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robert de vroylande

  • Léon Degrelle, par Frédéric Saenen

     

    Une biographie grand public ? Sans a priori ?

    La réponse est déjà dans le Prologue !

     

     

    À peine avions-nous reçu de notre fidèle petit libraire de quartier la nouvelle biographie de Léon Degrelle que nous parvenaient déjà des messages nous demandant si nous l'avions lue et, surtout, ce que nous en pensions.

     

    Nous n'avions certes pas l'intention de nous jeter toutes affaires cessantes sur cette brique épaisse car d'autres priorités se sont imposées à l'organisation de notre temps et puis, avouons que la présentation de l'éditeur ainsi que le commentaire bouffon déféqué par le mensuel Historia (ce blog au 28 février 2025) ne nous ont guère encouragé à tout laisser tomber pour sa lecture...

     

     

     

    Où est le temps...

     

    Historia HS 32 Int. SS.jpegLes temps changent. Les mentalités aussi, hélas...

     

    Qui oserait encore publier aujourd'hui un dossier sur la SS affirmant « On ne songe plus aujourd'hui à assimiler les combattants de la Waffen SS aux bourreaux des camps de concentration » ? Et confier la rédaction des articles à un Jean Mabire, spécialiste incontesté de la Waffen SS mais condamné aujourd'hui par l'encyclopédie de la bienpensance Wikipédia pour exprimer « une pensée politique classée à l'extrême droite, proche des milieux néo-fascistes » ? Ou à d'anciens Volontaires du Front de l'Est, même sous pseudonyme, tels Saint-Loup, Paul Terlin ou Henri Fernet ?

     

    Ce fut pourtant l'honneur du mensuel Historia qui sortit en 1973 son 32e Hors Série intitulé L'Internationale SS, 600.000 étrangers français, belges, suisses, etc...

     

    L'auteur de Les SS de la Toison d'Or y rappelait d'ailleurs le surnom Modeste Ier de Bourgogne donné plaisamment par ses hommes à Léon Degrelle, toujours fier et hardi. Et il en faisait le titre glorieux de son article (ce blog au 22 janvier 2016). Au lieu qu'aujourd'hui, Frédéric Saenen et, à sa suite, Historia, version woke contemporaine, en font un sobriquet sardonique : « ses légionnaires, railleurs, le surnomment Modeste Ier, roi de Bourgogne » (p. 8)...

     

    L'historien Jacques de Launay –qui rencontra Léon Degrelle en 1973– a témoigné qu'après la défaite, il ne s'agissait aucunement de raillerie : « Ses camarades de guerre l'appellent affectueusement Modeste » (Histoires secrètes de la Belgique, 1935-1945, p. 194). Ce que confirme Paul Terlin (le héros Henri Moreau, grand mutilé de guerre) qui précise l'origine du surnom, à la fois respectueux et spirituel, dans le récit des combats d'épouvante pour le village de Starosselié, en Ukraine : « Debout dans sa voiture, Léon Degrelle retrouve la voix et les gestes du tribun pour arrêter la débandade. [...] jamais brave officier ne fut aussi bon orateur. Celui que nous nommons entre nous Modeste Ier de Bourgogne, en raison de la gloriole qui accompagne ses exploits, galvanise les fuyards. [...] Magie du verbe et du courage. Les Rouges s'attendaient à tout, sauf à ce coup de gueule providentiel du chef rexiste. » (La Neige et le sang, p. 84).

     

    Historia HS 32 Saint-Loup.jpeg

     

    Nous ne pouvons, de plus, qu'engager l'amateur de sobriquets à vérifier la source de ses citations incorrectes, puisqu'il ne put jamais être question de « roi de Bourgogne », la principauté chère à Léon Degrelle étant celle du duché de Jean sans Peur, Philippe le Hardi, Philippe le Bon et Charles le Téméraire.

     

     

     

    Mais bon, les désirs de nos lecteurs nous étant tout de même quasi des ordres, nous avons enfin ouvert ce livre qui se présente comme la « première biographie grand public » de Léon Degrelle.

     

    En tenant l'ouvrage en mains –350 pages sans la moindre illustration, accompagnées d'un important appareil critique de bas de page et de plus de trente pages de notes–, nous nous demandons tout de même ce que l'éditeur considère alors comme ouvrage « non-grand public » !

     

    Autrement agréables à lire par leur style et leur mise en pages, enrichis de photographies parfois originales et toujours pertinentes, bref parfaitement « grand public » nous semblent –même si nous ne sommes pas toujours vraiment d'accord avec le contenu– les livres d'André Liénard (Légion Wallonie, ce blog au 3 mai 2021), Jean-Marie Frérotte (Le dernier fasciste, ce blog au 21 juin 2018) ou même Arnaud de la Croix (Degrelle, 1906-1994, ce blog au 13 décembre 2016) !

     

    Ici, le bouquin a tout l'air du pensum lourdement indigeste. Et, surtout, loin de l'affirmation péremptoire de la pub en quatrième de couverture d'être « Sans a priori ». Les quatorze pages du Prologue ne font en effet rien d'autre qu'exalter les a priori de l'auteur !

     

    Sans doute est-ce pour tenter de le cacher qu'il a intitulé aussi sobrement sa biographie Léon Degrelle, Mais quel est le Léon Degrelle qu'il se propose de nous présenter ?

     

    Son projet, nous assène-t-il, est de « se focaliser sur le destin d'un rejeton de la petite bourgeoisie ardennaise [...] qui, une fois relégué dans le camp des vaincus, s'est ingénié à forger avec complaisance son propre mythe » (p. 16) ; de raconter « L'histoire d'un Belge qui, sous des dehors caricaturaux et une bonhomie de façade, dissimulait un être à la fois autoritaire, assoiffé de notoriété et de pouvoir, roublard en affaires, jaloux et colérique, souvent veule et toujours comédien en représentation, doté d'une inébranlable assurance de soi qui pouvait l'amener jusqu'au déni de réalité » ! (p. 20). Mais aussi de présenter ce « fugitif, [...] trafiquant d'art, négationniste » (p. 8), incarnant « une figure repoussoir, contre-exemple absolu de l'éthique en politique » (p. 11)...

     

     

     

    LD Iberico CEDADE.jpg   LD + Lion CEDADE.jpeg

     

    Léon Degrelle « trafiquant d'art » soutient d'emblée Frédéric Saenen dans la deuxième page de son Prologue. En 1988, un scandale médiatico-judiciaire fut monté de toutes pièces : Léon Degrelle tenterait de monnayer des « trésors nationaux » espagnols à l'étranger !

