Degrelle. Qui suis-je ? Par Francis Bergeron, éditions Pardès, 2016, 125 pages
II. Cristeros et Mes Aventures au Mexique
« Mais il est certain que, [au Mexique, Léon Degrelle] n’a participé à aucun fait d’armes. Et son témoignage, quoique plaisant, reste très superficiel. » (Bergeron, p. 26)
Limiter l’expérience mexicaine de Léon Degrelle à la seule publication de Mes Aventures au Mexique est quelque peu réducteur car le livre n’a été publié qu’en 1933, réunissant les impressions de voyage que Léon Degrelle avait publiées dans son nouvel hebdomadaire Soirées (du 23 octobre 1931 au 9 avril 1932, et non dans le vingtième siècle, comme le pense Francis Bergeron, p. 25).
Comme le titre l’indique (Mes Aventures), il s’agit d’une chronique personnelle du voyage au Mexique (décembre 1930-janvier 1931) où, effectivement, « Degrelle parle beaucoup de lui, de façon plaisante et avec talent » (évoquant notamment les péripéties du départ à Hambourg, du voyage sur le Rio Panuco, du débarquement à Vera Cruz, des séjours parmi différentes familles mexicaines, du départ rocambolesque pour les Etats-Unis…). Certes, le martyre des Cristeros mexicains est évoqué avec émotion, mais là n’est pas le sujet de ce livre écrit bien après le périple outre-Atlantique pour mener son enquête journalistique : ce livre documente plutôt les conditions de ce voyage que d’aucuns s’obstineront à prétendre fictif, tel, comme le rappelle Francis Bergeron, « le socialiste belge Frédéric Denis » (mais dans un pamphlet politique haineux – Rex est mort (1937)– où l’injure le dispute constamment à la calomnie).
En conclusion de cette chronique de voyage, Léon Degrelle peut d’ailleurs témoigner des résultats de son enquête : « Les catholiques m’ont expliqué l’épouvantable tragédie, m’ont donné la clef du conflit. J’ai vu les tombes innombrables, les parents des martyrs, les champs de bataille. J’ai assisté à l’agonie du catholicisme, à son étranglement, à ses derniers râles… J’ai vécu chez les révolutionnaires, étudié leur faillite agraire et sociale, visité leurs écoles, leurs prisons, assisté à leurs orgies, à leurs parades, à l’épanouissement de leur tyrannie. Dans une grande malle j’ai soixante-douze kilos de documents. » (Soirées, 27 février 1932, Mes Aventures au Mexique, p. 79).
Et ces kilogrammes de documentation, c’est dans les dix-neuf reportages publiés du 1er février au 19 août 1930 dans Le Vingtième Siècle qu’elle sera exploitée. Dix-neuf feuilletons du martyre mexicain qui eussent sans doute mérité d’être réunis en un livre, mais le fait qu’ils ne furent pas joints à Mes Aventures au Mexique montre bien la volonté de l’auteur de ne pas mélanger les genres. En effet, les anecdotes du globe-trotter, même si elles en permirent l’écriture, ne peuvent avoir la même tonalité que la chronique de la persécution des Cristeros. En voici quelques titres :
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La pitoyable aventure des paysans. Pauvres d’avoir été riches
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Pourquoi trois millions de Mexicains ont fui leur patrie
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Regards sur la misère des quartiers ouvriers de Mexico
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Vie scandaleuse des parvenus de la révolution mexicaine
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Comment éclata la guerre religieuse au Mexique
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Les tortures et l’héroïsme des catholiques mexicains
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Comment 4000 femmes mexicaines servirent avec un courage sublime dans l’armée des Cristeros
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L’impérialisme des Etats-Unis et les peuples latins d’Amérique
Et donc, si « Oui, le voyage de Degrelle au Mexique fascine Hergé » (Bergeron, p. 29), cette fascination n’a pu naître qu’avec ces reportages-là et, même déjà, avec les tout premiers articles de Léon Degrelle pour Le XXe Siècle (antérieurs donc aux reportages sur Les Taudis, contrairement à ce que pense Francis Bergeron, p. 23), sur Les fureurs antireligieuses au Mexique (« Où sont les chevaliers de la justice », « Comment on assassine au temps de Locarno », « Comment on meurt pour le Christ-Roi » « La persécution mexicaine. Pourquoi reculeraient-ils devant le sacrifice ? » et « Quand les catholiques s’en mêlent ! ») publiés à partir du 26 octobre 1928 (le premier article sur L’écœurante misère des taudis bruxellois ne paraît que le 5 décembre 1928).
Energique prise de position en faveur des catholiques persécutés qui sera amplifiée encore par le brûlot que le toujours étudiant Degrelle publia dans son hebdomadaire louvaniste L’Avant-Garde (21 février 1929) « Encore un catholique fusillé ! Catholiques Mexicains, répondez avec des balles ! »
C’est la tempête médiatique qui s’ensuivit qui décida Léon Degrelle à aller mener son enquête journalistique sur place : un voyage de tous les dangers aux préparatifs duquel la propre fiancée de Hergé prit une part essentielle !
Les Editions de « L’Homme Libre » ont l’intention de réunir, pour la première fois, sous le titre Cristeros, l’ensemble des textes de Léon Degrelle concernant le Mexique ainsi que les réactions qu’ils suscitèrent : nous nous sommes chargés d’une mise en perspective historique la plus rigoureuse que nous avons pu : elle éclaire très précisément la genèse de Tintin (sortie prévue en 2016).
(A Suivre)