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Léopold III, Adolf Hitler et... Léon Degrelle. En marge de l'Encyclopédie perfide et mensongère de De Bruyne

La restauration de la Bourgogne historique : le projet des chefs de peuple
Adolf Hitler et Léon Degrelle

 

 

Fiery_Grayscale_2 (3).jpgDans la première livraison de notre critique de l'Encyclopédie de l’Occupation, de la Collaboration et de l’Ordre Nouveau en Belgique francophone (1940-1945) d'Eddy De Bruyne (voir ce blog au 23 mars 2017), nous commencions par nous étonner de l'absence sinon de certains « Collaborateurs » éminents, du moins de quelques-uns des principaux acteurs de « l'Occupation, de la Collaboration et de l'Ordre Nouveau en Belgique », à commencer par le roi des Belges lui-même, Léopold III, qui compta parmi ceux qui firent le plus « des pieds et des mains pour rencontrer le Führer, lui serrer la pince et prendre le thé avec lui ».

Un lecteur nous reproche cependant d'en faire un peu trop en laissant entendre que le roi était tout acquis à l'Ordre Nouveau : « Lorsque vous écrivez que dans l'immédiat après-guerre, Léopold III revint à Berchtesgaden "séduit par ce sanctuaire hitlérien aux étonnantes prouesses architecturales [...] pour compléter son premier séjour par la visite de l'impressionnant Kehlsteinhaus construit pour le 50e anniversaire du Führer : un pèlerinage éclairant sur les vrais sentiments du roi à l'égard du maître du IIIe Reich ?", êtes-vous certain de ne pas prendre vos désirs pour la réalité ? Car il faut bien constater que la visite du roi au Führer s'est soldée par un échec et que la suite a montré que Hitler ne traita pas très favorablement son prisonnier royal, lui refusant tout ce qu'il sollicita et l'emmenant en captivité en Allemagne après le débarquement des alliés. Dès lors, la visite, après-guerre, de Léopold III au Kehlsteinshaus (pour autant qu'elle ait vraiment eu lieu) ne s'apparenterait-elle pas plutôt à la revanche d'un vaincu humilié plutôt qu'au "pèlerinage" d'un disciple convaincu ? »

Nous donnons bien volontiers raison à notre correspondant sur ce dernier point, tant il est vrai que le Führer ne s'en laissa jamais conter par quelque monarque brandissant son statut pour extorquer quelque privilège et qu'il dut trop souvent rappeler son encombrant prisonnier à la réalité de son statut et de ses responsabilités dans un conflit où chacun devait tenir sa place: l'histoire avait changé toutes les données géopolitiques et c'est l'Allemagne nationale-socialiste qui se retrouvait investie du destin européen auquel chaque pays devait prendre sa part de combat et de souffrance (comme s'y engagèrent d'ailleurs spontanément Léon Degrelle et la Légion Wallonie). Ce que le Führer ne manqua évidemment pas d'essayer –vainement– de faire comprendre à son royal interlocuteur.

 

Fiery_Grayscale_1.jpgEt donc, la visite au Kehlsteinhaus (sanctuaire hitlérien désormais également réceptacle d'une partie des cendres de Léon Degrelle : voir ce blog au 21 janvier 2016) peut certes s'interpréter comme la vengeance d'un « ex-vaincu » blessé dans son amour-propre, se permettant d'accéder à une des propriétés d'Adolf Hitler les plus emblématiques et les plus inaccessibles au commun des mortels où, évidemment, il ne fut jamais autorisé à pénétrer du vivant de son propriétaire. Cette visite « de la revanche » eut bien lieu, comme en atteste au moins une photographie, prise le 15 septembre 1945, depuis le sentier menant au sommet du massif.

Néanmoins, si nous reconnaissons bien volontiers cette manifestation de la rancune tardive de l'ancien Wittelsbach, descendant des ducs en Bavière, vis-à-vis de l'ex-caporal du régiment List de l'armée bavaroise, cela n’enlève rien à notre commentaire décrivant les photos prises par le comte Robert Capelle, secrétaire privé de Léopold III, lors de la visite du roi au Berghof le 19 novembre 1940, le montrant non en « homme accablé de tristesse et d'inquiétude », mais en « visiteur enchanté par l'endroit où il se trouve et posant complaisamment devant le massif grandiose de l'Untersberg ».

