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L’Encyclopédie de De Bruyne : mensonges et perfidie (14)

La vraie carrière militaire de Léon Degrelle

(première partie)

 

 

1. Validité des grades militaires de Léon Degrelle conférés par Heinrich Himmler

 

« Carrière militaire

[...] Lors de la mise sur pied de la Légion Wallonie, la commission au grade d’officier lui ayant été refusée, il est engagé comme Schütze (août 1941) ;

- Gefreiter (10.02.1942) ;

- Feldwebel (22.03.1942) ;

- Leutnant (01.05.1942);

- SS-Ostuf. (01.06.1943) ;

- SS-Hstuf. (01.01.1944) ;

- SS-Stubaf. (20.041944) ;

- SS-Stubaf. u. Kdr 28.SS-Freiw.Gr.Div.Wallonien (17.09.1944) ;

- SS-Ostubaf. U. Kdr 28. SS-Freiw.Gr.Div.Wallonien (01.01.1945). [...]

Nommé Volksführer der Wallonen (23.11.1944) avec pleins pouvoirs civils, militaires et administratifs sur tous les Wallons résidant sur le territoire allemand (à l'exception des compatriotes incarcérés pour motifs graves). »

 

De Bruyne a plaisir, nous l’avons vu (voir ce blog au 31 juillet 2017), à prétendre mensongèrement que « la commission au grade d’officier lui ayant été refusée », c’est comme simple soldat de 2e classe que Léon Degrelle dut partir, le 8 août 1941, pour le camp de formation militaire de Regenwurmlager (Meseritz, ouest de la Pologne actuelle). Nous le répétons : il s'agit là d'une inqualifiable calomnie, sans référence valable, de la part du prétendu « Encyclopédiste » !

 

Il ne s'en tient malheureusement pas là car, sous le titre « Carrière militaire », le moins précis et le moins complet des encyclopédistes est bien loin de retracer, même sommairement, le parcours militaire de Léon Degrelle !

 

Pour De Bruyne, la « Carrière militaire » de Léon Degrelle se limite aux grades reçus, grades que, de plus, il arrête d'autorité à celui de SS-Obersturmbannführer und Kommandeur der SS-Freiwilliger Grenadier Division Wallonien, obtenus le 1er janvier 1945 (et que, de plus, il ne fournit prétentieusement que sous la forme, incompréhensible pour le profane, des abréviations d'usage dans la Waffen-SS !).

 

Soldbuch Promotions.jpgLe Soldbuch présente effectivement la collation du grade d'Obersturmbannführer au 1er janvier 1945. Cependant, non seulement De Bruyne prétend que Léon Degrelle n'avait pas droit au grade de général (Oberführer) qu'il aurait obtenu à la toute fin de la guerre, lors de son ultime rencontre avec le Reichsführer-SS Heinrich Himmler, le 2 mai 1945, mais surtout il ignore la promotion au grade de Standartenführer (colonel) obtenue le 20 avril 1945 et qui figure en bonne et due forme au Soldbuch...

 

Quand nous disons que De Bruyne « ignore » l'accession de Léon Degrelle à ces grades, nous ne voulons pas dire que l'« encyclopédiste » n'en sait rien, mais qu'il refuse expressément d'en tenir compte. Ailleurs, il nous avait pourtant raconté que pour se présenter devant son supérieur, l'officier promu tenait à afficher les insignes de son nouveau grade : « L'ironie du sort voulut que [le 2 mai au matin,] Duwelz fût occupé à coudre les insignes de Standartenführer (colonel) sur l'uniforme de Degrelle lorsque celui-ci fut averti par Charles Generet que Himmler, en civil et à peine reconnaissable, s'apprêtait à quitter les lieux après une courte halte. » (La fin d'une légende, p. 226). Dans cet ouvrage, De Bruyne n'évoque pas les circonstances de cette nomination, mais il serait littéralement incroyable que Léon Degrelle eût absolument voulu se présenter devant le chef suprême de la Waffen-SS porteur d'un grade usurpé !...

Du Welz, LD-vert.jpg

 

Sans compter qu'à l'occasion de son ultime rencontre, il ne manqua pas, si l'on en croit le même De Bruyne, dans un autre article persifleur, d'attirer l'attention du Reichsführer sur l'opportunité de lui conférer un grade supérieur à Standartenführer (colonel) convenant mieux à ses fonctions, c'est-à-dire Oberführer (général) ou Brigadeführer (général de brigade) : « Ignorant la disgrâce qui, dans l'intervalle, a frappé Himmler, Degrelle assure immédiatement Himmler de son allégeance totale et celle de ses hommes tout en glissant son Soldbuch (livret militaire) dans les mains de Himmler en précisant que, commandant maintenant deux divisions (wallonne et flamande), il serait peut-être temps de sanctionner cette promotion par un grade correspondant... » (Axe et Alliés, p. 73).

 

Ce n'est donc pas dans son « Encyclopédie » que De Bruyne nous donnera l'explication de l'amputation qu'il se permet au curriculum militare du glorieux Volksführer, mais dans le « Hors série » numéro 10 du magazine grand public Axe et Alliés, destiné surtout à flétrir personnellement Léon Degrelle. L'introduction du dernier chapitre est d'ailleurs assez éloquente : « Durant les mois d'avril et mai 1945, la SS Wallonie et son chef Degrelle entament leur dernière ligne droite avant l'inéluctable défaite. Si certains SS pensent encore à se battre jusqu'au bout pour ralentir l'Armée rouge, Léon Degrelle ne pense qu'à prendre ses derniers galons d'Oberführer et à fuir, loin des Soviétiques. » (p. 66).

 

C'est dans ce magazine donc que l'autocrate De Bruyne décrète sa règle arbitraire en matière de promotions militaires allemandes : « d'autres promotions lui [Léon Degrelle] furent octroyées par le Reichsführer-SS Himmler mais ce dernier fut destitué de ses fonctions fin avril-début mai 1945. Ces promotions ne prirent jamais effet. » (p. 6). Nous noterons que De Bruyne utilise systématiquement le pluriel : si donc Léon Degrelle reçut de Heinrich Himmler au moins deux promotions supérieures au grade d'Obersturmbannführer (lieutenant-colonel), il ne peut s’agir que des grades de Standartenführer (colonel) et de général : Oberführer ou Brigadeführer.

