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L’Encyclopédie de De Bruyne : mensonges et perfidie (9)

 3. Conditions de voyage de la déportation en France de Léon Degrelle

« dans un convoi comportant 73 personnes, accompagnées de 25 gendarmes et de M. DELIERNEUX, directeur au département de la Justice »

Avec un tel énoncé, De Bruyne laisse entendre que la déportation de Léon Degrelle s’est réalisée dans les meilleures conditions sous la protection de la gendarmerie et d’un haut fonctionnaire de la Justice !... Comme nous venons de le voir, il n’en est évidemment rien.

Sans ergoter sur le nombre de gendarmes formant l’escorte des prisonniers (mais aucun chiffre avancé par De Bruyne ne semble correct !), nous nous intéresserons plus particulièrement au nombre des déportés qui risquaient tout de même leur vie dans cette aventure.

 

Nous ignorons d’où l’ « Encyclopédiste » tire son nombre de 73 que nous n’avons retrouvé nulle part. Peut-être vient-il tout simplement du témoignage même de Léon Degrelle déclarant dans La Guerre en prison : « On parvint à les [les prisonniers] empiler dans ce réduit [la cave du kiosque d’Abbeville] à soixante-douze », ce qui fait évidemment, avec l’auteur qui avait été séparé de ses compagnons d’infortune, soixante-treize. Voilà donc l’éternel contempteur de Léon Degrelle pris en flagrant délit de confiance aveugle en ce qu’écrit Léon Degrelle ! D’autant plus qu’en l’occurrence, Léon Degrelle se trompe…

En effet, lui compris, ce sont 79 prisonniers qui quittent la prison de Bruges pour la frontière française. Arrivé à Dunkerque, Léon Degrelle est dénoncé aux gendarmes français par le fonctionnaire belge qui les accompagne (Adolphe Delierneux : voir ci-après) et séparé des autres qui poursuivent leur route, tout d’abord à la prison de Béthune où ils restent jusqu’au 19 mai, puis vers Abbeville où ils parviennent le soir. La prison d’Abbeville refusant de les recevoir, les 78 prisonniers sont entassés dans la cave du kiosque d’Abbeville.


Souvenons-nous que dans la même nuit du 19 au 20 mai, Léon Degrelle, entravé par des chaînes de bagnard, traversera la même cité d’Abbeville…

Pourquoi sommes-nous certains du nombre de prisonniers remplissant les trois autocars de ce voyage tragique ? Parce que l’épisode de l’assassinat de ces innocents otages a été tout particulièrement étudié par les historiens flamands, puisque, parmi les victimes, figurait la figure de proue du nationalisme grand-flamand, Joris Van Severen, le chef du Verdinaso (Ligue des Nationaux-Solidaristes Thiois).


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C’est ainsi que F. Van Berckel dresse la liste alphabétique précise de tous les occupants des cars (La mort tragique de Joris Van Severen et Jan Rijckoort, 1960, p. 83-84, en néerlandais ; l’auteur précise également que le convoi était accompagné de 27 gendarmes !). Carlos Vlaemynck, dans son Dossier Abbeville. Arrestations et déportations, va même jusqu’à préciser les circonstances de l’arrestation de chacune de ces 79 personnes (pp. 59-81, en néerlandais).

Et si De Bruyne, malgré son patronyme, ne comprend pas le flamand, il eût pu se renseigner auprès de son coreligionnaire en histoire « balacienne », Dirk Martin, qui donne également le chiffre correct dans son article en français Abbeville, la bavure (publié sous la direction de Francis Balace, dans la série Jours de guerre, n° 3, 1991), détaillant qu’il y avait, sous le kiosque –sans Léon Degrelle donc– 20 Belges et 58 étrangers.

 

4. « M. Delierneux, directeur au département de la Justice »

On se demande bien pourquoi De Bruyne prend la peine de signaler la présence de ce haut fonctionnaire de l’administration de la Justice, alors qu’il a passé sous silence les rencontres du jeune Léon Degrelle avec le Maréchal Pétain ou le Cardinal Mercier.

