Léon Degrelle. Documents et témoignages.
L’hommage le plus substantiel à Léon Degrelle pour le vingtième anniversaire de sa disparition a, sans conteste, été rendu à l’initiative de l’Association des Amis de Léon Degrelle (Dijon). Son président Christophe Georgy conçut le projet d’un livre-hommage qui a ainsi inauguré une nouvelle collection de la revue Synthèse Nationale, « Les Cahiers d’Histoire du Nationalisme ».
Nous y avons été impliqués, notamment par une interview remarquable de Fernand Kaisergruber intitulée L’Honneur et la Fidélité.
C’est assez dire que Fernand ne renie en rien l’idéal qui enflamma se jeunesse, participant aux campagnes contre les banksters et aux luttes pour l’élection des candidats rexistes et s’engageant finalement dans « l’épopée inoubliable » de « l’exaltante croisade contre le bolchevisme menée aux côtés de nos camarades européens et qui nous conduisit jusqu’aux portes de Stalingrad. »
C’est dire aussi que la prétendue épuration des inciviques, qui ne fut qu’un règlement de comptes impunément haineux, ne changea en rien sa conception du monde : « Malgré la répression terrible, rien ne pouvait remettre en cause les raisons profondes de nos engagements. C’était là notre force, c’était aussi une vraie victoire sur la médiocrité. »
L’éminente qualité d’âme de Fernand Kaisergruber fait aussi tout le prix de son éloge de Léon Degrelle, visiblement issu du fond de son cœur de Fidèle d’entre les Fidèles :
« Je ne connais aucun politicien ou chef de parti qui soit jamais monté au front avec ses hommes, alors que le seul à avoir combattu à leurs côtés, c’est Degrelle. Les autres ont toujours déclaré les guerres, mais ne les ont jamais menées eux-mêmes. Voilà toute la différence entre ces “démocrates” et Degrelle.
C’est sans doute la raison pour laquelle ils lui en veulent tant. Lui fut à Gromovajabalka, au sud de la rivière Samara en Ukraine, lors des premiers combats de la Légion. Il fut dans le Caucase avec nous, il fut aussi à Tcherkassy où il participa à la percée héroïque, et il se rendit en Estonie. […] Le Chef fut toujours très proche de ses hommes et nous avions souvent l’occasion de lui parler en toute simplicité… »
Autre collaboration, indirecte, du « Dernier Carré » à cette publication : le texte intégral du discours du 7 février 1943 (dont les dimensions de notre bulletin n’avaient permis de ne donner que les principaux extraits). Nous avons dit l’importance de ce discours exposant crûment le dessein criminel des vrais fauteurs de guerre : anéantir la nouvelle philosophie de vie qui, par ses réalisations sociales, économiques et culturelles grandioses allait ruiner les matérialismes capitaliste et marxiste.
Quelques repères chronologiques
Le livre-hommage s’ouvre par un excellent résumé biographique par Christophe Georgy où sont passées en revue les principales étapes d’une vie dont le détail attend toujours le biographe impartial et scrupuleux qu’il mérite. La brièveté de ce travail explique sans doute les quelques approximations, mais aurait aussi exigé de ne pas recopier certains ragots de nos adversaires. Ainsi ceux, –pour ne reprendre que ce seul exemple–, relatifs au ratage universitaire de l’étudiant Degrelle : s’il est exact d’écrire que « Degrelle ne sera pas reçu à ses examens [à Namur] », il aurait aussi été correct d’expliquer pourquoi. Que ce fut là la réponse du Père Charles Lemaître, professeur de philosophie et antimaurrassien enragé, à la campagne degrellienne qui aboutit à faire désigner en mai 1925 Charles Maurras comme « maître à penser de la jeunesse catholique » par les Cahiers de la Jeunesse Catholique.
C’est pour cette raison que le jeune Léon s’inscrira l’année suivante à Louvain pour réussir brillamment deux années académiques en une et télégraphier à son persécuteur : « Grande distinction. [s.] Perroquet Degrelle » !
De même, écrire : « sans doute trop absorbé par ses activités extra-universitaires, il ne réussira pas à obtenir sa licence » est faux en ce que cela sous-entend que Degrelle a raté ses examens.