 

En fait, c'est très précisément le 28 avril 1945 qu'Adolf Hitler apprit par un communiqué de l'agence Reuter que Heinrich Himmler aurait proposé une capitulation du front ouest aux Alliés occidentaux par l'intermédiaire du comte Bernadotte, vice-président de la Croix-Rouge suédoise. C'est donc à ce moment, selon De Bruyne, que le Führer aurait « destitué de ses fonctions » le Reichsführer-SS. Le problème, c'est qu'aucun des témoins présents à ce moment dans le Führerbunker n'évoque de quelque manière cette disgrâce.

 

Passons-les tous en revue :

Nous ne pouvons malheureusement pas faire appel à l'indispensable Journal de Joseph Goebbels (Die Tagebücher von Joseph Goebbels, Aufzeichnungen 1923-1941, 4 vol. ; Diktate 1941-1945, 15 vol.), car ce dernier s'arrête de manière abrupte au 10 avril 1945.

 

 - Traudl Junge (secrétaire d'Adolf Hitler) : « [...] Heinz Lorenz, l'homme de lab9aa9202c587189e58fb5846da758896-vert.jpg presse, apporte une nouvelle atterrante : selon un communiqué de Reuter, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler a mené des négociations avec les Alliés par l'intermédiaire du comte Bernadotte. Je ne sais plus où je me trouvais quand la nouvelle atteignit Hitler. Il doit encore avoir pesté et ragé une dernière fois, mais quand je le revis, il était calme comme avant. » (Dans la tanière du loup. Les confessions de la secrétaire d'Hitler, p. 247).

 

- Bernd von Loringhoven (aide de camp du général Hans Krebs, chef d'état-major de l'Armée de terre) : « Dans la soirée du 28 avril, Heinz Lorenz apporta un message de la plus haute importance. Une dépêche de l'agence Reuters confirmait la nouvelle diffusée dans la matinée par Radio Stockholm et transmise à Hitler en milieu d'après-midi. Le Reichsführer-SS Heinrich Himmler avait proposé aux alliés occidentaux de capituler mais ceux-ci avaient rejeté son offre. Reuters précisait que Himmler leur avait fait savoir qu'il pouvait mettre en œuvre une reddition sans condition et la faire respecter. Le Reichsführer se considérait de facto comme le chef de l’État, usurpant les pouvoirs de Hitler. C'était pour Hitler la mère de toutes les trahisons. Le plus “fidèle des fidèles” était entré en contact avec l'ennemi – un pas que Göring n'avait pas osé franchir. Le fidèle Heinrich, dont les SS avaient pour devise “La loyauté est mon honneur”, lui avait donné l'ultime coup de poignard dans le dos. Le Führer laissa éclater une dernière fois sa rage et sa colère. » (Dans le bunker de Hitler, p. 177).

 

- Gerhard Boldt (officier d'ordonnance du général Hans Krebs) : « [Adolf Hitler] ne fut pas moins atterré, le 28 avril, par la nouvelle que Himmler avait essayé d'entrer en contact avec les Anglais et les Américains par l'intermédiaire du comte Bernadotte. Elle fut diffusée par la radio neutre. » (La fin de Hitler, p. 132).

« Cette nouvelle toucha Hitler beaucoup plus durement que la soi-disant trahison de Göring, car celui-ci reconnaissait encore l'autorité du Führer, tandis qu'Himmler l'avait tout bonnement ignorée. En outre, Hitler avait toujours considéré Himmler comme son partisan le plus dévoué, et le peu de confiance qu'il avait encore s'évanouissait maintenant totalement. Il fut pris d'un accès de colère, de haine et de mépris qu'aucun homme avant lui ne dut connaître et il nomma l'attitude d'Himmler la plus grande trahison dans toute l'histoire de l'Allemagne. » (Les Dix derniers jours d'Hitler, p. 187).

 

- Nicolaus von Below (aide de camp d'Adolf Hitler) : « Le même jour, le 28 avril, la radio alliée diffusa l'information selon laquelle Heinrich Himmler avait offert la capitulation aux alliés. Selon ce rapport, Himmler avait rencontré le comte Bernadotte le 24 avril à Lübeck et lui avait soumis cette idée. [...] Hitler accueillit la nouvelle des pourparlers de capitulation de Himmler avec un souverain mépris. Il ne m’échappait cependant pas qu'elle le préoccupait fort. Peut-être s'était-il finalement attendu à une telle démarche de la part de Himmler. Au cours de la journée, le ressentiment de Hitler à propos de la démarche de Himmler augmenta encore. Il appela auprès de lui Fegelein qui resta introuvable dans la Chancellerie. Mais un commando SS [...] le ramena. Un conseil de guerre fut constitué qui, après un bref procès, condamna Fegelein à mort pour désertion. La sentence fut immédiatement exécutée. » (Als Hitlers Adjutant 1937-1945, p. 415). 

 

kjk-vert.jpg- Rochus Misch (garde du corps d'Adolf Hitler) : « Le lendemain [28 avril 1945], en début de soirée, Heinz Lorenz fit son apparition dans le bunker. Il venait de recevoir une information diffusée par Radio Stockholm, provenant de l'agence britannique Reuter, annonçant que le Reichsführer-SS Himmler avait entrepris des négociations en vue d'une capitulation. Je ne sais pas comment Hitler a réagi. » (J'étais garde du corps d'Hitler, p. 202).

 

- Heinz Linge (valet de chambre d'Adolf Hitler) : « Le général SS Hermann Fegelein, officier de liaison de Himmler auprès de Hitler, disparut soudainement. Hitler, exaspéré et abattu par la dépêche Reuters qu'il venait de recevoir concernant la tentative de Himmler de négocier la paix avec les alliés occidentaux, soupçonna un “climat de trahison”. » (With Hitler to the End. The Memoirs of Adolf Hitler's Valet, p. 191).

