne nous laisse quand même entendre que les propos des Lemay sur Léon Degrelle n’étaient finalement pas si équivoques que cela, comme elle l'admet dans le récit de sa première rencontre avec son père : « Il n’était pas cette personne terrible que nous devions absolument fuir “pour notre sécurité”, comme on nous l’avait répété pendant tant d’années. » (p. 67). Elle le confirme encore dans le compte rendu de ses conversations à La Carlina : « C’est là que j’ai appris de vive voix ce qu’avait été la vie de cet être mystérieux et redoutable qu’on m’avait décrit durant toute mon enfance. » (p. 128).

    Pourquoi, d’ailleurs, la famille Lemay aurait-elle sinon utilisé toutes les ressources de la damnatio memoriae à l’encontre de leur parent par alliance, à savoir le silence, la calomnie et l’iconoclasme : « C’était un sujet tabou. Le simple fait de prononcer son nom pouvait nous mettre en danger. De sa vie et de ses erreurs politiques, de sa “responsabilité” dans le malheur de tant de gens, on ne parlait jamais. À la maison, il n’y avait aucune photo qui pouvait nous le rappeler. On en avait même découpé quelques jolies, comme celle où nous étions avec lui, ma sœur Chantal et moi, et que je lui ai montrée des années plus tard. “Ils m’ont guillotiné !” me dit-il, plaisantant toujours avec les choses les plus tristes… » (p. 42). Cette iconoclastie se voulait d’ailleurs systématique : « Malgré les soins attentifs de la famille Lemay pour découper les photos sur lesquelles apparaissait mon père, j’ai quand même pu l’apercevoir sur certaines d’entre elles. » (p. 66).

     

    Photo coupée Chantal+Anne.jpeg

    Anne publie dans son livre (p. 43) une photo où elle figure avec sa sœur Chantal (à gauche) : la famille Lemay a pris soin d’enlever la tête de Léon Degrelle (on en voit toutefois la main gauche autour de la taille d’Anne), en déchirant la photo à la main et non aux ciseaux, comme en témoigne les bords arrachés autour de la tête des enfants.

     

    L’éducation ainsi reçue par Anne a laissé de telles traces évidentes que son père perçoit les réticences de sa fille dès le premier abord : lorsqu’elle débarque à Séville qui l’enivre de son atmosphère lumineuse et paradisiaque, Léon Degrelle n’est pas dupe : « Mon père était également déconcerté, pas à cause des palmiers ni du parfum des jasmins, mais par ma réaction. » (p. 67). Elle précise en effet que sa première attitude en rencontrant son père fut celle de la méfiance : « À ce moment, il fallait encore que de nombreux doutes disparaissent pour que j’aie totalement confiance en lui. » (p. 67). Et cette confiance est-elle possible puisque son frère les avait quittées, sa mère et elle, pour rejoindre « le responsable de tous [leurs] malheurs », –chose dont elle ne veut même pas « essayer de comprendre les raisons » (p. 61) ? Son attitude, en découvrant son père, n’a pu que trahir pareils sentiments embarrassés.

    C’est que « jamais mon père ne renonça à nous retrouver, à récupérer ses enfants ». Alors que, toujours, la famille Lemay fut résolue à l’en empêcher : « La famille de ma mère, comme d’authentiques garants de notre sécurité, essayait de nous emmener d’un endroit à l’autre, d’un collège à l’autre, s’efforçant d’égarer ces pseudo-détectives qui essayaient de nous localiser et de nous suivre à la trace, toujours à l’affût. » (p. 61).


    Le récit de l’enfance d’après-guerre d’Anne donne plusieurs exemples de ces parties dramatiques de cache-cache dans la Dordogne de son oncle Manu qui l’y recueille, et jusqu’au collège où il l’a mise en pension dans les Alpes : « De notre séjour à Annecy, demeurent quelques témoignages photographiques : Chantal, Godelieve et moi, portant l’uniforme du collège, sur la balustrade en fer forgé d’un pont près du lac.

    Lac Annecy Chantal God Anne.jpeg

     

    Mais qui a pris cette photo ? […] Notre père dont on nous cachait tout afin de nous protéger (mais on ne nous l’a expliqué que bien après) ? Des années plus tard, en regardant cette photo, mon esprit de détective a commencé à assembler les pièces du puzzle et j’eus la certitude que les auteurs de ce reportage clandestin n’avaient pu qu’être les limiers de mon père. Cinq enfants ne disparaissent pas sans laisser de trace. Leur recherche ne pouvait cesser avant d’avoir porté ses fruits, dix ans plus tard. Je m’imagine l’angoisse de ma grand-mère et de mes oncles devant effacer tout indice et rester en alerte permanente pour empêcher qu’ils puissent atteindre leur objectif et nous emmener chez lui. » (p. 37).

    « Mais nous demeurions cachés. C’était vraiment la volonté de la famille de ma mère de nous mettre à l’abri des agents de mon père. Ma famille maternelle craignait qu’il nous kidnappe. Le Puy-Haut était l’endroit idéal. Mais depuis l’Espagne, mon père n’abandonnait pas et je le comprends aujourd’hui… Un jour, mon oncle Manu arriva à la maison hors d’haleine après avoir monté en courant la côte du Puy-Haut. Il nous demanda de nous cacher et, surtout, de ne pas aller sur la terrasse. Une voiture immatriculée en Espagne venait d’arriver au Chaubier (sa maison ainsi que la nôtre pendant trois ans). Mon oncle était parvenu à les semer, je ne sais pas encore comment, mais on n’a plus entendu parler de ces détectives espagnols… provisoirement. » (p. 42).