     

    Mais le « trafiquant » produisit immédiatement les titres de propriété de ses antiquités et, la baudruche s'étant dégonflée à la confusion de ses calomniateurs, de rédiger illico presto la savoureuse brochure Léon Degrelle, un lion ibérique nazi publiée en espagnol par le CEDADE (Cercle Espagnol des Amis de l'Europe, ce blog au 4 février 2017). Frédéric Saenen le sait, mais pour lui, c'est sûr, il n'y a pas de fumée sans feu !

     

    Aujourd'hui le lion ibérique –toujours en Espagne en tant que trésor national inaliénable– est la propriété d'un ami de Léon Degrelle, héritier d'une grande maison de luxe.

    Ci-dessus, à gauche, la couverture de la brochure polémico-divertissante de Léon Degrelle ; une affiche tirée à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires couvrit les murs de Malaga, Madrid et Barcelone pour annoncer sa publication. À droite, Léon Degrelle pose devant le fameux lion celtibère qui ne quitta jamais ses propriétés (ici, dans sa Cabaña de Fuengirola ; photo extraite de la brochure du CEDADE).

    Ci-dessous, dans son appartement de Madrid, l'éternel amateur d'art épris de beauté et d'histoire, présente quelques-uns de ses trésors antiques.

     

    LD Antiquités.jpg

     

     

    N'en jetez plus ! Nous nageons effectivement dans le dénigrement diffamatoire plein d' « a priori », et ce, avec une jouissive complaisance !

     

    Nous craignions avoir affaire à « un énième opus politiquement correct » (ce blog au 28 février) ? Eh bien, nous serons gâtés ! Car Saenen revendique haut et fort (pp. 16-18) sa filiation avec le « critique littéraire belge Pol Vandromme » qui, dans sa sénescence, s'est dévalué en croyant noyer Léon Degrelle dans sa logorrhée haddockienne (ce blog au 14 avril 2016, mais plutôt que chez Vandromme, l'épigone reprendra le néologisme invectif egotrombinomanie chez Robert de Vroylande, ce blog au 27 octobre 2020) ; de même qu'il salue l'expertise de « l'écrivain Jonathan Littell » qui a « analysé la psyché de la masculinité fasciste » [sic] chez Léon Degrelle dans un obscène follicule scatologique (ce blog au 8 février 2018), et se place sous l'autorité de « chercheurs érudits » comme Eddy De Bruyne dont nous avons illustré les limites sévères de l'érudition (ce blog à partir du 23 mars 2017)... Mais la cerise sur le gâteau, c'est la génuflexion révérencieuse devant l'un des « historiens patentés » à la patente la plus rance de péremption qui soit, Francis Balace himself (ce blog, entre autres, au 12 mars 2019) ! Et de justifier sa prosternation devant le clown Poprof de l'Université de Liège par cette citation propre à déshonorer la recherche universitaire : « Degrelle mémorialiste appartient plus désormais au domaine du psychiatre qu'à celui de l'historien » (p. 18 ; sur les délires balaciens, voir aussi ce blog au 30 juin 2016) !

     

    Dès lors, Fédéric Saenen se fout royalement de notre balle en prétendant déduire on ne sait de quoi la nécessité de sa publication : « Il manquait donc, à l'usage du grand public francophone, une biographie complète de Léon Degrelle » !

     

    Outre que la précision « francophone » est pour le moins incongrue, ce nouvel ouvrage de la cancel culture de l'histoire du rexisme et de la Seconde Guerre mondiale en général et de Léon Degrelle en particulier ne se justifiait donc en rien. Ce qui manque au contraire de manière criante, c'est un ouvrage moderne qui rende justice au fondateur de Rex (dont l'importance historique inquiète manifestement encore), au pourfendeur des banksters (qui sévissent plus que jamais aujourd'hui) et au chantre de la révolution des âmes (toujours indispensable mais rendue héroïque dans une société qui s'ingénie à inverser toutes les valeurs) ; un ouvrage défendant enfin l'honneur de celui qui s'était donné pour mission « de repeindre de neuf chaque cœur délaissé, lassé, souillé, de recomposer une véritable communauté humaine, juste, fraternelle, de ranimer en elle les plus hautes vibrations d'âmes. » (Léon Degrelle : persiste et signe. Interviews recueillies pour la télévision française par Jean-Michel Charlier, p. 55).

     

     

     

    Autoportrait fasciste.jpgLes effets d'Autoportrait d'un fasciste, le « Dossier Noir » consacré à Léon Degrelle par Jean-Michel Charlier, tels que les imagine Alidor.

     

     

    Saenen ose parler de « biographie complète », mais jamais dans ce Prologue de présentation de son bouquin, il ne parle de sa méthode de travail, de son éventuel souci d'objectivité, de l'enquête qu'il aurait menée à charge et à décharge. On ne trouvera pas non plus d'explication de sa démarche qu'il veut manifestement étrangère à celle que s'imposa, par exemple, l'exigeant et irréprochable Jean-Michel Charlier pour la réalisation de son Dossier Noir consacré à Léon Degrelle (Autoportrait d'un fasciste) et jamais diffusé par les télévisions qui l'avaient financé (ce blog au 1er juillet 2017 : les deux liens donnant accès au film que nous avions renseignés ont également été démocratiquement rendus inopérants !) : « mon propos n'était ni de le défendre, ni de le pourfendre, mais de réaliser [...] un travail rigoureusement objectif et honnête. » (Persiste et signe, p. 11).

     

    Frédéric Saenen rejette d'ailleurs explicitement comme inutile, sinon néfaste, la « méthode Charlier » consistant à confronter tous les intéressés aux déclarations de Léon Degrelle afin de garantir une stricte impartialité dans l'information : « cette démarche aurait été peu fructueuse [...] ; qu'aurait d'ailleurs ajouté ce témoin [Fernand Kaisergruber] à son gros volume de souvenirs Nous n'irons pas à Touapse [...] ou aux quelques interviews accordées deux ans avant sa mort [ce blog, entre autres, aux 21 janvier 2017 et 29 mars 2018] ? De même pour les descendants de Degrelle : est-il jamais possible d'obtenir un portrait nuancé de cet homme de la part de celles et ceux qui ne le connurent que comme grand-père raconteur d'anecdotes truculentes ou parent au sombre passé ? Et que compter entendre d'autre de la part de ses admirateurs fanatiques que la régurgitation de sa version canonique des faits ? » (p. 17).

     

    Parmi ces « admirateurs fanatiques », figure sans doute le Cercle des Amis de Léon Degrelle que Frédéric Saenen a l'air de condamner à mort en 2017, ignorant apparemment son indispensable Correspondance privée trimestrielle dont nous rendons pourtant toujours régulièrement compte.