Précisons donc que Léon n’a pas échoué en présentant les dernières épreuves de son doctorat en Droit, mais a tout simplement choisi de ne pas les présenter car il s’était effectivement engagé dans la vie professionnelle en devenant journaliste-reporter au Vingtième Siècle (recruté par l’abbé Norbert Wallez en octobre 1928), après avoir repris L’Avant-Garde, l’hebdomadaire des étudiants de Louvain (octobre 1927), et être devenu membre du comité de rédaction des Cahiers de la Jeunesse catholique (novembre 1927), le tout avec la bénédiction de Mgr Louis Picard qui l’engagera encore comme administrateur-délégué des Editions Rex (octobre 1930, juste après les derniers examens présentés par l’étudiant Degrelle). On peut bien supposer que les deux ecclésiastiques n’ont en rien empêché la poursuite de ses études et qu’il s’est agi d’une décision mûrement réfléchie du jeune idéaliste Degrelle, riche déjà de tant d’expériences humaines, intellectuelles, littéraires et sociales et tournant désormais le dos à la chasse aux diplômes dont il mesure la vanité.
Si nous nous référons aux Annuaires de l’Université Catholique de Louvain couvrant les années 1926 à 1930, nous observons que l’étudiant Léon Degrelle était loin de courir à l’échec.
Les études de Droit se faisaient en cinq ou six ans, selon que les deux sous-épreuves de la seconde épreuve pour l’obtention du grade de Docteur en Droit soient, ou non, passées la même année (mais les cours de cette seconde année de doctorat n’occupaient qu’une seule année académique). Les premières années de candidatures se partageaient, quant à elles, en deux années de candidature en Philosophie et Lettres dont la réussite équivalait à l’examen préparatoire au Droit et une année à la Faculté de Droit proprement dite permettant d’obtenir le grade de Candidat en Droit.
Le cursus de Léon Degrelle s’effectue donc comme suit.
1926, première candidature en Philosophie et Lettres préparatoire au Droit et première candidature en Histoire de l’Art et Archéologie : Grande Distinction ; 1927, seconde candidature en Philosophie et Lettres préparatoire au Droit (cours de philosophie thomiste à l’Institut supérieur de philosophie et compléments de philosophie à l’école Saint-Thomas d’Aquin suivis en élève libre) : Distinction ; 1928, diplôme de Candidat en Droit : Satisfaction ; 1929, première année de Doctorat en Droit (cours de l’école des Sciences politiques et sociales suivis en élève libre pendant deux ans) : Satisfaction ; 1930, deuxième année de Doctorat en Droit, première sous-épreuve : Satisfaction.
C’est la seconde sous-épreuve que Léon choisit de ne plus présenter, alimentant les rumeurs de ses détracteurs trop heureux de prétendre qu’il fut incapable d’obtenir son diplôme final et suscitant les regrets de ceux qui comprenaient difficilement qu’il plaçât désormais ses priorités ailleurs.
C’est ainsi que son premier biographe belge, Usmard Legros, écrit, dépité : « Il eut tort, à l’époque du moins, après avoir achevé tous ses cours de ne subir en dernière année que les épreuves du second doctorat et de laisser pour compte celles du troisième qui devaient le titrer Docteur en Droit. » (Un homme… un chef. Léon Degrelle, 1937)
La formulation de Christophe Georgy ne constitue certes qu’une erreur vénielle, face à l’ampleur de son entreprise, mais gardons-nous toujours –fût-ce involontairement– de jamais hurler avec les loups, surtout dans un « livre-hommage »…
Modeste Ier de Bourgogne
Au premier rang des contributions de ce libre-hommage, nous relirons avec plaisir le Léon Degrelle : Modeste Ier de Bourgogne, du regretté Saint-Loup. Bien entendu, il ne s’agit pas d’un texte inédit (Marc Augier, alias Saint-Loup, nous a quittés en 1990 déjà), mais écrit en 1973 pour le Hors-série n° 32 d’Historia consacré à « L’internationale SS » : regrettons que cette référence n’ait pas été fournie car ce numéro spécial est depuis longtemps introuvable, sauf par de rares chanceux écumeurs de bouquineries. Il faut dire qu’il fleure tellement bon le « politiquement incorrect » ! Qu’on en juge par le simple énoncé des signatures qui le parcourent : Jean Mabire, Henri Lendemer, Dominique Venner, Henri Fenet…
Basé en partie sur les confidences toujours insolites du SS-Hauptsturmführer Jean Vermeire (on verra dans la réédition annoncée par les éditions de L’Homme Libre des SS de la Toison d’Or annotée par Léon Degrelle lui-même que les anecdotes de Vermeire ne reculaient souvent pas devant un parti-pris de fanfaronnade), l’article de Saint-Loup a surtout le mérite de souligner certaines vérités aujourd’hui bien dérangeantes.