Photo Capelle 2-horz.jpgL'histoire officielle enseigne que le roi n'obtint rien de ses demandes rédigées par ses conseillers avant son voyage (ravitaillement de la population belge, situation des prisonniers de guerre, charges financières de l'occupation allemande, indépendance du pays...) : il n'en est évidemment rien car Adolf Hitler s'est toujours comporté en parfait chevalier face à ses invités, même si, comme le rapporte l'interprète Paul Schmidt, à propos de Léopold III dans ses mémoires (Sur la scène internationale, p. 275), il manifestait « malaise » et « tension», « faisant effort sur lui-même » pour cacher sa « répugnance » à devoir assister à « une désagréable leçon dont il ne comprend nullement la nécessité ». C'est ainsi que le Führer accéda immédiatement à la demande de grâce de trois jeunes soldats liégeois condamnés à mort pour avoir brutalisé un camionneur allemand dans leur évasion. De même est-il convenu d'affirmer que le Führer resta insensible au sort des militaires belges prisonniers en Allemagne. Il suffit de lire le rapport du général Raoul Van Overstraeten (qui accompagna le roi à Berchtesgaden) pour constater à nouveau qu'il n'en fut rien : « Le rapatriement des prisonniers de guerre, à la suite des conversations de Berchtesgaden, a marché à bonne allure : 22.000 rentrées en décembre, 31.000 en janvier, 22.500 en février. » (voir Jo Gérard, Le mystérieux trio de Laeken : Von Falkenhausen, Léopold III, Werner Kiewitz, p. 254).

Mais le principal effet de cette rencontre historique fut la profonde impression que le Führer fit sur le roi des Belges en dressant le panorama politique du futur de l'Europe remodelée par l'Ordre nouveau national-socialiste : « Hitler développe ensuite de longues considérations sur la supériorité de l'ordre nouveau » déclare diplomatiquement Léopold dans son compte rendu de l'entrevue de Berchtesgaden publié dans son plaidoyer pro domo d'après-guerre (Pour l'Histoire. Sur quelques épisodes de mon règne, p. 73).

Teehaus+LIII Meissner.jpgMais nous savons que ces « longues considérations » correspondaient parfaitement à ses propres idées, exprimées notamment dans les notes de Henri De Man décrivant l'Europe future libérée de la ploutocratie et de son système « démocratique » par l'Allemagne nationale-socialiste, au sein de laquelle la Belgique, sous l'autorité du roi, aurait eu toute sa place (voir ce blog au 18 janvier 2016 à propos du Manifeste du 28 juin 1940 soumis à l'avis du roi).

Lisons les Notes de Henri De Man sur [ses] rapports avec le Roi Léopold : « Pendant les premiers mois (et jusqu'en été 1941), le Roi me consultait, presque à chaque entrevue, sur les questions politiques du moment. [...] Il y a cependant certaines vues dont le roi ne s'est jamais départi, et que l'on peut résumer ainsi :
1) Le régime social et politique de la Belgique d’avant-guerre doit être considéré comme liquidé par la faillite et il faut s'opposer à toute tentative de le restaurer.
2) Moi, Léopold, je n'accepterai plus de régner sous ce régime-là. [... ]. » (p. 32)

Mieux même, il se déclarait alors disposé à « prêter à Hitler un serment comportant une certaine allégeance comme dans le Reich d'antan les monarques à l'Empereur. » (p. 33)

Aussi Henri De Man ne peut-il qu'enregistrer –tout comme le montrent éloquemment les photographies prises à cette occasion– l'immense satisfaction du souverain : « Après l'entrevue de Berchtesgaden en novembre 1940, le roi me dit à plusieurs reprises que, bien que l'entrevue n'eût presque rien donné, il avait été profondément impressionné par la personnalité de Hitler. Au printemps de 1941, il alla même un jour jusqu'à dire : "C'est un homme comme il en naît un tous les mille ans" » (Henri De Man, Le Dossier Léopold III et autres documents sur la période de la Seconde Guerre mondiale, p. 35).

