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Degrelle. Qui suis-je ? Par Francis Bergeron, éditions Pardès, 2016, 125 pages

 

XVI. Léon Degrelle, négateur de l’Histoire ?

« Degrelle aurait pu (ce serait bien le moins) faire le constat de la ruine de l’Europe et de l’Allemagne […] et reconnaître la part de responsabilité du Führer. […] Si Degrelle est resté […] interdit de tout, […] c’est à cause de ce négationnisme historique. À cause de son refus absolu […] de reconnaître l’échec, pourtant évident, de l’aventure hitlérienne. […] C’est ce que lui reprochait, par exemple, son compatriote Robert Poulet […]. Il lui reprochait de nier certaines vérités et il considérait cette approche comme étant pour le moins maladroite. […] L’historien […] peut donc trouver scandaleux chez Degrelle ce refus de reconnaître la réalité de ce que fut […] le régime hitlérien au-delà du débat (interdit) sur les chambres à gaz. […] Mais, pour conforter sa démonstration, Degrelle a parfois “sollicité” […] la pensée du Führer ou de ses proches. C’est, en gros, me semble-t-il, ce qu’ont déploré un Robert Poulet ou un Pol Vandromme, qui ne peuvent pourtant guère passer pour des adeptes du politiquement correct et de la pensée unique. » (Bergeron, pp. 99-102).

Le seul véritable reproche que nous nous permettrons de faire à Francis Bergeron est de porter un jugement sur la défense et l’illustration d’Adolf Hitler et du national-socialisme qu’assura Léon Degrelle avec une loyauté et une assurance fortes de ses certitudes venant de son expérience personnelle mais aussi de vérifications historiques et de recoupements rigoureux. Et de porter ce jugement au nom de la doxa contemporaine, nécessairement « politiquement correcte » et qui impose – comme il le sait et le dit – de considérer Hitler comme « le mal absolu, l’horizon indépassable de l’horreur, le tabou suprême dont les signes mêmes (la croix gammée, le salut “à la romaine”) sont interdits de représentation » (p. 99).

 

 Mais ce ne sont pas aux « signes » que Léon Degrelle s’attacha particulièrement, mais à la doctrine, aux réalisations, au destin solaire que l’hitlérisme promettait à l’Europe. Et c’est là que le « travail biographique » de Francis Bergeron cesse car, probablement, à ce propos, il n’éprouve plus « ce plaisir de l’identification » (p. 8)… L’historien qu’il veut être reprochera donc à Léon Degrelle son « négationnisme historique », en adoptant l’opinion générale sur la « responsabilité du Führer » dans « la ruine de l’Europe et de l’Allemagne », sur « l’échec, pourtant évident, de l’aventure hitlérienne », ainsi que sur la « réalité » de ce qu’elle représenta, et ce, en invoquant l’autorité morale de Robert Poulet et de Pol Vandromme.

L’argument d’autorité est rarement judicieux pour un historien car il donne l’impression de se dispenser des nécessaires vérifications qui doivent appuyer toute affirmation. En l’occurrence, si nous essayons de respecter le Vandromme biographe de Hergé, Céline, Rebatet et Brasillach, nous ne le suivrons certes pas dans la haine féroce dont il accabla toujours Léon Degrelle, notamment dans son pamphlet méchamment acrimonieux Le loup au cou de chien. Degrelle au service d’Hitler (voir sur ce blog, à la date du 14 avril 2016). Même s’il n’est apparemment pas adepte « du politiquement correct et de la pensée unique », il n’est très certainement pas le mieux autorisé à nous dire ce qu’il faut penser du frère d’âme de Robert Brasillach choisissant d’emprunter au premier poème de Léon Degrelle, Mon pays me fait mal, le titre de ses vers ultimes !... Le méchant géronte atrabilaire était tout simplement étranger à leur idéal de beauté, de justice et de fraternité.

Vandromme annoté LD.jpgDans la bibliographie de notre Degrelle-Hergé, même combat (publié dans Synthèse nationale, n° 36, mai-juin 2014), nous avons par ailleurs rapporté l’impression amusée de Léon Degrelle lui-même sur ce que pensait de lui l’auteur de L’Europe en chemise. L’extrême droite dans l’entre-deux-guerres : « Léon Degrelle lut le livre et sut s’en divertir en l’annotant. Ainsi, à l’ultime phrase de cet éreintement fastidieux “A ce Dracula, qui mourra dans son lit, comme un sous-chef de bureau retraité, il manquera toujours une pinte de sang”, il ajouta au stylo bien rouge entre les deux derniers mots “bon !”. Mais s’il se paya encore longtemps de belles “pintes de bon sang”, Léon dut trépasser dans un lit de souffrances autrement inconfortable que celui où s’endormit paisiblement son donneur de leçons oiseuses autant qu’amphigouriques… » (p. 101).