Telle, par exemple, celle de l’engagement massif de la jeunesse européenne dans les rangs de la SS au moment même où tout semblait perdu, comme s’il s’agissait pour elle d’un ultime mais impérieux baroud d’honneur : « En 1943, apparaît un phénomène qui ne cessera de s’amplifier jusqu’à la fin. Le volontaire anti-bolchevik représentait un oiseau rare en 1941, aussi bien en France qu’en Belgique. Maintenant que les cartes changent de main depuis Stalingrad, ils affluent. Au camp de Meseritz où elle regroupe ses forces, en mars et avril 1943, la légion wallonne comprend maintenant plus de deux mille hommes formant un régiment d’infanterie à deux bataillons. Chez les Wallons, comme chez les Flamands et les Français, une volonté sacrificielle semble répondre au vieux cri des situations désespérées, “debout les morts”, que Degrelle poussera jusqu’à la fin. »
Telle aussi l’ultime exhortation de Himmler conférant à Degrelle le grade de SS-Brigadeführer (général de brigade) : « Degrelle, vous allez survivre, je le sais. Le national-socialisme ne capitulera jamais parce que ce n’est pas un mouvement politique, mais une religion. Vous resterez pour témoigner car, après notre défaite, la race blanche sera menacée de toute part et, sans vous qui restez en nous, sans les prophètes qui sortiront de nous et de vous, elle est perdue. »
Tout à fait complémentaire, la contribution de Pierre Vial, président de Terre et Peuple, s’attache aux traces du « mythe bourguignon » dans la destinée de celui qui rappela que les Wallons sont des « Germains de langue française », depuis son enfance dans les forêts ardennaises du premier Croisé Godefroy de Bouillon jusqu’au choix des bâtons noueux de Bourgogne en croix de saint André pour l’écusson de la Légion Wallonie.
L’auteur, qui explique remarquablement la rectitude de la trajectoire politique du Chevalier de la Croix de Fer –nouvelle Toison d’Or–, eût pu rappeler aussi que « son projet de Grands Pays-Bas bourguignons », appuyé par son héroïsme et celui de ses hommes au Front de l’Est, ne relevait plus de l’utopie puisque, nommé Volksführer des Wallons par Hitler, Degrelle avait été choisi pour devenir, après la victoire du Reich, ainsi que le confirma Himmler à Felix Kersten, le chancelier d’une nouvelle Bourgogne englobant, outre la Romandie suisse, la Champagne, la Franche-Comté, la Picardie et le Hainaut français pour rejoindre la Wallonie (cf. The Kersten Memoirs, en anglais seulement, préfacés par Hugh Trevor-Roper, 1957, p. 184 ; les extraits en français concernant la restauration de la Bourgogne sous l’autorité de Léon Degrelle ont été présentés par l’ancien ambassadeur de France en Allemagne, André François-Poncet, dans Le Figaro du 21 mai 1947).
Conquérant d’âmes
Edwige Thibaut, qui publia naguère un indispensable L’Ordre SS. Ethique et idéologie dont le Commandeur de la 28. SS-Freiwilligen-Grenadier-Division Wallonien écrivit la préface, signe Léon Degrelle, le « conquérant d’âmes », un article qui manifeste son intime proximité spirituelle avec l’auteur de Le fascinant Hitler, en insistant sur « les qualités les plus essentielles […] de l’homme Léon Degrelle […] et qui doivent inspirer les hommes de bien. »
Lectrice attentive, perspicace et sincère, l’auteur ne tarde pas à mettre ces qualités essentielles en exergue : la foi, la générosité et le sens de la justice, le courage physique et intellectuel, le sens poétique et l’humanisme, l’esprit de sacrifice et la passion pour la vérité, emportant toujours « avec lui cette fidélité qui fut toujours à son honneur », acceptant, malgré « la solitude, l’abdication, les lâchetés et le sentiment d’un immense gâchis de toutes ces sublimes espérances et engagements, […] la mission de guider les hommes venant après lui, allant plus loin dans un futur inconnu de lui. »
Et face à ceux qui veulent à tout prix mettre en doute la qualité insigne de la relation qu’Adolf Hitler établit avec celui qui a rapporté son souhait d’avoir un fils de la même trempe que lui, Edwige Thibaut –dont l’âme communie d’évidence à la nouvelle conception de l’homme nationale-socialiste– analyse lucidement la démarche du Führer envers Léon Degrelle : « Lui qui s’était toujours interdit de procréer des descendants, refusant le poids d’une médiocrité hasardeuse, il le décorait, en même temps que la Croix de chevalier, de la plus belle des médailles, celle d’une filiation choisie, en faisant de lui son héritier spirituel [1]. Une relation particulière, une compréhension silencieuse s’instaura entre les deux hommes de même rang survolant leur monde, comme si un courant naturel d’affinités électives, de correspondance onirique les animait simultanément. Pas de bassesse flagorneuse, une convergence de deux regards qui vont dans la même direction, plus loin, plus haut. »
Visionnaire
S’attachant, pour sa part, à réhabiliter l’historien, l’ancienne et si talentueuse rédactrice en chef de Rivarol, Camille Galic, dans son Léon Degrelle dans « Le siècle de Hitler », identifie la plus rare et précieuse qualité chez l’homme qui transmet l’Histoire : celle du visionnaire capable de dégager les leçons du passé pour pressentir ce qui nous attend et définir les paramètres d’action sur notre destin. C’est ainsi, nous rappelle-t-elle, que l’auteur du Siècle de Hitler annonça, dès 1986, le « réveil généralisé de l’islamisme » et « l’écroulement de l’URSS », tout en espérant qu’en surgisse « un jeune Bonaparte » pour galvaniser « la plus grande nation blanche qui soit encore décidée à agir sur l’histoire. » De quoi nous rendre particulièrement attentifs à tout ce qui bouge en Russie.