Serait-ce pour répondre à Léon Degrelle qui s’interroge dans sa Guerre en prison sur l’identité de la personne qui le persécute à pratiquement toutes les étapes de son calvaire ? Mais le faire 22 ans après son décès est bien inutile, d’autant plus que Jean Vanwelkenhuyzen (un vrai historien, celui-là !) avait déjà résolu l’énigme dix ans avant le décès de l’éternel persécuté de la justice belge (Jean Vanwelkenhyzen et Jacques Dumont, 1940. Le grand exode, 1983), de même que Carlos Vlaemynck dans le livre déjà cité où sont reproduits –en 1973 !– les procès-verbaux de l’enquête judiciaire qui suivit la plainte déposée à l’époque par Léon Degrelle)…

En ce qui nous concerne, lecteur de l’Encyclopédie de De Bruyne, il nous importe de souligner qu’avec Ganshof Van der Meersch, ce Delierneux fut le plus crapuleux et servile exécuteur des basses œuvres du régime. Se prévalant de titres ronflants et d’impressionnantes fonctions (directeur au Ministère de la Justice, agent de la Sûreté de l’Etat,…), loin de se montrer jamais soucieux du sort des « suspects » qui lui étaient confiés (et qu’il abandonna d’ailleurs dès l’arrivée à Dunkerque), il en fut le tortionnaire par procuration, essentiellement préoccupé de nuire à Léon Degrelle, probablement sur ordre, s’efforçant de favoriser son assassinat, exonérant ainsi la Justice belge de la responsabilité de la mort du chef de Rex en la reportant sur les Français !
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Mais s’il fut près de réussir à plusieurs reprises dans ce plan machiavélique, se douta-t-il jamais que c’est son intervention méchante à Dunkerque qui sauva providentiellement Léon Degrelle de l’assassinat collectif d’Abbeville ?

Pour documenter l’action de ce fonctionnaire assassin, il suffit de reprendre la liste de ses interventions auprès de Léon Degrelle, telles que celui-ci les rappelle dans La Guerre en prison, ainsi que le procès-verbal d’audition du directeur de la prison de Bruges, Victor Vergaelen, dressé suite à sa plainte.

Page 83:

« Un civil, aux lunettes d’écaille, m’apostropha avec une grossièreté, une violence qui en disaient long sur ses sentiments personnels. C’est lui qui me prenait en charge. Il me fit ligoter comme du bétail, avec une grosse corde qui me serrait les mains derrière le dos. »

Page 86:

« Une auto nous avait rejoints au sortir de Bruxelles et nous serrait de près. Le civil à lunettes la conduisait, flanqué de deux femmes qui, aux frais de l’Etat, s’amusaient follement à convoyer le bétail humain que nous constituions.
Cette voiture bifurqua à l’entrée de Bruges pour aller déposer ces dames. […]
On me jeta, toujours ligoté, dans une cellule glacée, sur la porte de laquelle, à la nuit tombante, le civil à lunettes vint donner de grands coups de pied furieux après m’avoir rendu visite.
Alors seulement on enleva mes cordes. Il n’était pas question de recevoir un croûton de pain. […] »

Page 92:

« On ne partait pas encore. Finalement, on vit ce qu’on attendait: une limousine nous dépassa, se mit en tête: elle contenait le mystérieux civil à lunettes, flanqué des deux femmes du lundi, plus joyeuses que jamais en contemplant les prisonniers enchaînés qui leur valaient une excursion de plus, dont le pittoresque battait tous les prospectus de l’agence Cook.
Ces dames étant au beau-fixe, on se mit en route. »

Page 100:

« Le mystérieux civil à lunettes qui me convoyait depuis lundi, extrêmement fier des incidents que ma présence suscitait, s’empressa de faire sortir de sa limousine les deux viragos qui l’inspiraient. Le sous-préfet se courba, baisa des mains. Les deux Grâces, l’aînée dont l’arrière flottait assez péniblement, la seconde, perchée sur des mollets de coq, roucoulaient d’aise. Nous étions en pleines mondanités.
[…] On attendait certainement un ordre. Finalement, le capitaine réapparut, fort agité, et entraîna le préfet et le civil à lunettes.
Celui-ci revint seul vers l’autocar, ouvrit la portière et lança:
– « Amenez Degrelle. »
J’avais à peine franchi, flanqué de deux gendarmes belges, le seuil d’un bureau, que le capitaine se précipitait sur moi, se saisissait de tout ce que je possédais et blême, dans un état inouï de fureur, m’interpellait d’une voix stridente […].
Le civil à lunettes s’était volatilisé. Les gendarmes n’avaient même pas un officier à leur tête. Ils avaient abdiqué toute autorité, abandonnaient leur prisonnier à des étrangers sans mandat. »

Page 149:

« La première [des deux visites que je reçus en trois semaines de détention à la prison d’Evreux, du 20 mai au 10 juin 1940] fut celle du mystérieux civil à lunettes de Bruxelles, de Bruges et de Dunkerque. Je faillis m’étrangler en voyant réapparaître cette brute qui m’avait livré à la mort. Je sentis gronder en moi un ouragan. Je le regardai avec des yeux où devait briller une telle fureur qu’il perdit pied, et disparut sans dire un mot. »