 

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Robert Poulet est d’une autre trempe. Parfait honnête homme, il ne partagea jamais l’idéal paneuropéen de Léon Degrelle. C’est au nom de son patriotisme belge se confondant avec son monarchisme léopoldien (il sollicita d’ailleurs la bénédiction expresse du palais royal avant de reprendre la plume dans la presse de la Belgique occupée) que l’écrivain s’engagea dans la collaboration. On se reportera à l’excellent Robert Poulet. Qui suis-je ? de Jean-Marie Delaunois pour appréhender tous les détails de sa persécution lors de l’épuration. Mais n’étant en rien « hitlérien », il ne put jamais suivre Léon Degrelle dans sa voie révolutionnaire nationale-socialiste, y compris bien sûr à l’époque où il rédige pour Rivarol (8 mai 1969) son compte rendu de Hitler pour 1000 ans que cite Francis Bergeron. Mais il sait nuancer, refusant toute « réprobation automatique » du nazisme et de « ses principes », basant plutôt sa condamnation sur les « exterminations féroces » dont on avait commencé à dresser l’inventaire toujours plus hallucinant à imputer au IIIe Reich (Bergeron p. 100).

Et contrairement à ce que pense Francis Bergeron, Léon Degrelle ne refusa jamais « de reconnaitre la réalité de ce que fut la fin de la Seconde Guerre mondiale, et de ce que fut le régime hitlérien, au-delà du débat (interdit) sur les chambres à gaz. » Il s’est au contraire astreint sans relâche à explorer cette réalité, à la comprendre, à l’approfondir, à serrer au plus près son essence, à déchiffrer l’image qu’en dressaient désormais les vainqueurs et à répondre aux mensonges officiels, n’hésitant d’ailleurs pas à s’investir dans les « débats interdits ».

Son opinion et son jugement évoluèrent ainsi notablement car, quoi qu’on dise, Léon Degrelle était bien un esprit ouvert, avide de savoir et de vérité, et disposé à réviser ses positions et points de vue. C’est ainsi qu’il passa du « Nous l’ignorions alors […], nous avions assez à faire de nous battre » critiqué à juste titre par Robert Poulet en 1969 et de l’incompréhension face à la contradiction entre ce qu’il connaissait de Heinrich Himmler et le portrait qui en fut imposé (voir sur ce blog à la date du 25 janvier 2016), à la Lettre au Pape à propos d’Auschwitz, en 1979…

Traudl Junge.jpgIl nous semble également intéressant de noter que la surprise et l’embarras de Léon Degrelle dans les années soixante face à la doxa concernant le national-socialisme furent identiques à l’étonnement incrédule devant faire place au sentiment de culpabilité de tous les proches du Führer. Nous ne citerons que deux seuls témoignages car ils viennent d’individus sans la moindre envergure politique ni le moindre intérêt au mensonge, mais en contact personnel permanent avec Hitler durant toutes les années de guerre.

Traudl Junge, une de ses secrétaires : « C’est seulement au milieu des années soixante que j’ai commencé petit à petit à réfléchir sérieusement à mon passé et à mes sentiments croissants de culpabilité. […] Après les révélations sur les crimes de cet homme, je vivrai jusqu’à ma dernière heure avec le sentiment d’avoir été complice. » (Dans la Tanière du loup, p. 12-13)


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Rochus Misch, son garde du corps : « Pour moi, j’ai reçu un choc, un coup terrible, apprendre ainsi, près de dix ans après la guerre, ce qui s’était passé dans les camps de concentration. J’ai pris en pleine figure ce que l’on appelait l’industrie d’extermination ou encore l’Holocauste. […] Encore aujourd’hui, je me demande comment une telle entreprise fut possible sans qu’aucun d’entre nous n’ait été alerté. J’ai été extrêmement perturbé, et le suis encore, d’avoir ainsi passé autant d’années à quelques mètres du Führer et de n’avoir rien entendu ni saisi quoi que ce soit sur le sujet […]. » (J’étais garde du corps d’Hitler. 1940-1945, p. 224).

 

 (A Suivre)

 

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