     

    Mais il le sait certainement puisque, juste après avoir parlé du Cercle, il fait à notre blog Dernier Carré Léon Degrelle l'honneur de lui consacrer un paragraphe de quelques lignes. Très probablement devons-nous donc également être englobés parmi les fanatiques régurgitant les canons degrelliens. C'est en effet ainsi qu'il doit considérer notre prétention d'éclairer objectivement, par un travail élémentaire de recherche et d'interprétation contextualisée de tous documents connus ou inédits, la personnalité et la vie de Léon Degrelle.

     

    Voilà qui doit être insupportable au néo-biographe qui entend faire carrière dans le sillage woke des prétendus spécialistes qu'il vient de citer. Aussi ne manquera-t-il pas de nous discréditer en traitant nos commentaires de « mises au point orientées », réduisant notre action à la promotion de « l'abonnement à [notre] bulletin annuel [qui était irrégulier, certes, mais plus ou moins trimestriel] ou la vente d'un calendrier, illustré de photos d'époque » (la verve blessante de Saenen a oublié nos cartes de vœux de Solstice, Noël et Nouvel An : ce blog au 11 décembre 2019 !) et en dénonçant l'anonymat du ou des animateurs de notre blog... Comme si notre ou nos rédacteurs courraient après quelque honneur académique ou reconnaissance officielle pour leur travail désintéressé alors que tous savent que ne pourraient le ou les « récompenser » que dénonciations et lynchage médiatique et autre...

     

     

     

    LD Bureau Fuengirola.jpg

    Léon Degrelle dans le bureau de sa Cabaña de Fuengirola, rédigeant Le Siècle de Hitler (derrière lui, la Pietà flamande du XVe siècle acquise lors du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, ce blog aux 18 octobre et 26 décembre 2024). « Sous le soleil espagnol, portant chemise claire et veston léger, [Degrelle] déambule avec des allures de vacancier dans les jardins de sa villa andalouse. Quinquagénaire, il pose en sage méditatif, assis à sa massive table de travail, absorbé par la rédaction de ses mémoires » persifle Saenen dans son Prologue (p. 10). Mais qu'attendre des souvenirs de celui dont le balacien prétend écrire la biographie ? « Degrelle s'est beaucoup (trop) raconté » (p. 17) pour lui accorder quelque crédit ! Aussi, y remédiera-t-il en réécrivant au besoin l'histoire.

     

    Par exemple par le sophisme faisant porter à Léon Degrelle la responsabilité de son état d'apatride étranger indésirable en Belgique, imposé par sa condamnation de 1945 et sa prescription toujours ajournée (sans parler de ses innombrables propositions de revenir à Bruxelles pour un véritable procès contradictoire) : « l'incivique apatride choisit après-guerre de se faire naturaliser espagnol, ce qui lui permet d'échapper habilement à la justice de son pays en s'en rendant définitivement étranger » (p. 9).

     

    Par exemple aussi à propos de ses « crimes de guerre » : « il n'a pas été établi qu'il aurait commis personnellement ou ordonné directement des crimes de guerre » (p. 19), mais son nom est cité dans des minutes du procès de Nuremberg, mais « son cautionnement de la répression violente », mais « sa participation à des prises de décision débouchant sur des exécutions », etc. (voir ce blog au 7 juin 2018). Pour Frédéric Saenen, c'est sûr, il n'y a jamais de fumée sans feu !

     

    Discours 11 1992 Torreon.jpg

    Pour noircir systématiquement Léon Degrelle, Saenen, qui se veut aussi pamphlétaire, n'hésite pas à chausser les pantoufles du vieux radoteur Vandromme, essayant d'adopter son outrance paradoxale : « Son talent oratoire n'est pas loin d'évoquer celui des pasteurs évangéliques superstars aux États-Unis, à la nuance près que le Messie dont il proclame l'avènement, ce n'est jamais que lui-même » (p. 11). Au bémol de la nuance près que le sujet des discours de Léon Degrelle ne fut jamais l'avènement de quelque Messie résolvant miraculeusement tout problème, mais au contraire l'indispensable, personnelle et tellement exigeante révolution des âmes permettant seule une authentique régénération nationale et européenne.

    (Ici, discours de Léon Degrelle au restaurant El Torreón del Pardo à Madrid, en novembre 1992, ce blog au 1er décembre 2020 ; sur l'art oratoire de Léon Degrelle, ce blog au 14 mars 2021).

     

     

    En conclusion de son Prologue, Frédéric Saenen se moque encore fameusement de nous en prétendant (et il souligne ces mots) « prendre enfin au sérieux » Léon Degrelle. Car jamais il ne l'écoutera ni n'essaiera même de le comprendre comme le fit Jean-Michel Charlier et entend toujours le faire le Dernier Carré Léon Degrelle.

     

    Prendre au sérieux Léon Degrelle, décrète-t-il, c'est en « déjouer les séductions ». Et se garder soigneusement d'éprouver jamais pour lui la moindre sympathie (p. 20).

     

    Voilà ce que Saenen appelle une biographie « sans a priori »...

     

    Autant que le lecteur soit prévenu et sache à quoi s'attendre.

     

     

    À suivre (peut-être)

     

     

     

     

    Les « crimes de guerre » de Léon Degrelle

     

    LD Donetz 1942.jpeg

    Horreur ! Le lieutenant Léon Degrelle fait le coup de feu contre les bolcheviques sur le Donetz en juin 1942.

     

    Abordant dans son Prologue la question des crimes de guerre de Léon Degrelle, son biographe « sans a priori » écrit d'une manière sibylline propice aux sous-entendus accusateurs : « À cet égard, la question de sa part de “responsabilité du mal” risque d'occuper encore longtemps les historiens. Son nom n'est en effet cité qu'une seule fois dans les minutes du procès de Nuremberg, très précisément dans le document PS-705 reproduisant des notes secrètes du 20 janvier 1943 relatives à une conférence du comité de travail SS sur l'espace germanique tenue le 12 janvier précédent. » Et d'ajouter en note les références de cette trace exceptionnelle –mais d'autant plus importante– de l'implication de Léon Degrelle dans le mal : « Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international : Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946 : [documents et autre matériel de preuve]. Tome 26, Tribunal militaire international, Nuremberg, 1947-1949, p. 264. »

     

    Bigre ! Voilà du sérieux ! Même si le nom de Léon Degrelle n'est cité qu' « une seule fois », c'est quand même « dans les minutes du procès [...] des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international » de Nuremberg ! Ce n'est pas rien ! D'autant qu'elles reproduisent des « notes secrètes » d'une « conférence du comité de travail SS sur l'espace germanique ». Autant dire qu'il s'agissait peut-être de la préparation d'une espèce d'épuration ethnique criminelle ?...

