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  • Les mémoires effilochés d’Anne Degrelle-Lemay

    VI. Des « histoires » aux allures de méchantes

    carabistouilles !

     

    1.LD+Anne Dispute.jpg

    « J’ai commencé à connaître beaucoup de facettes de la personnalité de mon père. Je suis devenue son principal inquisiteur. Mes interrogatoires étaient constants. […] C’était un incroyable raconteur de carabistouilles […]. Mes questions délicates, pleines de pièges involontaires, fruits de mon esprit cartésien, lui posèrent plus d’un problème » (p. 93).

     

    2.Anne Degrelle Couverture.jpgMalgré son titre Degrelle, l’homme qui changea mon destin, les mémoires d’Anne Degrelle-Lemay, comme nous l’avons constaté (ce blog depuis le 23 octobre 2022), ne nous apprennent pas grand-chose sur la vie d’exil de Léon Degrelle en Espagne. Et nous doutons que, malgré leurs demandes pressantes, la curiosité des arrière-petits-enfants du fils qu’Adolf Hitler se fût choisi pourra s’en satisfaire. Surtout si leur source d’informations privilégiée n’est que leur grand-mère : « Ils me demandent souvent : “Grand-mère, comment vont tes mémoires ?” Je leur ai tellement parlé de leur bisaïeul, qu’ils veulent en savoir plus. Les conversations surgissent sans crier gare dans n’importe quelle réunion familiale, avec des questions et parfois des discussions passionnantes. La troisième génération s’intéresse et veut en savoir davantage. […] Je suis particulièrement fière en voyant leur curiosité pour se rapprocher de cet arrière-grand-père qu’ils ne connaissent que par ses livres et les histoires que leur raconte leur grand-mère. » (p. 165).

    N’oublions pas que le titre de son livre, L’homme qui changea mon destin, s’articule autour de deux personnages : l’homme Léon Degrelle, présenté comme le principal acteur (c’est lui qui agit sur le destin de l’autre) et Anne Degrelle-Lemay qui va raconter cet homme si important qu’il « changea [son] destin ».

    Mais au bout du compte, c’est plutôt le second personnage qui tire la couverture à lui comme elle le laisse entendre à la fin de ses mémoires : « cette biographie n’est pas la mienne en tant que telle, mais plutôt celle d’une fille d’un politique, un poète, un écrivain… que j’ai connu tardivement et que j’ai essayé de juger, toujours selon mes critères propres. » (p. 141). C’est donc bien d’elle qu’il s’agit principalement, surtout lorsqu’elle parle de son père, ou plutôt lorsqu’elle le juge, uniquement « selon [ses] critères propres », non autrement précisés.

    Relisons donc son livre dans la perspective autobiographique : comment se raconte-t-elle ? comment présente-t-elle ses relations avec sa famille et ses proches ?...

     

    3.Pays réel 1936.07.27 Naissance Anne.JPG

    Le Pays réel du 27 juillet 1936 annonce en première page la naissance, deux jours plus tôt, d’Anne, la petite sœur de Chantal Degrelle.

     

    Ce n’est que passé le milieu de son texte qu’Anne Degrelle évoque sa naissance, qui la relie directement au chef de l'Italie fasciste : « [Mon père] me raconta que le jour de ma naissance, il était à Rome et que c’est Mussolini qui lui communiqua l’heureuse nouvelle : le 25 juillet 1936. » (p. 102). Ce qu’elle ne dit pas, c’est que son nom même était un hommage au Duce puisqu’il reprenait celui d’Anna Maria, son dernier enfant, née sept ans auparavant : « J’ai passé avec [Mussolini] une huitaine de jours passionnants, presque familiaux, puisqu’il m’a annoncé lui-même la naissance de ma fille Anne, à qui j’ai donné le prénom de sa dernière fille à lui. » (Jean-Michel Charlier, Léon Degrelle. Persiste et signe, p. 175).

    Détail curieux : dans une autre interview, à Jacques de Launay, Léon Degrelle se serait trompé sur le jour de la naissance de sa fille en donnant une date plus tardive de deux jours (mais probablement ne s’agit-il que d’une erreur de transcription du journaliste-historien) : « Je l’ai vu [Mussolini] pour la première fois, trois mois après ma victoire électorale du 8 mai 1936, avec 21 sièges de députés, voyons, c’était le jour de la naissance de ma fille Anne, le 27 juillet 1936. » (Jacques de Launay, Histoires secrètes de la Belgique, 1935-1945, p. 198) !

