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Degrelle. Qui suis-je ? Par Francis Bergeron, éditions Pardès, 2016, 125 pages

XVII. Un roman médiocre ?


« Le (médiocre et unique) roman de Degrelle, La Grande Bagarre, publié sous le pseudonyme de Jean Doutreligne (Flammarion, 1951), est proposé à 200 euros par les libraires “qui savent”. » (Bergeron, p. 118)

Certes, comme disent les « pages roses » du Petit Larousse illustré, « De gustibus et coloribus non disputandum », mais au nom de quel magistère Francis Bergeron peut-il décréter sans autre forme de procès que l’unique roman de Léon Degrelle est « médiocre » ? Indépendamment de sa cote élevée sur le marché de la bouquinerie, à laquelle Francis Bergeron accorde de l’importance, mais qui ne dit évidemment rien sur sa qualité d’écriture, on peut néanmoins penser que le même souffle lyrique, la même élévation spirituelle, le même humour dévastateur animent La Grande Bagarre, comme les autres ouvrages de Léon Degrelle.

jean doutreligne,léon degrelle,francis bergeron,la grande bagarre,lucien rebatetCar une maison d’édition telle que Flammarion pourrait-elle se permettre d’ouvrir ses portes à de pitoyables gratte-papier ? Ou bien le « scribouillard » Degrelle y bénéficiait-il de complicités ? Malgré l’interdiction d’exercer leur profession pendant un mois imposée en janvier 1946 aux frères Flammarion par la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration ?

Toujours est-il que Flammarion, confiant dans le succès de ce premier essai d’un romancier inconnu, prévit toute une série de tirages de luxe numérotés (dont la cote doit être fabuleuse !) : trente exemplaires sur papier pur fil des Papeteries d’Arches, soixante exemplaires sur papier pur fil Outhenin-Chalandre et deux cent vingt sur papier Alfa.

L’éditeur n’hésita d’ailleurs pas à présenter l’ouvrage sous les meilleurs auspices : « La Grande Bagarre n’est pas seulement un roman d’anticipation à la Wells ou le récit épique de la fin de notre civilisation, c’est aussi un conte moral et philosophique, donc spirituel et satirique à maints égards. »


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Quant à Pierre Clostermann, l’as des Forces aériennes françaises libres, auteur à
succès du
Grand Cirque, Mémoires d’un pilote de chasse FFL dans la RAF publié également chez Flammarion en 1948, il écrira : « Ce livre m’a fourni une image terrible et vraie de ce que je savais des prévisions des états-majors. »

La Grande Bagarre fut présenté dans les pages littéraires des journaux belges les plus « résistancialistes » et antidegrelliens, tel Le Soir (24 février 1951) : « Les romans d’anticipation sont en vogue. Le dernier paru, « La Grande Bagarre », par Jean Doutreligne, décrit ce que sera, selon l’auteur, la prochaine guerre. Nous préférons le croire sur parole, plutôt que de vérifier expérimentalement le bien ou le mal-fondé de son exposé. ».

L’hebdomadaire satirique Pan, quant à lui, avait appris l’identité de Jean Doutreligne. D’où le commentaire plus convenu : « la nouvelle Guerre des Mondes rédigée par un sous-Wells délirant n’épate personne. […] Léon Degrelle, qui se cache sous le pseudonyme de Jean Doutreligne, n’a pas perdu, semble-t-il, le goût de prophétie. Pourtant, la dernière ne lui avait pas réussi. » (Pan n° 351, 12 septembre 1951).

Annoncé dans l’hebdomadaire français spécialisé Les Nouvelles littéraires du 15 mars 1951  roman pathétique », « une bouleversante anticipation »), La Grande Bagarre sera – aujourd’hui encore – jugé suffisamment emblématique de la littérature d’anticipation pour figurer dans le corpus de la Brève histoire de la science-fiction belge francophone, de Dominique Warfa (Bebooks, 2011).

Rebatet.jpgEnfin, nous laisserons à la plume la plus autorisée le soin de nous dire que penser du style de Léon Degrelle. C’est Lucien Rebatet, l’auteur des Deux Etendards (le « plus grand roman de l’après-deux-guerres » selon Robert Poulet), qui écrit : « Léon Degrelle est et demeure, à ma connaissance, le seul mortel qui conserve les mêmes dons d’images, d’inventions, de couleurs dans les propos familiers, dans l’éloquence publique et dans l’écrit, jeté sur le papier avec le rythme, l’aisance des tableaux que Rubens peignait pour son plaisir, la Kermesse, le grand paysage de la Wallace Gallery. Comme les peintres de son pays, Degrelle passe en un instant des caricatures énormes – trente comparaisons de l’incongruité la plus joyeuse pour une binette de politicard – à une poésie émerveillée : l’aurore se levant sur les tournesols et les chardons roses de l’Ukraine, dans les pages magnifiques de ses mémoires de guerre. Ce Wallon brun, aux prunelles noires, d’ascendance doublement française, est, sans doute, le dernier représentant de cette verve nordique qui se répandit si puissamment des Ardennes à l’Escaut et qui est si étiolée aujourd’hui. » (Rivarol, 23 février 1956).


(A Suivre)

 

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