On le voit, les rédacteurs de ce Liber Amicorum insistent chacun sur un aspect particulier de la vie ou de la personnalité de Léon Degrelle.
Le phalangiste Alberto Torresano fait ainsi le point sur les rapports qu’entretint Léon Degrelle avec l’Espagne pendant son exil, c’est-à-dire plus de la moitié de sa vie. Mais c’est dès la victoire des franquistes en 1939 que Degrelle se rendit en Espagne, y rencontrant immédiatement le nouveau chef de l’Etat, Francisco Franco, et donnant articles et interviews à la presse nationaliste. « Plus tard, en 1942, il reçut la médaille de la Vieja Guardia [de la Phalange des Juntes d’offensive nationale-syndicaliste], distinction qu’un nombre infime de non-Espagnols eurent le privilège de recevoir. » Les années difficiles de l’exil furent celles de la persécution mais aussi de l’amitié la plus désintéressée : l’auteur, qui en fut un témoin privilégié et qui fut un ami personnel du fidèle protecteur, le puissant beau-fils du Caudillo, Ramòn Serrano Suñer, eût dû, pour ne pas nous laisser ce goût fâcheux de trop peu, s’étendre davantage sur l’extraordinaire richesse de cette époque absolument inconnue. Pour s’en convaincre, il faut lire le seul ouvrage qui s’y consacre, écrit par le président de l’Association Culturelle espagnole « Amigos de León Degrelle », José Luis Jerez Riesco, León Degrelle en el exilio. 1945-1994.
Un modèle par excellence pour la jeunesse
Jean-Yves Dufour insiste, quant à lui, sur la relation privilégiée qu’avait l’auteur de Révolution des âmes à la jeunesse et son esprit qui l‘a toujours animé jusqu’à ses ultimes moments : « L’esprit de la jeunesse, c’est la curiosité, la création, l’insouciance, l’ambition, l’entêtement, l’humour, le désintérêt pour les bassesses, pour ce qui est laid, lâche et mesquin, l’envie d’aventure. On a tout le temps quand on grandit de revoir ensuite ses prétentions à la baisse et d’accumuler du ressentiment. Mais pas Degrelle. »
À son tour, Alexandre Gabriac explique tout ce qui, chez Degrelle, exerce toujours une irrésistible fascination sur la jeunesse française ; de même que Henri de Fersan, articulant sa démonstration autour des paroles de la fameuse chanson skin que Légion 88 consacra en 1987 à « l’exemple de la fidélité par ton sang versé, Léon Degrelle » ! Et l’auteur de saluer judicieusement le « fier fils de Bouillon, ville des Croisés : Godefroy contre l’Islam et Léon contre le bolchevisme, enfants des forêts contre les sectes du désert »…
C’est également de cet ascendant accepté avec enthousiasme que se revendique Pierre Gillieth lorsqu’il explique qu’un « papier élogieux sur Degrelle » lui valut d’être exclu du Front National de la Jeunesse en 1996, ce qui ne fit que l’amener à « comprendre que la politique politicienne était un vrai cloaque de médiocrité arriviste » et à considérer définitivement celui « qui n’a jamais renié sa foi politique » comme « un exemple, un fanal dans la nuit ».