 

- Erich Kempka (chauffeur personnel d'Adolf Hitler) : « Lorsque j'arrivai au Führerbunker vers 9h30, comme il avait été convenu avec Fegelein, je trouvai l'endroit en émoi. Un rapport important de l'agence de presse allemande DNB (Deutsche Nachrichtenbüro), rapportant un bulletin de Reuters, venait d'être diffusé. Comme aucune installation radio de la Chancellerie du Reich n'était plus opérationnelle, un véhicule radio de mon convoi du front avait fonctionné pendant quelques jours comme service de fortune à partir du bunker à charbon. Sans cette unité, le Führerbunker aurait été complètement coupé du monde extérieur en ce qui concerne le trafic de télécommunications. Le personnel du bunker travaillait fiévreusement à l'équipement afin de nous fournir le texte du rapport en question : “Selon le DNB, Reuters annonce que Himmler a été en contact avec le Comte Bernadotte afin de négocier une paix séparée avec les alliés occidentaux. Comme base des négociations, Himmler avait expliqué que le Führer se retrouvait assiégé et souffrait également d'une hémorragie cérébrale. Il ne contrôle désormais plus ses facultés et on ne s'attend pas à ce qu'il puisse vivre au-delà des quarante-huit prochaines heures.” C'était comme si la foudre venait de nous frapper. Ce rapport eut un effet bien plus dévastateur que le télégramme de Göring. Bormann sortit de la cellule de crise brandissant le papier dans son poing serré. Il s'écria, indigné : “J'ai toujours su que la fidélité d'un homme ne devait pas se porter sur une boucle de ceinturon, mais dans le cœur.” (Les mots “Mon honneur s'appelle fidélité” étaient gravés sur la boucle de ceinturon des SS). La première question qu'il m'adressa fut : “Où est Fegelein ?” […] Si quelqu'un savait quelque chose à propos de la trahison de Himmler, cet homme était Fegelein ! [...] Son intention était de ne pas bouger jusqu'à ce que les Russes soient passés et de se glisser alors à travers leurs lignes pour rejoindre Himmler. Il s'agissait clairement de désertion et de trahison. [...] Hitler commanda une cour martiale d'urgence. » (I Was Hitler's Chauffeur, p. 65)

 

- Hanna Reitsch (pilote d'essai) : « Vient alors la nuit du 28-29 avril. [...] Il est près de minuit quand Hitler fait une entrée inattendue dans la chambre du Maréchal [Robert von Greim]. Son visage est d'une blancheur de craie ; on dirait un mort déjà. Il tient dans la main un message de radio et une carte. Il se tourne vers Greim : "Voici qu'Himmler aussi m'a trahi. Il faut que vous quittiez tous deux, aussi vite que possible, le Bunker. On m'avertit que les Russes veulent prendre d'assaut la Chancellerie dans le courant de la matinée.” [...] Il explique ensuite qu'un Arado-96, qui a réussi à atterrir sur l'Axe, est à notre disposition. » (Aventures en plein ciel, p. 242).

 

- Hans Baur (pilote de l'avion personnel d'Adolf Hitler) : « Le 20 avril [faute de frappe pour « 29 avril » : l'original allemand dit « Am 29. April liess sich Hitler mit Eva Braun trauen » (Mit Mächtichen zwischen Himmel und Erde, p. 272)], Hitler épousa Eva Braun. Je ne l'appris que lorsqu'il prit congé de moi. [...] Le soir, je causai avec Eva Braun, devenue Eva Hitler. Elle me raconta ce que je savais déjà : Himmler aussi avait essayé de faire défection. Il fut exclu du parti ce même soir. » (J'étais pilote de Hitler, p. 249).

 

On le voit, aucun témoin direct n'évoque la « destitution » de Heinrich Himmler, tout simplement parce qu'il n'en fut absolument pas question au moment de la communication de la dépêche d'agence au Führer : tous les témoins ou bien soulignent la colère jupitérienne d'Adolf Hitler ou bien avouent ne pas connaître sa réaction ou bien n'en parlent pas –ou, tel Hans Baur, rapportent ce qu'on leur a dit de cette réaction.

  

Baur+Himmler2.jpgLe témoignage de Baur –et c'est bien le seul !– peut néanmoins poser un problème de chronologie et d'interprétation. Problème de chronologie (indépendamment de l'erreur dans la date du mariage du Führer): si Baur n'apprit le mariage qu'au moment où Adolf Hitler lui fit ses adieux (Baur écrit : « Le 30, je fus appelé plusieurs fois auprès de Hitler en ma qualité de remplaçant de Below [...]. Les adieux de Hitler eurent lieu à 19 heures et non pas à 16, comme je l'ai lu depuis dans le journal. » pp. 254 et 257 : il est également impossible que les adieux se firent le 30 avril à 19h puisque le Führer se suicida avec son épouse à 15h30 : voir ci-après le télégramme de Goebbels), il faudrait que la conversation avec Eva se fût tenue dans les minutes qui suivirent les adieux du Führer et qui précédèrent son suicide. Cela paraît peu vraisemblable dans la mesure où Eva n'aurait pensé, en ces instants tragiques, qu'à évoquer le cas Himmler ; peu vraisemblable aussi car Baur explique lui-même qu'après avoir quitté le Führer, il se consacra immédiatement aux préparatifs de sortie de l'abri de la Chancellerie auprès du chirurgien du bunker-hôpital assez éloigné du Führerbunker puisque situé le long de la Vossstrasse : « Une bonne heure et demie s'était écoulée » lorsqu'il revint au Führerbunker pour apprendre que « tout était fini » et que « l'incinération avait commencé » (p. 258). Il est plus vraisemblable que la conversation avec Eva se soit tenue le soir du jour suivant le mariage (qui eut lieu le 28 aux alentours de minuit), c'est-à-dire le 29 avril au soir, bien après la cérémonie et la dictée du testament politique destituant Himmler, deux événements dont Baur ignorait encore tout. Le contenu de la conversation entre Baur et Eva centrée sur Himmler apparaît alors plus « naturelle », car cette « trahison », absolument inconcevable, constituait certainement pour Eva la nouvelle politique du jour, ayant précipité, tout en la ternissant, la cérémonie de mariage.