     

    On le voit, si les Lemay ne disent pas crûment de mal de leur beau-fils, beau-frère ou mari, ils se conduisent envers lui comme envers un pestiféré ou un malfaiteur. Anne y insiste d’ailleurs : « Durant toute notre vie, [ma mère] avait lutté pour nous tenir à l’écart de son influence, de l’incertitude d’une vie dont elle a toujours voulu nous tenir éloignés » (p. 72) ; « Ce n’est qu’un exemple du souci permanent avec lequel [ma grand-mère et mon oncle] vivaient pour nous protéger de tout danger » (p. 42) !

     

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    Dans le parc de la Drève de Lorraine, Marie-Paule Degrelle-Lemay et ses enfants, (de g. à dr.) Chantal, Anne, Léon-Marie et Godelieve : « Je me souviens de ma mère, apparemment heureuse, mais je me rendais compte qu’elle souffrait. D’abord, à cause de l’accident de Chantal, et, plus imperceptiblement (les enfants sentent ces choses), à cause de la vie tellement particulière qu’elle supportait suite aux dérives politiques de son mari. » (p. 15).

     

    Aussi doit-t-elle changer de nom dès son arrivée chez son oncle en Dordogne : « il fallait effacer définitivement ce nom et le remplacer par celui de notre mère. Ce fut le début de cette vie aux origines fictives, à l’enfance réinventée, aux drames qu’il fallait abandonner en un endroit caché et lointain de notre mémoire. Attention à ne jamais parler de cette courte vie antérieure, de cette famille, celle de mon père, qu’il ne fallait pas même nommer et de laquelle, pour notre sécurité, on réussit à nous séparer pour toujours. » (p. 32). « Cette vie a fini par me plaire. J’ai arrêté de me considérer comme un drôle d’oiseau. Je portais un faux nom. Personne ne le savait. Du coup, ma vie d’avant avait cessé d’être un fardeau. » (p. 34).

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Anne vécut écartelée entre les deux familles, sans se rendre compte, apparemment, qu’on lui imposait un état de recluse sous prétexte d’empêcher son père de le lui imposer (« Ma famille maternelle avait peur qu’il nous kidnappe », p. 42)…

    C’est ainsi qu’après avoir refusé de comprendre pourquoi Léon-Marie, son frère adoré avait rejoint « le responsable de tous [leurs] malheurs […] cette personne dont le nom seul était tabou », elle, qui se considérait comme « celle qui était la plus opposée à tout ce qu’il représentait dans [leur] vie », dut néanmoins, sur les instances de sa mère, accepter de rejoindre son père après la mort accidentelle de Léon-Marie : « La douleur fut atroce. Je me souviens seulement de ma mère que nous étions incapables de consoler et chez qui nous ne pouvions qu’ajouter de la douleur à la douleur. […] La force de ma mère m’impressionnait chaque jour davantage. Toutes ses pensées allaient vers mon père. Elle imaginait à quel point cet homme devait être brisé. Dans son cœur, il n’y avait pas de place pour la rancune. Son mariage était brisé, mais aujourd’hui, c’étaient des parents unis dans la tragédie. […] De sorte qu’un jour, alors que je revenais du travail à la maison, cette mère détruite me dit : “Je veux que tu ailles en Espagne consoler ton père.” » (pp. 61-64).

     

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    La tombe de Léon-Marie, premier des enfants de Léon Degrelle à avoir rejoint leur père en Espagne : quelques mois à peine après son arrivée, il fut victime d’un accident de moto à Séville, le samedi 22 février 1958. Ses funérailles furent célébrées le lendemain à Constantina ; il repose dans le cimetière municipal (ce blog au 26 février 2016).

     

    Anne qui, tout au long de ses souvenirs, se présente comme une cartésienne intransigeante, analyse alors cet écartèlement, à partir de l’expérience de son frère : « Qu’est-ce que je faisais soudainement en Espagne ? Ce Léon Degrelle, mon père, n’avait jamais fait partie de ma vie. Je devais apprendre à le connaître, tout en sachant que tous deux, nous devions supporter un terrible malheur : la mort d’un garçon de dix-huit ans. Ma mère m’avait envoyée pour le “consoler” : mais moi aussi, j’étais détruite et pétrie de sentiments mitigés. Je ne voulais pas que des pensées difficiles à écarter me viennent à l’esprit. Je savais que ce père devait souffrir indiciblement de ce nouveau coup du destin. D’un autre côté, il y avait cette fuite de mon frère d’un foyer qui lui avait tout donné, d’une mère et de sœurs qui l’adoraient, vers un père qu’il considérait (je l’ai compris par après car j’ai partagé ces mêmes sentiments) comme un exilé, un homme qui souffrait d’une séparation cruelle de toute sa famille. Il ne s’agissait pas de se détacher de sa famille maternelle mais d’un désir devenu une obsession d’apprendre de vive voix quels avaient été les péchés et les “crimes” de cet homme cherchant désespérément à revoir ses enfants, leur raconter sa version de l’histoire, et se faire pardonner pour le calvaire qu’ils avaient eu à souffrir par “sa” faute. » (p. 66).

    Cet écartèlement est bien présent aussi lors de la toute première rencontre entre le père et la fille –ce qui, comme nous l’avons vu– n’a pas échappé à Léon Degrelle : « Je ne pouvais me défaire de l’image de ma mère, si combattante et d’une noblesse de caractère et de sentiments peu courante, que j’avais laissée à Paris submergée de douleur. Mais je savais ce qu’elle voulait : que je l’aide, lui, à surmonter ce coup tragique, ultime coup du destin à notre famille. » (p. 67).

    Léon-Marie.jpg« [Léon-Marie] avait une tête pleine de rêves ; c’était un grand lecteur, romantique et mélomane jusqu’à la moelle ; il avait aussi une qualité qui nous enchantait tous, son sens de l’humour. Nous passions avec lui des moments de rire incroyables, avec des gags dignes des meilleurs humoristes, mais sans jamais dépasser les bornes car c’était un gentleman, avec cette classe naturelle qu’il avait héritée de sa mère. » (p. 61).