La fidélité absolue de Léon Degrelle à son idéal de lumière est aussi ce qui a fasciné un autre exclu du Front National, Yvan Benedetti, président de l’œuvre française, récemment dissoute par le chef d’état le plus calamiteusement normal que la France se soit jamais choisi : « Rien ne saurait anéantir la volonté de Degrelle et chaque difficulté surmontée permet de mesurer la hauteur de l’homme, celle de la force, la force de son âme. Il avait été honorable par son action mais il devient admirable par sa persévérance et héroïque par sa souffrance. […] Degrelle devient un modèle absolu pour les militants dans la lutte, les épreuves, la douleur. Savoir ce que d’autres ont fait avant eux leur rend toute chose possible. » Et Yvan Benedetti vient effectivement d’être réélu aux municipales de Vénissieux (avec plus de 10% des voix !) après avoir fait campagne avec le balai degrellien pour emblème ! [2]
Vantard et m’as-tu-vu
Nous l’avons dit dans notre précédent article présentant ce premier numéro des Cahiers d’Histoire du Nationalisme : gardons-nous de jamais hurler avec les loups…
C’est pourtant ce que fait inexplicablement Francis Bergeron, directeur du comité de rédaction de Présent, par ailleurs auteur (entre autres) d’un Dictionnaire du collectionneur politiquement incorrect et d’un Dictionnaire commenté de livres politiquement incorrects et que l’on pourrait donc croire immunisé contre tout conformisme.
C’est néanmoins lui qui, choisissant de parler de Tintin mon copain et des relations entre Degrelle et Hergé, reprend les refrains décevants du politiquement correct, à commencer par la rumeur de l’œuvre apocryphe : « l’ouvrage signé Degrelle (mais est-il bien de sa plume ? » En écrivant cela, l’auteur va même encore un pas plus loin que dans sa biographie de Hergé parue chez Pardès en 2011 où, déjà, il éreintait le livre : « Il faut en prendre et en laisser, comme souvent chez Degrelle », « L’album sent la récupération », « Redevenons sérieux »…
Pour mesurer l’absurdité de pareille remarque sur la paternité de Tintin mon copain (outre qu’on se demande bien quel manuscrit le grand collectionneur tintinophile Stéphane Steeman est allé lire chez Degrelle à la demande de ce dernier et au grand scandale des médias), on peut se reporter, –dans le même livre-hommage ! –, au témoignage d’Alberto Torresano rendant une ultime visite à son ami Léon Degrelle : « Sur la table de sa chambre à la clinique San Antonio de Malaga, se trouvait le manuscrit de son dernier livre, Tintin mon copain »…
La thèse de l’auteur est qu’en réalité, Léon Degrelle n’a pas tellement inspiré Tintin que cela : « Alors, Tintin, c’est Degrelle ? Pas si simple. […] mais alors qui est Tintin ? La réponse est évidente : Tintin c’est Hergé […]. Mais il est vrai que Tintin, c’est quand même un peu Degrelle. Hergé a aussi expliqué qu’il avait choisi son jeune frère Paul […] comme modèle pour représenter Tintin. […] Cela ne suffit évidemment pas pour faire de Paul Remi le modèle de Tintin. […] Cela suffit-il pour soutenir que Degrelle et Tintin ne faisaient qu’un ? Non, bien évidemment. […] Tintin est le contraire de Degrelle quant au caractère. […] En fin de compte, Hergé et Degrelle étaient deux hommes que tout aurait dû séparer, mais qui se sont rencontrés. »
À force de vouloir prendre de la hauteur pour faire objectif et paraître au-dessus de la mêlée, on finit par dire n’importe quoi et perdre toute crédibilité : est-il donc si difficile d’accepter, comme –dans le même livre-hommage ! – Yvan Benedetti qui a bien compris que Degrelle « inspira en partie Hergé pour la création de Tintin », que le jeune Léon servit de modèle à Tintin, tout en n’étant que l’un de ses trois « pères» (avec Hergé, bien sûr, et l’abbé Norbert Wallez) ainsi que textuellement expliqué dans Tintin mon copain ? évidemment que, comme tout créateur, Hergé s’est projeté dans son héros, comme le rappelle à juste titre Francis Bergeron en citant les paroles du dessinateur : « Tintin c’est moi. Mon reflet le plus lumineux, mon double réussi. » Ce qui veut dire aussi que l’original peut renvoyer un reflet moins lumineux et un double moins réussi que son image idéalisée... Notons d’ailleurs que Hergé se met toujours en retrait de son personnage lorsqu’il s’y compare. C’est ainsi qu’il dira : « Tintin, c’est moi quand j’aimerais être héroïque » (Numa Sadoul, Tintin et moi, 1975). Et qui fut, justement, celui-là seul que Hergé appela héros ? Léon Degrelle ! « Et militairement parlant, il s’est comporté [au Front de l’Est] comme un héros » (interview à l’hebdomadaire flamand Humo, 11 janvier 1973)…
Dans Tintin mon copain, Degrelle a détaillé les éléments matériels emblématiques qui lui ont été humoristiquement empruntés : les culottes de golf et la houppette. Mais voilà que Francis Bergeron prétend –et ça, c’est un scoop !– que dans sa toute première aventure chez les Soviets (1929), « Tintin ne porte pas encore de culottes de golf. […] Tintin a un lourd manteau qui lui fait une silhouette triangulaire. Et les fameuses culottes de golf marron […] ne seront popularisées qu’avec les albums Tintin en Amérique (1932) et Les cigares du Pharaon (1934). » Nos lecteurs n’ignorent certainement pas que les premières éditions des albums de Tintin sont en noir et blanc : dès lors, les culottes de golf de Tintin y sont systématiquement de couleur blanche (y compris sur la couverture en couleur des Cigares du Pharaon). Il faudra attendre les éditions en quadrichromie, entièrement redessinées quelque dix ans plus tard, pour découvrir leur nouvelle couleur marron : 1945 pour Tintin en Amérique et… 1955 pour Les Cigares du Pharaon ! De plus, on se demande bien pourquoi le critique fait l’impasse sur Tintin au Congo (Le Petit Vingtième, 1930 ; album, 1931) où Tintin porte ses culottes de golf blanches jusqu’à la page 9 avant de les troquer pour une tenue coloniale (les culottes marron apparaîtront, comme de juste, dans la refonte en couleur de 1946).