 

La façon dont Baur rapporte cet entretien peut cependant prêter à confusion, si on comprend que tout ce qu'a raconté Eva était déjà connu de Baur : « Elle me raconta ce que je savais déjà : Himmler aussi avait essayé de faire défection. Il fut exclu du parti ce même soir. » Nous pensons néanmoins que la proposition « ce que je savais déjà » ne concerne que ce que tout le monde connaissait, c'est-à-dire la dépêche alliée sur la prétendue trahison de Himmler. Par contre, au moment de cette conversation, à part le Führer et sa secrétaire, seule Eva pouvait connaître l'implacable verdict frappant le Reichsführer. Ce qui explique d'ailleurs la séparation du compte rendu de la conversation en deux propositions indépendantes : d'une part, l'information connue de Baur et, d'autre part, l'exclusion du parti que lui apprend Eva Hitler. Encore une fois, c'est l'original allemand qui nous le confirme car la traduction française est incomplète : « Am Abend sprach ich mit Eva Braun – jetzt Eva Hitler. Sie berichtete mir, was ich schon wusste : auch Himmler hatte versucht auszuscheren. Uns wurde immer klarer, wie restlos und vernichtend der Untergang sein würde. Himmler wurde am selben Abend noch aus der Partei ausgestossen. » (Mit Mächtichen zwischen Himmel und Erde, p. 272). L'information connue de Baur est bien que Himmler aurait trahi. Suit alors une considération générale, absente de la traduction, reflétant la conversation entre les deux interlocuteurs : « Il nous apparaissait de manière toujours plus évidente que la fin serait totale et cataclysmique ». Vient ensuite l'information originale : « Le soir même [c'est-à-dire dans la nuit du 28 au 29 avril, lors de la dictée du testament], Himmler fut exclu du Parti. »

 

Adolf Hitler ne fulmina donc aucune décision irrévocable au moment où il prit connaissance de la dépêche alliée, contrairement à ce qui se passa lorsqu'il reçut, le 23 avril précédent, le télégramme de son successeur désigné, Hermann Goering, qu'il comprit comme un ultimatum (« Mon Führer, [...] Si je ne reçois pas de réponse avant 22 heures, je considérerai que vous ne disposez plus de votre liberté d'action et j'agirai de ma propre initiative. [...] ». Emmy Goering, Goering, p. 170) : Adolf Hitler démit sur-le-champ le Reichsmarschall de ses fonctions, supprima les droits de succession qui lui revenaient et appela auprès de lui le général von Greim qu'il fit maréchal et commandant suprême de la Luftwaffe. Hermann Goering fut mis aux arrêts dans sa propriété de Berchtesgaden et gardé par un détachement SS. Toutes ces décisions sont attestées par des télégrammes émanant de la Chancellerie de Berlin et les souvenirs de toutes les personnes présentes que nous avons citées.

Mauterndorf.jpeg

Il est cependant important de souligner ici que les accusations de haute trahison portées contre Hermann Goering et Heinrich Himmler relevèrent du malentendu. Le Reichsmarschall tout comme le Reichsführer crurent de bonne foi Adolf Hitler empêché de tenir les rênes du Reich. Dès réception de la réaction de la Chancellerie, Hermann Goering annula d'ailleurs immédiatement ses messages annonçant aux responsables politiques et militaires du Reich l'entrée en vigueur du décret du 29 juin 1941 le désignant comme successeur du Führer et se démit également de toutes ses fonctions « pour raisons de santé » ainsi que l'avait demandé Adolf Hitler. Et sa réaction à l'annonce de la mort de ce dernier est également révélatrice de son authentique loyauté, comme en témoigne son épouse Emmy qui a décrit « son chagrin au sujet de l'indigne traitement subi de la part d'Adolf Hitler et son désespoir de ne plus pouvoir se justifier » : « Désormais, je ne pourrai plus jamais me justifier, lui crier en face que je lui suis toujours demeuré fidèle ! » (p. 185). Ce dramatique malentendu est également confirmé par Walter Lüdde-Neurath, aide de camp du grand-amiral Doenitz, dans ses mémoires : « D'après les déclarations que me fit Goering lors de notre détention commune à Bad Mondorf et les conversations que j'eus avec des personnes de son entourage, je suis arrivé à la conviction qu'il n'a jamais eu l'idée de commettre une “trahison”. Il était coupé de Hitler et, apprenant l'investissement de Berlin, le crut hors d'état d'agir. Il s'estima donc tenu de le remplacer, conformément à la déclaration faite au Reichstag qui n'avait jamais été annulée. » (Les derniers jours du Troisième Reich, p. 49).

 

Mais qu'en est-il de Heinrich Himmler ? Que se passa-t-il ? Fut-il vraiment démis de ses fonctions ? Et, si oui, fut-il seulement mis au courant ?

 

Le ministre de l'Industrie Albert Speer a raconté sa visite à Heinrich Himmler, le 24 avril 1945, au lendemain des incidents concernant Hermann Goering :

«  Comme toujours Himmler me témoigna la cordialité de mise entre collègues, mais qui exclut toute intimité. Il montra surtout de l'intérêt pour mes aventures berlinoises. Il n'accorda aucune attention à mon récit de la destitution de Göring par Hitler, dont il avait sans aucun doute déjà entendu parler, et quand je mentionnai, avec il est vrai quelques réserves, la renonciation de Göring à toutes ses fonctions, comme si tout cela n'avait aucune importance : “De toute façon, me dit-il d'un ton assuré et avec un sourire entendu, Göring sera le successeur. Nous sommes depuis longtemps convenus que je serai son Premier ministre. Même sans Hitler, je peux faire de lui le chef de l’État... Et vous le connaissez... Bien entendu, c'est moi qui déciderai. J'ai déjà pris contact avec diverses personnes que je prendrai dans mon cabinet. Je dois recevoir Keitel tout à l'heure...” Peut-être Himmler supposa-t-il que je faisais antichambre pour qu'il me donnât un poste de ministre. Himmler se berçait d'illusions invraisemblables : “Sans moi, affirmait-il, l'Europe ne s'en sortira pas. Elle aura encore besoin de moi comme ministre de la Police pour maintenir l'ordre. Une heure avec Eisenhower et il en sera convaincu ! Vous verrez bientôt qu'ils devront faire appel à moi sous peine de sombrer dans la pagaille.” Il fit état des contacts qu'il avait pris avec le comte Bernadotte, en prévision d'une remise des camps de concentration à la Croix-Rouge internationale. » (Au cœur du IIIe Reich, p. 672)