     

    Aussi, dans ses mémoires, si Anne ne manque pas de souligner l’amour qu’elle vouera désormais à ce père retrouvé, cet amour se teintera néanmoins toujours de circonspection : « Suprêmement élégant, portant costume clair et cravate. J’examinais tout. Il était exactement comme je me l’imaginais. Ce fut un coup de foudre (l’amour au premier regard). Voilà ma première impression. […] Son visage grave, au regard profond, aux yeux brillants pleins de larmes. Ce sont eux qui furent responsables du fait que je ne pourrais plus vivre séparé de lui. » (p. 66). « Nos retrouvailles aboutirent à un coup de foudre. Je l’aimais, tout en sachant qu’il me ferait souffrir. » (p. 72). « Les questions que la raison m’inspirait pour que je voie une réalité que je ne voulais pas accepter demeuraient dans un fond caché de mon esprit, prisonnières d’un amour naissant dont j’avais tant besoin. Nous nous aimions, point final. » (p. 80). Elle conclura ainsi dans les dernières pages : « J’ai appris à le juger, à me faire ma propre opinion, plus critique que favorable. […] Ces années de la Seconde Guerre mondiale, depuis le départ en 1941 du premier contingent de la Légion Wallonie jusqu’au désastre final en 1945, ont constitué l’axe central de cette biographie : non la mienne en tant que telle mais en tant que fille d’un politique, d’un poète, d’un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai toujours essayé de juger selon mes propres critères. » (pp. 128 et 141).

     

    Anne+LD Tolède.jpg

    Photo touristique prise à Tolède, lors du premier séjour d’Anne Degrelle auprès de son père (portant toujours le deuil de son fils) : il fera avec elle le voyage de Madrid, visita Tolède, puis remonta vers le pays basque pour la laisser à Irun, dans le train de Paris : « Tout ce qu’il voulait, c’était me faire profiter au maximum de sa présence, emplir ma mémoire de souvenirs merveilleux et me convaincre de la vie magnifique qu’il pouvait nous offrir, à mes sœurs et à moi, si nous voulions revenir chez lui » (p. 72).

     

    La famille Degrelle, quant à elle, non seulement ne bénéficiera pas d’une telle affection spontanée tant elle avait sombré dans l’oubli le plus total, mais, de plus, elle devra endurer davantage que la défiance entretenue envers son père : une quasi-aversion.

    « Et moi ? Avais-je encore quelque souvenir de la maison de mes grands-parents paternels ? Et de Bouillon ? Très vaguement. J’avais beaucoup de tantes car mon père avait quatre sœurs. L’une d’entre elles, l’aînée, se fit religieuse cloîtrée –je pense que c’était de l’Ordre du Carmel […]. De mes tantes et de mes cousins, de mon oncle assassiné, je n’ai pas le moindre souvenir. […] Cependant, ce fut l’une de mes tantes, Louise, la sœur quasi-jumelle de mon père, qui porta la responsabilité de la reprise de contact de mon frère avec son père. J’ai déjà raconté […] cette chasse incessante de la famille Degrelle pour nous emmener en Espagne auprès de mon père, jusqu’à ce qu’à l’insu de ma mère, ils « kidnappèrent » mon frère et l’emmenèrent sans passeport ni papiers, caché dans une voiture, jusqu’à Séville. Nous savons désormais à quelle tragédie aboutirent ces retrouvailles. » (p. 162).

     

    Marie + Louise-Marie Couvent.jpg« Nous avons été voir une fois [la sœur aînée de mon père] et c’est à peine si je me souviens de son visage, mais je me rappelle bien l’affection avec laquelle elle nous embrassa. Je ne sais pas ce qu’elle pensait de son frère Léon. Mère Marie des Abys –c’est ainsi que nous la connaissions– a vécu toute la guerre ainsi que la persécution dont fut victime le reste de sa famille, parents, frères et sœurs, depuis la solitude de son couvent. Je sais qu’elle est morte très âgée et que mon père eut énormément de chagrin lorsqu’il apprit son décès. » (p. 162 ; Marie, sa sœur aînée –30 juillet 1896 - 6 mars 1980– était la marraine de Léon, voir ce blog au 15 juin 2021. Marie était religieuse de l'ordre de la Visitation de Sainte-Marie ; elle est ici au côté de sa sœur, Louise-Marie Massart, dans le parc du monastère des Abys, à Paliseul, non loin de Bouillon).

    « Ghislaine Massart, une nièce de mon père –c’est-à-dire une cousine à nous–, découvrit (je dois saluer ici les talents de détective de ces membres de la famille) l’endroit où travaillait ma mère à Paris […]. Mon frère, qui vivait également à Paris, allait souvent la voir après ses cours. C’est ainsi que ma cousine le retrouva et commença son travail de “réconciliation familiale”… Elle ne réalisait pas le mal qu’elle faisait à la famille Lemay, à ma mère en particulier, à ma grand-mère, qui nous avaient élevés pendant toute notre enfance et notre adolescence, qui nous avaient protégés de la rancune et de la haine de ceux qui nous persécutaient uniquement à cause de notre nom. » (p. 61).

     

    LD+Guilaine Massart.jpgLéon Degrelle dans son refuge de Majalimar, en 1949, en compagnie de sa nièce Ghislaine Massart, la fille de sa sœur Louise-Marie.

