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Degrelle. Qui suis-je ? Par Francis Bergeron, éditions Pardès, 2016, 125 pages

XVIII. Cinquante ans d’exil espagnol : une vie banale ?

« Les cinquante années suivantes de son existence furent plutôt banales. […] Quinze années à vivre comme un lion. Cinquante années à raconter ces quinze années-là. Peut-on le lui reprocher ? » (Bergeron, pp. 103-104).

Sans doute les cinquante années d’exil espagnol furent-elles moins exaltantes et sont de toute façon moins connues que les vingt flamboyantes années de combat (plutôt que quinze : nous ferions effectivement commencer les années vécues « comme un lion » lorsque le jeune Léon entreprend ses études universitaires et provoque, à son corps défendant, la condamnation par l’Eglise de Charles Maurras et de l’Action française !). Mais les ramener à cinquante années de radotage est à l’évidence outrancièrement réducteur alors qu’elles pourraient fournir le scénario à cinquante aventures de Tintin !


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C’est déjà ce qu’écrivait en substance Lucien Rebatet dans Rivarol en rendant compte du livre signé par la Duchesse de Valence (12 octobre 1961) : « un pareil livre dans lequel se chevauchent dix romans et quinze films mais tous vécus – ou peu s’en faut ! – défie n’importe quelle forme de compte rendu ». L’avocat madrilène José Luis Jerez Riesco ne s’y est d’ailleurs pas trompé non plus en consacrant aux seules années d’exil un fort volume de 617 pages, Degrelle en el exilio. 1945-1994 (publié en Argentine aux éditions Wandervögel, 2000).


D
ans cette chronique bibliographique, nous n’avons pas la place pour retracer toute cette vie d’exil (et sans doute un second volume de
Qui suis-je ? n’y suffirait qu’à peine), mais le relevé de quelques faits majeurs suffira à donner une idée du degré de monotonie des cinquante dernières années de la vie de Léon Degrelle.

Dès l’écrasement de son avion dans la baie de San Sébastian à l’aube du 8 mai 1945, dont il sortit miraculeusement vivant mais grièvement blessé, Léon Degrelle continua en effet à vivre une destinée peu commune.


Et tout d’abord, jamais il ne se résigna à l’inaction, convaincu que la roue de l’Histoire finirait par tourner dans la bonne direction et que son heure pourrait toujours sonner : c’est le sens de tous les contacts politiques qu’il ne cessa jamais d’avoir avec des responsables politiques américains, arabes, africains ou européens de l’Ouest comme de l’Est…

Officiellement réclamée par la Belgique (son cas fut même évoqué à l’ONU et des agents américains de l’OSS se mirent en chasse en Espagne), son extradition ne fut jamais réellement souhaitée, tant les autorités craignaient la publicité d’un procès sur le sol belge mettant en cause leur propre attitude dans la débâcle de 1940 : quatre fois des patriotes belges crurent aider leur gouvernement en le raptant (des résistants, un colonel chef des services secrets britanniques en Belgique, un ancien colonial et un magistrat namurois), quatre fois le gouvernement belge y mit son veto formel, tout en continuant à feindre les poursuites. C’est ainsi que la Lex Degrelliana fut promulguée pour prolonger le délai de prescription de dix ans, avant de déclarer Degrelle « étranger indésirable », le proscrit ayant été déchu de sa nationalité. En 1974, on se retrouve donc face à la situation surréaliste d’un gouvernement ayant toujours prétendu tout faire pour récupérer Léon Degrelle et multipliant désormais les initiatives pour empêcher définitivement son retour en Belgique ! Finalement, le gouvernement se donna encore le ridicule de faire signer par le roi un arrêté « d’interdiction d’accès au territoire belge des restes mortels de Léon Degrelle » (18 avril 1994) !

léon degrelle,francis bergeronEntretemps, juste avant que les autorités espagnoles ne l’arrêtassent, le général SS belge était parvenu à s’enfuir de l’hôpital de San Sébastian avec l’aide de la Duchesse de Valence et de la Phalange et allait vivre quelques années d’errance et de mystère, allant d’une chambre sinistre et sans lumière de Madrid à une vaste propriété agricole andalouse, protégé par Carlos Arias Navarro, alors gouverneur de la province du León, Serano Suñer, ancien ministre de Franco, le comte de Mayalde, gouverneur de Madrid, l’ancien général de la division Azul, Muños Grandes ou la famille Mahou (la fameuse bière espagnole)…

Assuré de la protection de Perón, grâce à Pierre Daye, Léon Degrelle fut près de rejoindre l’Argentine avant le revirement du Caudillo. De même le projet d’agir en tant que conseiller politique de la « Ligue arabe » restera sans lendemain après l’échec de la première guerre israélo-arabe.