     

    Mais au fait, pourquoi diable Frédéric Saenen épingle-t-il cette mention dans les archives du Tribunal de Nuremberg en lui consacrant pas moins de neuf lignes (cinq dans le texte du Prologue et quatre dans la note de référence) ? Et pourquoi diable, tant qu'il y est et puisqu'il a tout le matériel sous la main, ne nous cite-t-il pas précisément le court passage –trois lignes et demie seulement !– où Léon Degrelle apparaît ? Car on peut tout de même penser qu'excessivement peu nombreux sont ceux qui possèdent l'édition des quarante volumes documentant le Procès de Nuremberg...

     

    Eh bien, on vous le donne en mille, parce que ces fameuses « notes secrètes » avec le nom de Léon Degrelle ne concernent aucunement quelque travail de nettoyage de l'espace germanique par la déportation ou l'assassinat ! Elles ne font que commenter et pas que positivement ! les premières approches effectuées en janvier 1943 par le lieutenant de la Wehrmacht qu'était alors Léon Degrelle auprès de Richard Jungclaus, représentant de Himmler en Belgique, pour rejoindre la Waffen-SS.

     

    Tout cela est parfaitement documenté par Albert De Jonghe un authentique historien celui-là, et même pas degrellien pour un sou !–, dans son étude fouillée sur « La lutte Himmler-Reeder », dans les Cahiers d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale de décembre 1978. Il cite très exactement sources et texte du rapport destiné au général Gottlob Berger, chef du Bureau central de la SS (SS-Hauptamt). Nous reproduisons sa note avec une traduction exacte, ne laissant plus de place aux extrapolations orientées de Saenen.

     

    De Jonghe LD Trib. Nuremberg.png

    Procès-verbal de la réunion du Comité SS de la Communauté de travail pour l'Espace germanique, le 12.1.1943, 12h, au SS-Hauptamt (IfZM [Institut für Zeitgeschichte München], PS-705 et NO-1783). On lit dans cette note, concernant Degrelle : « Dans l'évaluation du rapport entre religion et politique, il appert qu'en son for intérieur, Léon Degrelle est un esprit latin... C'est un catholique pratiquant qu'il nous faut prendre avec précaution ; d'autre part, c'est un homme dont nous avons encore absolument besoin politiquement. » Cfr aussi IMT [International Military Tribunal], éd. française, XXVI, p. 264.

     

    Ainsi Frédéric Saenen allume-t-il le feu de ses fumées...


    Ne fût-ce qu'évoquer le travail de vérification effectué par un Jean-Michel Charlier sur l'implication éventuelle de Léon Degrelle dans quelque crime de guerre n'entrait manifestement pas dans la démarche « scientifique » du pseudo-biographe du dernier Commandeur de la Légion Wallonie...

     

    Rappelons-en lui tout de même les conclusions définitives !

     

    « Mon tout premier soin fut de vérifier ce que m'avait solennellement affirmé Léon Degrelle : à savoir que jamais il n'avait été recherché, ni condamné comme criminel de guerre, ni même simplement poursuivi comme tel.

    Je me fis communiquer les listes officielles, établies par les Alliés, les Allemands, les Israéliens, et surtout les Soviétiques, puisque, de 1941 à 1945, Degrelle avait combattu pratiquement sans interruption sur le front de l'Est. Je consultai également les listes établies par Simon Wiesenthal (chasseur antinazi) et recensant tous les criminels nazis responsables de crimes contre l'humanité. Le nom de Degrelle ne figurait sur aucune de ces listes. [...] L'exposé des motifs de sa condamnation à mort ne relève d'ailleurs à son égard aucune accusation de crime de guerre, voire de participation, quelle qu'elle soit, à une quelconque action de représailles.

    [...] Léon Degrelle n'a été condamné à mort que pour avoir porté les armes contre les Alliés de la Belgique et avoir constitué une armée à cet effet. »

    (Léon Degrelle : persiste et signe. Interviews recueillies pour la télévision française par Jean-Michel Charlier, p. 13).

     

    Mais sans doute la place de Jean-Michel Charlier est-elle désormais dans les mêmes fosses d'aisance que celles où Saenen précipite les « fanatiques » régurgitant leurs degrelleries ?

     

    LD Himmler 1943.jpeg

    Y a-t-il pire crime que de parler avec le Reichsführer SS Heinrich Himmler et faire la « une » du mensuel National-Socialisme du 15 juin 1943, date du trente-septième anniversaire de Léon Degrelle ?

     

  • « Les ultimes secrets de Hergé » de Bob Garcia : un aveuglement antidegrellien, malgré des sources originales

    VA Tintin Palle Huld.jpegC’est Valeurs Actuelles qui nous l’a appris (c’était le 23 février dernier) : après Paul Remi (le frère de Hergé, ce blog au 1er février 2016), Rouletabille, évoqué par Guillaume Pinson (le fils de la concierge de Tintin lorsqu’il habitait rue du Labrador ?) dans la revue canadienne Etudes françaises (vol. 46, 2010), le motard Robert Sexé (une lubie de Francis Bergeron, ce blog aux 1er février et 4 mai 2016 ; 29 décembre 2021) et Albert Londres (par le faussaire Pierre Assouline, ce blog au 29 décembre 2021), il paraît que « En réalité, il faut regarder vers le Danemark pour y découvrir le prototype de Tintin. […] C’est Palle Huld, un garçon de 15 ans, commis dans un magasin d’accessoires automobiles » !

     

    La démonstration, toute de ragots incertains, signée par Philippe Delorme, laisse plutôt pantois : « On dit que l’abbé Norbert Wallez, le directeur du XXe siècle, le journal catholique pour lequel travaillait Hergé, aurait conseillé à ce dernier de créer un héros ressemblant au jeune Danois » ! Nous ignorons si ce Philippe Delorme a quelque chose à voir avec Paul-André Delorme qui signa naguère dans Rivarol un Léon Degrelle, flamboyant fasciste wallon, surprenant de « correctitude politique » (ce blog aux 13, 20 mai et 21 juin 2018), mais nous retrouvons dans son article une identique propension à la gratuité des « informations » non vérifiées…

    Nous avons, bien sûr, envoyé un commentaire circonstancié et dument référencé à la revue parisienne qui en a publié l’essentiel. Notre surprise fut plus grande encore de voir à notre suite une autre réponse allant semblablement dans notre sens, signée par… Francis Bergeron !

    L’occasion de nous réjouir de la remarquable évolution de l’auteur du malheureux Degrelle, Qui suis-je ? (ce blog à partir du 30 avril 2016) ! Dans sa biographie Georges Remi, dit Hergé (2011), il prétendait que « Tintin est le contraire de Degrelle quant au caractère » ; puis, à propos de son bouquin Hergé, le voyageur immobile (2015), il convenait dans Rivarol que « oui, Tintin, c’est Degrelle. Un peu. » (ce blog au 1er février 2016). Aujourd'hui, il écrit que «  le jeune journaliste du XXe siècle Léon Degrelle, qui portait des culottes de golf, impressionnait [Hergé] par le récit épique de ses reportages et l’a fortement influencé »...