     

    « Au mois de juillet 1958, […] de nouvelles figures que je ne connaissais de nulle part débarquèrent tous les jours. Des cousins du côté de mon père, la famille Degrelle, que je n’avais jamais vus de ma vie. Une de mes cousines, Ghislaine Massart, était précisément la responsable de la fuite de mon frère de Paris, qui connut une fin si tragique. […] Et, parmi ces arrivées en bataille, j’eus l’honneur de connaître un autre cousin, fils d’une sœur de mon père, au regard mauvais, que je fuyais et qui essaya de m’embrasser entre deux portes en s’attirant ainsi une baffe magistrale. » (p. 77).


    Mais à nouveau, si Anne n’éprouve qu’antipathie ou indifférence pour sa famille paternelle, c’est à son père qu’elle en impute la responsabilité : n’affiche-t-il pas son désintérêt pour la vie d’après-guerre des Lemay ? Aussi n’hésitera-t-elle pas à manifester à son tour amnésie et insensibilité : « Il savait que la famille Lemay nous avait sauvés de la cruelle vengeance des vainqueurs dont furent victimes tant de familles emprisonnées dans des conditions inhumaines. Parmi elles, sa propre famille : parents, sœurs, nièces adolescentes… Persécution dont nous fûmes protégés mes sœurs, mon frère et moi, mais à laquelle n’échappa pas ma mère. Dans nos conversations, il essayait de ne pas approfondir ce que furent notre enfance, notre vie estudiantine et notre relation inexistante avec la famille Degrelle. Il devait souffrir en voyant que nous n’avions absolument aucun souvenir d’elle. Fracture complète. Vide total. » (p. 86).

    Anne se fera néanmoins violence en s’efforçant de garder le contact avec le côté Degrelle de sa famille, mais son apparente bonne volonté ne pourra se couronner d’aucun succès :

    « Pourtant, j’ai essayé de garder des relations familiales avec tous, en allant les visiter avec mes enfants à Bruxelles, ainsi qu’à Anvers où vivait une de mes tantes mariée avec un Flamand [Suzanne Lamoral]. Ils étaient des plus affectueux, se coupant en quatre pour nous faire plaisir et essayer de rattraper le temps perdu, mais avec le temps, nous nous sommes éloignés et nous ne nous sommes même pas revus quand mon père est mort. » (p. 162 ; de la fratrie de Léon Degrelle, en 1994, seules vivaient encore Suzanne Lamoral et Louise-Marie Massart, toutes deux malades, handicapées –Louise-Marie étant même aveugle– et incapables de faire le voyage d’Espagne).

     

    Parents LD+Anne Chantal.jpg

    Anne Degrelle n’aurait malheureusement quasi plus aucun souvenir précis de ses grands-parents paternels. Rapportant les propos de son père, elle nous dit que sa grand-mère paternelle était « la femme la plus généreuse et douce au monde, incarcérée comme le reste de sa famille dans une cellule nauséabonde, sans pouvoir revoir ni son mari ni lui donner un ultime baiser avant de mourir » (p. 165). Elle est ici avec sa grand-mère, tandis que sa sœur Chantal est avec son grand-père dans le parc de la Drève de Lorraine ; à l’arrière-plan, son père est en conversation avec Victor Matthys.

     

    La conclusion s’impose donc, sans appel : « En cet été de 58, tous ces oncles et cousins débarquèrent les uns après les autres à La Carlina. En me rappelant cela aujourd’hui quelque 60 ans plus tard, je dois reconnaître que je ne les ai jamais considérés comme ma famille. » (p. 162).

    Et son corolaire, inévitable, est : « Ma véritable famille fut toujours la famille Lemay. Et ma grand-mère maternelle est irremplaçable dans mon cœur. » (p. 162).

    Aussi le ton est-il tout autre lorsqu’il est question des parents maternels. D’autant plus qu’ils eurent également, semble-t-il, à souffrir après la guerre. Et la cause de cette souffrance est clairement imputée à Léon Degrelle, même si cette cause est tout accidentelle, due au seul mariage de Marie-Paule.

    « Mais nous sommes toujours en 1945, la guerre vient de finir et nous nous retrouvons dans cet orphelinat de l’Assistance publique. Qui est ce couple qui s’approche de nous et nous invite à les suivre avec tant d’amour ? Il s’agissait d’un frère de ma mère et de sa femme. Ma grand-mère maternelle, ma bonne-maman adorée, s’était rendue à Bruxelles et les avait envoyés pour nous sauver. » (p. 28).

    « Ma bonne-maman [Lemay] ne nous abandonnerait jamais malgré qu’à cette époque elle avait déjà 57 ans. Elle était restée veuve durant toute la guerre et ses fils étaient déjà majeurs et indépendants. Elle n’avait plus désormais d’yeux que pour ces cinq enfants “orphelins” à cette époque. » (p. 29).

    « La dernière nuit [avant mon départ en pension à Annecy], –je ne sais si j’étais plus sensible que les autres–, je ne fis rien d’autre que pleurer et ma bonne-maman ne trouva pas d’autre remède que de se coucher avec moi. Elle avait un lit immense avec un édredon en plumes (déjà à cette époque) et un grand feu de cheminée. Je ne sais pas si ce fut une bonne idée de passer cette dernière nuit blottie contre ma bonne-maman –ma mère pendant tant d’années– car il m’en est resté un souvenir si profond et agréable qu’aujourd’hui encore j’en suis émue en me le rappelant. » (p. 34). « Je suis terriblement pratique. Je tiens mes pieds fermement sur terre. Comme je l’ai dit, je vis au présent. Et mon présent, c’était, en premier lieu, ma bonne-maman, ma raison de vivre, et ensuite, le collège. » (p. 45). « J’ai appris à vivre au jour le jour avec cette merveilleuse grand-mère qui, dans sa volonté de nous aider et de nous protéger de cette tragédie qui l’atteignait elle-même, s’était transformée en notre mère. » (p. 46).