Le colonel Werner Kiewitz, Der deutsche Adjudant bei S.M. Dem König der Belgier (aide de camp allemand auprès de S.M. le Roi des Belges), c'est-à-dire, selon ses propres dires, l'« agent de liaison directe avec le Führer », n'hésite d'ailleurs pas à décrire Léopold III comme suit dans une lettre du 26 juillet 1940 à l'Oberst Rudolf Schmundt, principal aide de camp de Hitler pour la Wehrmacht (il sera l'une des quatre victimes de l'attentat du 20 juillet 1944) : « Le roi, qui se donne la peine de se former une opinion exacte de la nouvelle évolution de l'Europe –et qui a déjà, par le passé, fourni les preuves d'une compréhension analogue, par exemple, dans la question des travailleurs– est un admirateur sincère de l’œuvre et de la personne du Führer. » (cité d'après Albert De Jonghe, De laatste boodschap van Kiewitz, namens koning Leopold III, voor Hitler (15 juni 1944), in Revue belge de philologie et d'histoire, 1987, vol. 65, p. 282).

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C'est donc un roi Léopold III tout réjoui et, rare faveur touristique accordée par son hôte Adolf Hitler, accédant encore au magnifique panorama vers la forteresse de Salzbourg visible depuis le Teehaus, en contrebas du Berghof, qui prendra congé, le 20 novembre 1940, des Alpes bavaroises chères au Führer.

Pour le reste, s'il est vrai qu'Adolf Hitler salua la capitulation belge du 28 mai 1940 décidée par le roi « qui avait empêché une inutile effusion de sang » (Paul Schmidt, op.cit, p. 278), il n'oublia jamais que la politique officielle de neutralité (que seuls défendirent bec et ongles Léon Degrelle et Rex –ainsi que les publications de leur mouvance, tel L'Oasis, enrichi des aventures de M. Bellum, dessinées par Hergé, voir ce blog au 10 mai 2017) ne fut qu'un attrape-nigaud à destination des seuls Allemands (frontière allemande fortifiée, frontière française ouverte, contacts étroits et permanents, via le général Édouard Laurent, attaché militaire français à Bruxelles, avec Maurice Gamelin, général en chef des armées françaises,... Voir à ce propos Fernand Van Langenhove, A propos des relations militaires franco-belges, 1936-1940, in Revue belge de philologie et d'histoire, 1969, vol. 47, p.1198).

eddy de bruyne,léon degrelle,léopold iii,bourgogne,général van overstraeten,henri de man,colonel werner kiewitz,paul schmidt,xvii provinces,otto meissner,marie-josé de belgiqueAussi Adolf Hitler ne parvint-il plus à se contenir lorsqu'il apprit l'assassinat de Léon Degrelle, champion de la restauration des XVII Provinces bourguignonnes, en même temps que celui du chantre du pays grand-thiois, Joris Van Severen, à Abbeville le 20 mai 1940 (voir ce blog au 12 mai 2016) : frappant du point sa table de bureau, il s'exclama : « Cet homme ne remontera jamais sur son trône ! »

Heureusement pour le roi que Léon Degrelle échappa à toutes les tentatives de son gouvernement pour le faire passer de vie à trépas (voir ce blog aux 30 avril et 6 mai 2017)... C'est ainsi qu'au moment même de l'annonce de la libération du chef de Rex (juillet 1940), face à la multiplication des contacts politiques du roi et à ses prétentions de « régner » sur une portion réduite du territoire belge (le Limbourg belge), Hitler avait dû le rappeler sèchement à l'ordre de sa condition de prisonnier de guerre en résidence surveillée impliquant l'absence de toute activité politique.

Joseph Goebbels écrit ainsi dans ses Carnets à la date du 16 août 1940 : « Kiewitz me parle du roi des Belges, chez qui il joue l’adjudant. Le roi se tient tout à fait sur la réserve. Il attend l'Angleterre et son gouvernement. Il veut rester neutre. Il voudrait régner sur une petite partie de la Belgique. Mais il a dû être remis à sa place ! » (Tagebücher, vol. 9, cité d'après Michel Dumoulin, Mark Van den Wijngaert et Vincent Dujardin, Léopold III, p. 152).