Jodl-Speer-Doenitz.jpg

 Le caractère systématique de plaidoyer pro domo de son livre rend souvent suspect le témoignage de Speer, par exemple quand il laisse entendre –et il est bien le seul– une espèce d'alliance entre Himmler et Goering à l'insu et même contre le Führer... Ce qui apparaît par contre bien plus vraisemblable, c'est la spontanéité avec laquelle le Reichsführer parle de ses contacts avec Bernadotte, sans fard, puisqu'ils correspondent à une action humanitaire à mener avec un responsable de la Croix-Rouge, et non à des pourparlers de capitulation : c'est d'ailleurs ce qu'il confirmera également au grand-amiral Dönitz (voir ci-après).

 

Ce n'est en fait qu'au moment de rédiger son Testament politique qu'Adolf Hitler prendra sa décision concernant le chef de ses plus fidèles soldats. Le Führer consignera ainsi dans la « seconde partie » de son Testament politique son terrible verdict :

« Avant ma mort, j'expulse du Parti et de toutes ses charges l'ex-Reichsführer des SS et ministre de l'Intérieur du Reich Heinrich Himmler. »

 

Political_Testament_of_Adolph_Hitler_1945_page_7.jpgC'est le 29 avril 1945 vers deux heures du matin que ce testament politique fut dicté par Hitler à sa secrétaire Traudl Junge. Mais, à part Eva Hitler qui en parla le soir à Hans Baur, qui en connaissait la teneur ? Le grand-amiral Karl Doenitz, principale personne concernée puisque ce testament le nommait chef de l’État après la disparition du Führer, ne le connaissait en tout cas pas lorsqu'il reçut la nouvelle de la « trahison » de Himmler :

« Le 30 avril, un télégramme, chiffré dans notre code secret, me parvint de la Chancellerie : “Nouvelle trahison en cours. D'après la radio ennemie, le Reichsführer aurait fait des offres de capitulation par l'intermédiaire de la Suède. [...]” L'histoire me parut folle. [...] Je demandai un rendrez-vous à Himmler pour essayer de découvrir le jeu qu'il jouait. Nous convînmes de nous rencontrer dans une caserne de la police à Lübeck. [...] Himmler me fit attendre, paraissant se comporter déjà en chef de l’État. Était-il vrai, lui demandai-je, qu'il eût tenté d'entrer en liaison avec les Alliés par l'intermédiaire du comte Bernadotte ? Il le nia et me déclara que, pour lui aussi, l'essentiel était de ne pas provoquer le chaos par des dissensions. Nous nous séparâmes en bons termes. » (p. 350)

 

Le même 30 avril, environ deux heures après la mort du Führer, Dönitz reçut un nouveau télégramme signé par Bormann lui annonçant que « le Führer vous a désigné pour lui succéder à la place de l'ex-Reichsmarschall Goering. Pouvoirs écrits vous sont envoyés. A partir de maintenant, il vous appartient de prendre toutes les mesures que commande la situation. » (p. 351) De nouveau, rien concernant Himmler. Pour preuve, lorsque Dönitz convoqua, immédiatement après, le Reichsführer à son état-major de Ploen, ce ne fut pas pour l'arrêter pour haute trahison, mais pour s'assurer qu'il respecterait la seule décision qu'il connût, c'est-à-dire sa désignation comme successeur du Führer : « Il arriva vers minuit avec six officiers de SS armés. [...] Je lui tendis le télégramme me désignant.

Veuillez prendre connaissance !

Je l'observai. En lisant, son visage manifesta un grand étonnement, voire de la stupeur, comme si un de ses rêves s'écroulait. Il devint fort pâle, se leva, et dit :

Permettez-moi d'être le second dans votre État.

Je lui expliquai qu'il ne pouvait en être question, que je n'avais aucun emploi pour lui.

Il prit congé vers une heure du matin. » (p. 353)

  

Karl_Dönitz.jpgLe lendemain 1er mai, à 7h40, Dönitz reçut un nouveau télégramme de Bormann « Testament en vigueur. [...] » Dans ses Souvenirs, Lettres et Documents, le maréchal Wilhelm Keitel précise : « Un exemplaire du testament était en route vers nous, apporté en avion par un officier [le Standartenführer Wilhelm Zander, aide de camp de Martin Bormann]. » (p. 271). Mais le testament n'arriva jamais, empêchant les nouveaux dirigeants du Reich de rien connaître de l'intégralité de sa teneur. Ce qui explique la nouvelle réception du Reichsführer par Dönitz le 1er mai 1945 : « Au début de l'après-midi, apparut de nouveau Himmler qui eut avec Dönitz un entretien en tête à tête. J'avais été frappé de ne voir son nom figurer nulle part sur la liste ministérielle communiquée par Goebbels. J'eus l'impression qu'il se considérait comme automatiquement membre du cabinet Dönitz, car il me demanda quelle serait l'attitude de la Wehrmacht à son égard. Il semblait donc qu'il guignât le poste de ministre des Armées. Aussi me gardai-je bien de lui répondre. Je lui dis simplement qu'il fallait poser la question à Dönitz lui-même, car je ne pouvais, en donnant mon avis, me substituer à celui-ci qui était le chef suprême de l'armée. » (p. 273).