    VA Gérard+Bergeron 1.jpeg

     

    Rappelons qu’au moment de la création de Tintin (janvier 1929), les « récits épiques » de Léon Degrelle ne pouvaient concerner que le saccage, en janvier 1928, de l’exposition bruxelloise à la gloire des Soviets (ce blog aux 29 septembre 2020 et 29 décembre 2021) : il provoqua un séisme politique qui secoua le monde politique belge, fut énergiquement encouragé par l’abbé Wallez, directeur du XXe Siècle, et favorisa l’engagement du courageux antibolcheviste au quotidien catholique où il devint officiellement le confrère de Hergé (précisons que c’est Valeurs Actuelles qui a mis des guillemets suspicieux à ce mot dans notre texte !). Hergé qui, dès son premier numéro de novembre 1927, prêtait déjà ses dessins à la gazette universitaire L’Avant-Garde de Léon Degrelle (ce blog aux 13 mars 2018, 15 octobre 2020 et 31 mars 2021).

    Lorsque donc l’abbé Norbert Wallez commanda à Hergé la création pour la jeunesse d’un nouveau héros qui irait combattre les communistes en Bolchévie, ce ne pouvait qu’être sur le modèle du remuant nouveau confrère Léon Degrelle dont le dessinateur s’inspira au physique comme au moral (ce blog du 21 septembre au 1er décembre 2020).

     

    Palle Huld

     

     

    Garcia Hergé Ultimes secrets.jpegMais revenons à l’article de Valeurs Actuelles. C’est pour présenter un énième ouvrage sur le créateur de Tintin, Hergé, les ultimes secrets, de Bob Garcia, tintinophile auteur de livres que nous ne connaissons pas, que Philippe Delorme en a repris le principal scoop sur « Le vrai Tintin ». Mais dans le livre, l’affirmation spécieuse (« On dit que… ») n’apparaît pas. L’argumentation n’est cependant pas plus convaincante.

     

    Il faut savoir que tout le bouquin prétend –et la plupart du temps de manière pertinente– retrouver des sources d’inspiration de Hergé dans les textes et dessins de Jam (Paul Jamin), Jiv (Jean Vermeire) et d’autres collaborateurs du Petit Vingtième. Mais concernant le jeune Danois ayant « gagné un concours qui lui avait permis d’effectuer un voyage sur les traces du héros de Jules Verne », c’est vraiment pousser le bouchon trop loin que d’oser affirmer que « Le Petit Vingtième révèle rétrospectivement plusieurs sources majeures d’Hergé » (p. 17), car les suppléments jeunesse du quotidien catholique que cite Bob Garcia sont de sept et dix ans postérieurs au début des aventures de Tintin et Milou chez les Soviets.

    En effet, jamais Palle Huld et son tour du monde n’ont été évoqués dans Le Petit Vingtième en 1928. Mieux même, alors que le centenaire de la naissance de Jules Verne est évoqué dans Le XXe Siècle (11 janvier et 11 février 1928), il n’y fut jamais question du scout Danois. Même lorsque le quotidien évoqua « Une façon originale de fêter Jules Verne » en signalant l’initiative de journaux scandinaves envoyant « un de leurs rédacteurs » sur les traces de Philéas Fogg, il ne fut jamais question du concours gagné par Palle Huld.

     

    XXe Siècle 07.02.1928 Ann. J. Verne.png

    Le XXe Siècle du 7 février 1928 évoque l’initiative de journaux scandinaves de tenter de rééditer l’exploit de Philéas Fogg. Mais il ne sera jamais question du concours organisé par le quotidien danois Politiken et gagné par Palle Huld, jeune employé dans un magasin d’accessoires pour automobiles.

     

    Prétendre alors que « le boy-scout danois Palle Huld » inspira le personnage de Tintin car « Un an avant Tintin, il portait un manteau à carreaux, posait sur la Place rouge, et son retour était acclamé par une foule en liesse » (p. 17), c’est vraiment le réduire à rien : un manteau à carreaux (voir à ce sujet le commentaire de Francis Bergeron ; ajoutons que le manteau de Tintin n’est nullement à carreaux, au contraire de son costume !), une pose sur la Place rouge (la photo de Valeurs Actuelles montre aussi une pose devant la Porte de Brandebourg, à Berlin) et un retour de voyage sous les acclamations… Mais rien, par exemple, sur le but du voyage : il n’est absolument pas question dans Les Aventures de Tintin reporter du Petit Vingtième au pays des Soviets de quelque tour du monde, mais d’un reportage sur « ce qui se passe […] en Russie soviétique », ce dont il n’est absolument pas question dans le récit de Palle Huld.

    Paris-Soir  01.05.1928.pngParis-Soir (1er mai 1928) a interviewé le « globe-trotter » Palle Huld et s’amuse de ce qu’il n’ait pas la moindre anecdote à raconter sur son périple à travers le monde. Même pas, n’en déplaise à Bob Garcia, sur « la Russie rouge » où il aurait dû préfigurer Tintin !...

     

     

     

    Ajoutons que les révélations du Petit Vingtième en 1935 et 1938 n’ont rien de « rétrospectif » puisqu’il semble bien que Hergé ne se serait servi de Le Tour du monde en 44 jours de Palle Huld qu’à partir de 1934 pour Le Lotus bleu (mais Bob Garcia n’en donne aucun exemple) et en 1942 pour l’affiche de sa pièce de théâtre (coécrite avec Jacques Van Melkebeke) Mr Boullock a disparu… reprenant l’idée de l’illustration de couverture où l’on voit le jeune Danois effectuer son tour du monde en courant sur un globe terrestre : Tintin, suivi des Dupondt, fait de même, mais en sens inverse.

    M.Boullock a disparu Ed. 6ème Art 1.jpg

    Dans un commentaire d’introduction fort bien documenté, l’auteur du pastiche Monsieur Boullock a disparu (Editions du 6ème Art), met côte à côte la couverture du livre de Palle Huld et l’affiche de cette pièce qui sera jouée au Théâtre royal des Galeries, à Bruxelles, du 26 décembre 1941 au 8 janvier 1942. Il s’agit de la deuxième pièce de théâtre mettant en scène Tintin, après Tintin aux Indes ou Le Mystère du Diamant Bleu, jouée du 15 avril au 8 mai 1941, toujours au Théâtre des Galeries.