Au lendemain de la capitulation belge, le 30 mai 1940, Adolf Hitler s'était pourtant montré empressé auprès du roi en dépêchant à Laeken le chef de sa Chancellerie présidentielle, le ministre d'Etat Otto Meissner en même temps que son médecin-chirurgien personnel, le SS-Gruppenführer Karl Gebhardt qui avait également soigné plusieurs membres de la famille royale belge (dont le fils du roi, le futur Albert II), pour proposer une rencontre dont le programme « bourguignon » était transparent : « [Le Dr Gebhardt] prétend à Léopold III que le Führer le rencontrera dans une semaine, en secret, sans témoins, et qu'il sera question de reconstituer le royaume hollando-belge des Pays-Bas, comme en 1815. » (Jo Gérard, op.cit., p. 257). Mais le roi des Belges avait préféré reporter sine die l'invitation de son vainqueur à le rencontrer dans les plus brefs délais (Adolf Hitler vint effectivement à Bruxelles le 1er juin 1940, sans pouvoir rencontrer Léopold).

Capture-vert.jpgDès le retour de Léon Degrelle (30 juillet 1940), Adolf Hitler avait cependant résolu d'avaliser le projet d'une Belgique bourguignonne en rencontrant le Chef de Rex le 26 octobre 1940, puis le conseiller du roi, Henri De Man, président du Parti socialiste de l'époque, avant de mettre le roi des Belges face à ses responsabilités, le 27 octobre. On sait que ces réunions échouèrent à cause des visées militaires funestes de Mussolini (voir ce blog au 18 mai 2017).

L'ordre dans lequel devaient se dérouler les rencontres du Führer n'était pas innocent puisqu'il s'agissait de préciser la place de la Belgique –nouvelle Bourgogne– dans l'ordre européen.

Léon Degrelle en premier car il eût pu voir la concrétisation de son idéal politique européen qui rencontrait de manière idéale et confondante celui d'Adolf Hitler.

Ensuite Henri De Man, dont le Führer savait qu'il avait salué en la victoire du Reich l'aube d'une nouvelle société de justice sociale libérée de la ploutocratie, mais dont il connaissait aussi l'hostilité vis-à-vis de Léon Degrelle qu'il fallait désamorcer (Henri De Man explique ainsi dans ses Notes sur mes rapports avec le Roi Léopold (p. 30) : « Mes rapports avec Abetz servirent aussi à plusieurs autres démarches tant à caractère politique (par exemple quand il s'agit d'empêcher que les Allemands donnent des pouvoirs à Degrelle) qu'à caractère personnel ». Il ne fait aucun doute que l'ambassadeur du Reich à Paris tint Berlin au courant de ces « démarches »).

Léopold III enfin qui eût dû d'autant mieux s'intégrer dans cette vision qu'il y était tout disposé (De Man note ainsi : « le Roi me demanda un jour (en été 1940) si je croyais que dans une Europe fédérée sous l'hégémonie allemande, il pourrait en tant que Roi prêter à Hitler un serment comportant une certaine allégeance comme dans le Reich d'antan les monarques à l'Empereur », op. cit., p. 33).

Quant aux contours des propositions que le Führer voulait faire au souverain, nul doute qu'il devait tenir compte du mémorandum que Léon Degrelle se proposait de faire parvenir à Berlin ainsi qu'en témoigne le secrétaire particulier du roi, Robert Capelle, rendant compte de son entretien avec le Chef de Rex le 21 août 1940: « [Léon Degrelle] m'a ensuite dit qu'il avait eu des entretiens avec Abetz à Paris et qu'il n'en rapportait que des impressions très rassurantes : "Il est évident que c'est Hitler qui décidera du sort de notre Pays. Il tranchera dans le vif et une fois qu'il aura décidé, il n'y aura plus rien à faire. Aussi faut-il prendre les devants et lui faire parvenir un petit dossier des désirs belges, compatibles avec la situation actuelle et la révolution qui s'est opérée. Ce dossier, je suis prêt à aller le lui porter moi-même, car je l'intéresse. Il me l'a montré en 1936 quand j'ai eu un long entretien avec lui. Il me l'a prouvé à nouveau ces dernières semaines en s'enquérant de mon sort et en faisant des recherches pour me retrouver mort ou vivant [...]. Ce dossier serait basé sur l'histoire de Belgique. La période bourguignonne a été la plus glorieuse pour nous : elle a été le début de notre unité. A cette époque, nos princes avaient une autorité directe et quasi autonome sur nos provinces. Théoriquement, ils dépendaient de l'Empire germanique [Ndlr: notons la parfaite coïncidence chronologique entre ce rappel historique de Léon Degrelle et la question du roi à Henri De Man sur la possibilité de prêter un serment d'allégeance au Führer]. Je verrais parfaitement pour l'avenir une situation analogue. La Belgique est un trop petit pays. Elle ne peut vivre qu'en s'agrandissant. Abetz estime, comme moi, que nous devrions nous agrandir au sud jusqu'à la Somme, au nord jusqu'au cours de la Meuse. Comme moi, il est convaincu que la France est finie. Son territoire sera rogné de toutes parts ; elle restera un pays de 25 millions d'habitants au maximum. C'est à la Belgique à tenir dorénavant le flambeau de la civilisation chrétienne en Europe occidentale." » (Recueil des documents établi par le secrétariat du roi concernant la période 1936-1949, Annexe 34, pp. 81 sv.)