    La bonne-maman Lemay occupe ainsi une place toute particulière dans le cœur d’Anne, ayant littéralement remplacé sa mère dans sa prime adolescence et l’ayant surtout « protégée » de son père qui semble même craindre de reconnaître sa responsabilité dans la situation où s’est retrouvée plongée la famille Lemay, qui est la seule que se reconnaît Anne : « Arriva le moment des questions aussi bien de son côté que du mien. Mais il n’osait pas trop creuser, craignant d’apprendre les détails du calvaire qu’avaient vécu ma mère, ma grand-mère, mes oncles maternels et nous autres, ses cinq enfants, qui avons échappé à l’Assistance publique grâce, précisément, à cette femme intelligente, courageuse, merveilleuse : ma grand-mère maternelle. » (p. 85).

     

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    Les portraits que nous avons de la bien-aimée « bonne-maman » d’Anne Degrelle-Lemay sont rares : celui-ci provient de son livre de souvenirs (p. 33). De gauche à droite, au premier plan, Anne, Godelieve, Chantal et Léon-Marie ; à l’arrière-plan, Jeanne Lemay-Caton et, dans ses bras, la petite Marie-Christine. Nous le reproduisons car celui dont nous disposons est justement amputé du visage d’Anne (ci-dessous : Anne est debout à l’arrière-plan) : de gauche à droite, devant la grand-mère Jeanne Lemay, Chantal, Marie-Christine, Léon-Marie et Godelieve.

    Bonne-maman Lemay2.jpg

     

    « La maison ou, plutôt, la ferme, appartenait à mon oncle Manu, le petit frère de ma mère, à peine marié et papa d’une fillette d’à peine un an qui deviendrait l’amie inséparable de ma petite sœur du même âge. Mon oncle était ingénieur agronome et, suivant sa vocation, avait acheté cette ferme […]. Je me souviens de ces années à Eyliac comme comptant parmi les plus heureuses de ma vie. » (pp. 29-30).

     

    « Le Périgord était une région où la Résistance avait été très active pendant toute l’occupation allemande. Quand mon oncle Manu arriva à Eyliac, jeune marié, les paysans et les fermiers des environs ne connaissaient rien du reste de la famille. Ils s’estimaient, s’aidaient pour les travaux des champs ; ils étaient amis. Mais lorsque nous sommes arrivés, ma grand-mère et nous cinq, les bonnes gens de l’endroit commencèrent d’abord à avoir des soupçons, puis à poser des questions et enfin à manifester ouvertement leur haine. […] Mon oncle ne reçut que des insultes et des menaces. […] De nouveau cette haine viscérale contre toute la famille. Uniquement pour être le beau-frère de Léon Degrelle. Je ne pouvais pas passer sous silence cet épisode de la vie de mon oncle qui nous a tant aidés et protégés dans cette étape de notre vie, si difficile pour tous. » (pp. 32-33).

     

    « La famille de ma mère (des industriels importants en France), malgré qu’elle fut frappée de sanctions financières exorbitantes uniquement pour avoir été de la famille politique de Léon Degrelle, continua de jouir d’une fortune considérable de sorte que, grâce à elle, nous pûmes continuer à fréquenter de bons collèges » (p. 35).

     

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    Photo du mariage de Léon Degrelle avec Marie-Paule Lemay, prise dans le jardin de la propriété des Lemay, à Tournai, le 3 mars 1932, au lendemain des fêtes de Pâques. C’est probablement la seule fois que les deux familles furent réunies pour une fête. « Entre-temps, ma mère vivait le pire cauchemar de sa vie (mais on ne nous avait alors rien raconté), enfermée dans une geôle en Belgique après avoir été condamnée à dix ans de prison pour être la femme de Léon Degrelle. » (p. 29).

     

    « [Marie-Paule Lemay] savait que sa mère et ses frères avaient perdu une fortune en paiement d’ “indemnités de guerre”, confiscation de leurs biens et coups quasi-mortels à la cimenterie de la famille Lemay, tout cela à cause des liens de parenté avec Léon Degrelle. Et en outre, ils durent encore supporter tous les frais de notre éducation et de notre scolarité pendant l’incarcération de ma mère. » (p. 47).

    « J’évoquais simplement des images de foyer, d’amour, de rires de ma petite sœur, de bûches flambant dans la cheminée, de baisers de ma bonne-maman ou de ma tante Lucette (que j’aimais aussi comme une mère, “une de plus”) » (p. 47).

    « Le conseiller familial, –c’était mon oncle Michel (un frère de ma mère) qui, déjà à cette époque, dirigeait nos vies presque comme un père – voulait me garder auprès de lui et me conseiller dans mes études et la voie à suivre. Il vivait avec sa femme, ma tante Pierrette, à Tournai, à seulement 40 km de Lille. C’est lui qui dirigeait l’énorme usine des “Ciments Lemay” fondée par son père, mon grand-père Marcel Lemay, et qui traversa de multiples péripéties pendant la guerre. Brillant ingénieur, il succéda à deux de ses frères (également ingénieurs industriels) qui, pour diverses raisons, finirent l’un au Venezuela, l’autre au Mexique. Bref, mon oncle Michel et son épouse Pierrette me prirent sous leur aile. J’étais la fille qu’ils n’avaient pu avoir. » (p. 54).

    « Un jour, j’ai surpris des conversations entre eux sur leur désir de m’adopter légalement, tout d’abord par amour, et puis aussi pour débarrasser ma mère des frais de mon éducation. » (p. 56).