C’est en Espagne qu’il se fixera donc définitivement, même si c’est la plupart du temps dans la clandestinité. Il initiera ainsi le ministre du Travail José-Antonio Giron à ses conceptions sociales héritées du national-socialisme. Conceptions qu’il mettra lui-même en œuvre lorsqu’il se lancera dans les affaires industrielles (acier, textile,…) et immobilières (notamment avec un projet urbanistique pour les troupes américaines gérant une base de radars près de Séville). Ces activités professionnelles se solderont par une retentissante faillite qui le laissera complètement ruiné. Il parviendra néanmoins à relancer avec succès d’autres projets sur la Costa del Sol.


léon degrelle,francis bergeronEn Espagne, il fut archéologue et historien local (le musée archéologique de Séville a donné son nom à une de ses salles), architecte d’un village d’agrément à Constantina respectueux de l’environnement et des traditions locales ainsi que de la somptueuse Villa Carlina (désormais couvent des moniales Hiéronymes qui font dire une messe hebdomadaire – aujourd’hui encore – pour le repos de son âme), pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle (inspirant le précieux journal d’introspection spirituelle Mon Chemin de Saint-Jacques), correspondant espagnol de revues françaises, telles Valeurs actuelles et Spectacle du Monde, historien, non seulement de sa propre action politique et militaire, mais aussi – publication jamais entreprise par un de ses témoins majeurs – du Siècle de Hitler en une vingtaine de volumes (la plupart toujours inédits), auteur d’une œuvre poétique d’une grande originalité, malheureusement ignorée par la bibliographie de Francis Bergeron (comme toutes les œuvres que nous venons de citer) :

- La Chanson ardennaise : quelque 2000 vers naïfs chantant son enfance à Bouillon, destinés à sa mère agonisant en prison ;

- L’Ombre des Soirs, réflexion pathétique en hommage à ses camarades de combat ;

- Je te bénis, ô belle mort, inspiré par l’œuvre mystique de Sainte Thérèse d’Avila…


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Au chapitre de la persécution politique, nous devons encore signaler les procès (pour trafic de « biens nationaux » ou « atteinte à l’honneur » d’ayants-droit juifs), la mise à prix de sa tête par Simon Wiesenthal (un million de dollars !), diverses tentatives d’enlèvement aussi bien par des agents se réclamant du Mossad israélien (juillet 1961, mars 1962, février 1965) que par les services secrets français (août 1964 ; De Gaulle souhaitait ainsi mettre l’atlantiste Paul-Henri Spaak en difficulté) ainsi que diverses tentatives d’assassinat (à la bombe en mai 1965, à la mitraillette en juin 1969). Une nouvelle chasse à l’homme va commencer à l’occasion de l’accession au pouvoir de l’Opus Dei qui fait lancer un mandat d’arrêt contre Léon Degrelle (1970), l’obligeant à retrouver la clandestinité pendant trois ans.


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Sa vie privée est également riche en rebondissements. Parvenant à renouer les contacts avec ses enfants, il a l’indicible douleur de perdre son fils unique Léon-Marie dans un accident de la circulation (voir sur ce blog à la date du 26 février 2016), qui accélérera la rupture avec son épouse Marie-Paule Lemay. Il mariera ses filles Godelieve, Anne et Marie-Christine en Espagne, en arborant ses décorations militaires et en invitant le gratin de l’aristocratie espagnole (dont le propre frère de la reine Fabiola de Belgique, Jaime de Mora y Aragon dont il était l’ami) et les plus hauts dignitaires du Régime et de la Phalange, au grand scandale de la presse internationale.


léon degrelle,francis bergeronPeut-on vraiment parler de cinquante années « plutôt banales » ?…

L’important néanmoins, n’est-il pas le regard que portait Léon Degrelle lui-même sur cette part importante de sa vie ? En l’écoutant, on comprendra alors que loin de radoter sur son passé, Léon Degrelle n’envisageait celui-ci que comme un socle d’idéal, un modèle de grandeur et de courage, inébranlablement tendu vers l’avenir pour entraîner la jeunesse européenne vers l’accomplissement de son destin :

« Face au malheur, il faut garder le regard hautain. Nous ne sommes des vaincus que lorsque notre âme est vaincue. L’infortune n’est qu’un incident. La vraie souffrance de l’exil n’est pas là. Ce qui m’est dur, ce qui m’est cruel, c’est de sentir que les dizaines d’années pendant lesquelles j’eusse pu bâtir du grand s’effilochent, silencieuses et inutiles. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, j’avais trente-huit ans. Je portais en moi des forces tumultueuses, que je ne distinguais qu’imparfaitement. Elles gisent inertes au fond de ma solitude. Ce que j’eusse pu réaliser, pour moi et surtout pour les autres, m’a été interdit. L’exil m’a enterré vivant. Depuis 1945, je n’ai survécu qu’en hibernation. Là est le vrai drame de mon exil : serrer contre mon cœur des possibilités incandescentes, étouffées sous une chape de plomb. J’étais fait pour créer. Depuis des dizaines d’années mes bras sont vides. Ne serais-je plus que le chômeur de l’épopée, aux outils brisés pour l’éternité ?... […] Face à cette faillite de l’après-guerre, pourquoi, nous, les vaincus provisoires, aurions-nous à courber la tête ! […] Nous n’avons qu’un désir à cette heure, c’est que l’idéal qui brûla en nous renaisse rapidement dans le monde. 
Avec toutes mes forces, jusqu’au dernier moment de mon existence, je lutterai pour que demeure vivant et exemplaire dans le cœur des jeunes ce que fut notre épopée, sa foi lumineuse, sa passion du don, jalonnée par le sacrifice de tant de nos camarades restés glacés dans les neiges de l’Est. […] L’immolation des jeunes garçons tombés pour créer, charnellement, l’Europe, leurs vertus, leurs leçons prophétiques, un jour, j’en suis sûr, recréeront la vie. […] La grandeur n’est jamais vaine. Elle apparaît rarement. Mais quand son feu jaillit, tôt ou tard, elle se ranime. » (Léon Degrelle persiste et signe, pp. 428-430).

 

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