qgfgqfgqfgqfdgqfdgqdfgq.jpgC'est cette politique que Hitler expliqua encore à Marie-José lors de leur rencontre du 17 octobre 1940 ainsi qu'elle le confia à Charles d'Ydewalle dans une interview publiée dans La Libre Belgique (13 mars 1973) : « Il me fit part aussi de son désir de passer en revue toute l'armée belge, ayant à ses côtés le roi Léopold. Ceci, naturellement, lorsque la paix serait signée entre les deux pays. La Belgique serait alors agrandie et constituerait une nouvelle Bourgogne ».

Le rendez-vous que l'épouse du prince héritier d'Italie obtint de Hitler pour son frère aurait ainsi dû sceller une sorte de réconciliation entre les deux hommes, d'autant plus que, répétant ce qu'il avait évoqué devant Marie-José, le Führer « fit comprendre que la Belgique, si elle s’appuyait sur l'Allemagne, recevrait [...] encore certains agrandissements de territoire dans le nord de la France jusqu'à Dunkerque et à Calais » (Paul Schmidt, op.cit., p. 277). Mais le Führer se rendit rapidement compte que le roi ruminait encore ses anciennes préventions, attisées sans doute par De Man, vis-à-vis du plus pur partisan belge de l'Ordre nouveau européen, Léon Degrelle : « Mais quand, au Berghof, le roi aborda en termes sévères, le problème de Rex [...] dont les menées lui étaient odieuses, Hitler se contenta de riposter par une boutade : "Vous me parlez de politique intérieure ? Je n'entends pas jouer à la mère de famille pour toute l'Europe." » (Jo Gérard, op.cit., p. 254). Il faut savoir que, lors de son entretien avec Léon Degrelle le 21 août 1940, soit moins de trois mois avant la rencontre de Berchtesgaden, le comte Capelle lui avait pourtant déclaré : « Degrelle a toute l'estime et la sympathie du Roi qui le verra dès que les circonstances changeront. » (Pierre Daye, Mémoires, p. 19)...

Plus tard, le roi refusera une nouvelle fois de réviser ses a priori fossilisés contre le Chef de Rex, alors que son aide de camp allemand, Werner Kiewitz –un familier du Chancelier du Reich–, devenu pourtant un véritable et sincère ami, lui indiquait la seule voie de la fidélité au nouvel ordre européen, exprimant également sa totale confiance dans le jugement du Führer ainsi que son adhésion à la geste héroïque de Léon Degrelle, même s'il ignorait les desseins géopolitiques précis des deux chefs de peuple qu'il s'imaginait toujours attachés à la Belgique de 1830.

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Nous lisons ainsi dans les mémoires du général Van Overstraeten : « Le colonel Kiewitz demande s'il peut se présenter. "Je viens, pour la première fois, dit-il, et de ma seule initiative pour vous entretenir d'un problème qui dépasse nos relations ordinaires... La Légion wallonne s'accroît sensiblement, elle est devenue brigade. Il est question d'en faire une division. Le recrutement s'intensifie. Mais il manque des officiers ; il en faudrait quelque quatre cents... Or, dans les camps de prisonniers, plus d'un officier, las de moisir dans l'inactivité, aurait plaisir, satisfaction et intérêt, à y servir. La réputation militaire de la légion s'est affirmée, au combat, nettement supérieure à celle du contingent flamand. Elle a acquis l'estime des chefs allemands. Cet embryon d'armée belge de demain connaîtra la guerre moderne à son retour au pays; ce sera un engin glorieux et capable, un élément solide, précieux."