     

    Il est clair que pour Bob Garcia, Léon Degrelle n’a rien à voir dans la naissance de Tintin. Et pour n’avoir pas à en parler, rien de tel que le coup du « passez muscade » : « L’abbé Wallez, directeur du Petit Vingtième, demande à Hergé d’utiliser son petit reporter de papier –créé pour l’occasion– pour dénoncer les abus, les dérives et les scandales du régime soviétique. » (p. 15). Sauf que le directeur du XXe Siècle –dont le Petit Vingtième n’était que le supplément jeunesse confié à Hergé, son rédacteur en chef– n’a pas demandé à Hergé « d’utiliser son petit reporter de papier », mais de créer un petit reporter qui serait tout particulièrement « implacable pour tous les pervertis de l’intelligence et du cœur » que sont les bolchévistes (Norbert Wallez, in Le XXe Siècle, 29 janvier 1928), que le pape Pie XI identifierait bientôt comme « intrinsèquement pervers ».

    XXe Siècle 13.01.1928 Saccage.png

    En première page du XXe Siècle, le 13 janvier 1928, l’article-phare célèbre l’action d’éclat des « patriotes belges » emmenés par Léon Degrelle contre les Soviets !.

     

    Le « créé pour l’occasion » de Bob Garcia permet de faire l’impasse sur l’origine exacte du « petit reporter de papier ». Certes, Le XXe Siècle avait rendu compte, le 19 avril 1928, du Moscou sans voiles de l’ancien consul belge en Russie. Mais le héros créé par Hergé pour son supplément Jeunesse n’est évidemment pas à l’image du cinquantenaire Joseph Douillet, mais bien plutôt du jeune Léon Degrelle, pourfendeur tout aussi implacable des bolchévistes comme le chroniqua avec un chaleureux enthousiasme Le XXe Siècle, trois mois plus tôt, le 13 janvier 1928. Tintin devait donc lui ressembler aussi bien au caractère qu’au physique et être un jeune journaliste intrépide et courageux aux fermes convictions spirituelles (l’irréfutable démonstration s’en trouve dans l’introduction Aux origines de Tintin de l’ouvrage posthume de Léon Degrelle, Cristeros, aux éditions de L’Homme Libre, 2020).

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  • Degrelle – Hergé, même combat ! (5)

    Le Sceptre d’Ottokar

    Il ne manque pas, dans l’œuvre de Hergé –surtout dans Quick et Flupke–, de dessins caricaturant Mussolini ou Hitler (ainsi d’ailleurs que n’importe quel dirigeant politique français ou britannique : voir, par exemple, Tintin mon copain, p. 34). Mais c’est surtout Le Sceptre d’Ottokar, (publié dans Le Petit Vingtième dans les années critiques 1938-1939) que l’on brandit pour prouver l’incompatibilité entre Hergé et le nazisme : le conflit borduro-syldave évoque l’Anschluss, les Bordures se servent d’avions « nazis » Heinkel HE 118 et le méchant chef de la Garde d’Acier (démarquage de la Garde de fer du « fasciste » roumain Codreanu) s’appelle Müsstler, nom associant Mussolini et Hitler : pouvait-on faire plus antinazi, et ce, en pleine « drôle de guerre » ?

     

    On ne peut certes que constater que les vilains Bordures ressemblent à des nazis : « à l’époque, c’est bien entendu l’Allemagne qui était visée », déclare Hergé à Numa Sadoul (Tintin et moi, p. 129). En cela, Hergé manifeste simplement qu’il est aussi le produit de son époque et de la société dans laquelle il vit. Société dont les opinions sont bien sûr également modelées par la presse qu’elle lit. Et à cette époque, la presse (y compris catholique) était unanimement aussi bien antihitlérienne qu’antibolchevique. Degrelle lui-même avait consacré un numéro spécial de Soirées contre Hitler dès le 12 mai 1933. Et par la suite, son hebdomadaire a continué d’éreinter le Führer et son régime pendant une grande partie de 1934 et 1935 (20 juillet 1934 : « La terreur hitlérienne, reportage hallucinant »)… Il faudra attendre l’entrevue avec Hitler du 26 septembre 1936 pour que le Degrelle de Prière à Notre-Dame de la Sagesse ne voie plus guère d’incompatibilité avec le Hitler de Mein Kampf avant de devenir définitivement le Degrelle de Hitler pour mille ans !

     

    32 Soirées 1933 05 12.jpegPremier numéro spécial de Soirées sur Adolf Hitler, peu après son accession au pouvoir. Un an plus tard, le ton sera beaucoup plus agressif. Après la défense désespérée de la politique de neutralité face à l’Allemagne et aux alliés franco-britanniques, l’hostilité au régime national-socialiste culminera lors de l’invasion. Le Pays réel titrera en grandes capitales sur toute sa première page, encadrant un grand portrait du roi Léopold III : « Un crime. L’Allemagne attaque la Belgique. […] Rex au service de la Belgique. […] Vive la Belgique ! Vive le Roi ! Vive Léon Degrelle ! » A ce moment, le député Léon Degrelle était déjà incarcéré et soumis à l’arbitraire de la Sûreté de l’Etat belge (voir ce blog aux 30 avril et 6 mai 2017)…

     

    Et si Hergé n’alla peut-être pas si loin, remarquons néanmoins que la détestation unanime de la presse de l’époque manifestée pour Hitler et le national-socialisme ne l’empêcha pas, à la même époque que le Sceptre d’Ottokar, de critiquer le refus des offres de paix de Hitler dans des planches spectaculaires où Flupke montant la garde à la frontière est remplacé par un sourd-muet pour rendre inaudibles et inefficaces les propos amicaux d’un Führer qui s’en repart découragé, ni de publier, en 1939, la série antibelliciste de Monsieur Bellum (voir Tintin mon copain, pp. 58 et 60-62)… A ce propos, nous ne pouvons passer sous silence l’interprétation délibérément mensongère de celui qui se présente comme un « hergéologue distingué », Philippe Goddin, larbin en chef de la Fondation Hergé, chargé du lissage politiquement correct de l’image de Hergé. Contre toute vraisemblance, il n’hésite pas à présenter cette planche destinée à l’hebdomadaire Vers le Vrai de son ami d’enfance Julien De Proft (condamné à deux ans de prison par les tribunaux d’épuration) comme un acte hostile à Hitler : « Un vétéran belge de la Grande Guerre juge plus prudent de remplacer son jeune compatriote, qui n’est autre que Flupke, par un sourd-muet, moins exposé à la propagande de cet inquiétant Führer » (Philippe Goddin, Hergé, Lignes de vie, p. 197 ; ce tricheur multipliera ainsi les contresens en réinterprétant tous les engagements de Hergé pour s’efforcer de les désamorcer, ainsi, par exemple, du sens pourtant limpide de L’Etoile mystérieuse, p. 292 : «Certains iront jusqu'à assimiler la bannière étoilée du Peary à un gage donné aux Allemands. Une vue contestable [...]. Le gouvernement des Etats-Unis n'est impliqué ni de près ni de loin dans l'histoire. »).