Mais revenons à notre sujet : nous ignorons de quelle édition des Soviets dispose Francis Bergeron, mais la nôtre montre bien Tintin en culottes de golf à grands carreaux ! Et ce, dès la case 4 de la première planche, c’est-à-dire dès qu’il est installé dans le train l’emmenant en Soviétie et qu’il a enlevé son fameux « lourd manteau […] triangulaire ».
Tintin les portera jusqu’à la page 17, moment où il achète un « costume complet » de moujik à un tailleur probablement cousin de Blumenstein-Bohlwinkel puisque, se frottant les mains de plaisir pour la bonne affaire, il vante son produit en affirmant –avec l’accent !– : « C’èdre té la ponne galidé » !...
Mais au-delà des culottes de golf, c’est le plus important, le rôle de modèle moral, que notre ami Bergeron dénie imprudemment (et impudemment) à Léon Degrelle : « Mais Tintin est le contraire de Degrelle quant au caractère. Tintin est altruiste et modeste. » Ce qui veut dire, naturellement, que Degrelle ne l’est pas. Edwige Thibaut doit donc être une hallucinée délirante, elle qui estime, –dans le même livre-hommage ! –, que « L’autre qualité de Léon Degrelle, coulant comme une source vive de la première [sa Foi, si ardente, si libératrice d’imperfection], fut sa générosité. […] La misère ouvrière le révolta. […] cet amour immodéré pour la justice le conduisit, lui, le fils de bonne famille bourgeoise, au socialisme, le vrai, celui qui arrache les solutions les plus belles à l’adversité et réunit les hommes au lieu de les séparer en classes et de les prendre en otages qu’on trait ».
Et Francis Bergeron d’opposer encore à un Tintin qu’on doit supposer fort terne et timoré (à se demander comment il put jamais être le héros des jeunes de 7 à 77 ans !), un Degrelle « ambitieux, survitaminé, comme monté sur des ressorts » ! Et d’asséner encore, en s’autocitant : « Sur le plan psychologique, il présente le profil de l’aventurier : homme d’action et de communication, activiste peu sensible aux règles, aux convenances, ou aux “dégâts collatéraux”, comme je l’avais analysé dans ma biographie d’Hergé (Pardès, 2011). » Ce faisant, Bergeron ne fait que compléter le portrait convenu de Léon qu’il trace au fil de son article, reprenant tous les poncifs de la bien-pensance (« vantard », « m’as-tu-vu », « indifférent aux conséquences de ses actes »,…). Ici encore, nous sommes en contradiction totale avec ce qu’analyse avec clairvoyance Jean-Yves Dufour, –toujours dans le même livre-hommage !– : « on a accusé Degrelle d’être mégalomane et mythomane. Il pouvait avoir tendance à l’exagération, et à la projection de ses rêves dans la réalité, mais jamais au mensonge. Il croyait en lui, il ne doutait pas de ses capacités. Il fut même surnommé ironiquement Modeste. Mais ce sont là des qualités nécessaires aux hommes d’Etat. »
Il nous faut néanmoins faire un sort particulier à l’accusation « indifférent aux conséquences de ses actes », car c’est certainement la plus grave, reprenant l’odieuse calomnie de l’arrivisme de Léon Degrelle se fichant du sang et de la vie de ses hommes pourvu qu’il se fît remarquer de la hiérarchie militaire allemande et du Führer. Il a fallu attendre la disparition du dernier Commandeur de la Wallonie, pour que les « historiens » politiquement corrects à la Martin Conway ou Eddy De Bruyne osent l’avancer et, depuis, la présenter comme une vérité biblique.