[Réponse du général Van Overstraeten :] Si l'Allemagne avait, au lendemain de la capitulation, exprimé des excuses et proclamé l'intention de réparer l'injustice commise, la participation à la lutte contre le bolchevisme aurait peut-être rallié cent fois plus de volontaires ; mais ce geste de sa part est toujours à venir et perd chaque jour de sa portée [NDLR : notons qu'il ne fut évidemment jamais question de soulever pareille exigence lors de la rencontre à Berchtesgaden des deux chefs d'Etat !]. Quant à une Allemagne installée à Anvers et à Dunkerque, jamais l'Angleterre ne l'acceptera. Or, la Grande-Bretagne ne sera pas mise à genoux ; l'invasion des îles britanniques n'est plus en question. Dès lors, comme dans l'autre guerre, pas de négociation possible qui n'inclue l'engagement de rétablir l'indépendance belge.
Le colonel Kiewitz reprend : "Voilà justement un point de vue qu'il conviendrait de développer devant le Führer. En Allemagne, une majorité partage l'opinion que nous venons d'interpréter. Mais une minorité d'idéalistes visionnaires poursuit des rêves utopistes, issus de la littérature de contes de fées qui se plaît à perpétuer le rattachement de la Flandre médiévale à l'essor de la Ligue hanséatique. Or, une occasion exceptionnelle se présente. Degrelle sera reçu prochainement par le Führer. Ne convient-il pas de le préparer à semer cette thèse dans la pensée d'Hitler ? Degrelle s'est acquis un prestige incontestable par son courage militaire. Contrairement aux dirigeants flamingants, plutôt séparatistes, il est le champion d'une Belgique une et indivisible. Il n'a pas cessé d'être monarchiste, témoin certain toast au roi Léopold qu'il a proposé à certain banquet d'officiers allemands. Il a toutefois commis de lourdes fautes, même depuis mai 1940 ; mais la guerre active et l'âge l'ont assagi [sic]. J'ai le sentiment qu'il représente une capacité à ne pas négliger. Pourquoi cette opposition acharnée contre les rexistes ?"
[Selon Van Overstraeten,] tout est dû au fait que, sous l'étiquette rexiste ou V.N.V., l'autorité allemande a fait ou laissé introduire dans l'administration une foule de profiteurs qui ne songent qu'à appliquer les ordonnances de l'occupant pour leur bénéfice direct ou indirect [...]. Quand à Degrelle, il a prononcé des paroles qui ne seront jamais ni oubliées, ni pardonnées.
"– Pensez-y bien, reprend le colonel. L'occasion de la rencontre du Führer avec Degrelle me paraît précieuse. Après y avoir réfléchi toute la nuit, je me permets, à titre personnel, d'insister pour qu'on en tire profit. C'est une chance rare. Peut-être Degrelle aimerait-il avoir quelque contact préliminaire, par exemple avec vous. J'incline à penser qu'il le souhaite. Quant à moi, s'il me fallait quitter ma fonction ici, je me verrais avec joie affecté au commandement de la division de Légion belge ; je m'y sentirais comme dans mon milieu naturel."
[Van Overstraeten:] En tout cas, le premier pas devrait venir de Degrelle. Et encore ! Le personnage s'est trop compromis ! »

Quand Raoul Van Overstraeten relatera, le 22 juin 1943, sa conversation avec Kiewitz, le roi répondra qu'on ne peut pas se fier à Léon Degrelle car « Il a trop menti ». Et le souverain d'ajouter : « Jamais l'opinion publique ne me pardonnerait un contact avec lui » !!! (cité d'après Jo Gérard, op.cit., p. 277).