     

    Mais revenons au Sceptre d’Ottokar pour y découvrir que ce n’est pas tant l’essence du national-socialisme qui y est dénoncée (dont le culte de la beauté et de la nature eût dû séduire Hergé), mais plutôt les emblèmes, organisations, saluts,… si faciles à caricaturer. Et d’ailleurs, nous affirmons que ce faisant, Hergé dénonce tous les « régimes aveuglément dictatoriaux » mis dans le même sac : « La Bordurie est clairement un régime fasciste [mais] la Bordurie est tout simplement un état policier, c’est tout. Et je suis contre les états policiers, point » explique-t-il aux journalistes de Humo (11 janvier 1973, p. 21). C’est d’ailleurs ainsi qu’il faudrait lire le nom du despote Müsstler un peu autrement que le précise Hergé à qui on reproche à ce moment ses prises de positions anticommunistes : Müs-st-ler, pour Mussolini, Staline et Hitler. Hergé cherche en effet alors à se dédouaner dans ses interviews à Humo ou à Numa Sadoul : « le mauvais du Sceptre d’Ottokar ne s’appelle-t-il pas Müsstler, combinaison évidente de Mussolini-Hitler ? » (Numa Sadoul, Tintin et moi, p. 129). Mais dans son interview aux néerlandais Heinemans et Van Impe, il supprimera encore un dictateur, rendant complètement caduc son jeu de mots : « Mon “Müsstler” dans Le Sceptre d’Ottokar , c’est Mussolini » (Elsevier, 22 décembre 1973, p. 155)…

     

    De même qu’on fait toujours semblant d’oublier que si la Garde d’Acier évoque sans doute la Garde de Fer –le mouvement nationaliste roumain–, son antenne syldave, le ZZRK, porte, elle, un nom aux relents bien soviétiques : Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät ! Quelque dix ans après la guerre, dans l’Affaire Tournesol, la Bordurie sera d’ailleurs clairement identifiée à un état stalinien, avec les moustaches du Petit père des peuples comme emblème national.

     

    Parlant de son essence, il faut bien convenir que le national-socialisme est avant tout une éthique de vie et même une esthétique de vie où le destin personnel ne s’accomplit qu’en communion avec et pour les siens. À partir de là, on comprend mieux la démarche de Hergé : son opposition au régime bordure qui a des allures nazies dans Le Sceptre d’Ottokar alors qu’il devient plus clairement soviétique dans L’Affaire Tournesol, ressortit davantage à la dénonciation de toute dictature imbécile où ne peuvent exister ni épanouissement individuel ni justice sociale (voir, dans la conclusion Comment rester Tintin sans Léon Degrelle, ce que Hergé illustrera dans les Picaros). C’est également ce qu’avait manifestement compris la censure allemande lorsqu’elle signifia à l’auteur du Sceptre qu’elle avait bien saisi ses intentions profondes (voir plus loin le sujet La tragédie de la « libération »).

     

    Le gommage des traits antisémites

    À l’appui de la rupture radicale qu’aurait opérée Hergé avec ses « péchés de jeunesse », on a relevé con amore la saga impressionnante des « corrections » supprimant les gags mettant en scène des juifs, changeant les noms à consonance sémitique, réécrivant, redessinant ou modifiant tout ce qui pourrait encore donner prise à l’infamante accusation de racisme (voir Tintin mon copain, pp. 150 sv.). Cette course au politiquement correct rendant toujours plus incolores, inodores et insipides les aventures de Tintin a cependant souffert deux exceptions notables.

     

    La première concerne l’absence de suppression (ou de correction) d’une caricature antisémite évidente. Il s’agit d’un dessin de L’Oreille cassée (voir Tintin mon copain, p. 81) où on voit le boutiquier d’un magasin de brocante présenter toutes les caractéristiques caricaturales du juif : nez crochu, dos voûté, barbe, calotte, lorgnons et les mains qui se frottent de plaisir à la perspective d’une bonne affaire (sans parler de l’accent yiddish : « Ah, voui !... »). Ce juif-ci est resté inexplicablement intact, depuis sa première publication dans Le Petit Vingtième, le 21 janvier 1937, jusqu’à ses plus récents tirages d’aujourd’hui !

     

    33 LD T-shirt Tintin Copain.jpgAutre exception, d’un tout autre genre puisqu’il s’agit d’une création originale, véritable « hyperbolisation » du trait juif le plus brocardé, –l’imposante protubérance nasale !–, présentée en une hilarante séquence au second degré et qui nuance de manière surprenante cette autocensure que l’on croyait devenue automatique chez le Hergé d’après-guerre.

     

    Il s’agit du fameux épisode du « nasique » de Vol 714 pour Sidney (p. 42), publié en 1967. On y voit les « méchants » Allan et Rastapopoulos en embuscade dans la forêt indonésienne et surpris par un singe au gros nez mou, le nasique. Effrayé, le singe s’enfuit sous les sarcasmes d’Allan : « Oh ! un… truc, un… chose, un… un nasique ! C’est ça, un nasique !...Ha ! ha !... Regardez-le détaler comme un lapin ! Quel pif !... Non mais, quel pif !... vous avez vu ce pif ?!... Il me rappelle vaguement quelqu’un… Mais qui ?... » A ce moment, Allan, décomposé, croise le regard furieux de Rastapopoulos avec son gros nez sémitique !

     

    Mais Rastapopoulos est-il juif ? Certains ont prétendu que l’affairiste grec Aristote Onassis lui aurait servi de modèle, au moins dans cette aventure de Tintin où il reçoit sur son yacht luxueux la cantatrice Bianca Castafiore, tel Onassis invitant la « jet-set » internationale à bord du somptueux Christina, avec surtout une certaine Maria Callas…

     

    D’autres insistent sur une lettre de 1973 dans laquelle Hergé présente son personnage comme suit : « Rastapopoulos ne représente exactement personne en particulier. Tout est parti d'un nom, nom qui m'avait été suggéré par un ami ; et tout s'est articulé autour de ce nom. Rastapopoulos, pour moi, est plus ou moins grec levantin (sans plus de précision), de toute façon apatride, c'est-à-dire (de mon point de vue à l'époque) sans foi ni loi ! ... Un détail encore : il n'est pas juif ! » (Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, p. 105)

     