Qu’il nous suffise ici de citer ces deux témoignages écrits par des légionnaires engagés volontaires comme simples soldats pour risquer quotidiennement leur vie aux combats les plus atroces de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été écrits in tempore non suspecto, hors toute polémique, l’un par celui qui devint le Commandeur de la Légion, Léon Degrelle lui-même, l’autre par celui qui fut son dernier chauffeur, Charles Generet [3].
« Je réunis tous les hommes, les remerciai de leur magnifique comportement. Je leur dis crûment la situation et les graves combats qui les attendaient encore. “Chacun était libre de remonter au feu ou de demeurer dans une compagnie de repos. Tous étaient venus à la Légion en volontaires. Il ne restait plus guère d’espoir : je n’acceptais de sang que s’il était versé librement. Il ne serait pas dit que, dans la lutte de la fin, un seul Wallon serait tombé contre son gré.” Quatre-vingts hommes préférèrent ne plus retourner au combat. Je les traitai avec autant d’affection qu’auparavant. Je n’étais pas un négrier. D’ailleurs, la plupart de ces garçons étaient à bout de force. Je les fis héberger et nourrir avec soin, à trente kilomètres au nord-ouest de l’Oder. » (La Campagne de Russie, p. 441)
Quant à Charles Generet qui accompagna Degrelle dans les derniers jours de la guerre, il cite, dans son « Journal » rédigé sur le vif à l’intention de son épouse (inédit, consultable au « Centre de Documentation de la Deuxième Guerre mondiale » de Bruxelles), le mémorandum que le Commandeur remit à Himmler lors de leur ultime rencontre, le 2 mai 1945, exprimant sa préoccupation constante pour les hommes de sa Légion :
« 1. Il faudrait éviter que les légionnaires wallons ou flamands ne tombent aux mains des Russes et pour cela retirer la Légion au nord de la ligne Hambourg-Lübeck pour la reformer.
2. Il faudrait permettre aux légionnaires de vivre en Allemagne après la guerre sans courir le danger d'être livrés aux Bolcheviks.
3. Donner à chaque légionnaire une somme de 1000 à 2000 Reichsmark pour lui permettre de passer les temps difficiles. »
Et Charles Generet de conclure : « On ne peut dire que Léon Degrelle ne s’est plus soucié de ses soldats, même dans les moments les plus difficiles. Son intention qu’il a exprimée devant moi à plusieurs reprises était de ramener les restes de la division dans les lignes américaines ou anglaises. »
On le voit, le propos de l’article de Francis Bergeron est difficilement compatible avec celui de toutes les autres contributions de ce Cahier d’Histoire du Nationalisme. En comparaison, il faut bien reconnaître qu’un Manuel Abramowicz (voir notre feuille de contact n° 85), pourfendeur patenté de tout ce qui peut ressembler à un nationaliste, parle de Léon Degrelle avec plus d’objectivité, voire de respect.
Le pire, c’est que son titre même, –Hergé et Degrelle : histoire d’un copinage–, place les relations de Hergé et Degrelle sous le signe de la magouille ! Voilà qui est quand même fort de café, lorsqu’on prétend parler du champion ès dénonciations des copinages de banksters de tous bords ! Et si c’est pour la référence à Tintin mon copain que ce terme a été choisi, c’est plutôt raté, car, dans ce cas, c’est le terme « copinerie », sans connotation négative, qu’il eût fallu utiliser… Encore qu’entre Hergé et Léon, il se soit agi, en réalité, d’amitié : les copains, dans l’action et dans l’exemple à donner à la jeunesse, c’étaient Degrelle et Tintin !
Avec Francis Bergeron, ce premier numéro des Cahiers d’Histoire du Nationalisme a certes accueilli une signature prestigieuse, mais avait-elle bien sa place dans un livre destiné à rendre hommage à la personne, à la pensée et à l’action du Chef de Peuple que fut Léon Degrelle ? Nous ne prétendons évidemment pas que Degrelle soit infaillible et ne se soit jamais trompé, par exemple sur une date ou une référence, mais jamais il n’a balancé sur l’essentiel que sont la valeur d’une parole donnée et le sens d’une destinée librement consentie. Et affirmer que Léon Degrelle veuille profiter de sa relation avec Hergé pour se mettre en avant, c’est affirmer qu’il ment sur son amitié avec le créateur de Tintin et qu’il ment sur l’engagement fondamental de Hergé. Ce serait, pour le moins, attaquer la mémoire de ces deux « Croisés » pour qui, réellement, l’honneur s’appelait fidélité.