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    L’oncle Michel, l’aspirant papa d’Anne, a bien décidé de tourner la page degrellienne : rangé désormais dans la bien-pensance, il s’est racheté une réputation politiquement correcte grâce à des fréquentations choisies, s’est offert un rond-point à Tournai en blocs de pierre de ses carrières, –l’inaugurant avec le ministre-président de la Région wallonne, le socialiste Rudy Demotte (à gauche ; Michel Lemay lève le drap à droite ; capture d’écran NoTélé). Il légua une somme relativement symbolique aux filles de feue sa sœur Marie-Paule, avant de laisser l’essentiel de sa fortune à un fonds de mécénat local portant son nom et celui de sa deuxième épouse, Claire Lemay-Poncheau, géré par la Fondation Roi Baudouin. Son faire-part de décès, en 2012, ne signale que de rares amis de l’establishment tournaisien, aucun membre de sa famille, et mentionne les honneurs officiels que son néo-conformisme lui ont valus.

     

    « Mais l’événement le plus triste qui vint ternir mon bonheur, peu de jours après la naissance de ma petite Hélène, fut le décès de ma grand-mère maternelle, pivot et guide de toute mon enfance et adolescence [28 janvier 1970]. Je ne pus être à ses côtés aux moments ultimes de sa vie, car Hélène n’avait que quinze jours et avait besoin de toute mon attention. » (p. 104)

     

    « Ma mère mourut au printemps de 1984 [le 29 janvier !]. […] Je pleurai désespérément. Se mêlaient en moi la peine immense de sa perte et le remords de l’avoir laissée seule en France, ayant choisi de vivre aux côtés de ce père dont elle avait voulu nous éloigner pendant quinze ans. » (p. 118)

     

    « Mon unique famille fut la famille Lemay. Pendant les années les plus cruciales de mon enfance et de ma jeunesse, ma grand-mère et mes oncles ont toujours été à mes côtés. Ma mère, après ses cinq ans de torture carcérale, revint dans nos vies avec des cicatrices impossibles à fermer. Elle fut admirable dans ses efforts pour essayer d’ignorer les souvenirs qui la tourmentaient, soigner les blessures de son corps et de son esprit, et assumer ses responsabilités quant à notre formation humaine et intellectuelle. » (p. 117)

    Anne Degrelle est donc d’abord et avant tout Anne Lemay. En témoigne encore le vif désagrément dont elle nous fait part au moment de son installation dans l’Espagne de son père : « Mais en Espagne, j’étais la fille de Léon et mon nom devait être Degrelle : cela m’a coûté énormément de devoir m’y habituer. » (p. 131).

     

     

    L’essentiel de la documentation iconographique de cet article provient de la CPDH (Collection Privée de Documentations Historiques) de ©Jacques de Schutter.

     

     

    À suivre

     

  • La télévision belge et le « Corps Franc Wallonie »

    Journalistes ? Non : des agit-prop !

     

    Une fidèle correspondante revient sur la séquence relative au « Corps Franc de Wallonie » dans le reportage sur la « Guerre en Ukraine », diffusée voici peu dans le 19h trente, le journal du soir de la télévision belge francophone (ce blog au 11 mars 2022).

    Blog Corps franc RTBF 11.03.22.JPGElle nous interroge sur l’image diffusée en illustration par le journal télévisé, car « Ne s’agit-il pas de la photo que le Dernier Carré a publiée dans son calendrier de 2019, légendée “Mai 1942 : avant le match de foot, les adversaires Wallons et Allemands se saluent sous le drapeau à Croix de Bourgogne” ? Alors ? Qu’en est-il finalement ? La RTBF nous montre-t-elle vraiment des combattants formant un corps franc, c’est-à-dire, selon le Wiktionnaire d’Internet, une unité de combat civile ou paramilitaire […] dont la tactique est celle du harcèlement ou du coup de main, et donc susceptible de commettre tous les crimes de guerre dont nous parlent la RTBF et le CEGESOMA, qui les supposent incontestables, sinon à tout le moins plausibles ? Car tous ces hommes effectuant un salut nazi avant de partir pour quelque action inavouable ne sont pas vêtus d’uniformes réglementaires, ni d’ailleurs de tenues sportives. Continuerez-vous donc à prétendre que cette photographie illustre bien un innocent match de football et non pas une “Page sombre de notre histoire ? » persifle en conclusion notre correspondante faussement ingénue.

    Nous rassurerons immédiatement notre charmante amie, en même temps que tous nos lecteurs : l’image proposée par les faussaires subsidiés de la télévision belge a bien été soigneusement sélectionnée pour donner quelque crédibilité à leur propos censé impliquer des Légionnaires wallons sans uniforme dans des « crimes de guerre » et autres « massacres de civils » !

    Calendrier 11.2019 Foot Légion.JPG


    E
    t notre correspondante a parfaitement reconnu la photo diffusée : ces hommes saluant bras droit tendu appartiennent bien aux Volontaires wallons, comme l’indique le drapeau à croix de Bourgogne sous lequel ils sont alignés. Même s’il ne s’agit pas de l’affiche fantaisiste à marteau et épée dénoncée par la RTBF, il s’agit bien de l’étendard de la Légion Wallonie. Mais, s’affichant sans vergogne en vêtements civils, ces hommes déterminés ne seraient-ils pas les membres de ce Corps franc soupçonné de tous les crimes de guerre par le CEGESOMA, aux ordres de l’occupant dont on aperçoit des représentants, en uniforme ceux-là ?

    Le centre d’histoire des Archives de l’Etat belge a certainement dû retourner toute sa documentation pour trouver cette seule et unique photo où l’on voit des Légionnaires wallons ne portant pas d’uniforme, sans être manifestement au repos !

    Il n’empêche qu’il s’agit bien, –comme indiqué dans le calendrier du « Dernier Carré »–, d’une photo prise à l’occasion d’un match de football disputé par les Légionnaires en mai 1942. Et les « historiens » du CEGESOMA pouvaient d’autant moins l’ignorer qu’ils ont repêché ce document dans la série de douze photographies de propagande de la Légion Wallonie, éditée pour les fêtes de fin d’année 1942 au profit du Service Légionnaire d’entraide et de protection aux familles d’engagés (dirigé par le major Georges Jacobs, ancien Commandeur de la Légion, et qui remplaça, à partir du 15 décembre 1942, Solidarité Légionnaire, le service social présidé par l’épouse de Léon Degrelle, Marie-Paule Lemay : ce blog aux 8 août 2017 et 15 décembre 2020).