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L'attitude du roi traduit d'autant mieux son inconséquence qu'il était parfaitement au courant du danger que faisait courir le bolchevisme au monde civilisé et de la nécessité absolue de mener le combat militaire aux côtés des Allemands, comme le menaient précisément et héroïquement Léon Degrelle et ses légionnaires au Front de l'Est ! Le comte Capelle, secrétaire privé du roi, rapporte ainsi ces réflexions que le roi prononça le 8 août 1941, ce qui ne peut être dû au hasard car, s'agissant du jour même du départ du premier contingent de la Légion Wallonie, le roi –qui avait encouragé les Légionnaires par l'intermédiaire de son secrétaire– ne pouvait que leur rendre hommage : « Nos compatriotes ne se rendent pas compte du fléau épouvantable que représente le bolchevisme [...]. On met sur le même pied, au point de vue religieux, les Allemands et les Russes. Quelle folie ! [...] les catholiques sont, je pense, autrement traités en Russie qu'en Allemagne. [...] Sans être admirateur de Hitler, il faut reconnaître qu'il essaie de mettre de l'ordre dans son pays et d'inculquer l'esprit de discipline dans la jeunesse. [...] De tout temps, il a compris le danger du bolchevisme. [...] S'il ne parvient pas à abattre le bolchevisme, nous connaîtrons, après la guerre, le plus grand danger que l'Humanité ait jamais connu et que ne veulent pas soupçonner actuellement les esprits à courte vue. » Plus tard, le 30 janvier 1942 (jour anniversaire de la nomination d'Adolf Hitler au poste de chancelier du Reich), il déclarera : « Un jour ne viendra-t-il pas où les peuples regretteront que la guerre se soit prolongée jusqu'à l'anéantissement de l'un des adversaires ? Au profit de qui ? Sinon du bolchevisme et du communisme » ! (cité d'après Michel Dumoulin et al., op.cit., p.160).

Face à l'incroyable répétition des initiatives politiques du roi, inconséquentes sinon inopportunes dans la perspective du combat vital pour l'Europe et sa civilisation, Adolf Hitler ne parvint à maîtriser qu'avec peine son émotion et sa colère pour répondre vertement le 15 février 1943 à la lettre insultante que le souverain envoya au président de la Croix-Rouge de Belgique affirmant que le service du travail obligatoire constituait une « nouvelle et cruelle épreuve du travail forcé » et que les « jeunes filles » concernées se trouvaient « exposées à des dangers dont ceux d'ordre moral ne sont pas les moindres ». Son aide de camp allemand, Werner Kiewitz avait pourtant bien précisé le point de vue on ne peut plus équitable du Führer en réponse à une lettre que le roi lui avait adressée le 25 octobre 1942 sur le même sujet : « Hitler n'admet pas qu'on parle de déportés. Il veut que les ouvriers belges soient payés, nourris et logés, outre-Rhin, comme les salariés allemands. » (Jo Gérard, op.cit., p. 273).

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« [...] Les assertions contenues dans votre lettre du 17 décembre 1942 sont si monstrueuses qu'aucune mise au point ne peut être assez vive. Si vous parlez, Majesté, dans votre lettre, en ce qui concerne le travail obligatoire de "cruelle épreuve", de "travail forcé" et de "déportation", ceci montre une incompréhension déconcertante du devoir historique mondial que constitue la lutte contre le bolchevisme. [...] Vous semblez oublier que la plus élémentaire loi de conservation commande à la Belgique de fournir, au moyen d'une main-d’œuvre aussi large que possible, une modeste contribution à la lutte pour les destinées de l'Europe qui pèse en premier lieu sur les épaules de l'Allemagne, tout comme le restant de l'Europe ouvrière contribue, suivant ses moyens, à cette lutte décisive.
Le gouvernement belge porte du reste seul la responsabilité devant son peuple et devant l'histoire d'avoir, en son temps, imposé ce fardeau de sang et les sacrifices qui en ont découlé.
Le ton de votre lettre constitue avant tout une insulte grossière à l'égard des Allemands qui travaillent et luttent pour l'avenir de l'Europe. Le peuple allemand, dans les rangs duquel les hommes et les femmes de votre pays s'occupent dans des conditions de vie identiques, n’exécute, dans la lutte décrite, aucun "travail obligatoire". Il est inconcevable qu'on puisse désigner comme "déportés" ceux qui, également dans l'intérêt de la Belgique, contribuent par leur travail, à l'accomplissement de la mission européenne qui a été confiée au peuple allemand.
Pour finir, en ce qui concerne les dangers d'ordre moral auxquels vous semblez croire que les jeunes filles belges, isolées, dignes de pitié, seraient exposées en Allemagne, je dois vous laisser pour compte la méfiance exprimée ainsi au sujet de la conduite des femmes de votre pays, abstraction faite que les dangers en question sont au moins aussi grands dans votre pays.
J'entends, Majesté, qu'à l'avenir vous éviterez soigneusement des incidents aussi impardonnables que votre lettre du 17 décembre 1942 et que vous réglerez toute votre conduite selon ce qu'exige, évidemment, votre situation actuelle. [...]
Grand Quartier du Führer, le 15 février 1943.
Adolf Hitler »
(Pour l'Histoire, op. cit., p. 222)