Nous ne pouvons donc manifester ici que notre amère surprise face à cet alignement inattendu sur le politiquement correct de l’historiographie officielle. Pour autant, une telle signature dans un tel livre-hommage en impose et fait référence, comme l’illustre le compte rendu de Rivarol (24 avril 2014) où Robert Spieler –à qui pourtant on ne ferait jamais passer un tcholent pour de la choucroute ni des soufganyoths pour des crêpes Suzette !– se laisse entraîner : « certains, dont Degrelle, prétendront qu’Hergé s’est inspiré de lui pour le personnage de Tintin. N’allons pas aussi loin » !
C’est ainsi qu’on participe inconsciemment à la politique de la Fondation Hergé s’efforçant de lisser l’image du dessinateur en élaguant de sa vie (ou en minimisant leur importance) amis, influences, engagements « compromettants »…
Aussi, après avoir lu dans le Synthèse nationale n° 36 l’article Degrelle-Hergé : même combat, d’Armand Gérard (voir notre n° 85) prenant l’exact contre-pied de Francis Bergeron, nous serions tenté de détourner la conclusion de ce dernier (« En fin de compte, Hergé et Degrelle étaient deux hommes que tout aurait dû séparer, mais qui se sont rencontrés ») et d’écrire :
« En fin de compte, Hergé et Degrelle étaient deux hommes faits pour se rencontrer et pour se compléter : leur amitié pérenne a traversé les vicissitudes de cette époque cruciale qui les vit s’engager chacun au service de la révolution européenne nationale-socialiste, l’un héroïquement sur le front extérieur de la guerre contre le bolchevisme pour assurer à son peuple toute sa place dans l’Europe nouvelle, l’autre sur le front intérieur, avec sa planche à dessins, pour gagner à l’ordre nouveau les cœurs et les esprits de tous les jeunes de 7 à 77 ans ! Et tous deux sont restés indéfectiblement fidèles à leur idéal solaire et ne se sont jamais reniés, se lançant jusqu’à leur fin terrestre de nombreux clins d’œil fraternels à travers leur œuvre, leurs entretiens et confidences, leurs amis communs. »
Au final, Léon Degrelle. Documents et témoignages constitue bien un ouvrage indispensable à tout degrellien, autant par les témoignages justement émouvants de ceux qui ont connu de près ce poète-guerrier et qui ont combattu à ses côtés –tel Fernand Kaisergruber–, que par les articles exprimant la reconnaissance sincère ou manifestant le lucide et salutaire discernement de ceux qui n’ont pu le connaître que dans l’après-guerre ou même n’appréhender son œuvre poétique, historique, polémique, prophétique qu’après sa disparition.
Les défauts mêmes de cet ouvrage en font une référence unique et atypique, appelée à devenir une pièce de collection car témoignant de la singulière ouverture d’esprit de ses concepteurs : aussi n’hésitez pas et précipitez-vous sur ce premier et indispensable « Cahier d’histoire du nationalisme », disponible chez Synthèse nationale !
Léon Degrelle. Documents et témoignages, Sous la direction de Christophe Georgy, Cahiers d’Histoire du nationalisme, numéro 1, avril-mai 2014, 206 pages, 25 € (frais de port compris).
A propos de « Tintin mon copain » : Degrelle-Hergé, même combat !, par Armand Gérard, in Synthèse nationale numéro 36, 15 € (frais de port compris). IBAN : FR 2004 1000 0153 6380 4C02 068.
[1] Traudl Junge, une des secrétaires du Führer, rapporte dans ses souvenirs (écrits avec le souci politiquement correct de mettre en évidence tout ce qu’il lui a été possible de présenter comme négatif chez Hitler) ces propos tenus en 1943 : « je n’aimerais pas avoir d’enfants. Je trouve que les descendants de génies sont la plupart du temps en situation très difficile dans le monde. On attend d’eux qu’ils aient la même envergure que leur ancêtre célèbre et on ne leur pardonne pas la moyenne. En outre, ils deviennent le plus souvent des crétins. » (Dans la Tanière du loup, Lattès, 2002, p. 150).
[2] Nous avons appris entre-temps (Le Monde, 7 octobre 2014) que les « démocrates » français ont trouvé une astuce « démocratique » pour priver ces élus de leur siège (l’élection de nationalistes ne relève en effet pas pour eux de la démocratie, mais du scandale) : les élections de ce fief communiste ont été invalidées et les deux élus nationalistes déclarés inéligibles…
[3] Dans sa contribution où il se risque à examiner comment Degrelle est présenté par l’édition contemporaine, Joël Laloux cite un auteur dégageant justement le sens de la démarche de ceux qui ont laissé une trace écrite de leur aventure : « Degrelle et les autres volontaires mémorialistes veulent rapporter leurs propres expériences, mais ils veulent aussi communiquer ce qu’ont vécu les hommes qui étaient membres de leur unité et pour lesquels ils serviraient de porte-parole. »