 

Dans ses mémoires, Doenitz ne parle pas de cette nouvelle rencontre, mais cite bien le télégramme envoyé par Joseph Goebbels :

« Un autre événement se produisit encore, le 1er mai. A 15h18, je reçu un troisième et dernier message, parti de la Chancellerie du Reich à 14h46 :

Pour le grand-amiral Doenitz. (Personnel. A déchiffrer par un officier.)

Führer décédé hier à 15h30. Testament du 29 avril vous attribue fonctions de Président du Reich, celles de chancelier au Reichsminister Goebbels, celles de ministre du parti au Reichsleiter Bormann, celles de ministre des Affaires étrangères au Reichsminister Seyss-Inquart. Par ordre du Führer, ce testament est envoyé à vous et au maréchal Schoerner, troisième exemplaire sera porté en dehors de Berlin pour assurer sécurité de sa publication. Reichsleiter Bormann essaye aujourd'hui même de vous rejoindre pour vous renseigner sur situation. Forme et moment annonce officielle aux troupes et au public laissés à votre discrétion. Accusez réception. Goebbels, Bormann.” » (p. 360).

 

On remarquera qu'à nouveau, aucune allusion n'est faite à la disgrâce de Himmler, ce qui explique la présence régulière de ce dernier aux réunions du quartier général de Doenitz : « Les conversations [sur les pays encore occupés par l'Allemagne : Danemark, Norvège Pays-Bas et Bohême-Moravie] eurent lieu le 3 et le 4 mai, séparément pour chacun des quatre pays, en présence de Doenitz, Schwerin, Wagener, Keitel, Jodl et, par intervalles, de Himmler et de Speer. » (Walter Lüdde-Neurath, p. 106).

 

Doenitz note à ce propos : « Lors de la discussion relative à la Norvège, avec le commissaire Terboven et le général Böhme, je fus surpris de voir arriver Himmler, accompagné du gruppenführer Schelleberg, chef du Service de Sécurité à l'étranger. [...] Schellenberg proposa d'offrir la capitulation de la Norvège à la Suède, en demandant à celle-ci d'interner les troupes d'occupation sur son territoire. Himmler, constatai-je, avait déjà noué des fils à cet égard par l'intermédiaire de Schellenberg. La Suède avait même, semblait-il, donné confidentiellement son accord pour cet internement. Les motifs qui avaient conduit à ces négociations clandestines me parurent suspects. [...] Comment, dans l'état d'impuissance où nous nous trouvions réduits, aurions-nous pu jouer un tour aux Alliés en offrant la capitulation de la Norvège à un pays neutre ? Même l'avantage d'un internement en territoire suédois me semblait extrêmement douteux. Qui garantissait que la Suède, cédant à une pression soviétique, ne livrerait pas nos troupes aux Russes ? »

 

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Serait-ce à ce moment que Doenitz aurait pu croire à la « trahison » de Himmler ? En effet, Lüdde-Neurath écrit à ce propos : « Alors qu'il l’avait nié catégoriquement à Lübeck, le 30 avril, Himmler avoua le 3 mai, au grand-amiral, qu'il avait déjà essayé de prendre des contacts en vue d'une capitulation, par l'intermédiaire de la Suède. Doenitz eut des paroles très dures pour qualifier ce mensonge : “Qui m'a déjà menti recommencera”, “Qui a trahi une première fois est toujours prêt ensuite à trahir encore.” » Nous remarquerons néanmoins qu'au moment où le Reichsführer rencontra le grand-amiral Doenitz le 30 avril, celui-ci n'avait pas encore officiellement succédé au Führer et le secret des opérations qu'il avait menées en toute bonne foi pouvait-il donc apparaître comme indispensable au Reichsführer. Par ailleurs, cet épisode du « mensonge » de Himmler n'est-il pas une pure invention romanesque de Lüdde-Neurath ? On n'en trouve en effet nulle trace dans les mémoires du grand-amiral qui déclare au contraire qu'il n'eut vent de ces pourparlers qu'après le 8 mai 1945 : « Peu après la capitulation, j'appris qu'il m'avait menti en niant ses négociations. » (p. 351).

 

Le 5 mai 1945, Doenitz constitua son gouvernement éphémère : « Tous les ministres qui étaient membres du Parti : von Ribbentrop, Himmler, Rosenberg et le Dr Conti, directeur de la Santé publique se trouvaient exclus du nouveau gouvernement. » (Walter Lüdde-Neurath, p. 121). Et si Lüdde-Neurath note laconiquement « Himmler disparut de notre horizon le 6 mai, conservant toujours son optimisme » (p. 149), Doenitz ne lui consacrera plus que cette seule phrase : « Le 6 mai, je relevai Himmler de toutes ses fonctions. » (p. 374). Cette décision concernait évidemment les fonctions ministérielles –Intérieur et donc Police– de Himmler, mais concernait-elle également son commandement militaire sur la SS ? Doenitz, qui est seul à évoquer cette révocation, n'en dit pas davantage : Lüdde-Neurath, quant à lui, laissera tout de même entendre qu'il n'y eut pas de révocation à proprement parler puisque, dit-il, Himmler conservait « toujours son optimisme » et, de plus, « Doenitz a regretté par la suite d'avoir laissé disparaître Himmler » (p.150).

 

Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la décision de Doenitz, pour autant qu'elle soit avérée, de relever Himmler de ses fonctions dans les dernières quarante-huit heures de la guerre irait en ce cas dans la droite ligne de la constitution de son gouvernement sur base d'un « cabinet de spécialistes [qui] fut appelé “gouvernement chargé de l'expédition des affaires du Reich”. » (Walter Lüdde-Neurath, p. 120) et n'a aucunement pu relever de la décision d'Adolf Hitler consignée dans son Testament politique.

