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Le destin tragique d’Etienne Jourdain

rrrrrrrrrrrrrrrrrr.jpgPuisqu’à propos du décès de l’Abbé Joseph Jourdain, nous avons évoqué son cousin, qui n’était que d’un an son aîné, il nous semble opportun de rendre également hommage à Etienne Jourdain, en rappelant son tragique destin qui marqua la mémoire de tous ceux qui le connurent.

Saint-Loup –Les SS de la Toison d’Or, Presses de la Cité, p. 167– est le premier à en faire le récit émouvant en 1985, appelant Etienne « Paul » puisqu’il reprend le témoignage alors inédit du Légionnaire du 8 août 1941 (1er contingent), Henri Philippet qui lui donne ce nom.

Jean Mabire écrira de même une des plus belles pages de Légion Wallonie. Au Front de l’Est. 1941-1944 (Presses de la Cité, 1987, p. 99). Il écrit correctement « Etienne », avant d’appeler le jeune héros « Jacques » dans l’album de 650 photos Légion Wallonie. 1941-1945, publié en 1988 (Art et Histoire d’Europe, p. 184).

À dix-huit ans, Etienne Jourdain fit partie du second contingent de quelque 600 volontaires, partis avec John Hagemans, Prévôt de la Jeunesse rexiste, le 10 mars 1942. C’est dire qu’il s’agissait essentiellement de jeunes recrues, tout embrasées par leur foi et leur idéal.

 

Témoignage de l’Oberscharführer Henri Moreau (Paul Terlin, La Neige et le Sang, Editions Gergovie, 1998, pp. 155-156)

Les « Marie-Louise » (1) sont arrivés. Les anciens en sont restés estomaqués pendant un bon bout de temps. Non mais… tout de même, pas des adolescents !

Jourdain Etienne 02.JPGL’engagement de ces adolescents –belluaires– (dixit Léon Degrelle) suscite de vives passions parmi les anciens du 8 août. C’est bien normal. Humain. Responsable. Avons-nous le droit de commander au feu des gamins imberbes ? Certains ont falsifié leur carte d’identité. Ils n’osent pas avouer leur âge. Ils n’ont pas dix-sept ans ! Les instances rexistes ont dû prendre leurs responsabilités. Nous n’y pouvons plus rien. Nous nous sommes inclinés. Il faut dire que ces garçons fraîchement débarqués ont un esprit de sacrifice qui déteint sur le moral des anciens. Ciel ! Qu’ils sont stylés ! Et volubiles… Leur ardeur combative étonne les benjamites que nous sommes devenus. Malgré nous. À cause d’eux.

Pendant plus de deux ans, nos six cents benjamins du Donetz vont se battre et mourir comme leurs ancêtres, les Nerviens. En juin 1942, ils stupéfient leurs aînés bourguignons, les soldats allemands et les civils russes. Leur extrême jeunesse laisse pantois. Leur discipline réconforte, ils ont fière allure. Leur comportement se veut martial, même loin de la caserne. Ils chantent :

– Si nous combattons
Comme de vrais Bourguignons
C’est pour te rendre la vie
Vieille patrie.

Ces « adolescents-belluaires » mourront tous – ou presque – à Tcheriakoff, devant Touapse, à Tcherkassy et à Stargard.

 

Récit de l’Unterscharführer Fernand Kaisergruber (Nous n’irons pas à Touapse, 1991, à compte d’auteur, p. 106)

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Le lendemain nous arrive une nouvelle surprenante : le camarade Jourdain, considéré comme mort, avait été mis à l’abri dans une isba avec les autres morts en attendant un moment propice pour les enterrer. Il n’était pas possible dans l’immédiat de creuser les tombes car le village se trouvait sous le feu que l’ennemi déclenchait sans cesse. Au petit matin, un camarade vit surgir soudain celui que tous croyaient mort. Jourdain lui demanda pourquoi on l’avait mis là avec tous ces morts ? On fit aussitôt venir le médecin qui l’ausculta et décida de le faire évacuer malgré tout vers un hôpital à l’arrière. On le coucha sur un « panjewagen », mais c’est un mort qui parvint à l’hôpital de campagne. Le camarade Jourdain n’avait eu qu’un bref sursis, les cahots de la route l’avaient achevé. Il avait reçu un minuscule éclat de grenade au cœur et personne n’avait compris cette éphémère résurrection ! Le Bourguignon qui l’avait vu resurgir d’entre les morts n’en est pas encore revenu, pas plus que le médecin. Le docteur précisa que Jourdain n’avait de toute façon aucune chance de survie.

 

Récit de l’Oberscharführer Henri Philippet (Et mets ta robe de bal, 1983, à compte d’auteur, pp. 81-82)

En même temps que Hagemans, on apprend la mort de Paul Jourdain. Encore un jeune, un pur idéaliste, fils du directeur d’un grand journal conservateur [La Libre Belgique], engagé contre la volonté de toute sa famille. Ses compagnons du 10 mars vont lui rendre une dernière visite. Il est allongé avec les autres tués de la journée, sur le bout de pelouse à l’entrée de l’infirmerie. Il ne porte aucune blessure visible ; un petit éclat de grenade l’a frappé au cœur sans presque le marquer.

Dans le soir qui tombe, en éteignant petit à petit la crudité de la lumière, nos malheureux compagnons ont vraiment l’air de faire la sieste au creux de l’herbe molle. Ce soir, nous sentons plus que d’habitude l’immense nostalgie qui submerge parfois nos soirées et nos nuits.

Le lendemain matin apporte une nouvelle incroyable : Jourdain n’est pas mort ! Mieux même, il est ressuscité ! C’est en tout cas ce que nous sommes prêts à croire quand nous connaissons les détails. Dans la nuit, il s’est réveillé, s’est mis sur son séant, a vu les cadavres à ses côtés et s’est mis à crier. Les infirmiers n’en sont pas encore revenus !

etienne jourdain,henri moreau,paul terlin,fernand kaisergruber,henri philippet,légion wallonie,front de l'estActuellement, notre camarade est couché sur un lit de camp en attendant d’être évacué vers Paparotnyl. Lorsqu’il nous quitte quelques heures plus tard, confortablement installé dans une charrette, les gars de la patrouille lui font une garde d’honneur. Tout le monde voudrait l’accompagner. Il est devenu pour nos un symbole de victoire sur la mort. Mais au retour, personne n’a plus le cœur à rire. Jourdain est mort en chemin avant même d’atteindre l’hôpital. Nous n’aurons jamais d’explication sur son cas. Je suppose qu’il était tombé la première fois, le cœur percé d’un minuscule éclat mais que la plaie s’étant refermée, le cœur s’était remis à battre. Les cahots du chemin, en faisant sauter le caillot qui obstruait la blessure, ont provoqué l’hémorragie qui devait entraîner la mort définitive.

 

 

(1) Nom donné aux conscrits français des classes 1814 et 1815 levés par anticipation en 1813 par la régente, l’Impératrice Marie-Louise, pour reconstituer, après le désastre de la campagne de Russie (1812), l’armée de Napoléon qui s’était lancé dans la campagne de Saxe contre la Sixième Coalition (Prussiens, Russes, Autrichiens, etc.). Ces « Marie-Louise » (18 et 19 ans, mais parfois aussi 16 et 17 ans) constituèrent l’essentiel de cette nouvelle armée de 400.000 hommes qui fut défaite à Leipzig, le 18 octobre 1813, et dut se replier sur la France.

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