    Le « détail » a son importance car il contredit tout ce qui précède et qui caractérise traditionnellement le juif dans la caricature : apatride, sans foi ni loi… La parenthèse « (sans plus de précision) » qui s’applique à « grec levantin » empêche de préciser qui le terme « levantin » désigne. C’est-à-dire la population non musulmane de l’Empire ottoman, principalement juive. Et levantin juif n’exclut bien sûr pas d’être « plus ou moins » d’origine grecque (comme Onassis, originaire de Smyrne !)… D’où la nécessité du détail rédempteur : « il n’est pas juif ! »

     

    On le voit : cette explication de Hergé sent l’embrouille, et pour cause : il s’agit d’une réponse (10 novembre 1973) au courrier d’un lecteur de l’hebdomadaire Tintin (Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, p. 105, n. 1). Passé maître, depuis l’épuration de 1945, dans l’art du camouflage, Hergé a l’habitude de noyer le poisson, comme lorsqu’il répond, en 1961, à un autre lecteur qui lui demandait « Comment vous voyiez-vous il y a 15 ans ? » , c’est-à-dire en 1946 : « Conscient de l’importance de la question, je désire que nos lecteurs profitent de l’expérience que j’ai acquise dans ce domaine. Pour me voir, j’ai toujours utilisé, il y a quinze ans comme aujourd’hui, et avec d’excellents résultats, un appareil extrêmement ingénieux qu’on nomme “miroir” » ! (Tintin mon copain, p. 177)

     

    34 Vroylande Contes.jpgBien qu’il fût illustré par de magnifiques dessins de Hergé, ce recueil de Fables de Robert de Vroylande (Styx, 1941) ne connut jamais de réédition (à part un fac-simile en trente exemplaires publié par l’Association des Amis de Hergé du Canton de Vaud, en 2005). Et ce, à cause du seul conte Les deux juifs et leur pari décrété antisémite. Rappelons que le très catholique Robert du Bois de Vroylande, après avoir été rédacteur en chef de Rex en 1934-35, rompit avec Léon Degrelle engagé contre les « banksters » du Parti catholique et fit paraître en 1936 les pamphlets rageusement impuissants Quand Rex était petit et Léon Degrelle pourri. Du coup, la bien-pensance d’aujourd’hui n’hésite pas à imputer de manière diffamatoire à Léon Degrelle l’arrestation, la déportation et la mort en camp de concentration allemand en 1944 de l’opposant Robert du Bois de Vroylande, décoré de la Croix du Prisonnier politique à titre posthume…

     

    Pour autant, jamais Hergé n’avait mis en évidence avec une telle insistance le trait physique juif le plus caricaturé : son nez ! Et il le fait par un gag le comparant à l’appendice d’un primate ! Est-ce pour exonérer Rastapopoulos de sa judéité ? On nous permettra d’en douter car l’animal est justement un « nazi-que » : le nom seul, par antiphrase, suffit à évoquer le juif ! Et il est d’ailleurs plus que probable que ce soit le nom même de l’animal (qu’Allan prend soin de répéter à son « patron ») qui a inspiré cette séquence du plus haut comique !

     

    À l’appui de cette conviction, rappelons que, lorsqu’il faisait parler des étrangers fantaisistes (Syldaves, Arumbayas,…) ou lorsqu’il donnait des noms de fantaisie à ses héros: l’émir Ben Kalish Ezab [jus de réglisse] ou le cheikh Bab El Ehr [radoteur] dans Tintin au pays de l’or noir, Endaddine Akass [et ça dans ta caisse] dans Tintin et l’Alph-Art, etc., Hergé utilisait le marollien, dialecte bruxellois uniquement compréhensible par ses lecteurs de la capitale belge. Et, en flamand de Bruxelles, « Nazike » signifie « petit nazi » (à propos du marollien dans l’œuvre de Hergé, voir aussi Tintin mon copain, p. 6)…

     

    Qu’on nous permette enfin de préciser que les traits sémitiques de Rastapopoulos soulignés dans cette séquence au second degré sont comme par hasard associés à un redoutable bankster (président d’une hollywoodienne Cosmos Pictures dans Les Cigares du Pharaon, trafiquant d’opium dans Le Lotus bleu, trafiquant d’armes et d’esclaves dans Coke en Stock, etc.) : dans Vol 714 pour Sydney, ce redoutable chef de gang, gêné « de ne plus être milliardaire », a décidé d’enlever « un célèbre milliardaire », trouvant « plus simple et plus rapide de prendre une partie » de sa fortune… (pp. 3 et 20).

     

    Pareille association est d’ailleurs récurrente dans l’œuvre de Hergé qui, dès Tintin au Congo, y pourfend systématiquement l’impérialisme américain, à l’instar d’un certain Léon Degrelle. L’identification des dirigeants de banques ou de multinationales américaines avec des personnages sémitiques culminera, comme chacun sait, dans L’Etoile mystérieuse où Tintin, mandaté par le « Fonds Européen de Recherches Scientifiques » mettra en échec les manœuvres de la banque américaine Blumenstein/Bohlewinkel (lire le chapitre « L’ennemi : l’impérialisme américain », in Cristeros, pp. 70-75).

     

    Nous conclurons ce chapitre en rappelant la réponse de Hergé aux accusations récurrentes de racisme et d’antisémitisme : « Quand est-ce qu’on va enfin bien vouloir voir ce que le plus petit enfant voit : que tous ces albums sont, de a à z, des caricatures. Les Noirs et les Jaunes et les Peaux-rouges et les Juifs et les Arabes ont tous des traits exagérés et sont laids à faire peur, d’accord. Mais regardez un peu aussi les figures de Blancs : ils n’ont quand même pas l’air plus beaux pour un poil ! Et alors, on me fout dans les pattes que les méchants de l’histoire sont noirs ou juifs ou n’importe quoi. Mais sacrebleu ! Qu’ils comptent une fois combien de mauvais blancs se baladent dans les albums de Tintin ! Rastapopoulos, c’est un brave homme, sans doute ? Et le colonel Boris, Dawson, les frères Loiseau, Miller, le docteur Müller, Allan Thompson, Alfred Halambique, Bohlwinkel et tant d’autres : tous de braves blancs sans doute ? Dans mes histoires, je ne m’intéresse pas aux races, mais aux gens. Comment est-ce que Tintin pourrait vivre une aventure à l’étranger si n’y habitaient pas des gens de l’endroit ? Ces types voudraient peut-être que l’Amérique du Sud ou l’Inde soit remplie de Blancs ? Je trouve toutes ces insinuations parfaitement dégoûtantes ! » (Humo, 11 janvier 1973, p. 24).

     

    Nous remarquerons, au passage, la candeur de Hergé qui évacue l’accusation d’antisémitisme en rangeant simplement les « méchants juifs » parmi les « méchants blancs »… Comme si cela allait suffire aux censeurs de l’inexpiable !

     

     A suivre