 

Le désormais président Dönitz confirmera d'ailleurs que ce n'est qu'au cours de l'hiver 1946-47 qu'il prit enfin connaissance du Testament politique d'Adolf Hitler : « Hitler m'avait choisi, pensai-je, parce qu'il voulait permettre à un soldat de terminer la guerre. Je n'appris mon erreur que pendant l'hiver suivant, à Nuremberg, lorsque j'eus connaissance du testament de Hitler dans lequel il réclamait la continuation de la lutte. » (p. 352)

  

Doenitz Nuremberg.jpgCette chronologie des faits est intégralement confirmée par Lüdde-Neurath :

« Le 30 avril, dans le courant de la matinée, Doenitz reçut un télégramme émanant de la Chancellerie [...]. Il disait :

Nouvelle trahison en cours. Selon radio ennemie Reichsführer (Himmler) aurait fait offre capitulation par intermédiaire Suède. Führer compte que vous agirez instantanément et inflexiblement contre tous les traîtres. Bormann.

Doenitz se trouvait ainsi placé dans une situation extrêmement délicate. Attendait-on de lui qu'il agît “instantanément et inflexiblement” contre Himmler ? [...] Il se demandait, en outre, quel crédit il fallait accorder aux allégations de la radio ennemie et supposait qu'on avait dû fortement les exagérer dans l'atmosphère de catastrophe qui régnait à la Chancellerie. [...] Il résolut, en conséquence, d'éclaircir la situation par un entretien personnel [...]. Ils se réunirent vers 15 heures à la caserne de police de Lübeck. Doenitz mit le télégramme sous les yeux de Himmler et lui demanda de s'expliquer. [...] L'amiral me déclara par la suite que Himmler avait nié avoir pris contact avec l'ennemi, prétendu que la nouvelle donnée par la radio ennemie était un mensonge et affirmé que, conformément à ce que pensait le grand-amiral, la première nécessité de l'heure était de rester unis quoi qu'il pût arriver. [...]

Ce fut un télégramme qui nous [...] apprit, le 30 avril à 18h35 [que Doenitz était nommé Président du Reich]. Speer était là quand je présentai ce télégramme à l'amiral et, après quelques instants de silence, il lui offrit ses félicitations. [...] Au reste, nous ne fûmes pas effleurés par un seul doute sur l'authenticité de ce télégramme et de ceux qui suivirent. [...] La découverte ultérieure du testament du Führer [nous soulignons] a fait disparaître le moindre doute qui pouvait subsister. [...] Le 1er mai au matin arriva un nouveau télégramme de la Chancellerie (émis de Berlin à 7h30, reçu à Plön à 10h53) [...] annonçant la mort de Hitler. [...] Ce même 1er mai, dans l'après-midi, l'officier transmetteur m'apporta le troisième et dernier télégramme envoyé [par Goebbels] de la Chancellerie (émis à 14h46, reçu à 15h18) [...]. »

 

Heinrich Himmler n'eut ainsi jamais connaissance des dispositions d'Adolf Hitler le concernant et continua d'occuper toutes ses fonctions jusqu'au moins l'avant-veille de la capitulation effective des forces du Reich, le 8 mai 1945 à minuit : c'est donc particulièrement solliciter l'histoire que de décrire comme Peter Longerich –un des rares biographes (contempteur) de Himmler– la réaction du Reichsführer au Testament politique de Hitler : « Le reproche d'être un traître à la nation dut être particulièrement cuisant pour Himmler » (Himmler. L'éclosion quotidienne d'un monstre ordinaire, p. 703).

 

C'est bien en qualité de Reichsführer-SS que Heinrich Himmler termina la guerre et parce qu'il était le Reichsführer-SS qu'il fut assassiné par les Anglais (voir Joseph Bellinger, La mort d'Himmler : suicide ou assassinat ?, Akribeia, 2007. L'auteur documente abondamment les tentatives de contact surréalistes avec les alliés de la part d'un Himmler intoxiqué par les services secrets anglo-américains tout autant que par son chef des services secrets, Walter Schellenberg : voir aussi Le Chef du contre-espionnage nazi parle, Julliard, 1957, et Folke Bernadotte, La Fin. Mes négociations humanitaires en Allemagne au printemps 1945 et leurs conséquences politiques, Marguerat, Lausanne, 1945). (*)

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Il est dès lors évident que tous les actes officiels posés par le Reichsführer –dont les promotions militaires qu'il conféra, et certainement celles antérieures au 6 mai, si tant est qu'il y en eût de postérieures– furent bien toutes valables et prirent toutes légalement effet.

Le menteur De Bruyne doit quand même bien en être conscient puisqu'il n'ose avancer aucune date précise pour la disgrâce du Reichsführer qu'il situe dans une fourchette couvrant la période « fin avril-début mai 1945 », c'est-à-dire à partir de la date de la dépêche Reuter (28 avril) jusque, au maximum, la fin de la guerre (8 mai): il eût été cependant plus conforme à la vérité de fixer cette fourchette à la seule fin avril, c'est-à-dire entre le moment où la dépêche Reuter fut connue d'Adolf Hitler et la dictée par ce dernier de son Testament politique. Mais notre lecteur sait désormais que le prétendu « encyclopédiste » eût dû fixer son terminus ad quem à la date où ce testament fut rendu public (hiver 1946, au plus tôt), c'est-à-dire in tempore inutili !

 

C'est donc de plein droit que Léon Degrelle fut promu au grade de Standartenführer, le 20 avril 1945, et même –à en croire De Bruyne lui-même– à celui de général, promotion orale qui lui aurait été octroyée le 2 mai 1945. Dans Axe et Alliés, De Bruyne suggère Oberführer, mais, vu le commandement effectif sur les Volontaires wallons et flamands, Brigadeführer semblerait mieux approprié.

 

Nous noterons cependant que le grade de général ne figure pas au Soldbuch et que Léon Degrelle lui-même ne s'est jamais prévalu de ce grade (il n'apparaît ni dans sa correspondance ni dans ses mémoires) : il a accepté –mais nullement réclamé– que ses amis lui donne, de manière honorifique, ce titre après la guerre. Le grade de Standartenführer, quant à lui, était parfaitement légitime, nous l'avons vu au début de cet article : son récipiendaire souhaitait d'ailleurs à juste titre paraître devant son chef muni des insignes de son nouveau grade. C'est l'Untersturmführer (sous-lieutenant) Charles Generet qui a rapporté, dans ses mémoires inédits, l'anecdote de la couture des pattes de col par l'officier d'ordonnance de Léon Degrelle, Robert Du Welz. Racontant en détail la rencontre du 2 mai avec Heinrich Himmler, Generet n'évoquera, par contre, à aucun moment la demande et/ou la collation (orale ou non) du grade de général. Pour quelle raison donc De Bruyne tient-il à prétendre que Degrelle aurait, au dernier moment, arraché à Heinrich Himmler sa nomination « orale » au grade de général, si ce n'est pour le plaisir de la contester, voire de dénoncer un nouveau « mensonge » degrellien...