     

    4.Chantal+Anne St-Nicolas 1943.jpg

    Drève de Lorraine, 6 décembre 1943 : les sages petites Chantal et Anne ont reçu leurs cadeaux de Saint-Nicolas. Parmi ceux-ci, un petit magasin d’épicerie a été déposé sur l’imposante malle au décor floral du XVIIe siècle trônant dans le hall d’entrée.

     

    De sa prime enfance à la Drève de Lorraine, Anne ne conserverait que de rares souvenances, mais suffisamment précises pour donner de sa maison une description quasi architecturale (en n’oubliant surtout pas l’indispensable note culpabilisatrice sur la « ruine familiale ») ; « Je me souviens comme si c’était hier que la première chose qu’on voyait en entrant dans la maison, en haut de l’escalier monumental, c’était cette Louve capitoline allaitant deux enfants, Romulus et Remus. Mon père était amoureux de la Rome impériale, passion que j’ai héritée de lui, et innombrables étaient les vestiges et témoignages de cette merveilleuse civilisation qu’on retrouvait à travers toute la maison : livres, vitrines, mosaïques, reproductions de sculptures, etc. L’art était sa passion, à l’égal de la politique qui entraîna plus tard notre ruine, mais je parlerai de cela plus tard. […] à cinq ou six ans, j’avais l’habitude d’aller explorer le reste de la maison : les salons aux meubles du XVIIIe siècle français, la salle à manger que j’examinais quand il allait y avoir un dîner important et je regardais, bouche bée, cette table merveilleusement dressée, ces fauteuils, ces lumières… Et le bureau de mon père ! Un bureau où il se rendait invisible à nos yeux. Je me souviens qu’on ne voyait pas les murs : uniquement des livres et des tapisseries flamandes […]. Je fouillais ces tapisseries en cherchant une ouverture pour entrer car la porte restait fermée… Et alors, je restais à observer ce beau monsieur, élégant, magique… mon père. Et tout à coup, il me voyait, éclatait de rire et me prenait dans ses bras. Pour quelques secondes, il était à nouveau mon père. […] Je n’ai aucun souvenir cependant de fêtes d’anniversaire, de premières communions, de vacances en famille » (p. 15).

     

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    Chantal et Anne s’amusent dans le bureau de leur père : leur petite table à dessin est placée devant la cheminée ; à l’arrière-plan, on distingue un impressionnant globe terrestre du XVIIIe siècle.

    Les moments heureux en famille à la Drève de Lorraine évoqués par Léon Degrelle, alors qu’Anne avait cinq ans, dans le Degrelle m’a dit de la Duchesse de Valence n’eussent-ils pas pu stimuler ses souvenirs ? D’autant plus que sont évoquées à leur appui les mêmes photos que celles dont parle Anne (p. 148, ce blog au 23 janvier 2023) : « Père affectueux, il n’avait jamais manqué, même aux heures les plus tumultueuses de son action, d’être le compagnon de ses enfants. Il jouait avec eux, leur racontait mille histoires amusantes et naïves.

    Papa, t’es un comique ! lui répétait, ravie, sa petite fille Annette.

    Il avait alors trois petites filles en vie, Chantal, Annette, Godelieve (Godelieve veut dire en flamand, petite amie de Dieu) et un garçonnet qui s’appelait Léon-Marie. Libre pendant des heures, chaque jour, Léon Degrelle courait les bois avec eux, durant ce bel été 1941, leur expliquant la vie des animaux et des plantes, leur développant de jolies légendes, ou bien jouait avec eux, plus enfant qu’eux, dans les fleurs ou les foins coupés de sa prairie. Il existe de lui de charmantes photos d’alors. Ses enfants sont blottis près de lui. » (pp.356-357).

    6.Dreve de Lorraine 1943.jpg

    Les enfants de Léon Degrelle, Annette, Godelieve, Léon-Marie et Chantal, profitent de la permission de leur papa (ici en civil, en avril 1943) pour se blottir près de lui, le temps d’une photo.

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