Tous ces faits sont confirmés par le procès-verbal de la plainte déposée par Léon Degrelle le 31 août 1940:

« Le lundi 13 mai, on me fit venir au Greffe, où l’on me fit remplir toutes les formalités de départ. L’après-midi un civil vint prendre livraison de moi et de quatre autres prisonniers au bureau du Greffe. Monsieur Wéry se trouvait parmi ces prisonniers. On nous lia les mains derrière le dos à l’aide de cordes et je fus l’objet de grossièretés et menaces de mort de la part du civil qui venait nous prendre.
Je porte en particulier plainte contre ce « civil » dont j’ignore le nom, mais que je pourrais facilement reconnaître et qui a d’ailleurs dû signer une décharge à la prison de Forest. Il était de taille moyenne, portait des lunettes, conduisait lui-même une petite auto noire.
Ce « civil » vint me revoir le soir dans ma cellule (à Bruges) où l’on m’avait incarcéré, les mains toujours liées sans qu’aucune formalité légale n’ait été remplie. Il m’insulta à nouveau et jeta de violents coups de pieds dans la porte de la cellule après l’avoir refermée.
A voir la manière dont il commandait le personnel de la prison, je crois que le civil appartenait à l’administration de la prison de Bruges ou était un haut fonctionnaire de la Sûreté ayant le droit d’y commander. […]
Après avoir dépassé sans formalités la frontière française, nous fûmes amenés à la caserne de Dunkerque où nous fûmes entourés par de nombreux militaires qui nous menaçaient. Ces militaires étaient belges et français, mais c’étaient surtout ces derniers qui étaient particulièrement violents.
À un certain moment survint le Préfet ou sous-préfet qui demanda au « civil » que je fusse livré aux autorités françaises, ou du moins je le présume, car immédiatement le « civil » ordonna aux gendarmes de me faire descendre et me conduisit à un petit bureau où se trouvait un capitaine français. […]
Les gendarmes belges ne réagirent pas pendant cette scène et l’un d’eux passa même son revolver au capitaine français qui le lui demanda pour m’abattre.
Puis il fut décidé que je serais exécuté au dehors et je fus amené entre des soldats français baïonnette au canon.
Le civil belge avait avant cette scène remis mes papiers d’identité et mon dossier au préfet de Dunkerque. […]
Les Allemands approchant de la ville on me transféra en hâte le 19 mai vers la prison de Rouen. C’est là que le même civil de Bruxelles, de Bruges et de Dunkerque, vint un jour entre le 1er et le 5 juin, si j’ai bonne mémoire, me voir dans ma cellule, où il ne me dit d’ailleurs rien. Je présume de cette visite que ce personnage continuait à être chargé de ma surveillance. »

Cette plainte provoqua une instruction au cours de laquelle Victor Vergaelen, le directeur de la prison de Bruges fut interrogé, corroborant tous les détails de la déposition de Léon Degrelle, même si c’est avec une évidente mauvaise foi. Ce faisant, Vergaelen nous donne également l’identité du « mystérieux civil à lunettes » :

« Degrelle Léon nous fut transféré à la prison de Bruges le 13 mai 1940 et quitta notre établissement le 15 mai. […] La personne (ce « civil ») à laquelle Degrelle fait allusion n’est personne d’autre que Delierneux, Directeur du Service central du Travail du Ministère de la Justice. C’est lui qui, de temps à autre, amenait des détenus politiques ou les emmenait de la prison de Bruges, ou du moins, donnait des ordres à cet effet.
C’est également lui qui commandait à la prison de Bruges lorsqu’il y était présent car en ma qualité de directeur de la prison, je suis sous les ordres d’un directeur du Ministère de la Justice. Les directeurs sont toujours d’un grade plus élevé.
Je dois également ajouter que Delierneux devait avoir reçu des instructions spéciales car il se présenta comme un agent de la Sûreté de l’Etat. Il doit avoir reçu un ordre de service ou un certificat à ce propos car je me souviens qu’une fois, alors que je l’accompagnais pour le service dans sa voiture, à l’occasion d’un contrôle militaire à Saint-André, près de Bruges, il présenta un papier disant qu’il était un agent de la Sûreté de l’Etat et reçut immédiatement le passage. […]
Delierneux a visité la prison (de Bruges) les 11, 12, 13, 14, 15 et 16 mai 1940.
C’est lui qui effectua le transfert des détenus parmi lesquels se trouvait Degrelle Léon, de Bruxelles à Bruges. C’est également lui qui régla leur départ.