    Carte postale Foot recto-vert.jpg


    C
    es cartes présentent en effet toutes, dans le coin supérieur gauche de la photo imprimée au recto, l’écusson de bras de la Légion, aux trois couleurs nationales belges surmontées de la mention « Wallonie » (ce blog au 2 février 2021). Au verso, dans la partie réservée à la correspondance, la carte s’orne en filigrane du fameux bas-relief d’Arno Breker, Combat contre les serpents entouré d’un cartouche affirmant « L’Europe connaît le bolchevisme et lutte contre lui jusqu’à la victoire finale ». Cette sentence est quelque peu paraphrasée au bas de la carte : « L’Europe connaît le bolchevisme, et le combattra jusqu’à la victoire finale. » En exergue, cet aphorisme : « Des Wallons combattent pour la liberté de l’Europe. »

    Breker Combat Serpents.jpegPrésenté à la grande exposition « Arno Breker » au musée de l’Orangerie à Paris du 15 mai au 31 juillet 1942, le bas-relief Der Rächer Le Vengeur », sculpté en 1940-41) a reçu comme appellation « Combat contre les Serpents. Etude pour un relief en pierre ». Dans l’ouvrage publié à cette occasion par Charles Despiau (Arno Breker, Flammarion, 1942 ; la photo du bas-relief, signée Charlotte Rohrbach, se trouve à la page 102), le grand sculpteur français écrit : « Toucher le peuple, l’émouvoir, l’exalter au-dessus des tâches, telle est la mission que s’est donnée Arno Breker ; et si sa statuaire est colossale c’est afin de parler non pas seulement à l’individu, mais aux masses assemblées ; de les appeler à la communion dans la Beauté, dans l’Idéal. Que nombre de ses œuvres soient déjà popularisées, que leurs formes déjà hantent les mémoires, que leurs photographies ornent des chambres d’étudiants, des chambrées de soldats […] voila qui prouve assez en faveur de son esthétique. Que la jeunesse, enfin, devant les héros qu’il expose, beaux de forme et nobles d’accent, dise ou pense : “Voilà ce que je voudrais devenir”, cela montre la valeur hautement éducative d’un art imprégné d’idéal. » (p. 112)

    La carte postale qui nous occupe, montre donc bien deux équipes de football (le ballon se trouve entre les pieds du cinquième joueur de l’équipe alignée à gauche) se saluant sous le drapeau de la Légion Wallonie, avec cette légende on ne peut plus explicite : « Les Wallons sont des amateurs enthousiastes de sport ! Avant un match de foot-ball contre une équipe de camarades allemands. » Ces joueurs ne portent évidemment pas leur uniforme de campagne et n’ont pas revêtu non plus de tenue sportive, ni chaussé de crampons… Il faut dire qu’ils se trouvent sur le front d’Ukraine (plus exactement, fin mai 1942, en repos après avoir participé aux combats de la Seconde Bataille de Kharkov qui valurent à Léon Degrelle sa Croix de Fer de Première Classe) et que la tenue de footballeur ne fait pas vraiment partie de leur barda réglementaire… D’où ces tenues hétéroclites : chemises à manches courtes ou retroussées, shorts improvisés et godasses ou souliers peu adaptés aux matchs de foot professionnels…

    LD CF 1Cl. Pays réel 1942.06.09.JPG

    La Croix de Fer de Première Classe de Léon Degrelle fait la « Une » du Pays réel, le 9 juin 1942.

    Comble de malchance pour les escrocs du CEGESOMA, ce match a même eu les honneurs d’un compte rendu –en première page !– dans Le Pays réel du 6 juin 1942. Ce reportage est surtout révélateur de la compassion des Légionnaires pour la population locale (que le journaliste-légionnaire, Ferny, n’identifie pas comme « ukrainienne », mais appelle indistinctement « russe »), de la sympathie réciproque que chacun se manifeste, et donc –dans toute son évidence– de la parfaite mauvaise foi des menteurs professionnels chargés de réécrire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale de manière toujours plus horrifique.

    Pays réel 1942 06 06 p.1 b.JPG« Le petit village russe que nous occupons ne nous offre aucun moyen de nous délasser agréablement ; comme partout en Russie soviétique, il y fait sale, il y fait triste… triste à mourir… Des chaumières délabrées, des pistes affreuses, les mines résignées et les yeux sans éclat des habitants de l’endroit (leur esclavage dure depuis vingt-cinq ans !), voilà tout ce qui s’offre à nos regards… Ce n’est pas folichon !

    Aussi n’est-il pas exagéré de dire que, une fois le service terminé, si nous étions libres durant quelques heures, nous nous ennuyions royalement.

    Mais ce dimanche, un beau dimanche de mai, nous avons passé un charmant après-midi sportif. Les camarades allemands occupant le village voisin avaient organisé une petite fête à laquelle était invitée l’équipe de football de la Légion Wallonie.

    Un peu avant trois heures, nous assistons tout d’abord à une compétition intéressante à laquelle participent les meilleurs spécialistes allemands. Intéressante, mais… difficile. Pensez donc ! : les concurrents doivent, au pas de course, et porteurs du fusil et du masque à gaz, sauter un fossé, franchir une série d’obstacles placés en chicane, passer sur une poutrelle étroite, charger l’arme et tirer sur une cible, puis, toujours courant, remettre le masque à gaz et revenir au point de départ en passant une dernière série d’obstacles !