 

Ce ne sont donc en aucun cas les promotions de Léon Degrelle postérieures au 1er janvier 1945 –jour où il accéda au grade d'Obersturmbannführer– qui « ne prirent jamais effet », mais les considérations oiseuses de De Bruyne qui se révèlent une nouvelle fois nulles et non avenues !...

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(*) Le lecteur comprendra que ce n'est ici ni l'endroit ni le moment d'examiner tous les tenants et aboutissants de ces démarches de Heinrich Himmler : ce qui nous importe hic et nunc, c'est de démontrer qui ni le Reichsführer ni aucun responsable politique allemand ayant encore quelque pouvoir en mai 1945 ne pouvait être au courant du contenu intégral du Testament politique du Führer Adolf Hitler.

Pour tenir compte d'un élément allant à contresens de notre thèse, signalons que Joseph Bellinger rapporte le « témoignage » du général Otto Ohlendorf, chef du Service de Sécurité à l'intérieur du Reich, condamné à mort en 1948 au procès des Einsatzgruppen et pendu le 8 juin 1951 à la prison de Landsberg. Il s'agit en fait du résumé d'un interrogatoire référencé « CDR USAINSCOM FOI/PA Auth-Para 1-603 DoD 5200.1-4, “Deuxième rapport préliminaire du G-2, section spéciale du Quartier général suprême de la force d'expédition alliée (SHAEF)”, déclassifié le 18 novembre 1997 : Ohlendorf Dossier ».

En voici les principaux extraits concernant notre propos : « Himmler se considérait comme le premier homme après Hitler. Bormann menait des intrigues contre Himmler auprès d'Hitler. [...] Bormann semble avoir persuadé Hitler de rester à Berlin A partir de ce moment, sous l'influence de Bormann, la méfiance d'Hitler vis-à-vis du Reichsführer se mua en haine. Dans le nord-ouest de l'Allemagne, Himmler entreprit de négocier avec les Alliés, dans un premier temps par l'intermédiaire de Bernadotte. Par la suite, il y eut des tentatives pour contacter Eisenhower par Schellenberg et Montgomery par Jodl. Apparemment Bormann en eut connaissance et il persuada le Führer de chasser Himmler du parti et du gouvernement. Un message portant la signature du Führer semble être parvenu à Himmler. [...] Lorsque Hitler avait désigné le grand-amiral pour lui succéder, Himmler avait changé de plans et de tactique. Il ne tenta pas d'affirmer ses prétentions à la conduite du parti nazi, mais se mit sans réserve à la disposition de Dönitz. Il confia à Ohlendorf et à d'autres son espoir de devenir le Premier ministre de Dönitz. L'amiral déclina l'offre de service d'Himmler et Himmler dut en rabattre. [...] Naguère négligé, Ohlendorf devint le père confesseur d'Himmler. » (pp. 453-454).

Ce « témoignage » d'Ohlendorf ne nous semble guère pertinent en ce qu'il ignore tellement la réalité de l'enchaînement des faits qu'il doit échafauder toutes sortes de suppositions pour essayer de rendre le récit cohérent.

C'est ainsi qu'il met sur le compte de l'influence de Bormann la décision personnelle d'Adolf Hitler de demeurer à Berlin malgré l'insistance de tous ses proches dans le Führerbunker, y compris Bormann, afin qu'il quitte la capitale du Reich pour l'Obersalzberg (voir, par exemple, Wilhelm Keitel, pp. 236 et 240 ; Heinz Linge, p. 189 ; Traudl Junge, p. 218 ; Hans Baur, p. 245,...). C'est ainsi qu'il postule également une haine de Hitler pour Himmler provoquée par Bormann avant même la fameuse dépêche « Reuter » dont Ohlendorf ignore par ailleurs complètement l'existence : ce serait Bormann qui, « apparemment », aurait appris (comment ?) les manœuvres de Himmler (bien détaillées cependant en leurs volets « Bernadotte », « Schellenberg » et « Jodl », –ces deux derniers épisodes ne figurant du reste pas dans la dépêche Reuter) et ainsi dressé le Führer contre Himmler. Et si Ohlendorf connaît –sans dire comment, ni surtout quand– la sanction qui devait frapper Heinrich Himmler, il ignore la forme qu'elle prit (le Testament politique) et s'oblige donc à postuler un « message » envoyé par Hitler et reçu par Himmler...

Toutes ces supputations d'Ohlendorf ne tiennent pas la route face aux faits qu'il put lui-même observer par la suite et qui ne souffrent plus de conditionnel, de verbes exprimant l'incertitude, ni d'adverbes de doute –et qui n'eussent pu se produire si leurs protagonistes (Himmler et Doenitz) avaient réellement connu l'arrêt d'Adolf Hitler formulé dans son ultime message : Ohlendorf détaille ainsi l'acceptation par Himmler de la décision du Führer concernant la nomination de Doenitz au poste de président du Reich, l'offre spontanée et entière par Himmler de ses services, le refus de Doenitz et, à nouveau, l'acceptation de cette décision par Himmler. Si donc Ohlendorf devint le « père confesseur » du Reichsführer, il dut néanmoins s'inventer quelques compléments de « confessions » pour correspondre aux informations probablement suggérées par ses interviewers (la date précise de cet interrogatoire n'est pas fournie par Bellinger, mais est bien postérieure à la mort de Heinrich Himmler qu'Ohlendorf n'apprit que postérieurement de la bouche de ses interrogateurs).

Cette pièce d'interrogatoire américain ne remet donc aucunement notre démonstration en cause.

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