A votre demande:
Delierneux était effectivement accompagné de son épouse et de sa fille.

Pendant qu’il était présent à la prison, Delierneux commandait, mais je l’accompagnais dans la mesure du possible. C’est ainsi que je me souviens l’avoir vu entrer dans la cellule occupée par Léon Degrelle, pendant que je restais à distance.
Je me souviens que Degrelle Léon et les autres qui furent amenés par le même convoi, avaient les mains liées derrière le dos avec des cordes. Aussitôt qu’ils se trouvèrent dans la cour intérieure de la prison et que je m’en aperçus par hasard, j’ai immédiatement donné l’ordre d’enlever les cordes. Je pense donc qu’il est exclu que Degrelle avait encore les mains liées lorsqu’il se retrouva en cellule, et ce, à n’importe quel moment.
Je dois cependant dire que j’ai donné cette injonction par hasard et que je n’ai pas prêté plus d’attention à l’exécution de mon ordre car je fus appelé ailleurs et c’est Delierneux qui s’occupait des détenus politiques. »

 

Que sait-on encore de ce personnage dont Jean Vanwelkenhuyzen et Jacques Dumont (1940. Le grand exode) nous disent que « par hostilité obtuse aux Allemands, peut-être aussi par lâcheté, il se conduit en fanatique » ?

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Créature du Parti socialiste, Adolphe Delierneux était « Directeur adjoint de l’établissement pénitentiaire de Merxplas »: c’est à ce titre qu’il figure parmi les délégués belges au Congrès pénitentiaire international de Londres en 1925. En 1930, dirigeant toujours la prison de Merxplas, Delierneux participe au Congrès pénal et pénitentiaire international de Prague, où il tient ces propos qui, lorsqu’on connaît l’attitude de leur auteur en mai 1940, valent leur pesant de cynisme et de mauvaise foi:

« […] il est passé le temps où l’agent subalterne ne devait être qu’un gardien […]. Une prison moderne doit être un centre de travail social, car le service pénitentiaire est un service social et quelle que soit la mission d’un agent ou fonctionnaire de cette administration, l’âme du travailleur social doit le pénétrer, pas l’esprit de surveillance et d’administration, esprit peu reluisant et qui cadre mal avec le service social. »

Celui qui se révélera un tortionnaire sans la moindre pitié pour les raflés politiques du 10 mai 1940 –et tout particulièrement Léon Degrelle– est en effet l’auteur de nombreux articles relatifs à une meilleure organisation de l’univers carcéral:

- La réorganisation du service industriel dans les prisons (Revue du droit public et de la science politique, 1921)

- Projet de création d’une « Œuvre post-pénitentiaire » (Revue du droit public et de la science politique, 1924)

- Essai de contribution au traitement des condamnés correctionnels adultes (Revue du droit public et de la science politique, 1930)


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Après une ultime visite au prisonnier Degrelle dans son cachot d’Evreux (vers le 22 mai 1940), Delierneux descend rejoindre les autorités belges à Bordeaux. Il embarque le 21 juin à bord du Léopold II qui appareille de Bayonne pour faire route vers la Grande-Bretagne (à son bord, notamment, le bourgmestre socialiste d’Anvers, Camille Huysmans, et sa famille, les députés socialistes Max Buset et Isabelle Blume ainsi que quelques autres politiques et syndicalistes belges). Après un voyage sans encombre, le navire arrive à Falmouth (petit port des Cornouailles à l’est de Plymouth) le 24 juin au soir.

Delierneux se rendra bientôt à Londres où il devient Chef de Cabinet du ministre socialiste du Travail et ministre des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak jusqu’au 14 avril 1944, date à laquelle il est détaché à l’Administration des Nations Unies pour le secours et la réhabilitation (UNRRA, United Nations Relief and Rehabilitation Administration qui avait notamment pour mission de… rapatrier et d’aider les réfugiés passés sous contrôle des Alliés !).

C’est désormais dans les milieux internationaux que Delierneux poursuivra sa carrière de « spécialiste » du milieu carcéral. En 1948, il devient « Deputy director of the Division of Social Activities of the United Nations » (directeur adjoint de la division des activités sociales de l’ONU). C’est ainsi qu’il publiera, en 1950 The United Nations in the Field of prevention of Crime and Treatment of Offenders et qu’en 1955, il participera en tant que vice-président honoraire, au Premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, à Genève.

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