    Ensuite, petit intermède comique : la course de sacs. Ce jeu est également très connu chez nous : les trémoussements des concurrents empêtrés dans leur sac étroit provoquèrent bien des éclats de rire.

    Au programme figurait encore une course de chevaux… avec jockeys russes. Nous avons déjà dit que les Russes sont en général d’excellents cavaliers, leur agilité et la vitesse de leurs chevaux sont réellement étonnantes. Ils furent acclamés comme ils le méritaient.

    Enfin, ce fut le grand match “Allemagne – Belgique”. Nous avons perdu par 2 à 8, mais ce résultat n’était nullement déshonorant pour les équipiers bourguignons qui n’avaient pas eu le temps de s’entraîner. Lutte courtoise et très sportive où tous rivalisèrent d’entrain.

    Tout de suite après eut lieu, devant les compagnies rassemblées, la remise des distinctions aux concurrents qui s’étaient spécialement distingués. La fête sportive proprement dite était terminée. Mais la population de l’endroit nous donnait tout aussitôt et gratuitement, un autre spectacle : chants et danses russes par un groupe de jeunes filles ayant mis, pour la circonstance, leurs plus beaux atours.

    Bref, réunion charmante pendant laquelle le Chef de REX signa de nombreuses photos pour les camarades allemands qui l’assaillaient littéralement. »

    Foot mai 1942 a-vert.jpg

    Deux autres photographies nous sont parvenues, qui documentent ce dimanche sportif de mai 1942 sur le front d’Ukraine. Celle du haut montre les deux équipes de football et les arbitres au milieu du terrain avant le coup d’envoi. Sur le périmètre, des militaires sont assis ou debout en spectateurs, au pied du mât où flotte le drapeau bourguignon.

    La photo du bas montre une autre partie de l’assistance où se mélangent, sans protocole, militaires wallons et allemands et population ukrainienne locale : des hommes, de nombreuses femmes et beaucoup d’enfants aussi… A noter, à l’arrière-plan, un des « jockeys russes » et sa monture dont l’agilité et la vitesse firent une vive impression.

    Tous documents démontrant l’inanité de vouloir associer les Volontaires de la Légion Wallonie à quelque crime de guerre envers la population civile ukrainienne ou russe. Etablissant aussi la fausseté méchante des accusations des soi-disant historiens du CEGESOMA et des agit-prop des grands médias de désinformation : ces serpents que nous nous devons aussi de combattre.

  • Hommage à l’épouse de Léon Degrelle ?

    Lors d’un voyage à travers les méandres d’Internet, quelle ne fut pas notre surprise de tomber sur une pièce musicale intitulée Degrelle’s Woman.

     

    Opus-7.jpgIl s’agit du quatrième morceau d’un disque intitulé Opus 7, interprété au piano seul par un certain Tom Fahy. La pièce ressemble à de la musique de salon, un peu « jazzy », et parfaitement interchangeable avec les onze autres compositions du disque. Leurs titres ne laissent deviner aucun autre intérêt pour l’ultime Commandeur de la Légion « Wallonie ». Tous les titres sont en anglais, sans lien avec l’histoire de Léon Degrelle : « Les chambres de Cerro Concepción » (quartier allemand de Valparaiso, Chili), « Quand tu étais quatre », « C’était une bonne vie… et courte », « Loin du sang, loin du sentiment »,… Deux titres sont en allemand : « Die letzte Geburt Haus » (la dernière maison natale) et « Gleichschaltung » (nivellement) et deux titres portent un nom féminin : l’épouse de Joseph Goebbels (« Magda’s Theme ») ? la fille de Heinrich Himmler (« Gudrun’s Prize Pedant ») ?

     

    Nous n’avons rien trouvé de bien substantiel sur ledit Tom Fahy, ni photographie, ni biographie, sauf ces quelques bribes.

     

    Tom Fahy est un compositeur-interprète jouant indifféremment du piano, de la trompette, du saxophone, de la guitare et… du « Wagner-Tuba ». Il a formé un groupe de jazz à Honolulu en 1991 qui a produit en vingt ans une foultitude de disques dont deux au moins présentent une pochette de «mauvais» aloi (label «Stag Records»). Ajoutons que l’essentiel de l’œuvre de cet artiste prolifique porte des titres dont n’apparaissent que les consonnes, habitude bien connue des langues permettant de lire aussi bien « Yahvé » que « Jéhovah »…

     

    Opus-6-horz.jpg

     

    L’artiste serait décédé en juin 2009.

     

    La seule chose qui puisse être ajoutée à ce pauvre commentaire est ce que l’auteur lui-même a écrit (ou paraphrasé de Mein Kampf) pour la pochette de son disque :

    « Si par votre comportement, vous ne reflétez pas la solidité de votre personnalité, vous ne serez d’aucune utilité pour l’Etat, quelle que soit votre race. Si votre conduite est ignoble, votre éducation pauvre, votre aptitude à raisonner étique, pas plus vous que votre progéniture n’aurez une quelconque valeur ici-bas : le Futur appartient à la Qualité.

    Tom Fahy, De l’Etat »

     

    Alors, quelle est l’origine de l’inspiration de Tom Fahy pour son « Degrelle’s Woman » ? La première épouse de Léon Degrelle, Marie-Paule Lemay ? Les conquêtes féminines du « Beau Léon » ? La bien-aimée seconde épouse de l’exilé espagnol, Jeanne Brevet ? Bien malin celui qui pourrait déduire quoi que ce soit de cette musiquette euphonique…

    LD culotte golf+Lemay-horz.jpg

    A gauche, Marie-Paule Lemay, à l’époque de ses fiançailles avec Léon Degrelle. A droite, Jeanne, seconde épouse de Léon Degrelle dont elle emplit d’amour toute sa vie de proscrit.