Désormais, pour le Führer, comment le roi déchu eût-il encore pu entrer en ligne de compte dans ses desseins géopolitiques concernant la réorganisation de l'Empire européen et le rétablissement de la Bourgogne historique ?

Quelques jours plus tard Adolf Hitler confiait à Heinrich Himmler ses plans concernant la nouvelle Bourgogne et son futur Chancelier, Léon Degrelle:

« La Bourgogne sera reconstituée sous une forme moderne ; ce sera un modèle et ses capacités en feront un des États les plus riches qui ait jamais existé. Ce nouvel État comprendra : les anciennes possessions bourguignonnes : au nord, l'Artois, le Hainaut et le Luxembourg ; la Lorraine, la Franche-Comté et l'ancien duché de Bourgogne ; au sud : le Dauphiné et la Provence. Y seront également inclus la Picardie, avec Amiens, et la Champagne, avec Reims et Troyes. Le nouvel État de Bourgogne aura ainsi accès aussi bien à la Manche qu'à la Méditerranée. Hitler n'a pas encore décidé de la capitale, mais il est question de Reims ou de Dijon. L'allemand et le français seront les langues officielles.

L’État sera gouverné par un Chancelier-administrateur du Reich. Léon Degrelle, chef des rexistes belges, est pressenti pour être ce premier Chancelier, depuis ses fameux exploits militaires au Front de l'Est.

La Bourgogne sera un État indépendant au sein de l'Empire européen, disposant de ses lois propres, de son armée et de son gouvernement propres, de sa monnaie, de ses services postaux et de ses distinctions propres. L'Ordre prestigieux de la Toison d'Or sera ressuscité : son Grand Maître sera un chef de la SS française.

eddy de bruyne,léon degrelle,léopold iii,bourgogne,général van overstraeten,henri de man,colonel werner kiewitz,paul schmidt,xvii provinces,otto meissner,marie-josé de belgiqueL’État sera organisé de manière à éliminer complètement toute opposition entre riches et pauvres – ce qui est la marque de fabrique du marxisme. Il devra unir la nouvelle nation bourguignonne en une communauté sociale unique. La fonction publique sera assurée par la population locale. Les spécialistes et les conseillers seront trouvés au sein de la SS européenne, si le Chancelier l'estime nécessaire. Ces chefs SS acquerront dès lors la nationalité bourguignonne.

Le but est de transformer la Bourgogne en État modèle, un exemple pour tous les États du monde. [...] Hitler a donné l'ordre exprès qu'aucune autorité du Parti national-socialiste allemand n'ait le droit d'interférer dans les affaires de la Bourgogne. Il y aura une ambassade bourguignonne à Berlin et une allemande en Bourgogne. [...] La Bourgogne sera inspirée par la philosophie SS afin que l’État modèle dont rêve le Führer devienne une réalité. »

(Propos de Heinrich Himmler résumant un entretien avec le Führer, rapportés par son kinésithérapeute Felix Kersten le 6 mars 1943, cité d'après The Kersten Memoirs, with an Introduction by H.R. Trevor-Roper, Chap. XXVI « The Burgundian Free State », pp. 184-185. Une traduction française partielle –et horrifique !– a été présentée par l’ancien ambassadeur de France en Allemagne, André François-Poncet, dans Le Figaro du 21 mai 1947).

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